L'oeil des Sorcières, Aventure dans les Moonshae

Plutôt confiante dans les puissances des Sélénae, Sylaruil avait la conviction que le groupe était plus utile ici, à affronter les guenaudes et pourquoi pas accueillir de nouveaux druides plutôt que d’essayer d’affronter un dragon, dont elle se sentait totalement incapable de venir à bout. Contrairement aux autres, Sylaruil était peu, très peu au courant de ce qui se tramait sur le continent. Elle avait certes eu des échos via les poèmes et chansons qu’elle avait pu écouter dans les récits des troubadours, mais elle sortait d’une vie recluse à Synnoria et découvrait à peine les Sélénae, sa terre. Se voulant positive, l’efle répondit à Sahadeva tout en réaffirmant sa position :

- Caer Callidyr saura se défendre ou se reconstruire, nous serions bien trop longs pour la rejoindre de toute façon. Notre vitesse est bien inférieure à celle d’un dragon. Poursuivons notre œuvre ici. Cette forêt réclame notre aide.

Affectée elle aussi par la terrible nouvelle de la potentielle destruction, Sylaruil laissa s’échapper des larmes. La douleur était forte et l’impuissance la rendait absurde. Par pragmatisme, la Synnorienne savait à quel point les humains reconstruisaient vite. Une civilisation elfique disparue l’était quasiment à jamais. Mais une vie d’homme passait en un éclair, et quelques décennies suffiraient pour rebâtir Caer Callidyr.

Puis Sylaruil se laissa à faire une supposition :
- Malar a toujours œuvré contre la paix des Sélénae, contre les ordres druidiques, contre la Terre Mère et contre les elfes. Une druidesse de malar, accoquinée avec des guenaudes ? Des druides ostensiblement absents ? Un dragon qui semble contre sa volonté attaquer la capitale ? Je ressens malheureusement sa présence encore une fois derrière tout ces méfaits. Soyons sur nos gardes et restons unis, ajouta-t-elle le regard déterminé et fixant un à un ses compagnons.

ntendant la réponse de la Lewyrr, Hermine serra les dents. De même qu'elle pressentait une fin funeste pour la ville, elle pressentait la suite immédiate des événements.
Vëla accomplissait son devoir au point d'en être aveugle à tout le reste, Sylaruil privilégiait la forêt aux humains, Jakelm se donnait perdant d'avance, Sahadeva suivrait le reste du groupe pour ne pas le condamner, quand à elle-même ...

¤ Si j'ai changé leur destin contre la première, ça n'est pas pour les laisser canner contre la suivante ...
À moins que ... Mes efforts sont ils condamnés à être vains ? Sont-ils eux-mêmes condamnés ?
La Mort est-elle destinée à obtenir son dû, quoi qu'il arrive ? ¤

Avec un étrange regard, elle considéra un instant le Durpari et le Théryrien. Elle ne parvenait pas à discerner leurs trames. Était-ce la fatigue, ou autre chose ?
Son visage s'assombrit, elle rentra la tête dans les épaules et, les mains dans les poches, elle marcha dans la direction dans laquelle Vëla était partie sans consulter personne. En passant devant Sahadeva, elle lui confia :

- Si je peux faiяe les choses que je suis capable de faiяe ... Mais que je choisis de ne яien faiяe ... Puis que de teяяibles choses aяяivent ... Alors, c'est ma faute, hein ?

Elle n'attendait pas particulièrement de réponse. Se maudissant intérieurement, elle commença à se diriger en direction du chêne vénérable -mais, soudain prise d'une inspiration, elle s'arrêta. Une main dans une poche, l'autre désignant vaguement les membres du groupe, elle lança à Marge :

- Meяci pouя tout. Appaяemment, ceux-là choisissent la "futilité". Tu te sens de nous accompagneя ?
Sinon, à un de ces quatяe. Peяso, je déteste êtяe dans le bяouillaяd, aloяs si tu as des infos conceяnant les deux sœurs, je pяends ...
Et si tu peux, яéfléchis à mon offяe ... y a pas de date de péяemption.

Le point de vue de Sylaruil était clair : elle souhaitait, elle aussi, traquer les guenaudes et les serviteurs de Malar. Au moins, tous étaient d'accord... à l'exception d'Hermine qui semblait toujours dubitative et soucieuse d'aider la capitale de l'archipel.

Ses propos étaient relativement énigmatiques, mais Sahadeva crut comprendre qu'elle était agitée par des questionnements intérieurs : elle n'avait pas envie de les accompagner, mais craignait de les laisser se faire occire si elle ne les aidait pas. Sa vieille amie était tiraillée. Il n'était pas sûr de pouvoir trouver les mots justes et se contenta de murmurer :

- Fais ce que te dicte ta conscience...

Quant à lui, il avait finalement pris sa décision : il accompagnerait le reste du groupe afin de traquer les autres membres du cercle. La tâche était loin d'être "futile" à ses yeux. S'il devait mourir, c'est que c'était sa destinée, celle d'un Maquar voué à combattre le chaos et ceux qui le répandent.

¤ Telle est la voie du Maquar, telle est la voie de l'Adama. ¤

Narration

Les Compagnons étaient divisés sur ce qui devait être fait et même si chacun était en droit de douter sur le meilleur choix, n’en faire aucun revenait à abandonner les deux.
Tijak laissant les adultes choisir ce qui leur semblait le plus honorable, se concentra sur le plus proche, à portée de main.
L’arbre était à quelques centaines de mètres, sans déclivité importante ni traitre marais. Avant de s’en être rendu compte, il avait commencé à s’écarter du groupe dans cette direction, ne serait-ce que pour remplir son « rôle d’éclaireur ».
L’arbre était colossal, et bien que la plupart de ses branches étaient mortes d’apparence, il régnait à son approche une pénombre de crépuscule. Aux branches, de petites constructions de brindilles prenaient des airs de pantins maléfiques suspendus.

Après quelques minutes d’avancée discrète pour y voir plus clair, le tronc fut soudain en vue. Large. Sombre.
A son pied se tenait une créature qui marmonnait entre ses dents et ne semblait pas encore avoir pris conscience de la présence du jeune garçon.

Hermine
- Futilité ? C’est ton point de vue. Qu’en est-il alors de mon choix de retrouver l’ours ?
La décision de Marge de retrouver Malo était prise et ne changerait plus. Le calme revenu après le survol de la Fureur Rouge elle se remit en chasse de son ami.
- Une à l’arbre, l’autre au Lac. Celle du Lac est très puissante.
Et la jeune femme au pas hésitant de se redresser et d’accélérer le pas comme si plus rien n’entravait sa marche et qu’elle savait exactement où le rejoindre. Ni à l’arbre, ni au Lac.

Fatigué d'entendre les adultes palabrer de façon stérile, Tijak s'était éclipsé, ses pas le menant, "comme par hasard", à proximité du chêne vénérable. De toute façon, le gamin en était persuadé, ses compagnons ne pouvaient, raisonnablement, qu'en arriver à ces conclusions : même si la menace qui planait sur Caer Callidyr était bien réelle, ils ne pouvaient rien y faire dans l'immédiat ; leur mission était ailleurs, à portée de main, et il ne tenait qu'à eux de veiller à détruire le cercle maléfique et empêcher qu'il ne se reforme plus tard.

De façon incompréhensible pour Tijak, Hermine paraissait faire preuve de beaucoup d'indulgence envers les guenaudes - on voyait bien qu'elle n'avait pas vu les conséquences de leurs actes sur les malheureux habitants du hameau de pêcheurs - et persistait à tenter de convaincre, sans succès, le reste du groupe de ne pas les traquer.

De toute façon, cela ne regardait pas le jeune mousse qui, une fois encore, agissait de façon autonome et un peu impulsive. Et voila, qu'à une portée de fronde de lui, se trouvait l'arbre gigantesque et, comme l'avait dit Marge, la sorcière était à proximité.

S'efforçant de respirer en silence, Tijak prit le temps d'observer attentivement les lieux, cherchant à trouver les affaires d'Hermine. D'après ce qu'il avait compris, l'épée et le gros bouquin de son amie devaient être là.

Puis, lentement, centimètre par centimètre, l'éclaireur fit marche arrière, attentif à ne pas attirer l'attention de la créature qui se trouvait au pied du chêne. Une fois hors de vue, il fit rapidement demi-tour pour rejoindre le groupe et faire son rapport. Si son tempérament joueur aurait pu l'inciter à tenter Tymora en allant récupérer le matériel d'Hermine au nez de son gardien, la prudence et la raison le poussèrent plutôt à rejoindre ses amis.

Par contre, une fois les informations qu'il avait glanées transmises, Tijak entendait bien regagner son poste d'observation en mesure d'intervenir directement dans un combat futur ou, profitant d'une diversion bienvenue, de se faufiler pour rapporter l'équipement d'Hermine. Son épée en main, la jeune femme se sentirait certainement moins démunie dans un affrontement qui semblait inévitable.

L’avancé était lent, mais certain pour l’ex-folle de Torm. Retenant Abby dans son pas, Tijak revint avec des informations intéressantes. La jeune femme ne l’avait même pas vu partir, le croyant avec Hermine, parti explorer les hauteurs. * Petit furet va! * Se disait-elle en le voyant revenir de l’avant du chemin et raconter ce qu’il avait découvert dans son exploration solitaire.

La créature qu’il avait décrite pourrait-elle être Sail sous un charme quelconque? La paladin ne pourrait l’affirmer, tant et aussi longtemps qu’elle ne l’aurait vu d’elle-même.

Une chose réconfortait quand même la preux chevalière, c’était que tous allaient dans la même direction. La libération qu’ils allaient effectuer allait grandement aider le peuple de Sylaruil et les habitants de l’île. Elle n’aurait jamais cru mourir en venant ici, et encore moins revenir de ce monde sombre qui l’avait accueilli un certain temps. Par chance elle était en vacance.

Sahadeva avait dit ce qu'il avait à dire et pris une ferme décision. Alors qu'il s'apprêtait à se mettre en marche, il vit Tijak qui revenait vers eux. Visiblement, leur éclaireur s'était une nouvelle fois éclipsé en douce.

Le Maquar ne prit pas la peine de le sermonner, en lui rappelant l'épisode de la nuit au hameau, car il commençait à comprendre que ses mots n'auraient de toute manière que peu d'influence sur les agissements du garçon.

¤ Telle est sa nature profonde...¤

Qui plus est, les nouvelles que Jakelm venait leur apporter étaient précieuses : elles nourissaient sa curiosité tout en l'incitant à la prudence. Il était prêt à se diriger vers l'arbre aussi discrètement et précautioneusement que possible : l'effet de surprise et la reconnaissance pourraient être des éléments déterminants lors du combat qui s'annonçait. Il s'équipa de son arc et saisit une flèche tout en se mettant en marche.

ermine regarda un instant Marge reprendre sa route, tandis qu'une partie d'elle-même souhaitait vaguement faire de même. Puis, elle haussa les épaules : si elle devait avoir attendu toutes ces années pour rien, ainsi soit-il. Et si elle devait payer une vie avec le sang de toute une ville ... Elle préférait ne pas y penser.

Ce à quoi elle préférait ne pas penser non plus, c'est si d'autres mains étrangères se posaient sur ses affaires. Certains de ses compagnons semblaient penser qu'elle avait besoin d'aide pour les récupérer –ou simplement commettre un autre de ces « meurtres préventifs » qui semblait être leur conception de la Justice. Quelle que soit leur motivation, elle n'avait pu les empêcher de se diriger vers le chêne vénérable. Tant pis : parfois, il fallait savoir s'avouer vaincue.

Sans plus attendre, elle se mit à courir en direction de leur destination. Elle engloutit rapidement les premières centaines de mètres d'un pas leste, puis se déplaça furtivement. Sans aucunement attendre le compte-rendu de Tijak, car préférant se rendre compte de la situation elle-même, elle tentait de se mettre en position. Elle restait aux aguets, n'oubliant pas de porter son regard en hauteur, pour se préserver d'une éventuelle attaque plongeante, et méfiante envers toute illusion potentielle, ou créature métamorphosée, dominée, possédée, ou maléfice hostile –se servant de ces poupées comme élément rituel, par exemple. Tout ce qu'elle désirait, c'était trouver un endroit convenable à l'écart, qui serait à la fois une cachette et un point d'observation de la base du chêne, avant que ses compagnons n'arrivent. Et elle n'avait aucune intention de se montrer, à quiconque.

Et tout ce temps, elle les sentait. Comme un parfum dans l'air, comme un pressentiment, non loin de là, elle les sentait : l'empreinte résiduelle de ses propres rituels. Ils étaient bien là, tout proches, comme nimbés d'un autre présage qu'elle connaissait bien : l'odeur caractéristique ... des ennuis.

Hermine:
Expiration: force du taureau, bouclier, vol.

Tijak avait prit les devant, loin de vouloir prendre une position maternelle comme pouvaient le faire Vëla et Sahadeva, les deux parents moraux du mousse, Sylaruil lui lança un clien d’oeil :
- Belle initiative ! Voilà qui nous conforte dans notre direction. Allons-y, finit-elle, lui tapant sur l’épaule.

Alors qu’Hermine continuait de faire cavalier seul, cette posture en opposition totale avec ses convictions et les préceptes portés par Angarradh l’interrogèrent. Pourquoi cette dernière avait elle décidé de suivre le choix du groupe ? Si son coeur la dictait ailleurs, elle devait le suivre. Comme la Synnorienne avait suivi le sien en quittant ses proches et sa famille, à la recherche de l’aventure et surtout d’une solution concrète aux souffrances de son peuple. Elle ne tolérait plus leur inaction originelle. L’esprit torturé d’Hermine s’imposait plus de tortures encore, que l’elfe du soleil levant ne comprennait pas.

Puis s’adressant aux deux combattants du groupe elle reprit :
- Je vais me mettre en position derrière vous, si cela ne vous dérange pas. Je ne tiendrais pas le choc en première ligne, mais pourrais vous appuyer des mes cordes : celles vocales et celles armées de flèches.

Narration

Hermine avançait aussi rapidement que ne le faisait Tijak.
Il fallait qu’elle arrive avant le reste du groupe, bien moins discrets que l’éclaireur, qui risquaient de lui enlever toute chance d’approche furtive.
Elle scrutait les environs du tronc de l’arbre avec une attention extrême, découvrait les montages de brindilles comme autant d’ennemis potentiels ou autant de pièges.
Il s’agissait de brindilles de bouleau dont elle ne voyait aucun spécimen à proximité immédiate.
Les craintes de l’aventurière aguerrie ne faisaient que se renforcer, ils devaient avoir une utilité.

Au pied du tronc gigantesque, la créature semblait frêle, accroupie, la tête dressée vers le ciel comme un animal à la recherche de l’odeur de sa proie ou de l’intrus.
A la différence de la première, sa capuche était enlevée, sans doute pour mieux entendre, et sous les yeux clos de la créature, entre cette masse informe qui devaient lui tenir lieu de chevelure, Hermine pouvait voir des coulées noirâtres.
Elle aurait juré que la Guenaude était aveugle … et dans un frisson, qu’elle n’en était absolument pas diminuée.

Soudain, la femme à la peau verdâtre et striée comme un vieux chêne s’arrêta. Malgré toutes ses précautions, se pouvait-il qu’Hermine fut repérée ?

- Maudits ! Soyez maudits !

Les trois mots de la Guenaude se changeaient en cri d’animaux, elle éructait maintenant comme un sanglier, crachant comme un blaireau, grognant comme un mâtin.
A quatre pattes comme l’un de ses animaux, elle bougeait de droite à gauche devant l’ouverture entre les plus grosses racines de l’arbre. Avançant d’un pas, reculant d’autant, elle gardait férocement l’entrée de son antre.

Tijak évoluait de son côté, à quelques mètres, aussi silencieux et discret que possible.
Une approche par l’arrière lui permettrait sans doute de se faufiler sans être vu ni entendu.
Il vit la sorcière et comprit, aussi rapidement qu’Hermine, que la créature profitait de tous ses sens et que son aveuglement potentiel ne changeait pas radicalement la donne.

Il sembla à tous deux que le vent se levait, les brindilles remuaient lentement dans les branches.

Les autres venaient derrière, les archers prêts à tirer. Vëla, en proie au doute qu'il s'agisse de Sail sous une autre apparence, était inquiète d'une attaque trop directe. Au cri, elle ne put reconnaître la voix de leur compagne d'infortune.