Invitation au voyage

Malgré quelques circonvolutions dans les explications du gnome, Virgile fut porté de croire en ses explications. Si l’archiviste leur cachait encore quelques mystères, c’était probablement pour garder l’ascendant sur eux et non pas pour les piéger quand l’occasion se présenterai.

Le moine n’avait pas connaissance de la moitié des lieux ou des peuples évoqués, mais ça ne l’inquiétait pas outre mesure. Celles qui étaient à même d’apprécier la dangerosité de leurs obstacles n’avaient pas encore poussé de cris d’orfraie, donc il supposa qu’il n’y avait là rien d’insurmontable.

Tandis que Ravio expliquait à Virgile et Ashura la raison de leur recrutement, Virgile sourit intérieurement.

¤ Intelligence et adresse ? J’espère qu’il n’y compte pas trop.
Sagacité et agilité, au mieux.
S’il se trompe également sur les autres, j’espère aussi qu’il sous-évalue le danger, sinon c’est le vieux qui va devoir sauver la situation. ¤

La remarque de leur hôte concernant le demi-orque piqua sa curiosité. Il avait déjà eu l’occasion de faire équipe avec un représentant de sa race, qui ne lui avait pas laissé une grosse impression. Restait à savoir de quel acabit ce dernier était fait.


Pour l’heure, ni les dires du gnome, ni les objections de ses comparses, ne troublaient la quiétude de Virgile. Faisant honneur aux plats qui se succédaient, il n’ouvrait la bouche que pour avaler les différents mets qui s’offraient à lui, laissant aux autres le soins de poser leurs questions.
On ne sait proprement que lorsqu'on sait peu : Avec le savoir augmente le doute.

Les informations affluaient à toute vitesse et Metzli ne savait plus où donner de la tête. Par chance, la mystérieuse jeune femme qui accompagnait Sabetha avait pris la parole et posé de fort intéressantes questions, ce qui avait permis à l'ensorceleuse de faire le point sur ce qu'elle avait appris.

Tout d'abord, l'observation du visage de Ravio, couplée à son discours, lui avaient fait la meilleure impression : c'était visiblement l'un de ces érudits fantasques qui écumaient le monde à la recherche de pièces rares dont l'étude et la collection occupaient l'essentiel du temps libre. Son évocation des Halles des Merveilles confirmait cette intuition : il entretenait probablement des relations étroites avec le clergé de Gond.

¤ Ce n'est certainement pas un champion du Bien, mais pas non plus quelqu'un de mal intentionné… Probablement une sorte savant qui doit passer un peu partout pour un original… ¤

La nature de leur mission l'avait également laissée songeuse. Piller une tombe l'avait un peu rebutée au premier abord, mais la jeune femme commençait à considérer l'entreprise avec intérêt : la curiosité et le sentiment de se rendre utile l'emportaient peu à peu sur ses réticences.

¤ Des Asabis? Des sortes de sauriens, si je me souviens bien... Je me demande s'ils sont fort différents des hommes-lézards croisés à Leilon. Pas sûre que mes talents de diplomate soient suffisants pour traiter avec eux et ce seront peut-être mes sorts offensifs qui seront les plus utiles à note expédition... Quant à ces dragons, à ces hobgobelins et à leur descendance commune, ils constituent un danger considérable. Il faudra sans doute aussi faire preuve de discrétion... ¤

Metzli jeta un coup d'œil vers ses compagnons. Elle avait vu Sabetha à l'œuvre et connaissait sa valeur. La jeune femme anonyme semblait avoir la tête sur les épaules, ce qui avait quelque chose de rassurant. Elle n'avait pas eu tant d'occasions de faire équipe avec d'autres femmes et celles-ci lui inspiraient plus confiance que celles qu'elle avait croisées jusqu'alors.

C'était moins le cas des deux hommes : ils n'avaient pratiquement pas ouvert la bouche depuis leur arrivée en ces lieux. L'humain était âgé et visiblement expérimenté, mais elle n'arrivait pas à lire en lui, ce qui la dérangeait. Quant au demi-orc, l'amnienne avait toujours éprouvé une répulsion à leur égard : elle les trouvait repoussants, vulgaires, cruels... Tout l'inverse de ce qu'elle appréciait. Mais l'un d'eux lui avait probablement sauvé la vie à Tilverton, ainsi qu'à Télim et Joinon. Elle ne l'oubliait pas et, malgré ses émotions, elle avait décidé de laisser le bénéfice du doute à celui-là aussi.

Les choses sérieuses avaient commencé, c'était indubitable. La jeune femme avait d'ailleurs cessé de manger pour reporter toute son attention sur la discussion. Elle prit à son tour la parole :

- J'ai bien deux questions pour ma part. La première concerne la composition de notre expédition. Je n'ai jamais exploré de tombeau aussi ancien que celui-là... mais il n'est pas rare d'entendre que ce genre de lieu peut abriter des morts-vivants, des malédictions ou des pièges destinés à décourager les intrus. Ne serait-il pas bon de demander à un prêtre de se joindre à nous?

Elle laissa sa phrase en suspens, avant de tenter de sonder à nouveau leur hôte :

- A un dévot de Gond peut-être?

La jolie ensorceleuse en vint à sa seconde question :

- Ma deuxième question concerne le partage de ce que nous trouverons à l'intérieur de la tombe. Quelle sera la part de chacun, y compris la vôtre? Que devrons-nous prendre ou, au contraire, laisser sur place pour ne pas "trop" profaner le mausolée?

Au terme de sa question, elle crut bon d'ajouter :

- Et, précision utile pour ceux qui ne me connaissent pas, je suis Metzli Arnesen, aventurière et ensorceleuse. Autant que chacun sache avec qui il est à table et avec qui il risquera probablement sa vie sous peu...

Le murmure d'Ashura fit sourire la magicienne. La bretteuse connaissait ce sourire, celui-là même qui voulait dire qu'elle n'avait pas tort et qu'elle n'imaginait même pas à quel point elle avait raison.

Elle écouta les questions et commentaires d'Ashura, Virgile et Metzli tout en observant la quantité excessive de nourriture sur la table. Cela lui rappelait quelque peu les banquets ostentatoires dans certaines maisons en vue du Cormyr, et en plus d'être des souvenirs particulièrement ennuyants, elle ne pouvait s'empêcher de les comparer à la pauvreté qu'elle avait observé les années suivants. Depuis, ce genre d'étalages ne lui plaisait guère. Mais toutes ces réflexions ne s'affichèrent qu'en un unique soupir qu'il fallut être génial pour interpréter.

Elle se contenta de peu et rajouta à toutes les questions :

- Je suis certes cormyrienne de naissance, mais mes arcanes sont certainement plus marchéennes. Par ailleurs, quoique flatteur, c'est porter bien peu d'intérêt à leurs qualités respectives que de me prendre pour référence. Ashura est une tacticienne née et une cheffe efficace. Ainsi qu'une excellente bretteuse, cela va sans dire. Quant à Virgile, même si il ne reconnaîtra pas par trop d'humilité, son esprit est capable de s'aventurer sur des sentiers que nous qui nous disons savants nous interdisons. Et ses méthodes de défenses sont plutôt impressionnantes.

Et je dirais que, certes, la morale concernant le bien ou le mal de la nécromancie n'a pas de réponse absolue. Mais la puissance politique d'un nécromant est, elle, autrement plus sûre. Sans même avoir besoin de lancer un sort, un mage bénéficiant de cette réputation inspirera déjà bien plus de craintes que n'importe quel évocateur.

Elle sirota son thé.

- Mais certes, nous ne parlons pas de Shoon VII, mais d'un empereur plus bienveillant. Quoique, un empereur tout de même, elle rebondit sur la dernière question de Metzli, d'ailleurs, un ilmatari serait plus qu'heureux de nous accompagner dans le tombeau d'un de leur Saint, vous n'avez pas contacté l'église du Brisé ?

Elle hocha la tête et se tût, visiblement impatiente d'entendre les réponses aux questions de ses camarades.

La bretteuse se raidit légèrement et sentie ses joues s’enflammer, recevant les compliments de Sabetha avec la bonne grâce attendue. La jeune femme était habituée à être examinée et jaugée. Elle supportait habituellement les assauts avec stoïcisme, mais elle ne s’attendait pas à cela. Gardant une expression pondérée, même s’ils avaient tous pu remarquer son étonnement, Ashura esquissa un sourire timide, soulevant sa tasse dans la direction de la magicienne, en signe de politesse, et avec l’habileté d’une dame de la cour.

- Prestement auxiliaire d’une compagnie caravanière, confirma-t-elle brièvement vers Metzli et Virgile. Ce qui explique ma légère… obsession pour l’organisation, acheva la bretteuse en émettant un gloussement silencieux.

Elle afficha une moue d’autodérision, comme pour se moquer de ses propres prétentions. Intérieurement, se sentant un peu gênée, notamment d’avoir autant accaparé la parole, elle resta silencieuse, à écouter les autres, fixant son regard sur le gnome. La bonne humeur semblait communicative, se dit-elle, un peu amusée. Elle se sentait particulièrement légère depuis son entrée dans la tente de Ravio, sans pour autant avoir touché à l’alcool. Peut-être devrait-elle arrêter de toujours s’attendre au pire…

Toujours terré dans l’ombre, avachi comme un gros sac, les jambes écartées, discret, hormis le fait qu’il soit un amas musculeux dans une armure rutilante. Le barbare n’avait qu’à peine montré signe d’intérêt pour la conversation, même quand Ravio vint à évoquer sa présence et cette récente rencontre avec un autochtone.

Bandit ? se questionna-t-il, en faisant un court effort de mémoire. Un cul-terreux conclu-t-il brièvement. Il fallait être très courageux ou complétement stupide pour le suivre. Il lui avait pourtant donné une chance de se rendre car clairement battu et ne montrant plus guère d’intérêt. Un ivrogne et un inconscient, niais et crasseux, même pas digne de mépris. Vite oublié.

Pour l’heure, le barbare n’aspirait qu’à s’humecter les boyaux. En écoutant cette cacophonie verbale, il se fascina pour la qualité du service. Il avait beau vider rapidement sa corne de bière ambrée, ci tôt fait, un serviteur translucide venait pour lui remplir à nouveau, et à ras-bord. Un jeu malsain s’instaura progressivement entre lui et l’invocation servile. Ghaz Arghûr venait à se demander lequel des deux craquerait en premier.

es questions fusaient, mais cela ne semblait pas pour autant gêner le gnome. Peut-être pensait-il qu'un groupe non-intéressé par la mission n'en poserait pas autant. Quelque part, il n'avait probablement pas tout à fait tort. Il tilta à l’évocation de Gond.

Ravio

- Ah ! Si seulement les églises n’étaient pas aussi lentes à se décider ! J'en ai contacté, croyez-le, mais l'urgence de la situation ne permet pas d'attendre une chevauchée. Ils arriveront. Un jour. -------------------- Les années, sinon décennies, passées à fouiner dans les bibliothèques ne sont pas tout à fait étrangères à l'apparence du gnome. Myope, sensible à la pleine clarté du jour, l'humour abstrait voire abscons, ce gnome est l’archétype de l'archiviste.

Il sourit de façon narquoise avant de sauter sur ces minuscules jambes et de trottiner jusqu'à une grande malle.

Ravio

- On s'en passera, croyez moi ! J'ai ici quelques petites babioles pour vous, entre autres fournitures, issues de précédentes expéditions. Vous n'avez évidemment pas carte blanche pour dévaliser ma collection - et vous auriez d'ailleurs bien du mal à tout transporter - mais vous aurez suffisamment pour pallier à quelques situations embêtantes classiques. Tout équipement consommé ou endommagé pour le bien de l’expédition est couvert par mes soins, bien évidemment, sous réserve de succès. La répartition se fera en fonction de ce qui est trouvé ; je n'ai d’intérêt que pour l'art, et les pièces d'armes et d'armures qui seront utiles aux futures expéditions. A ce propos, admirez donc cette petite merveille ! -------------------- Les années, sinon décennies, passées à fouiner dans les bibliothèques ne sont pas tout à fait étrangères à l'apparence du gnome. Myope, sensible à la pleine clarté du jour, l'humour abstrait voire abscons, ce gnome est l’archétype de l'archiviste.

Il sortit une masse d'arme du coffre, qui émettait une lumière comme celle d'une torche. Etant de taille adaptée à un humain, il la manipulait avec un certain mal.

Ravio

- Il était commun à l’époque de faire des armes magiques imbibées de lumière, mais cette habitude s'est perdue de nos jours. Environ trois armes sur dix sont lumineuse, je dirais. Mais celle-ci fait bien plus ! Elle possède la propriété magique spectrale et à été spécialement forgée pour combattre les mort-vivants. Spectres et squelettes ne seront que formalité. -------------------- Les années, sinon décennies, passées à fouiner dans les bibliothèques ne sont pas tout à fait étrangères à l'apparence du gnome. Myope, sensible à la pleine clarté du jour, l'humour abstrait voire abscons, ce gnome est l’archétype de l'archiviste.

Il la déposa sur le sol à même le tapis, et elle resta ainsi en équilibre sur trois de ses pics. Il rejoint le groupe et sortit une carte de sa cape, qu'il étala sur la table.

Ravio

- Nous sommes ici. Et là se trouve l'oasis de la tombe, à trois heures de marche. Savez-vous pourquoi personne ne l'a trouvée ? Tout le monde la cherchait dans la forêt depuis des siècles, mais ces cervelles de trolls avaient oublié que l'Anauroch s'est beaucoup étendu depuis ! Elle se trouve maintenant en bordure de désert ! D'ailleurs, je ne serais pas tout à fait surpris que l'oasis ne soit au final qu'une conséquence des émanations magiques de la tombe. Peut-être y a-t-il aussi une source d'eau dans la tombe ? Après tout, ces personnes aiment s'entourer des possessions et lieux de vie qu'ils avaient de leur vivant. A ce titre, je ne saurai pas dire le contenu exact de la tombe. Nous avons affaire à un vizar, elle ne sera logiquement pas immense ni trop complexe. Plusieurs pièces, c'est certain ; des couloirs ; des alcôves. Ne prenez rien d'ostentatoire dans la salle du sarcophage, ce sont les possessions les plus sentimentales, qui pourront déclencher des conséquences au delà de l'acceptable. Cela n'est bien sur plus valable si la tombe est déjà profanée, ou que la momie... disons... n'est plus dans son état de repos initial. -------------------- Les années, sinon décennies, passées à fouiner dans les bibliothèques ne sont pas tout à fait étrangères à l'apparence du gnome. Myope, sensible à la pleine clarté du jour, l'humour abstrait voire abscons, ce gnome est l’archétype de l'archiviste.

Il s’arrêta pour reprendre son souffle. Il parlait tellement qu'il en avait oublié de commander le prochain plat aux serviteurs translucides. Heureusement pour Ghaz, les serviteurs avaient l'instruction préalable de resservir tout verre vide, qu'ils suivaient à la lettre.
Les compagnons avaient par ailleurs remarqué que la position indiquée par le gnome ne semblait pas correspondre à là où ils croyaient être.

Ravio

- Je m'en retournais du Festival quand une aura a titillé mes sens. Nous sommes en Anauroch, et vu l'incursion récente d'ombreux, on ne pouvait être trop précautionneux. Je suppute que ce déplacement massif d'ombreux a remué les entrailles de l'Anauroch, et déplacé quelques dunes. L'une d'elle a laissé apparaître l'aura, faible, et les inscriptions à proximité ne laissaient aucun doute sur la nature du lieu. Je ne vous accompagnerai pas, j'ai fort à faire ici. Quant à la communication, j'ai peur que la portée de tout sort de langage soit bien en deçà de la distance à laquelle je devrais rester pour ne pas attirer l'attention sur vous. Vous pourrez me signifier la fin de la mission en brisant ce talisman, et j'ouvrirai à nouveau ce rideau quand vous serez à proximité. -------------------- Les années, sinon décennies, passées à fouiner dans les bibliothèques ne sont pas tout à fait étrangères à l'apparence du gnome. Myope, sensible à la pleine clarté du jour, l'humour abstrait voire abscons, ce gnome est l’archétype de l'archiviste.

Ce disant, il posa le-dit talisman sur la table, un simple disque de terre cuite où était grossièrement sculptée d'une paire d'yeux aux sourcils fournis - cela n'était pas sans rappeler la trombine de Ravio -. Le tout porté par une ficelle.

- Pour être tout à fait honnête, et bien que quelques illmatari m'en veuillent encore - ne parlez pas de moi dans les temples de la Triade au environs Mirabar - , nous ne sommes pas complètement démunis. Il se trouve que l'énergie positive canalisée par les prêtre pour fermer les blessures peut être invoqué par des voies moins... cléricales. Je préférerais utiliser ces sorts pour soigner vos blessures, mais dans l'absolu, il feront autant de mal aux morts-vivants qu'ils nous feraient du bien.

La magicienne reporta ensuite ses yeux sur la carte. Les idiots avaient beau avoir oublié la topographie, l'Anauroch, qui se résorbait désormais, n'était pas n'importe quel désert. Pas plus que Pénombre n'était apparu en son centre pour une raison aléatoire.

- Puisque nous étions tous les deux au festival Ravio, comme Metzli, ne devrions pas nous inquiéter autant des shadovars que de leurs ancêtres. Mes cours d'histoire antique sont bien loin mais, il me semble que l'ensemble du désert est une ancienne zone dense de l'empire. Ne devrions nous pas nous inquiétez de ce que nous pourrions trouver autour des zones de chute des cités volantes ? Les Shoons et leurs vizars étaient tous de sacrés arcanistes, mais ils arrivent à peine à la cheville d'un mage néthérisse. Les lois de Mystra ne sont plus ce qu'elles étaient mais je peine à croire que tout puisse être si normal ?

Le ton n'était pas vraiment effrayé. Il s'agissait d'autre chose. La magicienne était... intéressée, fascinée, excitée ? Les ensorceleurs rêvaient souvent de rencontrer un dragon ou une fée, mais pour une magicienne humaine, marcher dans les ruines d'une citadelle d'un empire littéralement surnommé "L'Empire de la Magie", dont l'archimage le plus connu était aussi le seul être connu à avoir temporairement disloqué la Toile, dépassait largement la crainte que les magies résiduelles pouvaient évoquer.

Elle saisit un petit pain et croqua dedans. Elle laisserait l'organisation à Ashura, elle était bien plus douée qu'elle pour ça.

- Je pense parler pour nous tous en disant que la masse devrait revenir à notre colossale première ligne, elle hocha la tête vers le demi-orque, je ne sais pas d'où vous venez, mais les Marches comptent un royaume orque, et demi-orque, depuis suffisamment longtemps pour que je sache que l'appétit pour la guerre ne fait pas nécessairement naître le mal.

Pour ce qui est du reste, des antidotes divers, éventuellement des talismans ou des parchemins permettant de résister à la terreur que peut évoquer les morts-vivants pourraient être utile. Ainsi que de l'eau bénite si il y en a en stock, cela va sans dire. Souterrain oblige, nous serons coupés de la lumière du jour, si jamais vous avez une lanterne qui reproduit ces effets, ce ne serait pas de trop non plus. Je ne doute pas qu'un tel collectionneur à des merveilles dans ses coffres.

Jouer sur l'égo de ce genre de personnage n'était jamais inutile, pensa t'elle en souriant.

Elle avait beau chercher dans sa mémoire, d’expérience de caravanière, elle n’avait pas d’anecdotes positives à fournir sur l’Anauroch. Des terres stériles, des contreforts rocheux, des steppes à perte de vue, des crevasses sans fond et des tribus considérées comme agressives. C’était un pays de sortilège, une contrée d’horreurs et de mystères terrifiants. On lui avait chuchoté à mots couverts quelques allusions aux abominations que cette région abritait. Les voyageurs qui troquaient avec les bédouins n’importaient pas de bons échos au sujet des Asabis, des sauriens aux maléfiques desseins. Et la réputation était encore moins tendre à l’encontre des hobgobelins.

Sa dernière visite de la chaine des montagnes Néthers remontait à une année. Cela raviva quelques souvenirs douloureux. L’expérience s’était avéré éreintante, et la conclusion périlleuse. Un sourire maussade lui vint aux lèvres, avant qu’elle ne dissipe les souvenirs pour en revenir au présent.

Elle buvait son thé à petites gorgées, se laissant le temps de réfléchir. Dans le plus grand silence, et Ashura avait au front un profond pli de concentration, le regard fixe, avec une expression indéchiffrable. Intérieurement, la bretteuse émettait encore beaucoup trop de doutes envers leur commanditaire. Le gnome peinait à clarifier la situation, usant de métaphores et de sarcasmes, émettant les informations au compte-goutte alors que toutes omissions pourraient avoir de terribles conséquences sur l’expédition à venir. Quand il s’agissait d’une affaire dangereuse dans un environnement hostile, cela n’avait pourtant rien d’un sujet de conversation polie.

Jetant un œil sur l’arsenal magique de Ravio, elle se demanda quelles histoires pouvaient bien raconter de tels objets ? Depuis combien de temps l’archiviste recrutait-il des aventuriers comme aujourd’hui ? Et combien d’aventuriers n’étaient jamais revenus au seuil de la tente enchantée ?


Elle était là à réfléchir à tout cela, lorsque Sabetha prit la parole. La bretteuse soupira légèrement en réponse, constatant l’étendue de son enthousiasme. Quelque part, cela n’avait rien de surprenant. La caravanière partageait aussi cette fascination de l’extraordinaire et de l’inconnu, l’effet de ce bouillonnement intérieur. La magicienne semblait bien décider à marcher de front dans une conquête scientifique. Metzli, l’ensorceleuse aventurière, semblait encline à suivre la même voie. Les trois femmes partageaient donc un précieux point commun.

La question était désormais de savoir si les personnes rassemblées souhaitaient coopérer. L’attention d’Ashura se porta sur l’homme silencieux, présent, mais à l’aise, dont les descriptions avaient éveillés autant de mystères que de réponses. Une assurance qui laissait présager une certaine expérience.

Il restait aussi le grand guerrier à la lance. Un être sauvage, l’antipode de tout ce que la bretteuse avait appris au fil des années. Elle n’était pas femme à juger autrui, à imposer de jugements hâtifs : violent, grossier, brutal, furent les premiers mots qui lui vinrent tout de même à l’esprit. Il ne les avait pas salués, si l’on exceptait son grognement magnifiquement expressif. Ce guerrier était une source d’inquiétude dont l’expédition n’avait pas vraiment besoin. Leur travail était déjà assez hasardeux sans qu’on y invitât des dangers supplémentaires.


A présent, il fallait faire un choix. Elle envisagea de se défiler, mais prompt et volontaire, elle céda machinalement devant son désir de servir, mais se jeter délibérément dans une situation mortellement dangereuse et mettre en péril autrui – elle-même, en l’espèce – ne souffrait aucune excuse. Elle ne pouvait pas se permettre de faire preuve d’indulgence à ce sujet. De fait, elle était arrivée devant le mur accablée à l’idée de devoir s’enfoncer dans les ténèbres d’une crypte – une expédition hors de ses frontières dont elle risquait de ne jamais revenir.

Elle fit taire ses nombreuses sources d’inquiétude, et mettait l’accent sur le positif, sur les solutions, les pistes qui libèrent, sans pour autant minimiser les difficultés. Elle fit courir ses doigts sur la carte pour tenter de mesurer les distances. Son esprit déjà instinctivement dédié à la tâche fastidieuse de l’organisation. Il fallait Etablir les modalités de coopération, clarifiant le partage du travail à effectuer, répertoriant les compétences de chacun. Elle calcula l’itinéraire, étudia les lieux propices à faire halte. Elle estima le nombre de provisions nécessaire pour le voyage et l’exploration de la tombe. Pleinement appliquée à la réalisation et au succès du projet. Prudente et méthodique, elle insisterait jusqu’à ce qu’il ne reste plus un lambeau de viande sur la carcasse…

Tout en écoutant Ravio, Metzli s'était souvenue de nouveaux détails sur l'Anauroch et son glorieux passé : elle était loin d'être une historienne aguerrie, mais elle se rappelait bien de quelques bribes d'informations que son père lui avait enseignées à propos de l'antique civilisation néthérisse et de ses fabuleuses cités volantes.

Cette expédition s'annonçait aussi intéressante que dangereuse, car le danger pourrait frapper de tous côtés : environnement inconnu, créatures potentiellement puissantes sur leur chemin et, enfin, le contenu de la tombe... et ses probables gardiens. L'ensorceleuse n'ignorait pas ces différents périls, mais elle était curieuse et croyait fermement en sa bonne étoile, estimant être bénie par Tymora. Si elle ne l'avait pas annoncé publiquement, elle avait intérieurement fait son choix : elle participerait à l'expédition, du moins à condition que la plupart des personnes présentes s'y joignent également.

Elle approuva d'un petit hochement de tête les propositions et questions de Sabetha, qui semblait être une véritable encyclopédie vivante. La jeune amnienne regarda, admirative, la magicienne s'exprimer.

¤ Quel âge peut-elle bien avoir? 25 ans ? 30 peut-être? Elle ne semble pas si vieille et pourtant qu'elle en sait des choses! ¤

Une chose était sûre, la masse ne l'intéressait pas et elle serait mieux maniée par un individu aussi fort que ce demi-orc. Metzli préférait user de magie et, en cas de nécessité absolue, elle dégainerait la lame que lui avait confiée son père : ses enchantements étaient certainement suffisants pour repousser un mort-vivant.

Alors qu'Ashura semblait plongée dans ses réflexions, la jolie amnienne se risqua à ajouter à la liste de réquisitions de Sabetha :

- Si nous ne pouvons pas compter sur l'aide des églises, il nous faudra de quoi nous soigner, potions ou baguettes, en fonction de ce dont vous disposez. Et de manière plus pragmatique, sans doute de quoi nous déplacer : j'ai deux chevaux, l'un pour moi, l'autre pour mon matériel. Mais des chevaux sont-ils appropriés pour traverser cette région? Est-il plus prudent de se déplacer à pied? Ou sur le dos de ces créatures appelées chameaux? Cela aura inévitablement des conséquences sur le matériel que nous pourrons emporter...

Elle n'avait que rarement vu des camélidés, en dehors d'illustrations dans des livres, même si quelques-uns étaient parfois de passage à Athaktla. Cela aussi lui semblerait bien exotique, si cette solution venait à être privilégiée. Metzli se risqua à une dernière question :

- Avez-vous la moindre idée de l'étendue de ce mausolée et du temps qu'il pourrait nous falloir pour en tirer ce que nous cherchons?

Les choses se précisaient. Sous la tente, chacun pour des raisons différentes, tous cheminaient jusqu’au moment fatidique où ils allaient accepter la mission.
Virgile lui, n’avait aucune raison de refuser. Il avait vécu, et pourtant la moitié des personnages ou lieux évoqués dans la conversation lui échappait. C’était une raison suffisante pour accepter.

¤ Le désert donc.. Existe-il quelque chose de plus difficile a prédique que le nombre de grain de sable dans une dune ? ¤

Par curiosité, le moine se leva pour se diriger vers le coffre. A dire vrai, il n’avait pas attendu Ravio pour se préparer à l’aventure, et donc, à tout. Aussi, possédait-il un large éventail de matériel, dans la mesure de ses moyens.
De prime abord, pour la mission qui les attendait, seule une tente lui manquait. Et s’ils devaient passer plusieurs jours dans les dunes à chercher l’entrée, autant qu’elle soit confortable.

- Veuillez excuser mon ignorance, mais j’ai quelques lacunes en survie en milieu désertique. Une tente est-elle nécessaire pour bivouaquer ? Si oui, je n’en possède pas. Je ne demande pas quelque chose d’aussi fastueux que le lieux ou vous nous accueillez, mais auriez vous quelque chose qui pourrait me – ou nous – servir d’abri ? Demanda Virgile.
Si nous devons passer plusieurs jours à chercher ou forcer l’entrée de la tombe, la qualité du campement sera primordiale.

D’ailleurs, rajouta-t-il à l’attention des magiciennes, pour ce qui sera de trouver la tombe, je crains de ne pas savoir détecter la magie. Par contre, si vous repérez une zone à fouiller, je pense pouvoir me rendre utile.

Virgile retourna près de la table. Bien que n’ayant plus très faim, l'évocation de la chaleur du désert avait déclenché une certaine soif. De plus, maintenant que leur quête se précisait, il jugea opportun d'étudier la carte qui trônait sur la table depuis leur arrivée.