Dans une grotte non loin de Caer Callidyr, Vëla s'effondre

Le coup était parfait, le Juste avait guidé son bras à l'endroit précis, le seul, où il convenait de frapper pour décrocher le mollusque sans risquer éclabousser ses compagnons, briser la coque, y bloquer le piolet. Le coup était parfait. A l'instant de l'impact, Vëla en avait eu conscience et s'était soudain senti soulagée du poids de la culpabilité.

Son échec n'en était plus un, ils avaient réussi à extraire le Mal, le hameau n'aurait plus à souffrir. La douce chaleur de la fierté lui réchauffait le coeur et l'âme et aussi soudainement, lumière et chaleur disparurent. Aspirés par la créature suspendue au bout d'une corde. Le vide fut rempli en une fraction de seconde par un bruissement, chassé par un murmure, balayé par un cri, écrasé par un hurlement si puissant, à l'intérieur de sa tête, que le paladin de Torm fut balayé, soufflé comme un tornade éteint une bougie.

Elle sentit son corps se dérober sous elle et son esprit se recroqueviller.
Une autre qu'elle aurait disparu dans les Nimbes, elle restait là, en dehors de l'espace et du temps, dans une fraction qui n'avait plus la moindre dimension. Et face à elle, flottant en dehors du temps et de l'espace, une perle noire, rien de plus, qui la dardait d'aucun regard mais d'une malveillance absolue.

Comment avait-elle osé s'en prendre à elle, à lui, à ça ?
Comment une mortelle s'était-elle sentie assez forte que pour affronter un dieu ?
Qui était-elle ?
Qui es-tu Vëla de Torm ?

La jeune fille de la Rashéménie était fortement heureuse que le dénommé Malo puisse les aider, même si au début elle n’y croyait pas trop la suite parlait d’elle-même. Un point pour Marge qui avait dit vrai dans ses intentions d’aider le malheureux infecté. La suite fut rapide, précise et presque mortelle.

Ils avaient, ensemble, réussi la mission, il ne restait plus qu’à sortir de cette grotte cette huitre pour la ramener à la citadelle. Vëla était presque au paroxysme quand soudain elle sentit en elle un gouffre l’aspirer. Même si la paladin ne connaissait pas la peur, une inquiétude la prit soudainement suivit d’un questionnement * sont-ils tombé eux aussi? * Qu’elle se posait avant tout de tenter de raisonner le reste.

Rapidement la néophyte de l’Ordre du Corbeau était en extase, elle était là où elle devait aller, au cœur du mal et était là où se trouvait aussi l’amour. Si elle s’en sortait, elle ne serait plus une néophyte, mais bien un membre en règle de l’Ordre du Corbeau avec l’autorisation de s’investir indépendamment dans l’œuvre au clair, elle serait un Corbeau.

Puis réalisait sa position, de suite elle inspirait ses mantras en expirant la lumière d’amour au travers son être laissant son auréole de lumière s’intensifier à son maximum, et ainsi de suite, se chargeant ainsi d’une énergie divine qui en appelait à son amant Torm. Elle était maintenant ses yeux, ses oreilles, son nez et avant tout son bras armé. Elle avait atteint le cœur du mal, il fallait maintenant l’éliminer. Vela avait obéi à la loyauté de son devoir avec courage et don de soi, tout comme Torm avant elle et tout comme amant, la jeune fille serait ressuscitée, peut être par Ao ou serait-elle vue par Tyr lui-même ou Torm apparaitrait ou tout simplement par elle-même.

Ce fut la dernière option qu’elle envisageait, la jeune fille devait sans sortir par elle-même, tout comme le corbeau qui avait traversé les enfers pour y déposer une étincelle de lumière et en ressortir vivant, mais avec un plumage devenu noir, preuve de son adresse et de la réussite de sa mission.

Les questions fusèrent dans son esprit, cela venait du mal devant elle, cette perle noire qui la narguait tentait de l’affaiblir dans ses convictions.


- Je suis Vela de Torm, celle de la loyale fureur, sa main de justice, celle qui soutient Le Vrai. Toi ce mal derrière cette perle qui est tu? Explique-moi pourquoi et pour quelle raison agis-tu ainsi. Je veux comprendre tes motivations, ne sommes-nous pas là l’un en face de l’autre, alors ose m’instruire de tes desseins. –

Résolut à terminer le travail commencé, la jeune fille ne voulait pas se soucier où elle était, ni même savoir si elle était morte ou vivante ou sur un autre plan, la guerrière divine voulait savoir. Elle voulait apprendre du mal et comme seule arme qu’elle possédait en ce non-temps non-lieu, lui restait sa détermination, sa vigueur et sa foi inébranlable.

Vëla

Et soudain il y eut un instant. Sans possibilité de savoir si quelque chose avait eu lieu avant ou après, là ou ailleurs. La perle de ténèbres se zébrait de rouge, sang, douleur, un gout métallique dans la bouche et l’odeur de la putréfaction. Un parfum de peur et de malignité à la mesure de sa Lumière intérieure. La sphère sans dimension ni contour, la perle, se fissura et en son cœur se tenait un humanoïde en position fœtale. C’était elle, ou une partie du moins, qui se débattait comme si elle tentait de s’extraire de cette substance gluante et horriblement chaude, à faire fondre sa chaire et annihiler sa raison, comme si elle brulait vive. Dans un instant de faiblesse, ses perceptions prirent le pas sur la raison et elle crut, succombant à la chaleur infernale.
Vëla prend 4 pts de dégâts de feu

Et les plumes de ses ailes divines s’assombrirent. Se roulant en boule pour préserver son âme de ses propres flammes, elle refusait de se laisser engloutir. La forme de la perle changea et la forme ténébreuse et repoussante se fit protectrice et forte. Son père, Vallord était là, en face d’elle. Il lui disait d’abandonner, comme lui, la foi futile en un dieu qui avait été vaincu et qui le serait encore, et d’embrasser comme il le méritait Kazgaroth à la divine fureur. Lui n’aurait jamais accepté que sa fille souffre come elle souffrait, il aurait dévoré ses ennemis et toute menace pour les cent ans à venir. Après quoi il règnerait dans un monde nettoyé de toute fragilité où chacun pourrait enfin vivre pour soi et ne plus se soucier des autres.

Et Vëla ouvrit les yeux et ses yeux n’étaient plus voilé par l’absence d’espace entre eux. Ce n’était pas son père, c’était un fragment de la griffe de l’avatar de Kazgoroth, un gigantesque Tyrannosaure. Il se penchait vers elle et ouvrait une gueule si grande que son ami équidé aurait pu être dévoré en une bouchée.
Elle sentit que quelqu’un la touchait et essayait de la ramener mais l’effort était trop important, le mal trop présent.

La vision que l’ex-folle de Torm avait, lui confirmait que l’amour était au centre du mal. Elle se voyait naissante de cette maudite perle noire qui se zébrait maintenant de rouge et elle commençait à trépasser dans d’affreuses douleurs. Elle s’y attendait, les moines de l’Ordre du Corbeau l’avaient préparée à cette douleur insoutenable qu’elle vivrait un jour si elle était engloutie par le mal, elle y était. Contrairement à ce qu’elle pouvait croire, la jeune fille ne se laissait pas partir dans la peur et le désespoir, la douleur renforçait son vouloir de vaincre et continuait, non pas de résister, mais d’exister tel qu’elle était, la maitresse de Torm.
Puis là, elle comprit le rêve qu’elle avait fait, cette nuit sous terre où elle était avec Elion; son père lui était apparu et à ce moment elle avait cru qu’elle devait le retrouver, mais il en était autre, elle allait le revoir. Là devant elle, il s’adressait à sa jeune fille, celle qu’il avait abandonnée pour poursuivre son sentier inconnu de tous. Vëla souriait à le voir, depuis tout ce temps qu’elle espérait puis doucement, se forçant à le dire à cause de la douleur qui la prenait elle dit * je t’aime père, mais je ne peux pas me laisser aller, je ne peux pas abandonner l’humanité, jamais je ne renierai Torm et la douleur de l’amour est mienne que mon feu continu de bruler dans le mal et que le mal cède à la lumière. *

La gueule de Kazgoroth allait l’engloutir, Vëla ne faiblirait jamais devant l’adversité et c’était pour elle un honneur de trépasser de cette façon, mais elle n’en avait pas terminé. Lorsque la gueule vint sur elle et qu’elle sentit que la mâchoire se refermait, la guerrière divine fit exploser sa lumière intérieure allant puiser les dernières forces qui lui restait, elle vit cette lumière céleste partir du centre de sa Rose qui fécondait en son cœur et qui traversait le plus dense des matières en criant de toute son âme * JE SUIS! *

La paladin faisait preuve d’une foi unique. Nul doute que son amant l’accueillerait dans ses bras bienveillants devant une telle démonstration de dévotion. Mais la bête était plus forte, rejeton d’un dieu quand elle n’était qu’humaine. Elle était dans son domaine, au cœur de son territoire de souffrance et de malheurs.
La bave immonde du monstre l’englua tout entière, englobant la lumière céleste et s’amusant à la pervertir, à flétrir la Rose de son cœur.
Les mâchoires se refermèrent et Vëla sentit tout son être se briser. Elle baignait dans l’acide digestif du monstre, incapable de se mouvoir, incapable même de penser.
Elle mourrait, abandonnée, coupée du lien qui la liait à son dieu, souffrant de ce manque.

Dans cette souffrance absolue, elle crut entendre quelque chose. Ce n’était qu’un clapotis d’abord mais très vite il se changea en son, puis en une multitude symphonique. Tandis que la musique prenait corps, elle se rendit compte que la douleur avait disparu toute entière et qu’elle était enveloppée dans une poche pleine d’une eau qui scintillait avec bienveillance.

Le retour dans le placenta maternelle lui arracha toute barrière mentale. Son état de béatitude était tel qu’elle aurait accepté d’y vivre toujours. Si sa foi en Torm était moins absolue.

La membrane se déchira et dans une nouvelle naissance, ses poumons hurlèrent qu’ils avaient besoin d’air, qu’il faisait froid, que le poison était à l’intérieur d’elle et qu’il faisait tellement mal ! Combien de temps avait-elle été inconsciente ? Que s’était-il passé ?

(Suite)