Un petit boulot facile

Devant cette scène de chaos et de débauche, Thojan-Redgar eut un petit rire nerveux et nasal. C'était bien là un lieu de perdition que la ville aurait du raser purement et simplement. Combien de solutions apportaient cet établissement, pour combien de problèmes à la société ? C'était au-delà de la compréhension du tormtar.

Voyant Bartos s'engager résolument dans le bâtiment, et franchir le vigile qui faisait passer Thojan — et son un mètre quatre-vingt — pour un nain famélique, Redgar se tourna vers ses compagnons avec un demi-sourire.

– Après vous, Patron ?

Puis son visage se ferma en un masque de concentration, et il rentra à la suite de Bartos. Avec ce qui volait par ici, il n'était que trop heureux d'avoir enfoncé le couvre-chef sur son heaume…

Ils n'eurent pas à enquêter longtemps. D'après les acclamations, le duelliste qui était sorti par la fenêtre avait été le porteur de la lettre. C'était avec lui qu'ils devaient discuter, au calme. A condition qu'il ne se fasse pas tuer ! Le pseudo-mercenaire partagea son attention entre le combat et les potentiels dangers alentours, mais il n'avait pas assez de ses deux yeux. D'un murmure, Redgar proposa à ses compagnons:

– Si ce combat tourne mal pour Siff, je m'intercale avec mon bouclier, expliquant qu'on a affaire avec lui, en un seul morceau.

Une lueur espiègle parcourut le regard de Stor-Rand alors qu'il inclinait pour légèrement la tête avant d'entrer dans la taverne à la suite de Bartos, laissant à ses gardes du corps le soin de fermer la marche.

Pour un établissement animé, c'était un établissement animé, guère différent, au fond, de ceux qui s'élevaient dans les quartiers malfamés des autres villes. Comme il fallait s'y attendre, des consommateurs avinés avaient formé un cercle autour d'une rixe qui s'annonçait, dans l'indifférence totale du reste de la clientèle.

Lançant un regard, en apparence distrait vers les belligérants, Stor se dirigea vers le bar, trouvant un espace dégagé entre deux poivrots affalés dessus. À en juger par les encouragements qui fusaient, l'homme qu'ils recherchaient était bien dans la taverne et, potentiellement en position de prendre un mauvais coup. Néanmoins, l'arrivée de Grommdyr dans le cercle des spectateurs laissait supposer que le videur s'intercalerait si le sang devait couler.

Faisant un signe à l'homme qui se tenait derrière le comptoir, Stor lui fit un léger signe en posant une pièce d'or sur le bar.

- Patron, sers nous donc quatre bières pour mes compagnons et moi, commanda-t-il d'une voix calme. C'est toujours aussi animé chez vous ?

Tournant légèrement la tête, le halfelin eut un léger regard vers le combat.

- Lequel des deux est donc ce Siff qui semble avoir les faveurs du public ?, demanda-t-il de façon désinvolte au tavernier.

Après tout, aucun indice particulier ne permettait de savoir qui était qui et il ne faudrait pas qu'ils se trompent en prenant partie pour le mauvais cheval.

C’était le genre d’endroit que l’expatrié détestait par-dessus tout. Le chaos et la débauche, ça puait à plein nez. Tout le contraire des valeurs qu’il prône. Encore heureux qu’il savait se focaliser sur sa mission pour ne pas déguerpir d’ici. En effet, il se faisait violence d’autant qu’il devait aussi jouer la comédie en se faisant passer pour un mercenaire garde du corps avec son déguisement magique de tête d'assassin. Son regard intimidant suggérait de ne pas trop s’approcher d’eux, un bon moyen de décourager les voleurs à la tire. Comme il était déjà assez mal luné, il n’avait pas besoin de surjouer pour montrer son humeur massacrante.

A croire que la chance était avec eux car le fameux Sif qu’ils recherchaient pour leur enquête semblait être l’un de ces hommes provoqués en duel. Par contre, cette chance pourrait tourner au désastre s’il venait à mourir. Le prêtre Thojan fut le premier à se proposer d’agir si le combat tournait mal. Kuan approuva d’un hochement de tête, s’économisant de parler. D’un coin du regard, il surveilla la présence du colosse qui devait surveiller et imposer l’ordre dans la taverne. Allait il agir ou attendre l’issue du duel ? Le guerrier de l’orient avait de sérieux doutes sur la réponse. Comme il devait assurer sa couverture, il suivit son soi-disant patron halfelin pour le surveiller de près et garantir sa sécurité.

Déjà il tiqua sur le fait d’être appelé mes compagnons, lui il aurait plutôt dit « mes hommes ». Il espérait que le barde n’allait pas avoir la langue trop pendue et ainsi se risquer à commettre des erreurs pouvant les démasquer. Adossé au comptoir, à la droite de Stor, il avait ainsi une vue sur lui et sur le combat. Là comme cela il paraissait inoffensif mais à tout moment il pouvait matérialiser dans sa main une lame d’énergie qui ferait probablement son effet, au moins visuellement…

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Kuan 14(d20) + 11 = 25 test perception réussi

Il était clair qu'ils avaient mis les pieds dans une antre de débauche et qu'ils n'étaient pas de ce milieu. Stor surprit le tavernier avec cette pièce d'or qui couvrait largement le salaire journalier de la plus part des truands de ce trou à rats. Celui-ci fit un geste anodin à l'un des lascars affalés au fond de la salle qui se leva de table et sortit accompagné d'autres hommes par une porte au fond de la salle.

Stor ne remarqua ni le geste ni les hommes contrairement à Kuan qui y vit un mauvais pressage. Kuan eût le temps d'apercevoir le quatuor faire un geste en direction de Stor en ricanant avant de quitter la salle.

Le tavernier reprit la conversation en rendant l'argent au Halfelin, vous n'êtes surement pas du coin sinon vous sauriez qui est Siff. Il aime provoquer les matelots et souvent ça se finit assez mal...le tavernier montra de sa main le combat et ce que Phin, Rand et Redgar virent les fit presque tressaillir.

L'homme aux dagues coupait la chair de son adversaire avec une précision chirurgicale, son agilité était déconcertante. Tel un boucher talentueux, il découpait tendons, artères et perforait des organes, le sang giclait accompagnant ses gestes tel un artiste qui peindrait une toile sordide.

- Ah Siff, il faut être abruti ou ivre pour accepter ses provocations, ce pauvre homme n'avait aucune chance. Une seule entaille de Siff et Morphée viendra te dorloter avant même que tu aies compris que la faucheuse t'attend au bout du cauchemar...

C'est pour cela que Grommdyr attend la fin de la danse macabre de notre assassin local. La seule chose que Siff aime plus que le sang c'est l'or, surement son seul point faible à ce qu'on raconte...

L’expatrié shou sous son déguisement magique de garde du corps faisait bien de rester vigilant car l’endroit puait la vilénie. Et il redoutait que son camarade halfelin n’attire trop l’attention sur lui par ses questions ou par son or. La réaction du tavernier à la vue d’une pièce d’or lui donna comme un petit coup d’électricité dans l’échine du dos qui l’alertait d’un mauvais présage. Il ne fallait pas être devin pour comprendre qu’en sortant de là, ils auraient un petit comité d’accueil pour leur vider les poches voire pires.

Kuan lâcha un long soupir. Au moins maintenant il savait qui était ce fameux Siff. Et si cela aurait peu probable qu’il soit un homme fréquentable, là on touchait le gros lot de l’odieux et monstrueux personnage. C’était le genre que le guerrier de l’orient exècre. En tout cas, il fallait bien admettre qu’il était un redoutable bretteur.

D’un signe de tête, il attira l’attention du prêtre de Torm pour lui désigner les hommes qui sortaient. Il comprendrait probablement ce que cela sous entendait.

– Moi je ne tue que quand le besoin s’en fait sortir mais sans pitié. La dernière fois, c’était un guet-apens contre mon maître qu’on a voulu dépouiller de ses richesses…

Y’aurait -il un message subliminal adressé au tavernier ? Peut-être. En tout cas, son regard qui lui avait été adressé d’un coup de tête était glacial. Pour ce message, Kuan ne mentait pas. Il faisait référence à une attaque qu’il avait subie par des orques en escortant son frère et maître Cycas. Ses flèches et sa lame psychique avaient fait regretter à jamais aux orques de les avoir attaqués.

– Heureusement qu’ici dans cette ville, les hommes savent faire des affaires de façon honorable.

Bien sûr, il avait dit cela sur un ton ironique mais aussi pour faire baisser la pression qu’il venait de mettre. Mais c’était clair que si il y avait un comité de sortie à leur rencontre, le tavernier aurait des comptes à rendre…

Stor-Rand hocha lentement la tête comme s'il approuvait les paroles du tavernier. Avant d'empocher la monnaie qui lui était rendue, le halfelin l'avait fixé une petite seconde du regard comme s'il en vérifiait le montant puis, prestement, il la fit disparaître dans sa bourse, laissant néanmoins une pièce d'argent sur le comptoir.

- Il m'a l'air particulièrement habile, votre Siff, commenta le barde avant de poursuivre à l'intention de ses compagnons en tournant légèrement la tête vers eux. Vous croyez qu'il pourrait être à la hauteur pour nos affaires ?

Revenant vers l'homme derrière son comptoir, le barde reprit :

- Serait-il possible de le rencontrer dans un endroit un peu plus calme ? Votre établissement possède certainement des pièces un peu plus discrètes que la salle commune. Je vous en serais reconnaissant.

Stor-Rand affichait une parfaite décontraction comme si se trouver dans ce genre de coupe-gorge était monnaie courante pour lui. La danse sanglante qui avait lieu à quelques mètres de lui n'entamait pas sa placidité. Si le barde avait remarqué les allusions à peine voilées de Kuan, il n'en laissait rien paraître, montrant toujours une assurance qu'il ne ressentait peut-être pas complétement.

Test de Tromperie et/ou d'Intimidation pour jouer son personnage. Test de Social pour obtenir la coopération du tavernier.

Avisant les individus louches indiqués par Phin-Kuan, Regdar-Thojan ne relâcha pas sa vigilance. Il laissa Rand-Stor interroger le tavernier, et observa le combat. N'y avait-il donc aucune loi contre ce genre de spectacle, dans cette ville ? Évidemment, même à Tantras, de telles rixes pouvaient avoir lieu, mais elles auraient rapidement attiré l'attention de la garde, surtout quand l'un des protagonistes se faisait jeter dehors. Et une meurtre mettrait le quartier sans dessus dessous. Seules les Mains Grises, la guilde de voleurs locale, aurait pu se targuer de couvrir de telles exactions, et même eux préféraient le vol à la violence gratuite…

Le prêtre s'assura d'observer le style de combat du dénommé Siff. Encore trop récemment à son goût, il avait du faire face à une duelliste armée de dagues, et il savait que la meilleure chose à faire était de garder ses distances et une longue lame entre soi et son adversaire. Mais dans des espaces confinés, comme ici, cela n'augurait rien de bon. La matraque risquait de n'être pas assez expéditive; quant au Pouvoir de Torm, il le révélerait sans doute…

Regdar

– Il va le vider de son sang… Ça va pas trop attirer l'attention sur cet endroit ? D'un air faussement désinvolte, Regdar commentait le combat au vigile1, à quelques pas du bar et de ses compagnons: – Il a l'air d'un sacré combattant. Est-ce qu'il loue ses services, ou il est déjà… affilié ? -------------------- L'homme était particulièrement sérieux, et concentré sur sa tâche. Il ne cessait de fouiller les alentours du regard, et bien que lourdement armé, gardait pour l'instant sa main sur la matraque qui pendait à sa taille.

¹: Si Grommdyr est trop loin pour que Regdar puisse lui parler sans s'éloigner plus de quelques pas, il demande à un spectateur quelconque. ça peut être une tentative différente de prise de renseignements sur Siff, ou être considéré comme une aide pour Stor.

Le tavernier jaugea Kuan du coin de l'oeil comme s'il essayait de vérifier s'il était en capacité d'accomplir ce qu'il avançait. Avec un sourire sournois le tavernier enchaina la conversation avec un rire désinvolte.

-Ah vous savez par ici il n'est pas rare que les voyageurs se fassent agresser pour de l'argent, heureu...éhem!! éhem!!dit-il en toussant comme s'il avait bafouillé, malheureusement la garde ne peut pas protéger tout le monde, dit-il avec un sourire narquois.

Bref, ne parlons pas de choses aussi graves et profitons du spectacle plutôt.

L'homme ramassa la pièce d'argent et la mit à sa bouche pour vérifier la valeur en croquant le métal. Il se tourna vers Stor et lui dit...

- Vous savez comment vous faire des amis vous!!

Le tavernier semblait vraiment content du pourboire.

- Vous n'aurez aucun mal à le rencontrer personnellement si c'est ce que vous voulez, par contre je me dois de vous prévenir il est un peu excentrique et il risque de vous attirer des ennuis. Il vous sera simple de louer ses services si votre bourse est bien remplie, mais méfiez vous de lui si jamais il détecte la moindre faiblesse en vous, il n'hésitera pas à vous trahir.

En général, il va décuver dans une cabane un peu plus loin le long du port, c'est là ou habité Gilda sa gueuse. Il aime bien... enfin vous m'avez compris. Vous ne pouvez pas rater la cabane elle est assez bien décorée avec beaucoup de fleurs à l'extérieur, Gilda a la main verte.

Grommdyr se pencha pour regarder Regdar de plus près comme un enfant qui observe une colonie de fourmis avant de la piétiner.

-

Le colosse semblait imperturbable et semblait un peu simplet, un des habitués se tourna vers Regdar et répondit à sa question.

-Vous n'en tirerez rien de Grommdyr, il est un peu dans son monde à lui pour ainsi dire. Sinon, j'imagine que vous n'êtes pas du coin tout le monde ici sait que Siff loue ses services au plus offrant. C'est une légende dans le coin et il n'est pas rare qu'un abruti ivre tente de le tuer pour gagner en notoriété.

Des cris coupèrent net la conversation, Siff venait de porter le coup fatal et avait enfoncé sa dague sous le menton du guerrier lui traversant la boite crânienne. L'homme mort, semblait ne pas comprendre la situation et fit quelques pas, la foule s'écarta de son chemin pour voir ce qu'il allait faire. Celui-ci marcha lentement vers une table s'assit et prit une choppe qu'il essaya de boire avant que son corps le lâche et s'écroule au sol.

Siff après avoir reçu les éloges de la foule, ne tarda pas à quitter les lieux et se dirigea le long du port vers sa bien aimée.

Thojan avait entendu quelques récits de cette ville, mais jamais il n'aurait pensé voir cela. Un homme massacré dans un combat de taverne, comme dans un clos d'équarrissage. A Tantras, certaines estafilades s'avéraient fatales, mais personne n'osait commettre un meurtre aussi direct, sous peine de remuer la fourmilière de la garde. L'ensemble des participants et spectateurs lui parurent aussitôt antipathiques. Quant à Siff lui-même, le prêtre se jura de le conduire face à son jugement. Le colossal videur ne sembla même pas surpris.

Le tormtar était un fervent défenseur de l'humanité, mais celle-ci avait manifestement besoin d'être amputée de quelques tumeurs au préalable… Il ne put masquer sa surprise, mais parvint à rester dans le personnage.

– Et bien, vous avez du culot ici. D'habitude, moi on m'engueule quand je laisse du sang partout…

Il rejoignit ses compagnons d'un air aussi désabusé que possible, mais restait constamment sur ses gardes. N'était-il pas le garde du corps d'un riche marchand dans un lieu dangereux. Loin de favoriser la violence, Thojan ne tenterait pas la chance dans ces circonstances.

– Alors, il vous convient, Patron ? On le suit ?

Ignorant encore les renseignements acquis, le prêtre ne voulait pas perdre Siff de vue, mais s'attendait déjà à tomber dans un guet-apens. Les lieux n'étaient vraiment pas sûrs…

Imperturbable, Stor-Rand inclina légèrement la tête comme pour remercier le tavernier des informations qu'il venait de livrer. Sautant à bas de son tabouret de bar, il acquiesça aux paroles de Thojan.

- Oui, allons-y. Il m'a l'air de connaître son travail et fera peut-être l'affaire. On en jugera en discutant avec lui.

Avant de sortir de la taverne, le halfelin adressa un dernier regard à l'homme derrière son bar, gardant sur le visage le masque d'impassibilité d'un individu certain de sa force.

- Merci bien, patron, je saurai me souvenir de votre aide. J'espère que les abords de votre établissement ont su rester sûrs car ça me gênerait de devoir revenir pour demander des explications. Ce serait une perte de temps et je n'aime pas ça...

Faisant un signe de la main à ses "gardes du corps", Stor-Rand attendit que le premier ouvre la marche pour lui emboîter le pas, comptant sur le second pour assurer ses arrières.

Il s'agissait aussi de voir la direction prise par Siff pour ne pas trop tourner en rond avant de trouver la cabane fleurie de sa belle.