Chapitre 3 : City-tripes à Telpir

Se répartir le travail de détection était une excellente idée et Mikaïl valida la demande de Baelsul. Il recommanda néanmoins au demi-elfe de balayer le terrain et de ne pas se laisser absorber par la seule analyse du monstre et de son environnement immédiat. Le jeune magicien insista pour que lui soit signalée toute aura suspecte, ainsi que la nature de cette dernière. Logiquement, en l'absence de tout signe de magie, il ne devrait pas être nécessaire de tenter de détecter l'invisibilité quoique cette précaution permettrait de discerner des extra-planaires.

Après avoir rappelé à Athanatar de garder sa nouvelle baguette à portée de main (celle-ci pouvant se révéler plus utile que l'arbalète pour contrôler leur adversaire), le Cormyrien incanta rapidement à l'abri des oreilles indiscrètes et se faufila à la suite de Laeylan, voulant ajouter ses propres observations à celle de la génasi.

Tapi dans les buissons, Mikaïl profita de son sortilège toujours actif pour chercher une éventuelle silhouette translucide afin de la signaler à ses compagnons ou, au contraire, d'indiquer que la voie était libre.

Espérant avoir acquis ainsi le maximum d'informations, le devin se tint prêt à marquer leur cible du rayon de visée juste avant que ses compagnons n'utilisent leurs armes de jet. Il garderait en réserve ses autres sorts selon l'évolution du combat. Graisse ou hébétement de monstres pour faire face à une menace immédiate, rayon de givre "modifié" qui baissera la force du monstre et rayon de maladresse pour le désorienter et finir éventuellement par un rayon de stupidité pour rendre l'animal inconscient. Ensuite, il faudrait se hâter de ligoter la bête et de l'immobiliser complètement dans des filets avant de la ramener en ville.

Espérons juste qu'aucun grain de sable ne vienne gripper cette machine, imparfaitement huilée...

Lance détection de l'invisibilité avant de se rapprocher du monstre (le sort durant 40 minutes, autant le faire en anticipation et éviter d'incanter à portée des oreilles de la bête.
Ensuite, en fonction de ce qui est détecté, "Rayon de visée" à coup sûr. Pour le reste, ce sera en fonction de ce que fait la bête. Le but est de lancer "Rayon de stupidité" pour réduire son intelligence à 0.
PS : j'utilise aussi ma Connaissance de la nature à +8 (compétence prise au passage au N4 toujours non validé. ), et éventuellement, connaissance des mystères à +12 et des plans à +10.

Si les machines n'avaient pas encore commencé à dominer Faerûn, c'était sans doute parce que le sable s'immisçaient partout. A l'exception de Laeylan, qui avait pleinement récupéré, et d'Atanathar, qui n'avait jamais subi les désagréments causés par la guenaude, chacun des Vengeurs pouvait ressentir cette faiblesse qui les hantait encore. S'ils avaient à livrer combat, ils avaient tout intérêt à utiliser au mieux leurs aptitudes et leur cervelle que leur force brute. La chaîne qui se déployait pour encercler leur proie avait quelques maillons faibles…

et grinçants…¹

On dit parfois qu'un ventre affamé n'a pas d'oreilles. Hélas, même repue, la bête prit conscience de leur approche. Laeylan était en position, et Atanathar avait armé son projectile drogué, mais les autres n'eurent pas le temps de se déployer totalement.

La forme sombre et poilue frémit en se redressant dans la pénombre du recoin rocheux, et ce fut la course. Dans un combat, l'initiative menait souvent à la victoire, même s'il advenait des pauses surréalistes quand les opposants s'épuisaient. Mais à cet instant, chaque protagoniste sut qu'il jouait sa vie sur sa première réaction.²

Brandissant un petit tube, Mikaïl se révéla et projeta un rayon magique qui illumina leur proie.³ Cela permit à Laeylan de s'approcher suffisamment pour lancer son filet.⁴ Atanathar y alla de son carreau, mais celui-ci ne sembla pas terrasser la bête. Peut-être avait-il acheté un poison au rabais ? Après tout il n'avait payé que cent pièces d'or et n'avait pas rampé dans l'illégalité la plus profonde pour l'acquérir. Il n'avait pas le temps d'y songer davantage…

Au moment où Merak déboulait en grognant, et lançait sa hache, le molosse se brouilla, ses contours devenant indistincts. Malgré le rayon de visée, le projectile manqua la zone d'ombres qui était désormais au bout de la corde tenue par Laeylan. La bête n'était pas un simple animal… La créatue hurla, un long cri à vous glacer le sang. Voyant certains de ses compagnons flancher, Mikaïl identifia leur adversaire. Un molosse d'ombres: il allait les faire paniquer, fuir dans les bois, et les dévorer un à un…

Baelsul décocha lui aussi son trait enduit de somnifère, qui se ficha entre les mailles du filet cousu d'ombres, sans l'abattre, pendant que Merak et Atanathar tournaient dos au combat pour s'enfuir à toutes jambes dans les sous-bois.

Mikaïl incanta frénétiquement son prochain sort, et frappa juste, malgré le camouflage. Avec un soubresaut, le molosse s'effondra foudroyé par le rayon jaune qui avait jailli de la main du mage, dans laquelle se consumait un petit chapeau conique. La genasi sentit la tension de la corde qu'elle tenait se relâcher. La magie des ombres qui entourait la créature se dissipa et on put à nouveau distinguer l'énorme molosse couvert de poils sombres.

A ces instants de combat intense succéda le silence, ponctué des cris de panique de leurs deux camarades.

¹: La bête est endormie, donc les tests de perception se font à -10. Elle a cependant un bon modificateur qui compense presque ce malus, et a fait un total de 12. Des personnages qui tentent de se déplacer silencieusement, à une dizaine de mètres, valent à peu près un DD de 12 (entre 10 et 14 selon l'armure portée). Donc je vous ai fait jouer les tests à chacun pour voir si vous battiez son jet. Vous écopez d'un malus de –2 à cause du sol forestier.
²: Laeylan, Mikaïl et Atanathar, qui ont réussi leur jet de furtivité, sont en position pour agir les premiers, mais n'ont pas de round de surprise à cause du réveil impromptu. Les autres doivent jouer l'initiative contre le molosse.
³: +1 aux jets d'attaque contre la bête, pendant 3 rounds.
⁴: J'ai oublié le malus de –4 à cause de la non-formation au maniement, mais ça passe quand même. La cible est enchevêtrée, ce qui la rend aussi plus facile à toucher car elle a un malus en dextérité.
Pour ma mémoire, le molosse a perdu 13PV.

Lancers...

Molosse endormi - Jet de compétence : Perception : 14(d20)-2 = 12
Laeylan - Jet de compétence : Furtivité : 7(d20) +7(deg) +4(Dex) -2 = 16
Atanathar Alcharyn - Jet de compétence : Furtivité : 5(d20) +1(deg) +4(Dex) +4(taille) +2(race) -2 = 14
Baelsul - Jet de compétence : Furtivité : 2(d20) +0(deg) +4(Dex) -2 = 4
Merak - Jet de compétence : Furtivité : 9(d20) +0(deg) +3(Dex) -2(Armure) -2 = 8
Mikaïl - Jet de compétence : Furtivité : 19(d20) +0(deg) +3(Dex) -2 = 20
Mikaïl - Jet de contact à distance (Rayon de visée) : 19(d20) +1(bba) +3(Dex) = 23 vs DD11 ~ Réussite
Laeylan - Jet d'attaque à distance (Filet) : 16(d20) +3(bba) +4(Dex) +1 = 24 vs DD11 ~ Réussite
Atanathar Alcharyn - Jet d'attaque à distance : 17(d20) +1(bba) +4(Dex) +1(taille) +1 = 24 vs DD12 ~ Réussite
Atanathar Alcharyn - Jet de dégât (carreau) : 5(d6) = 5
Atanathar Alcharyn - Jet de chance : 19(d20) = 19
Baelsul - Jet de chance : 13(d20) = 13
Molosse - Jet de vigueur : 11(d20)+7 = 18 vs DD11 ~ Réussite
Molosse - Jet de vigueur secondaire : 5(d20)+7 = 12 vs DD11 ~ Réussite
Molosse - Jet d'initiative : 7(d20)+5 = 12
Baelsul - Jet d'initiative : 6(d20) +4(DEX) = 10
Merak - Jet d'initiative : 14(d20) +3(DEX) +2(trait) = 19
Merak - Jet d'attaque à distance : 4(d20) +1(bba) +3(Dex) = 8 vs DD12 ~ Echec
Atanathar Alcharyn - Jet de volonté : 5(d20) +3(base) +1(SAG) +1(chance) = 10 vs DD13 ~ Echec
Baelsul - Jet de volonté : 12(d20) +4(base) +0(SAG) +1(Force d'âme) = 17 vs DD13 ~ Réussite
Laeylan - Jet de volonté : 10(d20) +0(base) +2(don) +2(SAG) = 14 vs DD13 ~ Réussite
Merak - Jet de volonté : 7(d20) +0(base) +0(SAG) = 7 vs DD13 ~ Echec
Mikaïl - Jet de volonté : 14(d20) +3(base) +1(SAG) +2(trait) = 20 vs DD13 ~ Réussite
Mikaïl - Jet de compétence : Connaissance (plans) : 5(d20) +6(deg) +4(Int) = 15 vs DD14 ~ Réussite
Baelsul - Jet de chance (camouflage) : 19(d20) = 19
Baelsul - Jet d'attaque à distance : 6(d20) +5(bba) +4(Dex) +1 (don prédilection) +1 (altération) +1 (tir à bout portant) +1 (rayon de visée) = 19 vs DD7 ~ Réussite
Baelsul - Jet de dégât : 4(d8)+4 = 8
Molosse - Jet de vigueur : 8(d20)+7 = 15 vs DD11 ~ Réussite
Atanathar Alcharyn - Rounds de panique : [2+2](2d4) = 4
Merak - Rounds de panique : [3+4](2d4) = 7
Molosse - Dé de vie montée de niveau : 1(d20) + 2(don) = 3
Molosse - Jet d'initiative : 3(d20)+5 = 8
Baelsul - Jet d'initiative : 1(d20) +4(DEX) = 5
Laeylan - Jet d'initiative : 4(d20) +4(DEX) +1(fougue) = 9
Mikaïl - Jet d'initiative : 17(d20) +3(DEX) = 20
Mikaïl - Jet de chance (camouflage) : 17(d20) = 17
Mikaïl - Jet d'attaque à distance : 9(d20) +1(bba) +3(Dex) +1 = 14 vs DD7 ~ Réussite
Mikaïl - Jet de dégât : 3(d4)+1 points d'intelligence = 142

Alors que le demi-elfe avançait à l’unisson avec le groupe, sa progression, même s’il l’avait voulu la plus silencieuse possible fut finalement bruyante jusqu’à réveiller la bête. Il avait marché trop lourdement sur le sol forestier et son approche avait cassée la surprise.

La position du groupe compromise, il restait à passer à l’action. Flèches et projectiles devait prendre le relais. Une flasque, un carreau et un filet plus tard, la bête restait sur pied et si ce n’était pour le hurlement qu’elle lacha, on eu put dire qu’elle n’avait rien senti. Plus révélateur encore de la puissance de ce monstre, était sa capacité à devenir invisible ou quasi-invisible !

* Peut-être nous sommes-nous trop emballés en nous attaquant à un monstre que nous croyons être à notre portée. S’il utilise de pouvoirs magiques, je craint que nous ne soyons pas de taille. Désormais, il nous faut tenter de le vaincre et nous ne pouvons réussir qu’ensemble.*

À ce moment là, le lunargentais se rendit compte que deux de leurs compagnons filaient à la zenthilar.

- Nous devons rester ensemble, cria-t-il à Laeylan et Mikaïl qui restaient en pleine possession de leur état.

Il aurait voulu s’adresser à Athanatar et Merak, mais ils ne semblaient pas être en état de le comprendre.

- Peut-être devrions-nous les suivre pour les protéger ? Ou bien tentons-nous d’abattre la bête ?

Alors que de toute évidence il doutait, il décida d’encocher une nouvelle flèche pour essayer de défaire leur ennemi. Un monstre si féroce… Il ne fallait pas lui laisser l’opportunité de reprendre le dessus, ni de s’échapper de son filet dans lequel Laeylan l’avait attrapé. Plus rapide que lui, Mikaïl mit fin au combat en achevant la créature. Baelsul souffla intérieurement. Regardant ses camarades, il questionna :

- Qu’était-ce ? Assurons-nous qu’il est bien hors d’état de nuire et allons vite récupérer nos deux camarades.

Joignant l’acte à la parole il s’approcha de la créature armé de sa lame pour éventuellement porter un coup fatal. Si jamais elle était morte, il filerait retrouver Athanatar pour le raisonner.

Un petit sourire de satisfaction naquit sur le visage de Mikaïl alors que la bête s'effondrait sous l'effet du rayon jaune. Décidément, l'étude du carnet noir trouvé chez la guenaude s'avérait nettement plus profitable qu'il ne l'aurait envisagé en prenant possession du document. Les réflexions et études amorcées par la sorcière avaient servi de base au jeune mage pour ses propres investigations, l'amenant à développer des sortilèges dont il venait d'avoir la preuve de l'efficacité. Savoir que ce carnet n'avait pas encore livré tous ses secrets était également une source de satisfaction mais promettait de longues heures de lecture et d'analyse pour bien en exploiter toutes les subtilités. Certains trouvaient que le temps passé à déchiffrer méthodiquement ces pattes de mouche était du temps perdu, mais pas Mikaïl pour qui le véritable pouvoir passait par la connaissance et qui ne ménageait pas sa peine pour en apprendre toujours davantage, augmentant par là sa propre puissance.

- Arrête et range ton arme, intervint-il d'une voix sèche en voyant Baelsul s'approcher du monstre inconscient. Essaie plutôt de rattraper nos compagnons avant que leur retour précipité en ville ne provoque une panique générale.

S'avançant à son tour, le jeune noble observa un instant le molosse, vérifiant que sa poitrine se soulevait toujours régulièrement, signe que l'extraplanaire vivait encore. Affalé sur le sol et emmêlé dans le filet, le monstre paraissait nettement moins redoutable bien qu'intrigant. Le mage se dit qu'il passerait bien quelques heures à l'étudier, histoire d'en apprendre davantage sur cette faculté de disparaître dans les ombres.

- Laeylan, veux-tu de l'aide pour ligoter cette créature ? s'enquit-il calmement, utilisant l'Aquatique pour l'occasion. Elle ne commencera à reprendre conscience que dans plusieurs heures, nous avons donc le temps de bien l'immobiliser et de la ramener à Telpir. Par contre, j'espère que Baelsul réussira à rameuter nos compagnons car ils ne seront pas de trop pour aider à transporter ce molosse.

Mentalement, Mikaïl se frottait les mains de plaisir. Outre la récompense promise par Gorstal Hammers pour ramener la bête vivante, le Cormyrien espérait aussi profiter de ce fait d'arme pour entrer dans les bonnes grâces de l'enchanteur afin de remettre sur la table sa demande initiale : avoir accès à la bibliothèque de l'homme et éventuellement pouvoir acquérir certains ouvrages spécifiques.

Autant Atanathar et certains de ses camarades avaient pris position silencieusement autant on ne pouvait en attendre de tout le monde et la créature fut réveillée par le craquement d'une brindille ou le bruissement des feuilles.

Peu importait, la bête était alertée et les Vengeurs durent passer à l'action prématurément. Atanathar, visa de son arbalète et fit mouche avec un de ses carreaux soporifique. Cependant il eut l'impression que la bête ne ressentait pas les effets de la drogue achetée, certes à la va vite, mais qu'il espérait de bonne qualité vu le montant déboursé.

Les compagnons y allèrent chacun à leur tour, comme si leur vie en dépendait mais cela ne semblait pas affecter cette étrange créature.

Lorsque celle-ci émit un cri strident et au combien apeurant, notre jeune Hin ne peut se retenir et il prit ses jambes à son cou. Il couru à perdre haleine, se prenant les pieds dans les racines et les ronces, se relevant vaille que vaille pour mettre la plus grande distance possible entre lui et cette effroyable bête. Il courait pour fuir cette horreur sans nom, à l'aveuglette, se retournant sans cesse pour vérifier qu'il n'était pas suivi et fini par percuter une branche basse qu'il ne put éviter et se retrouva étaler pour le compte.

Atanathar ne savait pas combien de temps il était resté inconscient mais lorsqu'il reprit connaissance, il eu le plaisir de constater que la bête ne l'avait pas rattrapé et encore moins dévoré. Tachant de récupérer ses esprits et son chemin, le jeune magicien fût bien content d'entendre ses compagnons crier son nom pour tenter de le retrouver dans la forêt.

- Ici les amis, je suis là. Cria-t-il à son tour marchant à leur rencontre et pour leur indiquer la position

Ce fut un sentiment étrange qui les anima lors de leur retour. La bête solidement ligotée pesait un poids considérable, et malgré la fierté de leur victoire — ou la honte de leur fuite —, la peur qu'elle ne se réveillât les hantait à chaque pas. Mikaïl pouvait bien les assurer que la bête était tangible et ne pouvait pas se dissiper en fumée, il n'en avait réellement aucune certitude. Par précaution, ils empruntèrent donc des chemins bien illuminés, se doutant que si l'affrontement avait eu lieu en pleine nuit, il n'aurait pas eu le même dénouement.

Si le molosse avait l'intelligence de chiens de guerre entraînés, il était donc capable de traquer, effrayer et diriger ses proies vers un terrain qui l'avantageait, sans se risquer à pénétrer un maison et se battre dans un espace confiné. La raison pour laquelle Hammers voulait acquérir un tel prédateur défiait l'entendement. Et puis, comment s'était-il retrouvé là ?

La journée touchait à sa fin quand ils arrivèrent en ville. Les gens changèrent de trottoir, pas parce qu'ils paraissaient virils, mais parce que leur prise faisait peur à voir. Et pourtant, très vite, on se mit de nouveau à acclamer les Vengeurs, à les féliciter d'avoir tué la bête. Jusqu'à ce que quelqu'un remarque que la créature était attachée, et donc sans doute encore vivante et dangereuse…

– Pourquoi vous l'avez pas encore massacré ce monstre ? Faut lui faire la peau !
– Ouais, sinon elle va recommencer ses attaques. Elle va emporter vos enfants. Elle viendra les dévorer la nuit !
– Elle doit finir au milieu de trophées accrochés sur un mur ! Il faut tuer cette bête !

Ce fut un véritable chœur¹ qui se forma rapidement pour reprendre ce chant:

– Tuons la bête !

¹: Vous voyez ce que je veux dire ? Une semaine d'XP à gagner !

C'est bien fatigué que Mikaïl était arrivé en ville. Pourtant, le mage, qui n'était toujours pas rétabli des séquelles de la rencontre avec la guenaude, n'avait pas beaucoup contribué au transport de la bête, laissant ses compagnons se charger du travail mais le simple fait de devoir suivre le rythme de progression suffisait à l'épuiser.

Aussi, ce fut l'humeur partagée entre la fierté de la capture du molosse et l'irritation de se sentir aussi faible physiquement que le Cormyrien était arrivé au village. Le changement d'attitude des badauds, passant de la reconnaissance euphorique à la panique incontrôlée, le fit soudain exploser.

- Arrière ! La voix de Mikaïl claqua comme un coup de fouet en réponse au chœur effrayé des villageois. J'ai neutralisé la bête et elle ne peut plus vous nuire. Allez plutôt chercher rapidement Gorstal Hammers.

Réalisant que de simples affirmations ne suffiraient pas à convaincre une populace trop terrorisée pour réfléchir, le jeune mage poursuivit d'une voix plus conciliante :

- Il est anormal qu'une telle créature se retrouve dans notre plan. Nous devons découvrir comment elle a pu y parvenir et, pour cela, nous avons besoin de la garder en vie quelques temps pour l'étudier. Maître Hammers possède, sans aucun doute, le moyen de maintenir ce monstre captif en toute sécurité.

La main du Cormyrien était crispée sur son bâton au point d'en faire blanchir les articulations. La détermination se lisait dans son regard et, visiblement, si tentative de lynchage de la bête, il y avait, Mikaïl n'hésiterait pas à s'interposer.

- Réfléchissez ! Nous devons absolument savoir si ce molosse était seul. Imaginez que plusieurs de ses semblables puissent se matérialiser également dans notre plan et rôder ensuite dans la forêt. Nous devons nous assurer que cela ne se produise pas mais pour cela, nous avons besoin de maintenir cette bête en vie. Le lien entre elle et le portail qu'elle a emprunté ne se maintient que tant qu'elle est vivante.

Sur ce dernier point, Mikaïl n'avait aucune certitude mais la menace d'un plus grand danger devrait pousser les villageois à davantage de retenue. Il fallait maintenant espérer que Gorstal Hammers ne traîne pas trop...

Étonné, mais finalement pas tellement, que le peuple réagisse de cette manière, le demi-elfe s’attendait à un accueil beaucoup plus enthousiaste de la part des citadins. Ils avaient déjà ramené une guenaude morte, un fait d’arme qui avait fait parlé. Il ramenaient désormais un molosse issu d’autres plans, voilà qui devrait en impressionner plus d’un ! Même si ce n’était absolument pas le but recherché par le lunargentais il n’en était pas moins fier. Cette fois-ci il avait fait peu finalement, Mikaïl ayant tapé plus haut et plus fort. Voilà un magicien qui cachait bien son jeu. La puissance de ses sorts n’avaient pas impressionné Baelsul qui pratiquait lui aussi la magie. Voilà qu’il avait fait fort.

L’archer se rendit compte à quel point finalement il connaissait peu ses acolytes en dehors de Laeylan. Quelles étaient leurs motivations ? Mikaïl semblait avide de connaissance et prêt à quelque compromis avec Gorstal, personnage suspect au possible.

Baelsul, mal à l’aise avec le coup de bluff du magicien, décida de ne pas en rajouter. Néanmoins il essaya de frayer un passage pour le groupe, en direction de la demeure du fameux Gorstal. Il faisait signe de s'écarter à l'attroupement en essayant cependant de ne pas les échauffer plus qu'ils ne l'étaient déjà.

Heureux que la bête soit encore dans les vapes, il ne fallait pas qu’elle se réveille. Après ce qu’elle avait infligée à Athanatar et Mérak, il ne souhaitait pas savoir ce qu’elle pourrait faire comme chaos au sein d’une foule pareille.

Après avoir retrouvé ses esprits, Atanathar, un peu gêné de sa réaction face à la bête, retrouva également ses compagnons. La bête avait été maîtrisée, apprit-il, par les pouvoirs magiques de Mikaïl. Ce qui impressionna le jeune magicien qu'il était.

Le retour en ville fût un peu chahuté, les habitants ne comprenant pas que les Vengeurs aient laissé la bête vivante, ils en réclamaient la peau.

Apparemment issue d'un autre plan la bête n'avait pas sa place dans Féérune et ce point rajouté à la dangerosité de l'animal confirmait Atanathar dans son choix original qu'il fallait mieux la voir morte que vivante, mais il s'abstint d'exprimer le fond de sa pensée à voix haute.

Mikaïl tenta de raisonner la foule et le Hin fût bien content qu'il s'en charge, il n'en avait ni l'envie ni la stature et il aurait certainement manqué de conviction.

Il était au moins d'accord sur un point avec Mikaïl, il fallait trouver Gorstal Hammers et se serait à lui de gérer la foule et leur peur de la bête sauvage. Pour ce faire il tentait d'ouvrir un passage au groupe vers la demeure de Maître Hammers.

Il avait hâte de goûter à un repos bien mérité.

Si le combat contre la créature de l’ombre fut finalement de courte durée, la surprise de le maitriser aussi facilement en un seul rayon de lumière ne fut que bien maigre par rapport au fait que cet humain qui faisait jaillir des rayons de ses doigts parlait également la langue aquatique. Elle n’aimait pas la magie mais savait ses miracles, cependant ce langage était immensément rare en surface. De l’aide pour ficeler la chose ne serait pas de trop mais sa formation de marin lui donnait un avantage certain pour s’assurer que ni les pates ni la gueule de la chose ne bougerait plus jusqu’à ce qu’elle n’en décide autrement.

Au retour a la ville, une fois les collègues apeurés de retour au calme, la situation dégénéra rapidement. Tout au long du trajet, voyant ce que la créature avait fait en un seul cri à ses compagnons, elle ne pu s’empêcher de gamberger sur le sujet. D’abord la Guenaude ensuite ce truc noir. Deux créatures magiques en quelques jours qui avaient un tel pouvoir sur les autres était assez inquiétant pour elle. Pas trop peureuse, elle se disait en son for intérieur après les réflexions des ses compagnons, qu’ils avaient eu une chance assez insolente finalement durant ces deux affrontements. Si la bête venait à se réveiller, elle ne s’interdisait pas d’envisager la fuite selon la situation. Elle se dit également que si elle voulait continuer cette vocation naissance de chasseuse de monstre il faudrait qu’elle en apprenne plus sur les défenses magiques qui existent.

Pendant que le jeune magicien aux multiples surprises s’était mis en tête de gérer la foule, elle de son coté entrepris de vérifier tous les cordages de la créature pour s’assurer que rien n’allait lui permettre de se libérer. Resserrer les nœuds et rajouter un ou deux nœuds de marins pour verrouiller le tout. Cette histoire de vengeur, loin de lui monter au cerveau lui fit plutôt l’effet inverse. Pourtant, si la notoriété ne lui faisait pas pousser des ailes, le frisson d’avoir réussi à capturer cette chose vivante lui faisait naitre un sentiment ambivalent. Contente de l’avoir vaincu, mais désappointée de ne pas l’achever. Si la Guenaude était trop dangereuse de n’avoir tué que deux malheureux naufragés, ce chien avait chassé, et s’était montré plus malin et fort que ses proies. Le respect de la créature, de la chasse, toutes ces notions se bousculaient dans sa tête a mesure qu’elle vérifiait les cordages. Elle se découvrit même sa main sur son arme, prête à achever la bête quand Mikaïl annonçait ses arguments. Elle le regarda d’un œil interrogateur pour scruter son visage et tenter de déterminer s’il disait la vérité ou si ce n’était que des boniments pour calmer le badaud. Dans le doute, elle rangea sa lame à peine sortie de quelques pouces pour se remettre à tirer avec ses compagnons. Elle lui poserait la question plus tard, loin des oreilles indiscrètes.