Chapitre 1 : L'astre Pourpre

Les dernières semaines avaient été froides. Du moins, l'auraient été si elle se souvenait encore de la sensation de froid. Là haut sur les piques elle était pour un temps devenu un animal errant qui ne cherchait qu'à survivre. Et en vérité, c'était presque un hasard si les sentiers et les pierriers l'avaient ramené au niveau des pâturages. Elle ne comprenait toujours pas vraiment comment elle était arrivée là, mais lorsque le sang et les corps déchirés avaient commencés à joncher son chemin la colère commença à monter en elle. Par mandat divin la protection de ceux qui traversaient les sentiers étaient sous sa protection. Mais même si elle les avaient trouvé isolés dans grotte, la colère l'aurait quand même pris. Ses propres erreurs avaient coûtées trop de vie pour qu'elle accepte de laisser des imbéciles, des cupides, des fanatiques ou quoique ce soit d'autres faire un massacre impunément. D'autant plus que, puisque les Galènes étaient derrière elle, elle se savait quelque part en Damara, sans connaître suffisamment la région pour être plus précise.

Les affables autochtones qui avaient suivis la tradition et rompu le pain avec elle leur avait en plus appris que ces meurtriers étaient des fanatiques de sombres dieux. C'était comme si sa propre volonté s'accordait avec celle de son patron : le Vagabond n'aimait guère la plupart des divinités généralement qualifiées de sombres.

La route qu'elle avait suivie ensuite avait été parcourue telle une prédatrice. Ses perceptions en alerte, elle cherchait la moindre trace, cherchant les coupables pour purger sa colère. Et lorsque, enfin, elle en saisit un sur le fait, son sang ne fit qu'un tour. Un grognement sourd sortie de la bouche de l'elfe à écaille alors que la sangle de son arc se relâchait et laissait l'arc tomber dans sa main. De ce qu'elle en savait, l'homme qui venait de mourir pouvait être l'agresseur comme la victime. Elle en savait trop sur les monstres accusés à tort pour croire que la situation était aussi facilement solvable.

Elle encocha une flèche dans l'arc et tira sur la corde, tendant au bord de la rupture les lames de métal, de corne et de bois souple qui supportaient sa force. Une fois l'archer en ligne de mire, elle dit, suffisamment fort pour être entendue :

- J'ai déjà vu beaucoup trop de cadavres sur les routes ces derniers jours ! Je vous conseille de me prouvez rapidement que vous êtes des survivants et pas des bourreaux !

La dragonne aux traits elfiques bouillait de colère et l'archer comme le prêtre risquait fort d'en faire les frais si ils ne trouvaient pas un moyen de se disculper.

Serana, Reïlo Blanche Flamme & Mirtzar Boucledacier

Reïlo Blanche-Flamme & Serana
Derrière d’énormes volutes grisâtres, le soleil illuminait timidement les pans abrupts de la montagne, tapissé de neige fraiche. Le matin de bonne heure, un vent glacial fouettait un paysage désolé. Les deux hommes retrouvèrent un semblant de paix et de solitude, le temps de quelques battements de cœur…
Un peu plus loin, un filet d’eau formait un petit bassin où du vieux linge étaient amassé.

Le rôdeur suivit les recommandations du prêtre, s’approchant de l’arme, il l’attrapa pour la fixer du regard.

Kvoth

- Une longue lame, dit-il. Fabriquée dans un beau métal. Elle pèse lourd. Un manche d’une main et demi, c’est ce que l’on appelle une épée-bâtarde. Il fit tourner le pommeau pour en détailler quelques motifs. - Mais je n’ressens rien d’magique. -------------------- Humain, grand et svelte, la peau pâle, des tâches de rousseur, des cheveux roux et une barbe mal taillée. Vêtu de teintes sombres et le visage recouvert d’une large capuche.

Écoutant d’une oreille attentive, le prêtre avait décidé de laisser trainer ses mains dans les belles parures de l’infortuné. Le clerc examina un être empli de déformations physiques, autant d’excroissances osseuses, ou d’hypothétiques kystes et autres tumeurs, masses pleines de substance semi-solide. La structure de ses muscles et de ses articulations semblaient atrophiée, une pigmentation maladive et une odeur nauséabonde.

Il portait un gilet de velours, avec broderies à l’encolure et laçage sur le côté, et par-dessus, une veste de cuir sans manche. Des bottes de couleur noire, de grande taille et renforcée au talon. Des accrocs et des saletés achevaient de rendre misérable le vêtement de bonne facture, sans être de qualité exceptionnelle. Les vêtements suggéraient ceux d’un marchand ou d’un tenancier. Pour une obscure raison, Reïlo pensa que l’aubergiste devait être un tantinet en chair.

Reïlo força un peu sur ses frêles bras de bibliothécaire pour remuer le corps qui reposait sur le ventre. Méthodiquement, il se mit à fouiller ses effets, déjà maculés de boue et de sang. Il tâta les poches sans rien trouver.

C’est à cet instant, qu’une voix féminine et autoritaire intervint derrière eux, depuis le haut d’une colline. Kvoth ne perdit pas une seconde. La grande épée tinta en retombant sur le sol. Le chasseur tourna sur ses talons et leva son arc en y encochant une flèche. C’est alors que Reïlo pu observer un être singulier, les joues couvertes d’écailles, une longue chevelure argenté, des crocs, une épée d’une dimension extravagante et son arc bandé dans leur direction. Ses injonctions tintèrent d’une étrange note métallique. Un spécimen rare aux origines incertaines.

Chacun se tenait en joue. La tension redevenant brusquement palpable. Sans détourner le regard de sa cible, Kvoth lâcha quelques mots vers son compagnon.

- Didonc, Drôlement fréquentées ces montagnes… Et elle, elle porte une arme de guerre. Ça j’peux t'l’affirmer.

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Serana
Test art de la Magie 2(d20)+6 = 8 [échec]

Mirtzar Boucledacier
Un vent glacial fouettait le paysage désolé. Pourtant, Mirtzar était à présent insensible au froid, capable de traverser les blizzards sans manteau. Au moment où le Nain commença à formuler une phrase, le feu explosa dans un jaillissement d’étincelles et d’éclats de bois dont l’un frôla l’épaule du guerrier. Les formes qui tourbillonnaient devant lui s’évanouirent d’un seul coup, sauf quelques feuilles retombèrent en pluie sur leurs têtes.

- Nous n’avons pas pour habitude de faire éclore de faux espoirs, reprit-elle à voix basse. L’homme venu du Sud. Celui à la barbe couleur de flamme. Nous l’avons vu. Mais nous ignorons à présent s’il est encore en vie.

Rien ne semblait vraiment émouvoir la vieille femme, ses yeux toujours fixés sur les charbons rougeoyants du feu.

Étrangement, elle se mit à sourire. Elle ferma les yeux comme happée par des souvenirs.

- Nous sommes les enfants des Glaces, poursuivit-elle. Tenus pas le serment du Roi-Diseur, filles et fils du peuple Maalcrom. liés par le sang, nous garantissons la paix, nous vivons ensemble. Nous chassons en meute, nous dormons en groupe, nous combattons dos-à-dos en voyageant sur une mer de glace et nous ne craignons pas les mauvaises âmes.

Elle rouvrit les paupières en regardant le Nain dans les yeux.

- Je te dis cela car je crains que tu n’aies pas le temps de rencontrer notre groupe. Tu dois déjà partir, car tu dois rejoindre Ton groupe.

Elle pinça les lèvres et hocha la tête en reprenant son air énigmatique.

- C’est le moment d’honorer ta promesse. Tu as une dette envers mon peuple, plus grande que tu ne le crois. Car nous t’avons aidé, bien que ce soit contre nos lois. A présent, c’est nous qui avons besoin d’aide. Le Mal frappe ce territoire, tu dois rejoindre tes amis, tout de suite, acheva-t-elle d’une voix grave.

Brusquement, faisant irruption dans la pinède, Mirtzar fut surpris par le son d’une cloche suivit d’un étrange beuglement rauque. Une singulière masse de poils grossière et laineuse, qui couvrait la tête et les épaules d’un grand buffle. C’était un bœuf grognant à poil sombre, ses cornes étaient entrelacées de rubans multicolores et son mufle orné d’un anneau de cuivre. Cet animal avait un front large et bombé, des cornes assez longues et recourbées vers l’arrière. Il était trapu, les jambes courtes et recouvertes, aussi bien que le ventre, d’un poil long et soyeux. Le mufle humide, l’œil sombre et sa longue queue touffue balayant le sol. Si de mémoire de Nain, cet animal pouvait lui rappeler quelque chose, Mirtzar aurait pu dire un monstrueux chien de Terre-Neuve.

La créature s’arrêta près d’une vieille souche enneigée et la vieille femme se leva pour aller à sa rencontre. Elle délaissa sa couverture, et ne portait ni cuir, ni fourrures. Ses bras tatoués à l’encre indigo, étaient nus. Pourtant, elle ne trahissait aucun inconfort, le froid avait aussi desserré son emprise sur elle.

- Doucement, fit-elle d’un ton calme.

Les amulettes d’ossements enroulés autour de son poignet cliquetèrent tandis qu’elle tapotait l’encolure de la créature. L’imposant buffle laineux poussa un grognement sourd, son souffle chaud visible dans l’air froid, démontrant sa nature farouche.

- C’est Druvask, dit-elle en souriant. Fidèle et courageuse. Elle te portera jusqu’à tes amis.

L'examen de la tenue du cadavre n'avait rien révélé d'intéressant : aucun élément permettant d'éclairer l'origine ou l'identité de la créature difforme. Au grand regret de Reïlo... La détermination de Kvoth lui avait seulement appris que l'arme ne semblait être emprunte d'une malédiction rendant fou ou furieux celui qui s'en emparait.

Faute de mieux, le demi-drow aurait sans doute poursuivi sa route, si une bien étrange créature n'était apparue en vociférant des menaces à leur encontre. Il était las... terriblement las... et les apparences pouvaient jouer contre eux, il en était bien conscient. Il n'avait aucunement envie de combattre qui que ce soit et s'efforça d'apaiser la situation.

Il prit un court instant pour réfléchir et répondit avec honnêteté :

- A moins que vous n'usiez d'un sort de vérité, il sera difficile de prouver quoi que ce soit. Mon compagnon et moi-même sommes prêts à le passer, le cas échéant... Dans le cas contraire, je vous invite à nous écouter et à observer la scène.

Sa voix était claire mais fatiguée. Sans attendre, il poursuivit :

- Je suis Blanche Flamme, disciple d'Oghma, et voici Kvoth, rôdeur. Notre route a croisé celle de cet homme que nous pensions faire partie d'une communauté toute proche, dont les habitants ont disparu dans d'étranges circonstances. J'ai tenté de l'aborder et de lui poser quelques questions, mais il m'a foncé dessus et m'a violemment frappé de son épée, comme mes plaies en témoignent. Ses propos étaient incohérents : il nous disait de partir, qu'on ne devait pas le voir jouer avec cette épée. Mon compagnon m'a simplement sauvé la vie, car il m'aurait frappé à mort...

Le métis ajouta :

- Vous pourrez constater que je souffre de plusieurs blessures et que je me suis avancé seul et sans le moindre sortilège de défense vers ce malheureux... Lui, par contre, s'est précipité vers moi, comme les traces dans la neige peuvent l'attester. Si nous avions voulu l'abattre comme vous pourriez le penser, il aurait été plus sûr pour moi de le faire à distance, à l'aide d'un sort ou de mon arbalète... Nous étions en train de l'examiner afin de comprendre ce qui l'avait mis dans un état pareil... sans grand succès, je dois bien l'avouer.

Il fixa la nouvelle venue, scrutant cet être qui l'intriguait.

Connaissance (des mystères ?) pour en savoir plus sur la nature de Serana.

La nouvelle venue parcouru les quelques dizaines de mètres qui les séparait en gardant le rôdeur en joue. La soie déchirée et passée de sa cape bleue flottait derrière elle comme le souvenir fantomatique d'une apparence plus noble, comme les anneaux d'or sur ses cheveux qui ne devaient pas avoir vu savon et chiffon depuis des semaines. Et il devenait de plus en plus évident à chaque pas que ses cheveux de platine contenaient suffisamment de nœud pour terroriser le plus courageux des marins.

Définir son ascendance précise serait un travail malaisé, mais les yeux ne trompaient pas. Et il n'y avait pas besoin d'être spécialisé sur la chose pour comprendre qu'un arc de ce genre devait nécessiter une force démesurée pour être tirée. Alors que, pourtant, l'elfe ne semblait pas avoir les muscles d'un orque. L’anatomie avait ses règles, la force s'augmentait de deux façon, l'hypertrophie musculaire, ou la multiplication de ces mêmes muscles. Et les dragons avaient beaucoup de muscles.

Ce n'est qu'à une dizaine de pas que, après un long moment de tension, Serana finit par baisser son arc. Une colère persistante brillait dans ses yeux, et il était évident qu'elle ne leur faisait pas confiance, mais quelque chose l'avait pousser à les croire. Peut-être me symbole en argent qui brillait le long de sa cuisse aurait put leur en dire plus long, si ils l'avaient reconnu. Mais puisque ce n'était pas le cas, elle leur paraissait juste comme une étrange vagabonde qui avait dû avoir les moyens.

- Je me contente généralement de méthodes plus conventionnelle pour découvrir la vérité. Vos actions parlerons pour elles mêmes, elle se tourna vers Kvoth. Baisse ton arme mon gars. Je viens de passer un mois à échapper à des démons des glaces et à des orques tarés, je risque de me mettre à mordre très vite. Ou à t'arracher les yeux.

Alors que sa main droite allait ranger la flèche dans son carquois ils purent remarquer les mortelles lames de cristal longue d'un pouce et demi qui se tenaient en lieu et place de ses ongles. Sans grande considération pour l'archer, elle s'approcha de l'être difforme. Elle s’accroupit et posa la main sur le corps encore chaud, tournant sa tête en examinant ses étranges traits.

- Et bien, de loin je m'attendais plutôt à une saloperie tombée de la Grande Mer. Humain, ce sera peut-être plus reposant que ces derniers mois...

Elle se releva et regarda le prêtre en plissant des yeux. Les pupilles fendues entourées ci et là des étincelles dorées des elfes aurait eu quelque chose de glaçant pour un historien. Elle ne semblait pas avoir le moindre intérêt pour la sombre ascendance de Reilo.

- Serana, Guide de Shaundakul. Si vous dites la vérité, je suppose que celui ci est lié au tas de cadavre beaucoup trop volumineux que j'ai trouvé sur mon chemin. Qu'est ce que vous savez ? Ne me répondez pas que vous ne savez rien, ce serait déshonorant pour un oghmite.

Visiblement intrigué, Blanche Flamme scruta à nouveau le visage de la nouvelle arrivante. Il n'avait jamais croisé la route de descendante de dragons, bien que celle qui se présentait devant lui correspondait assez bien à ce qu'il avait pu lire dans les ouvrages qu'il avait compulsés. Il ne savait pas trop à quoi s'attendre, même si le fait qu'elle ne les ait pas abattus à vue soit encourageant : son ascendance lui conférait visiblement une force considérable. Il se demandait intérieurement d'où pouvait bien venir une telle créature...

Il répondit honnêtement :

- Je ne sais pas grand chose de cet individu, mis à part ce que je viens de dire. Mais j'ai beaucoup à dire sur les raisons qui nous ont emmenés jusqu'ici et qui sont peut-être liées à ces monceaux de cadavres. Kvoth, tu seras peut-être toi aussi intéressé par ce que je vais dire, puisque nous ne t'en avons que sommairement informé...

Le prêtre d'Oghma remonta aux prémices de l'expédition :

- Je suis le dernier membre d'une expédition partie, il y a de nombreuses semaines de cela, de Valherse. Nous étions dirigés par dame Nërissa, une puissante voyante elfe, capable de voir au-delà de notre plan et de nos capacités. Elle m'a fait l'honneur de devenir mon mentor, pour un temps. Nërissa a mis sur pied cette expédition, en vue de retrouver un certain Tarek Al Shabû, dévot exalté d'Ilmater qui se dirige par ici, avec « le Sceau d’Affliction », un puissant artefact. Ses objectifs sont peu clairs et Nërissa et ses alliés craignaient qu'il ne provoque une déstabilisation de la région, voire de notre plan, en usant de ce mystérieux artefact.

Reïlo en vint à l'expédition en tant que telle :

- Au bout d'une longue mais tranquille navigation, nous avons atteint les rivages déchiquetés de Damarie. Huit d'entre nous débarquèrent : outre Nërissa et moi-même, il y avait quatre elfes, un humain nommé Gulmar et un guerrier nain du nom de Mirtzar. Nous connûmes la froid, la faim et mille dangers, mais Nërissa réussit à nous protéger et à nous trouver une guide. Malgré les difficultés, nous avons progressé... jusqu'à la disparition de notre cheffe...

Le regard du métis s'assombrit, puis il poursuivit :

- Elle fut soudainement "appelée ailleurs", décapitant notre groupe et le laissant démuni dans ces montagnes gelés. Les quatre elfes décidèrent de rebrousser chemin, estimant qu'il ne servait à rien de continuer. Je poursuivis, en compagnie de notre guide, de Gulmar et Mirtzar. Notre guide nous laissa finalement aux abords de Sturmburg.

Le prêtre d'Oghma en arrivait aux événements les plus récents :

- Nous y avons découvert une situation difficile. Les habitants souffraient d'affreux cauchemars, comme nous d'ailleurs : mort, souffrance, torture, créatures abominables peuplent notre sommeil. La prêtresse du village, Yoline, semblait connaître ce mal et estimait que quelque chose de terrible se préparait, confirmant les propos de Nërissa ainsi que certaines visions et rêves dont j'ai fait l'expérience. Elle nous a incité à gagner Wallenburg, en compagnie de Kvoth et d'un guide nommé Harrold, afin d'y chercher un puissant artefact, nécessaire à la lutte.

Son ton s'empreignit provisoirement de tristesse :

- La route fut une fois de plus terriblement éprouvante. Gulmar et Mirtzar ont disparu dans une nuit de tempête, sans que l'on sache s'ils sont morts ou vivants. Harrold, Kvoth et moi avons finalement atteint Wallenburg, pour la découvrir déserte... et vidée de son artefact. Aucune trace de mort ou de lutte, c'était comme si tout le monde avait disparu. Nous avons finalement recueilli une enfant, terrée au fond d'un puits. Sa mère l'y avait cachée et elle nous a dit avoir entendu d'horribles hurlements, ainsi qu'avoir entraperçu un monstre cornu...

L'érudit en vint finalement aux circonstances actuelles :

- Kvoth a repéré des traces de pas en grand nombre qui quittaient le village. Nous avons laissé Harrold et la gamine à Wallenburg et nous les avons suivies... jusqu'à tomber sur cette créature difforme. Je pensais que c'était un habitant du village et j'ai tenté de le raisonner, sans succès...

Il conclut en émettant quelques-uns de ses interrogations :

- Nous ne savons pas dans quelles circonstances les habitants de Wallenburg ont quitté les lieux... Était-ce volontairement? Ou sous la contrainte? Sont-ce leurs cadavres que vous avez découverts? Harrold semblait penser qu'ils auraient pu trouver refuge dans des mines... Quant à savoir ce qu'est cette créature et quel est son rôle dans tout ceci, la question reste ouverte...

Blanche Flamme avait désigné, de la tête, le cadavre qui se trouvait à ses pieds. Il espérait que Serana accepte son récit et, pourquoi pas ?, lui fournisse quelques nouveaux éléments permettant de mieux comprendre la situation.

- Je n'ai fait que suivre le chemin des cadavres. Si je suis arrivé jusqu'ici, je suppose qu'ils sont liés à votre enquête.

La dragonne hocha la tête de gauche à droite avant de soupirer. Elle continuait de fixer le mort en faisant galoper ses ongles sur sa cotte de maille. Enfin, elle se tourna vers les deux autres.

- Peu m'importe leurs raisons ou leur pratique, ils méritent amplement un châtiment. Ce pays est suffisamment abandonné et laissé à la barbarie par ses prétendus dirigeant pour que je m'octroie l'autorité de faire justice sur les routes.

Elle fixa le demi-drow longuement avant de reprendre.

- Donc, si je comprends bien, une grande devineresse elfe, et quatre suivants elfes, elle insistait sur le terme "elfe", ont abandonné leur mission là où ils pouvaient sauver des vie ? Faut il croire que les visions de carnages ne suffisaient pas à évoquer la pitié et la bravoure chez ces pleutres ? Ou que ces damariens ne méritaient pas leur aide ? Leur sang ne devait pas avoir assez de valeur...

Elle sembla à un doigt de cracher son dégoût. Elle s'éloigna un peu pour examiner le terrain.

- Toujours à proclamer leur prééminence sur les autres, mais jamais prêt à risquer leur vie si ils n'en tirent rien pour eux mêmes. Éclatante philosophie que celle de tes enfants, Corellon, dit elle pour elle même mais bien assez fort pour que chacun l'entende. Elle revint vers eux. Et donc leur survie revient à un elfe noir, une dragonne et un humain avec une gueule de vampire. Voilà un amusant jeu du sort.

Bon où sont ces mines ?

L'érudit hocha la tête :

- Vos paroles sont dures, mais justes... du moins en ce qui concerne les quatre elfes qui ont préféré rebrousser chemin plutôt que poursuivre. En ce qui concerne Dame Nërissa, les circonstances sont plus complexes : il semble qu'elle ait été magiquement happée hors de notre plan, en partie contre sa volonté. Mais tout ceci est une autre histoire...

Il ajouta :

- Elle avait également prévu des relais, pour notre voyage retour. Arlæhn avait reçu cette mission. Mais, en l'absence de Nërissa, j'ignore tout du dispositif imaginé et s'il existe une possibilité de recevoir de l'aide de ce côté. Je pense qu'il vaut mieux considérer que nous sommes en effet, et malheureusement, seuls...

Le métis grelotta, plus par réflexe qu'en raison du froid ambiant. Il ajouta une dernière tirade avant de se taire :

- Si vous le permettez, je vais m'appliquer cet onguent de soin avant de poursuivre notre route. Notre guide nous a indiqué qu'il suffisait de suivre le sentier et que celui-ci nous mènerait droit aux mines. Nul doute que Kvoth le retrouvera facilement, si besoin en est...

Sans plus attendre, Blanche Flamme s'appliqua à panser ses blessures, afin d'être prêt à repartir dès que possible.

Utilise un onguent de soin.

Reïlo Blanche Flamme, Serana & Mirtzar Boucledacier
Reïlo Blanche-Flamme, Serana & Kvoth
La lumière du soleil continuait à émerger à travers les hautes montagnes et les nuages brillaient d’un rouge doré au-dessus des arbres d’un vert sombre. L’horizon se composait d’une multitude d’érable et de chênes, d’infinies perspectives d’épinettes, de bouleaux et de sapins, tout échevelés de brume. Les rocheuses et la forêt nordique emplissaient la vue de toute ses irrégularités.

Le chasseur rouquin gardait son arc en main, sa flèche ayant rapidement retrouvé le chemin du carquois. Durant les échanges verbaux, il se contenta de ponctuer par de brefs geignements et de hochements de tête, puis, quand les mots laissèrent place à un silence venteux, il se permit d’ajouter une dernière remarque :

- Yoline, la grande prêtresse de Sturmburg, elle nous a demandé de mettre la main sur « le plus vieux des plus vieux ». Selon ses propres mots, un objet de grand pouvoir. Elle est restée assez vague, mais ça avait l’air important…

Il tourna les épaules vers son compagnon métis.

- Ça a un rapport avec votre devineresse Elfe, et l’artefact qu’elle vous a envoyée récupérer ?

Quelques minutes passèrent sans que les tensions ne parviennent à totalement se dissiper. Une dizaine de mètres à côté du corps inerte du monstrueux, Kvoth fouilla brièvement les vêtements trempés de jour de lessive.

- J’aime savoir ce que je chasse, informa-t-il d’un ton passif. La troupe contient plus de dix personnes, de toutes les tailles et ils ne se lavent pas souvent. Les taches de sang ne laissent que peu de place au doute sur la nature de leurs activités…

Puis, suivant son instinct de chasseur, Kvoth reprit le pistage, espérant remonter jusqu’au campement des pillards en suivant les berges de la petite rivière. Les pitons de grès, de gneiss et de schiste avaient des silhouettes évocatrices, tandis que le canyon s’étendait dans des dimensions spectaculaires. Des cailloux, des cailloux et encore des cailloux.

Kvoth avançait précautionneusement, ses yeux plissés scrutant chaque piton rocheux et chaque recoin envahi par les ombres. Un œil expert, il apercevait des empreintes, parfois légères, dans les nombreuses étendues enneigées, qui indiquaient le passage de fantassins.

Plus loin, une grande ombre noire recouvra la région, fendant la flamme rouge du soleil levant. Pour les aventuriers qui gravissaient avec la peine la piste montagneuse, elle ressemblait à un symbole hostile, de mort et d’horreur, une menace latente et terrible, telle l’ombre d’un assassin qui se projette sur un mur éclairé par une bougie.

Ce n’était pourtant que l’ombre d’un grand piton rocheux qui se dressait devant eux, les mines des sinistres contreforts vers lesquels ils se dirigeaient. Le chasseur s’arrêta quelques instants au pied de la falaise et leva les yeux vers la masse rocheuse qui se découpait sombrement sur le soleil naissant. Après un instant, il haussa les épaules et entreprit d’examiner la piste rudimentaire qui conduisait vers le sommet du rocher. Au premier abord, on aurait dit que seule une chèvre des montagnes pouvait la gravir mais, à y regarder de plus près, suivant ses indications, on apercevait de nombreuses prises, creusées à même la paroi. Cela demanderait de mobiliser leurs forces, mais ils n’avaient pas parcouru toute cette distance pour faire demi-tour maintenant.

Les choses semblaient s'être apaisées et Serana avait décidé de se joindre à eux.

Le demi-drow en était heureux, même s'il était intrigué par cette nouvelle alliée dont il ne connaissait presque rien: il ne pouvait s'empêcher de s'interroger sur les objectifs qu'elle poursuivait. Une trahison était toujours possible, mais il sentait qu'il n'avait d'autre choix que d'accorder sa confiance à cette autoritaire elfe écailleuse.

Il avait suivi Kovth, satisfait de l'avoir à ses côtés et bien conscient du fait qu'il aurait pu se perdre mille et une fois sans l'aide du rôdeur. Celui-ci avait repris avec brio la fonction que Gulmar avait longtemps occupée au sein du groupe. Quant à ses questions, Reïlo y avait répondu avec sincérité : il n'avait pas d'idée sur un lien existant entre les deux artefacts... mais tout était probablement lié d'une manière ou d'une autre, à moins qu'une formidable coïncidence ne soit à l'origine de tout ceci.

Blanche Flamme avait aperçu, comme ses compagnons, les prises dans la paroi qu'ils avaient finalement atteinte. Il était découragé par avance, sachant pertinemment que ses capacités physiques étaient limitées... et c'était encore plus le cas suite aux blessures dont il souffrait. Il regretta qu'Harrold ne les ait informés de tout ceci, mais peut-être l'ignorait-il...

Néanmoins, il n'y avait pas d'autre chemin et l'Oghmite savait qu'il faudrait emprunter celui-là. Il se risqua à une suggestion :

- Je suppose que nous allons devoir gravir cette paroi... Peut-être serait-il plus prudent de nous encorder en cas de problème? Du moins, si l'un d'entre vous à le nécessaire, car je n'ai pas de corde...

a nouvelle que Gulmar était peut-être seul dans les étendues désolées qui les entouraient, blessé, priant les dieux de lui offrir du secours tandis que le Compagnons des Marches d'Argent était en sécurité glaça son sang plus que ne le pouvait le vent frigorifique qui continuait de souffler autour de lui. Le nain d'or aurait été incapable de dire si la sensation de froid que le climat aurait dû lui causer avait disparue parce qu'il s'y était habitué, grâce aux soins de la vieille femme et de ses compagnons ... ou si son envellope corporelle était juste devenue incapable de resentir quoique ce soit après une telle répétition de douleurs morales et mentales.

Mais il devait accepter les faits et ceux-ci étaient que la vieille femme avait raison. Le destin de Gulmar lui avait échappé et il ne pouvait faire mieux qu'espérer que les dieux se montrent cléments envers lui. En ce qui le concernait, il devait regarder devant lui et se montrer digne des attentes de ses sauveteurs. Et il devait trouver un moyen de retrouver Blanche-Flamme aussi vite que possible. Si quelqu'un avait une chance de le remettre sur la voie menant à une sorte de succès pour la mission qu'ils avaient accepté ce qui semblait être des années plus tôt dans les Vaux, il s'agissait du demi-drow.

Pendant quelques instants, Mirtzar avait cru que l'espèce d'énorme vache laineuse était un ennemi. Apprendre qu'il s'agissait d'une monture fut un soulagement. Apprendre qu'il s'agissait de sa monture, beaucoup moins. Le Frère-Molosse avait entendu de nombreuses histoires à propos de ses compatriotes de la Grande-Faille et de leur capacité à cheveaucher des griffons. Lui-même n'avait jamais essayé. Son clan avait été décimmé avant qu'il n'approche l'âge adulte et le climat des Marches d'Argent semblait trop rigoureux pour ces créatures. Toujours était-il que, peu après son arrivée à Sundabar, Frolamin, Mirtzar pensait maintenant au moins en partie pour se divertir, avait demandé à Polby de lui fournir plusieurs montures exotiques et que Mirtzar avait réussi à tomber du dos de chacunes d'elles. Avec le temps, et pas mal d'entrainement, il était maintenant un capable cavalier, même s'il était encore loin d'être talentueux, mais il préférait se contenter d'un cheval, si possible bien dressé. Mais il semblait qu'il n'avait pas vraiment le choix. Après avoir escaladé l'animal, il essaya de trouver un moyen de s'y accrocher avant de s'addresser à la vieille femme, sans quitter des yeux l'animal.

-Encore merci pour votre secours. J'espère réussir à me montrer digne de votre aide et à vous rendre le service que vous m'avez faits.