L'oeil des Sorcières, Aventure dans les Moonshae

’entrainer à se déplacer silencieusement en terrain forestier en poussant la chansonnette était effectivement … un vrai défi. Il y avait plusieurs manières de dissocier les deux : si certains préféraient papoter, tant mieux pour eux. De son coté, Hermine n'était guère d'humeur sociable, et préférait se concentrer sur l'entraînement. Cela ne lui posait guère de problème : elle avait le pied léger et la foulée rapide ; lors de ses derniers voyages, pour rester au niveau de ses compagnons, elle devait constamment se forcer à marcher plus lentement que son rythme de croisière. Mais quand la plupart d'entre eux marchait trois lieues, elle était capable d'en avaler plus de quatre. Sans s'essoufler.

Aussi, ce jour-là, lorsque Sylaruil se mit à chanter, et les autres à discuter, la guerrière observa ses compagnons un à un ; si un seul d'entre eux, l'impatient Tijak en particulier, souhaitait continuer l'entraînement, elle ne fit aucun effort pour ralentir. Au contraire, elle accélera le rythme et, ensemble, ils se détachèrent rapidement du groupe. Cela leur offrit plusieurs bénéfices : non seulement s'approchèrent-t'ils davantage d'une situation réelle (ne pas se faire rattraper par une armée alliée, ou ennemie, qui n'avait aucune connaissance précise de leur position), mais en plus purent-ils mettre en pratique certains signes qu'Hermine avait mis au point avec Jakelm la veille au soir, et dont elle avait informé au minimum Sahadeva : fleur percée d'une brindille, branche cassée en deux et repositionnée d'après un angle précis ... Quelques mots d'un langage majoritairement visuel, connus d'eux seuls et qui signifiaient aux autres "n'allez pas par là", "corrigez votre trajectoire dans cette direction", "gibier sur votre gauche" ou encore "sérieux, baissez le volume, on n'entend que vous !".

Hermine restait concentrée sur le fait de guider Jakelm. Elle tentait de le guider, de l'aider à corriger ses défauts, mais aussi de lui faire confiance quand elle le perdait de vue. Aider ceux que vous aimez à grandir, et apprendre à vous détacher d'eux ...
L'entraînement était une nécessité. L'entraînement était aussi un prétexte. Un masque, aussi efficace que celui de métal qui cachait son visage. Un masque qui évitait à Hermine d'exprimer ses idées à voix haute.

L'ignorance était un cadeau. Elle évitait de se poser trop de questions.



Des questions … Hermine en avait beaucoup.
Quand à la connaissance … La sienne était vaste.

• Certaines espèces de fourmis réduisent en esclavage d'autres insectes, sans contrepartie aucune pour les victimes.
• Toxoplasma gondii infecte les souris et les rends insensibles à l'odeur de l'urine de chat … les rendant plus susceptibles d'être mangées, lui permettant de se reproduire.
• Ophiocodyceps unilateralis atteint le cerveau de certains insectes qu'il transforme en zombies parfaitement compatibles avec l'incubation de ses spores.
• Alors même qu'ils sont contraints par les autres races à vivre dans des conditions terribles, les hommes-lézards pensent à la survie de leur peuple, de leurs œufs ; c'est cela qui leur rend parfaitement acceptable le cannibalisme.
• Les vargúlfr peuvent être parfaitement sociables, loyaux et dignes de devenir votre ami ; la pleine lune venue, cela ne les empêchera pas de vous dévorer tout cru ...
• Tandis que les fées personifient d'une certaine manière les cotés merveilleux de la Nature, les guenaudes en sont les cotés violents, effrayants, dérangeants.

Qui décide ce qui est Mal ?

La survie du plus fort, ou du plus apte, est un concept que la plupart des philosophes, ou des intégristes du Bien, trouveraient maléfique.
Mais la Nature … La Nature n'est pas gentille. La Nature peut être très, très effrayante. La Nature veut vous tuer, pondre ses œufs dans votre cadavre pour pouvoir répandre plus de Vie. La Nature n'a aucun sens du Bien ou du Mal.
La Nature … est.

Le druidisme, lui, est une construction sociale, une religion.
Admettons que Marge était une druide. Elle était une druide, pas La druide archétypale, et encore moins tous les druides. Le simple fait qu'elle soit membre de cette classe n'influait en rien sur sa personnalité. Hermine, elle-même, était de part sa culture une « barbare », primitive et un peu rude —mais elle n'était pas une Barbare. Ses capacités de Moine impatientaient ceux qui ne la voyaient étudier dans aucun monastère. Plusieurs membres du groupe d'aventuriers pouvait certainement être qualifiés d'« assassin », et pourtant aucun n'était membre de la classe éponyme.
La classe de quelqu'un était un raccourci de ses capacités, parfois un métier, mais ne suffisait pas à résumer qui était vraiment cette personne, les choix qu'elle allait faire, sa manière d'agir. Nos compétences informent autrui de qui nous sommes, mais des millions d'autres expériences entrent en jeu lorsque nous avons à prendre des décisions. Ce sont ces millions d'éléments de personnalité qui font vraiment de nous qui nous sommes.

Qui décide qui vous êtes ?

Marge était peut-être une druide. Ou une sorcière. Ou une prêtresse. Peu importait.
Elle était humaine. Elle était femme.
Telle la mystérieuse célibataire qui passe tout son temps dans les bois ; la sage-femme qui semble en savoir davantage que le médecin académique ; la vieille excentrique qui vit seule et semble tout savoir des superstitions, tabous, rituels de protection, et anciennes malédictions. Sont-elles de simples femmes, sans mari, sans enfants, sans famille, ou sont-elles quelque chose d'autre —quelque chose de pire ? Est-ce que ma famille est à l'abri ? Est-ce que mon mari est réellement fidèle ? Est-ce que c'est bien mon bébé qui dort dans son berceau ?
La guenaude personnifie la peur que les hommes ont des femmes, et est un reflet de la jalousie et du dégoût des femmes envers elles-mêmes. Celles qui s'écartent du rôle traditionnel de la mère ou de l'épouse, sont marginalisées et prises pour cibles. Les hommes peuvent être intimidés par tout ce qui menace leur position dominante, et les femmes éprouver du ressentiment envers celles qui parviennent à se débarrasser du carcan que leur impose la société.
Et derrière le masque de la guenaude, derrière ses nombreuses couches de rides, se cache la peur de la vieillesse, la peur d'un corps en ruines, la peur de l'oubli, la peur de la Mort ...

Qui décide de la direction que prend votre vie ?

À l'instar de toxoplasma, ophiocodyceps ou la lycanthropie, certains organismes, maladies ou malédictions viennent altérer nos actes, tels des cancers qui viennent obscurcir notre personnalité. De même, chacun d'entre nous peut, à la suite d'événements traumatisants, adopter une autre personnalité, une nouvelle manière d'agir, ou un point de vue sur la vie totalement différent.
D'événements traumatisants, Marge semblait avoir eu plus que sa part. Et comme on ôte un kyste malin pour préserver l'organisme hôte, Marge avait été diabolisée, et frappée d'ostracisme, pour préserver une communauté. Était-elle une guenaude ? La communauté d'Herledan, par son ignorance, par son intolérance, avait-elle donné corps à ses propres craintes ? Créé le héraut de sa propre destruction ?

Que craignez-vous vraiment ?

La Nature n'est ni Bonne ni Mauvaise et, quelque part, on peut aussi dire cela de l'Humanité dans son ensemble. Mais la Nature, comme l'Humanité peuvent être, elles aussi, la cible de manipulations extérieures, de parasites, de cancers.
Les divinités, qui s'approprient des concepts, pour en rediriger l'énergie vers elles-mêmes, et manipuler les humains, les amputer de leur complexité inhérente, et servir leurs propres desseins, sont-elles si différentes de toxoplasma ou ophiocodyceps ? La plupart de ces divinités ne créent rien, elles ne font que modifier, amplifier, simplifier, et détruire au nom de leurs idéaux. Donner une notion de "Mal", ou de "Bien", à des Forces qui seraient, sans elles, restées pures ou, à défaut, simplement humaines.

L'Instinct de survie, la loi du plus apte. Voilà un exemple de Force, parmi les plus primales, enfantée par la Nature. Dans ces Royaumes, elle était personnifiée, corrompue, par un dieu de la Furie, qui la transformait en l'Instinct de tuer, en la loi du plus fort. Malar.
Une jeune femme anciennement proche de la Nature s'est retrouvée affaiblie par la bêtise humaine. Et la divinité s'est greffée sur son âme tel un cancer. Une autre Foi avait peut-être pris racine, obscurcissant la vision de la jeune femme qui, heureusement, gardait suffisamment de conscience pour aider un humble pêcheur affligé par son propre parasite. Pour l'aider … Ou pour propager le cancer de Malar ?

Quelles sont vos convictions ?
Êtes-vous sûr que ce sont bien … les vôtres ?

Laissant la mission de reconnaissance à Hermine et à Tijak, Sahadeva marchait silencieusement aux côtés de Sail, Sylaruil et Vëla. Comme à son habitude lorsqu'il évoluait dans un milieu inconnu, il scrutait attentivement les environs à la recherche d'un élément suspect qui pourrait laisser présager une embuscade. Les chants entonnés le distrayaient quelque peu, mais le Maquar s'efforçait de rester concentré.

Il était rassuré de constater que chacun paraissait avoir trouvé sa place dans l'équilibre du groupe, que Sail ne semblait pas avoir trop souffert de sa nuit difficile et qu'Hermine semblait remise de sa captivité. Tout en surveillant les alentours, il essayait de rester attentifs aux signaux qu'elle pourrait lui envoyer en application de ses leçons de la veille.

Vëla avait fini par aborder avec Malo un sujet aussi délicat que brûlant : leur attitude lorsqu'ils retrouvaient Marge.

¤ N'oublions en effet pas qu'elle sert Malar et se voue au chaos... Son histoire est particulièrement triste, elle permet de comprendre ce qui s'est passé, mais pas d'excuser des actes malfaisants s'il y en a eu ou s'il s'en prépare... ¤

Contrairement à la plupart de ses compagnons, il n'avait pas eu de contacts directs avec Marge. L'histoire qu'Herledan lui avait contée l'avait ébranlé, mais pas au point d'oublier ses devoirs les plus élémentaires : si Marge avait quelque chose à se reprocher, il faudrait l'arrêter et la châtier, quel qu'en soit le prix et quelle que soit la sympathie que certains de ses compagnons éprouvent à son égard.

Le guerrier d'Estagund était donc parfaitement en accord avec les propos de Vëla. Elle les avait fort bien amenés, sachant que Malo semblait épris de Marge… Craignant de faire pire que mieux en s'immisçant dans la conversation, il se contenta d'adresser un léger hochement de tête à Vëla pour lui signifier qu'il partageait ses vues.

L'accès de mauvaise humeur, tout en attendrissement bougon, d'Hermine sembla déstabiliser quelque peu l'adolescent. De la même façon, les doutes émis sur Marge et sur son possible glissement vers une connivence avec "Elle", cette guenaude malfaisante qui ne devait pas être étrangère aux tourments qu'avait subi le village de pêcheur, perturbaient Tijak. Pourtant, il avait bourlingué à travers les océans (et même au dessus) et n'était plus aussi naïf qu'à ses débuts. Néanmoins, il avait encore du mal à percevoir la grisaille qui pouvait exister chez certaines personnes. Tout n'était pas blanc ou noir et d'innombrables nuances de gris existaient pour définir les individus mais cela, il avait encore du mal à l'accepter.

Dans son esprit, il s'était engagé dans un sauvetage de Marge qu'il devait absolument tirer des griffes d'une méchantes sorcière et il se refusait encore de croire que celle qui avait été rejeté par les pêcheurs puisse avoir été corrompu par la noirceur. Après tout, n'avait-elle pas envoyé Malo les aider dans la grottes ? La possibilité que ce soit l'ours-garou, seul, qui ait pris cette décision n'avait même pas effleuré le gamin.

Jakelm n'aimait pas ce genre de situation où il devait réfléchir et remettre en question ses convictions aussi résolut-il de se lancer dans l'action, meilleurs moyen pour éviter de cogiter. Au moins, quand l'esprit était occupé sur des tâches immédiates, il ne se perdait pas à élaborer des hypothèses, toutes plus rocambolesques les unes que les autres.

Sans hésiter un seul instant, il s'était porté en tête de la progression, avançant de concert avec Hermine pour éclairer la voie. Suivant sans effort le rythme soutenu imposé par la jeune femme, il s'appliquait à reproduire l'enseignement qui lui avait été fait. Ne pas rester collés les uns aux autres, emprunter des itinéraires différents mais convergents, s'assurer de la présence de son équipier avant de changer de position et indiquer sa destination future avant de se fondre dans les buissons.

À en croire la fée qui avait rendu visite à leur bivouac durant la nuit, leur objectif était proche. Le tout étant d'y arriver sans s'être fait repérer.

Les réponses de Malo ne faisaient que renforcer le pressentiment que Sylaruil avait eu. Une seule issue était possible, et seule une puissante magie de repentance à l’instar de celle utilisée par les dévoreuses de pêchés d’Eilistraée*. Elle eut bien sûr un doute sur la capacité de Vëla de réussir une telle entreprise, mais le jeu était tellement beau qu’il en valait la chandelle. En tout cas le pas déterminé de Sylaruil de ramollit pas.

Alors que l’elfe du soleil levant aurait évité le sujet, devant un Malo objectivement tombé dans la lycanthropie, Vëla décida d’y sauter à pied joint. Son manque de délicatesse avait l’avantage de ne pas laisser planer plus de suspens. Malo était prévenu, pour Marge il y avait deux voies, la repentance ou la mort. Vu les capacités magiques de la druidesse au service de Malar, Sylaruil doutait d’une prison soit réellement efficace. Ces druides savent faire appel à la magie ou prendre des formes animales qui leur permettent de dépasser les obstacles qui se présentent aux humanoïdes. A moins que Vëla ait une prison magique portative ?

Au regard la Paladine c’est donc par sa détermination que l’elfe répondit. Avoir un druide gardien de cette forêt et de la source serait une bénédiction pour les Sélénae et les habitants. Les animaux reviendraient, les monstres fuiraient et Marge serait une source d’information inestimable pour mieux comprendre les desseins de la bête.

*Les chevaliers aux cheveux d’argent ou dévoreuses de pêchés ont la capacité de faire se repentir les drows et les autres adversaires d’alignement mauvais. En leur faisant revivre leurs actions maléfiques, le personnage ciblé prend conscience des méfaits de son action et se rapproche d’un cran en termes d’alignement de son ‘sauveur’. L’action nécessite un rituel long mais n’est pas dénué de risque pour la prêtresse qui l’entreprend.

Narration

Malo hocha la tête, le regard perdu dans des nuages anthracites.

- Je t’entends Vëla et je sais que tu as raison. A la fin, nous aurons peut-être à nous affronter, je ne sais pas.

Et ce fut les derniers mots qu’elle entendit de l’homme-ours qui avait soudain accéléré le pas en direction des deux éclaireurs.
S’il n’avait pas la pratique de Tijak & Hermine, il possédait une agilité surnaturelle et un sens animal de la bonne manière de se déplacer dans les bois. A plusieurs reprises, tandis que les aventuriers apprenaient à communiquer sans un son et à distance, ils l’aperçurent, gardant ses distances pour ne pas les déranger … ou par crainte qu’ils l’interrogent à leur tour.

Longer la rivière leur permettait de ne pas craindre de s’éloigner un peu et leur offrait une végétation moins dense qu’en pleine forêt sauvage. Moins de trois heures de marche plus tard, ils sentirent tous trois le changement avant de le voir. Il y avait dans l’air un odeur d’humus plus prononcée. L’humidité dans l’air était plus élevée et les flaques d’eau froide de plus en plus fréquentes. Il était difficile à dire si c’était le printemps qui prenait son temps et que la fonte des neiges avait été ici plus lente ou si le terrain était seul responsable. Il y avait là quelque chose qui rappela à Hermine les Marais des Hommes-Lézards mais là encore, ce n’était peut-être que d’avoir retrouvé Sahadeva depuis peu. A la différence des grands marais, des arbres –saules, bouleaux et quelques pins, partageaient le terrain à des graminées, roseaux et fougères.

La nature était ici bien vivante, plus présente qu’aux alentours du repère des Ogres. Quelques timides moineaux voletaient au loin, ici un merle chantait comme s’il appelait la pluie.
… alors pourquoi est-ce que quelque chose sonnait faux ? Biscotte était anxieuse comme si le babillement du merle avait été le glapissement d’un aigle !

Tijak n’aurait pas pu identifier aussi précisément ce qui n’allait pas mais il sentait un malaise grandissant comme si ce calme cachait tout autre chose.
Le chant venait très clairement de la rivière dont ils s’étaient écartés d’une dizaine de mètres sur la rive droite. Malo avait repris sa forme d’ours et grogna pour montrer partager le même sentiment.

C’est le cœur gros que Vëla entendit les mots de Malo. Elle le savait pris dans sa conscience intérieure, une position tellement désagréable et en même temps à l’endroit où tout était possible… Elle se rappelait l’un des moines qui l’avaient aidé à l’Ordre du Corbeau, un être splendide qui avait une imagination percutante et qui s’amusait à ne rien prendre au sérieux. Ce dernier l’avait entretenu longuement sur des réalités parallèles, il disait que c’était dans les moments, comme celui que Malo était présentement que s’ouvrait une multitude de choix, de portes s’amusait-il à dire, devant soi et que peu importait laquelle nous empruntions une nouvelle réalité prenait naissance. Nous avions donc à l’infini, des vies parallèles et que dans chaque réalité nous accomplissions notre destin unique. Selon lui il fallait une éternité pour faire uns, il nous fallait passer par toutes les possibilités pour être totalement affranchies de nos tares. Vëla avait aimé cette histoire, c’est à ce moment qu’elle avait choisi la voie de la loyauté à la lumière et son parcours jusqu’ici, lui avait donné bien des choix d’en différer, mais elle était toujours restée intègre à son choix premier, elle restait l’architecte de sa vie éliminant tout doute qui tels des méandres, venaient sournoisement tenter de dévier sa route. Malo restait intègre lui aussi et pour cela, elle l’aimait encore plus, son courage, sa détermination, sa force intérieure et son amour pour Marge faisaient de lui un être magnifique et bien des rois n’avaient pas cette trempe.

-Malo, je pris de tout mon cœur pour que Marge entende raison, mais sache une chose, advenant le pire des scénarios, ce ne sera pas un affrontement, ce sera une délivrance que ce soit d’un côté ou de l’autre. –

Elle allait ajouter autre chose, mais l’homme-ours partit silencieux rejoindre les éclaireurs. La paladin serrait les dents retenant une peine atroce, une douleur incommensurable venait ébranler son temple et de cette douleur, de ce mal qui fécondait au centre de sa rose, elle allait puiser l’amour au centre même du mal.

Plus loin, Torm veillait sa championne, il connaissait ses faiblesses, elle n’avait jamais eu la rectitude exigée, elle avait toujours marché sur le fil du couteau, mais à tout coup elle assumait la responsabilité de sa pénitence du devoir, elle n’avait jamais failli, non, jamais. Vëla, fille de Vallord illustre paladin de Torm, celle qui avait été engloutie par Kazgaroth dans son domaine de souffrance et qui en avait ressuscité était devenue depuis un véritable Corbeau. Cet oiseau aux plumages blanc maculé qui avait traversé les enfers pour sauver l’humanité et qu’au retour son plumage était d’un noir jais, portant ainsi la preuve de sa bravoure ayant traversé l’adversité et qui en gardait sur lui le sombre passage, mais qui était resté de lumière à l’intérieur.

L’agente solitaire de l’Ordre du Corbeau avançait vers un nouveau combat et dans celui-ci, plusieurs batailles devaient être gagnées, parmi celles-ci, certaines lui paraissaient insurmontables, si telle n’avait pas été sa foi inébranlable, cette fois-ci, elle aurait abandonné. Par la grâce, elle n’était pas seule, Sahadeva blindé dans sa droiture et ses convictions, il était une colonne de soutient incontestable, Sylaruil, la représentante du beau peuple de cette magnifique île veillait aux bases, Tijak l’impétueux passionné qui se démènerait pour les soutenir, Sail qui défendrait sa vie jusqu’au bout et Hermine qui sans l’ombre d’un doute, ferraillerait jusqu’à son dernier souffle. Malo était dans son cœur et le resterait, il était présentement sa source, il était ce mal qui la faisait vivre, car sans mal, Vëla de Torm n’existait pas.

L’heure était venue, l’illusion d’un bien être était présent, cette tromperie qui appartenait au malin ne pouvait tromper la vigilance de la guerrière divine. Ils étaient rendus dans l’antre du mal local. Elle se rappelait son passage dans la gueule de Kazgaroth, de se faire broyer, avaler puis digérer, elle puisait dans se passage ses forces. * Torm, puisse-tu nous donner la force nécessaire, en ton nom, la justice sera. *




Une fois sur place, détection du mal en balayant sur 180 degrés et plus si nécessaire.

S'il n'y avait pas eu la menace sourde de la sorcière qu'ils traquaient, Tijak aurait pu se croire revenu quelques années en arrière alors qu'il courait les bois autour de son village natal, un village semblable au hameau de pêcheurs qu'était Herledan. Certes, tout danger n'était pas exclu à l'époque car une rencontre fortuite avec des animaux sauvages ou des gobelins en maraude restait toujours possible mais tout cela était quand même bien moins périlleux que la guenaude qu'ils espéraient surprendre.

Evoluant sans peine dans les tailles, le jeune éclaireur conservait aisément le bon cap dans son déplacement, la rivière qu'ils suivaient étant un bon garde-fou pour les guider et leur éviter de s'égarer. Un petit coup d'œil en arrière lui avait permis de remarquer la présence discrète de Malo, présence rassurante tant Tijak avait pu apprécier la force de l'ours-garou.

Rassurante aussi était la présence d'Hermine à ses côtés, progressant également sans bruit, avec qui il échangeait des signes de connivence pour optimiser leur marche à tous les deux.

Puis, une bizarre impression s'insinua dans l'esprit du jeune adolescent. Il y avait quelque chose qui clochait, une imperceptible modification de l'atmosphère dans laquelle il baignait. S'immobilisant, Tijak mobilisa ses sens pour analyser ce qu'il voyait et entendait. Le chant de ce merle sonnait faux comme si quelque chose se tramait.

Inquiet, le garçon tourna la tête, cherchant à capter le regard d'Hermine pour lui faire partager son malaise. La jeune femme éprouvait-elle le même ressenti ? À quoi était due cette étrange impression ?

Voulant en avoir le cœur net, Tijak signifia par gestes qu'il allait s'approcher pour en apprendre davantage. Puis, léger comme une plume, il se faufila au milieu des buissons, se laissant guider par le chant du merle.

La réponse de Malo n'avait pas été aussi encourageante qu'ils auraient pu l'espérer, mais quoi de plus logique qu'il soutienne celle qui lui offert une seconde vie et pour laquelle il éprouvait visiblement des sentiments ?

Sahadeva espérait de tout cœur qu'un affrontement inutile avec Marge puisse être évité, mais il était prêt à parer à toute éventualité. Il savait également que ce serait tout aussi dur, ou même plus dur encore, pour Vëla si elle devait affronter Malo dont l'intervention l'avait sauvée. Il posa sa main sur l'épaule de la paladine en signe de soutien. Quoi qu'il arrive, ils pourraient tous compter les uns sur les autres, le Maquar en était persuadé.

La marche, silencieuse quant à Sahadeva, s'était poursuivie un bon moment. Elle aurait pu être agréable si le guerrier avait relâché quelque peu sa vigilance, mais il ne cessait de scruter attentivement son environnement. Il remarqua bien vite que quelque chose d'anormal se produisit : ces gestes de Tijak, ce grognement de Malo, tout indiquait une menace.

Aussi silencieusement que possible, il s'arma de son arc et saisit une flèche dans son carquois. Il suivit du regard Tijak qui s'éloignait, prêt à couvrir le jeune garçon à l'aide de ses traits si la nécessité s'en faisait sentir.

ous son masque de métal, Hermine fronçait les sourcils. Non pas d'étonnement ou de doute, mais à cause du coté étrangement familier de la situation dans laquelle elle se trouvait, et des complications tactiques que cela impliquait.

Hermine: Art de la magie pour identifier l'effet magique (1d20+10, DD 20+niveau).

Qu'elle parvienne ou pas à la déterminer, au final, l'appelation précise du maléfice lancé sur cette région n'avait pas grande importance : près du Marais des Lézards, Sirène avait déjà été directement confrontée à de tels effets.
Dorénavant, chaque buisson pouvait dissimuler une sorcière, chaque arbre pouvait en fait être un ogre ou un géant, chaque chemin dissimuler une fosse remplie de pieux, et la rivière ne pas du tout couler à l'endroit où il semblait. Elle songea un instant à rédiger un message, et à envoyer Biscotte en arrière pour prévenir Sahadeva et les autres. Mais son amie, anxieuse, lui signifia d'un regard qu'il était hors de question qu'elles s'éloignent l'une de l'autre pour l'instant. Peu d'arcanistes étaient capables de cibler à la fois l'aventurière et son familier et, si Hermine se retrouvait ciblée par un enchantement où une illusion, Biscotte représentait une chance supplémentaire de retrouver ses esprits ...
Hermine rengaina son parchemin : après tout, le Maquar penserait bien tout seul à utiliser les pouvoirs de perception étendue de Nakula, particulièrement utiles dans une telle situation ! Ni à garder l'œil des Sorcières à portée de main, pour leur conférer un avantage décisif ...
Elle soupira : bien qu'elle-même n'avait négligé aucune des huits écoles de magie de son apprentissage, l'Illusion faisait partie de celles qu'elle appréciait le moins. Vérifier deux fois le moindre objet avec lequel on intéragissait, vérifier que sa jambe était bien mouillée chaque fois qu'on piétinait dans une flaque, marcher toujours en dehors du chemin évident, ... c'était certes nécessaire, et elle allait le faire, mais c'était chiant !

Évidemment, alors qu'Hermine était en proie à ses réflexions, Jakelm avait déjà décidé d'avancer. C'était de toute manières la seule chose à faire, s'ils ne voulaient pas être rejoints et leur position dévoilée par leur compagnons moins discrets. Par signes, elle répondit à Jakelm, sans oublier d'informer Malo, qu'elle-même ferait de même, mais par un itinéraire détourné, pour conserver leur formation « en V » élargie : Tijak-l'empressé au centre, Hermine et Malo sur les cotés, en soutien.

Juste avant de se remettre en route, toujours aussi discrètement et aux aguets, Hermine commença à canaliser son énergie, tandis que les plaques de son armure se reconfiguraient en fonction. Aucun ennemi n'était encore en vue, cela n'allait certainement pas durer ...
Inconsciemment, elle chercha la présence rassurante de sa lame et de son grimoire, avant que leur absence criante ne se rappelle à elle. Tant pis, elle allait devoir continuer à s'adapter ...


Hermine enlève son armure (mouvement).
Hermine: protection contre les projectiles (standard).
Hermine remet sa cuirasse (mouvement).
Hermine continue à avancer furtivement.

Visiblement, Malo ne semblait pas trop goûter à l’issue évoquée par Vëla. Il s’était même détaché du trio de l’arrière garde. Son comportement n’était pas une surprise, lui qui avait noué des liens d’affection avec Marge, lui qui était par sa nature mi-bête, mi-homme.

L’elfe du soleil levant profita de ce moment de calme forestier avant la tension voire l’affrontement pour se ressourcer. La rencontre de la veille avait été éprouvante et voilà plusieurs jours que le groupe dormait et gambadait par monts et par vaux. Elle laissa son esprit vaquer à une demi-rêverie faisant vagabonder son âme mais conservant une allure de marches certaine.

Continuant de s’enfoncer peu à peu dans la direction indiquée par le grig, la Llewyr compris dans son sang ce dont il était question. Le lieu puait la noirceur d’une sorcellerie maléfique. Sylaruil ne cacha pas son ressenti à Sahadeva et Vëla avec qui elle marchait toujours de compagnie. L’elfe en profita pour redoubler d’attention aux moindres détails qu’elle pourrait observer. Elle ne s’attendait pas à rencontrer grig ou pixies dans un tel lieu, mais plutôt des boggarts, des darklings et autres Glouras.

Le trio de tête s’agit, Malo se mit à grogner. Il fallait désormais rester sur le qui-vive et Sahadeva n’attendit pas une seconde pour sortir son arc. Un chant à la gloire de la forêt vint sur les lèvres de Sylaruil. Elle serait prête à l’entonner si jamais le groupe avait à faire à la guenaude Elle. L’elfe savait qu’un chant savamment employé pouvait réchauffer les cœurs et renforcer le courage. Elle profita de ce même instant pour mettre sa main sur la poignée de son épée prête à dégainer. Elle sentit la fraicheur du pommeau tout en pensant qu’il ne le resterait plus pour longtemps.