Chapitre 1 : L'astre Pourpre

ien que ce ne soit pas forcément la face qu'il montrat le plus souvent, en particulier quand il se trouvait dans une situation où le danger était partout autour de lui, Mirtzar se considérait comme un forgeron qui était capable d'utiliser son marteau comme une arme contondante et non comme un guerrier capable de fabriquer son équipement. Il avait donc, plus ou moins, oublié où il se trouvait et cessé d'accorder son attention à ses compagnons dès l'instant où son regard était tombé sur les pinces de forge et le morceau de minerai. Ces deux objets avaient l'essentiel de son attention et il considérait si cela était du vol de se les approprier. Savoir d'où ils venaient et à qui il devait s'addresser pour en obtenir l'usage et la possession était maintenant de première importance et cela ajoutait donc quelques questions à la liste de celles auxquelles le chef de la bande de voleurs allait devoir répondre. En tête de cette liste, même, si le Compagnon des Marches d'Argent avait la liberté d'en choisir la priorité.

Cette inattention l'avait, peut-être, poussé à tirer des affirmations et déclarations de Kvoth, Serana et Blanche-Flamme des conclusions qui n'étaient pas celles qui en découlaient le plus naturellement. Mais cela n'empêcha pas le nain d'or de les formuler.

-Je pense que Kvoth et la Dragonne ont raison: il est possible que la grille serve à maintenir un extérieur, probablement un type de démon, prisonnier et ce ne serait pas sage de laisser un tel danger entre les mains de tels brigands. Je ne pense pas non plus que nous puissions trouver de l'aide assez rapidement, si tant est qu'une telle aide existe dans le coin ce dont je doute vu nos aventures jusqu'ici, et cela veut donc dire que la charge de nous débarrasser de ce culte tombe sur nos épaules.

Voyant Blanche-Flamme essayer de rendre au chef des truands un semblant de vie, Mirtzar décida de proposer son aide. Il était certain de ne pas avoir les talents de son compagnon, la liste des talents que Mirtzar admirait chez Reïlo était longue et ne cessait de s'allonger, mais cela ne voulait pas dire qu'il ne pouvait pas lui être d'un peu de secours.

-Le Père de la Bataille m'accorde un peu de son énergie, ce n'est pas grand chose mais cela pourrait aider à ranimer ce rascal, vous ne croyez pas?

Les efforts de l'Oghmite n'avaient pas porté leurs fruits et le "Chef" était toujours inconscient. Plusieurs options s'offraient à eux : le tuer, le laisser sur place ou le prendre avec eux.

Le laisser là, même ligoté, apparaissait comme une très mauvaise idée aux yeux de Blanche Flamme : ils avaient eu la chance d'affronter un ennemi désarmé et surpris. Une fois libéré, il ne serait plus une cible aussi facile et ne manquerait pas de se lancer à leurs trousses. Le tuer, comme le suggérait Kvoth, était la solution de facilité, mais ne leur procurait aucune information utile. Le transporter semblait difficile car un corps tel que celui-là entraverait considérablement leur progression et anéantirait tous leurs efforts de discrétion.

C'était alors que Mirtzar s'était proposé de le soigner. L'idée pouvait paraître saugrenue : gâcher de la magie curative sur un ennemi, alors qu'ils étaient eux-mêmes, pour la plupart, épuisés et blessés. Mais elle présentait aussi des avantages : pouvoir peut-être mener un interrogatoire sur place dans un délai raisonnable.

Reïlo émit donc un avis positif :

- Pourquoi pas ? Tu peux toujours essayer. C'est cela ou le tuer… A moins que quelqu'un ne soit volontaire pour le porter sur son épaule ?

Reïlo Blanche Flamme, Serana & Mirtzar Boucledacier

Reïlo, Serana, Kvoth & Mirtzar
Ainsi, après quelques minutes de tergiversation commune, le Nain se rapprocha du captif pour faire preuve de ses capacités surnaturelles octroyées par une vie de dévotion. Le rite de la guérison par l’imposition des mains. Il était le canal récepteur à travers lequel passait une force divine afin de soulager, de régénérer et d’harmoniser, selon les besoins des tissus, des organes et des corps subtils. Un intermédiaire entre le ciel et la terre. Mirtzar se dirigea vers la partie où l’énergie devait aller : un visage meurtri.

Les forces vitales ne tardèrent pas à se présenter, quoiqu’invisible et non perceptible, elles s’exprimèrent à travers une courte prière.

Le présumé chef de ce groupe de bandits reprit conscience brusquement, ouvrant les paupières et engouffrant une grande bouffée d’air. Ses trois yeux clignèrent, il jeta un bref regard circulaire. Soudain, l’adrénaline supplanta la somnolence. Dans un mouvement de rage instinctive, gonflant la poitrine et les biceps, il tenta de se défaire vainement de ses liens. Quelques secondes, le temps que le bougre prenne pleinement conscience de la situation.

Retrouvant aussitôt son calme, son expression s’était muée en une grimace coléreuse et renfrognée. Il respirait fort. Ses épaisses arcades sourcilières recourbées vers le bas, le nez retroussé et les lèvres entrouvertes. L’orgueil était brisé. Ses membres entravés par les soieries, le mutant fixait les aventuriers avec un air sévère, une haine palpable. Cela semblait lui demander un effort colossal pour garder un semblant de sang-froid.

- Inutile de nous regarder comme ça mon gars. C'est pas la meilleure manière d'assurer ta survie.

Vu la taille du bonhomme, elle ne s'était pas accroupie, mais faisait son possible pour ne pas paraître plus menaçante que nécessaire.

- Inutile de perdre du temps. On a finit le troll, et deux de tes potes sont morts comme des cons. Mais y avait déjà des morts dans le dortoir. Mais il y a encore un survivant. Tu peux être du nombre si tu sers à quelque chose.

Elle soupira, consciente que sa prochaine phrase serait inutile.

- Je suis prête à te proposer le même marcher. Je doute que vos transformations soient naturelles, surtout depuis que nous savons qui est votre patron. Si tu nous donnes ce que nous voulons, et que tu le renie, on fera ce qu'on pourra pour qu'un temple s'occupe de vous. Mais je ne peut rien promettre.

Elle doutait même que le chef présumé en sache beaucoup.

- De quel manière servez vous Orcus ? Qu'est ce qu'il y a en bas et a quoi servent les sacrifices ? Est ce vous qui avez massacré la région ? Et qui sont réellement vos chefs ?

Mirtzar avait pris les choses en main, en apposant les siennes sur les blessures du chef. C'était la première fois que le métis contemplait un paladin usant de ce pouvoir. Le résultat fut étonnamment rapide et le blessé reprit connaissance.

Blanche Flamme brûlait d'impatience de poser mille et une questions à leur ennemi, à commencer par requérir des informations sur le destin des villageois ou sur la présence d'un culte voué à Orcus dans cette région. Mais il craignait de faire pire que mieux puisque ses précédentes tentatives d'intimidation n'avaient servi à rien. Sa frêle carrure et son vocabulaire choisi ne lui conféraient probablement pas une apparence suffisamment inquiétante.

Il laissa donc Serana prendre l'initiative, en espérant que le prisonnier réponde. Dans le cas contraire, ils se retrouvaient avec un prisonnier éveillé, dangereux et foncièrement inutile : le prêtre d'Oghma doutait en effet que ses compagnons goutent au meurtre ou à la torture, en particulier Mirtzar.

Le demi-drow se contenta donc d'observer silencieusement la scène.

Reïlo Blanche Flamme, Serana & Mirtzar Boucledacier


Serana, Reïlo Blanche-Flamme & Mirtzar
Le bandit hirsute, le nez toujours en sang et une lèvre enflée plissa ses trois yeux sur la demi-dragonne qui semblait vouloir prendre en charge l’interrogatoire. Une fois qu’elle eut annoncé la couleur, le mutant frémit et son visage prit une teinte sombre. Il cracha dédaigneusement un mollard ensanglanté en souillant l’un des tapis luxueux à leurs pieds.

- Rrr… Ptt ! Tu dis vouloir m’offrir l’opportunité de survivre ? Garde tes menaces pour les imbéciles qui ont peur de toi, grogna-t-il. Une colère froide au fond de chacun de ses yeux. J’ne suis pas un citadin prêt à ramper en suppliant devant des chiens !

Il y avait de l’électricité dans l’air. Son ton exprimait une étrange confiance, insensé en de telles circonstances. Sa voix était grave et son timbre graveleux, mais son élocution était distincte. Il jeta à nouveau un regard circulaire, eut l’air de réfléchir un court instant.

- Ce n’est pas la patrouille ducale qui vous envoi… (il soupira en secouant la tête) Étrangers, vous vous êtes condamnés en venant fouiner ici. Vous ne connaissez rien de nos traditions. Tout ceci n’est pas vos oignons…

Il revint à Serana, toujours autant de colère dans ses trois yeux.

- Prenez votre tribut aujourd’hui, et vous finirez écorchés demain. Partez, quittez la province tant que vous le pouvez encore.

Kvoth, qui avait ouvert la bouche pour répondre avec colère, ravala ses mots sur l’instant.

Parmi les échanges houleux, Mirtzar fut le seul à remarquer un détail. Le captif jetait des regards régulièrement vers le rôdeur roux. Plus précisément, vers sa ceinture où était rangée une grande épée sans fourreau.

Lancers...

Serana - Jet de compétence : Social : 3(d20) +4(deg) +3(Cha) = 10 ~ Echec
Kvoth - Jet de compétence : Perception : 5(d20) +6 = 11 ~ Echec
Reïlo Blanche Flamme - Jet de compétence : Perception : 4(d20) +0(deg) +4(Sag) +1 (race) +2 (Vigilance Familier) = 11 ~ Echec
Serana - Jet de compétence : Perception : 7(d20) +0(deg) +0(Sag) = 7 ~ Echec
Mirtzar - Jet de compétence : Perception : 17(d20) +0(deg) +0(Sag) = 17 ~ Réussite

La dragonne plissa les yeux. Elle ne visait pas la diplomatie, ou quoique ce soit d'autre. C'était un marché honnête, si son interlocuteur avait l'intelligence d'en faire quelque chose. Puisque ça se marchait pas...

Elle se pencha vers le moche. Fluidement, elle pris l'arme avancée et la posa sur le ventre de l'homme. Elle souhaitait dans l'absolu qu'il ne tombe dessus qu'après l'avoir écoutée. Que le canon appui ses paroles.

- Regarde moi, tête de fion, dit elle la colère brutalement réapparue dans sa voix. Visiblement plus maîtrisée cette fois, t'as déjà vu une elfe avec des écailles ? Tu crois vraiment que je passe inaperçue ? Tu penses que j'ai jamais pris d'insultes et de pierres ? Tu crois que le noiraud a côté à jamais rien pris ? Tu sais qu'il y a des régions où les roux n'ont aucun autre choix que de devenir prostitués ou de se casser pour survivre ?

Elle souffla un air glaciale à l'homme.

- J'ai fait exploser un navire entier pour la seule raison que je croyais en ma cause, je me suis battu contre des démons et des fées, j'ai vu mon dieu chanceler sur le champ de bataille... J'ai de la pitié parce que je connais ton histoire. Mais je n'en aurais pas la moindre à t'arracher la tête du cou pour tes choix.

Elle fixait l'homme d'un air glaciale. Il y avait peu de chance qu'elle mente sur ce dernier point.

- Ta région est un gigantesque bordel parce que vous avez laissé un nécromant s'y amuser. Mais le jour où ton dieu va commencer à s'intéresser à Thay ou aux mulans ? A vouloir traverser le bief pour aller dans les Vaux ? Non seulement les rouges détestent les bigots, mais je doute qu'ils adorent Zhengyi. Et tu sais certainement que le Cormyr lance des croisades pour moins que ça. Ne parlons même pas des elfes. Ou d'Elminster. Est-ce que tu as la moindre idée de ce qu'on trouve de l'autre côté de l'eau ? La seule raison pour laquelle personne ne s'intéresse à ce bout de terre, c'est parce qu'il faut être complètement con pour y rester. Mais le démon qui te sert de patron ne s'arrêtera pas aux frontières. Et tu ne voudras pas être de son côté le jour où le reste du monde va vouloir lui fermer son claque-merde.

Alors maintenant, soit tu parles et tu as une chance. Soit tu te tais, et tu finiras au mieux dans les troupe infernale d'Orcus, damné pour l'éternité. Et à ce moment, ta tronche d'oignon te paraîtra être une foutue sinécure.

Une fois de plus, Blanche Flamme laissa l'initiative à Serana qui semblait particulièrement courroucée. Il espérait secrètement que cette rage qui bouillait en elle ne prendrait pas le dessus, quelle sache garder le contrôle. Mais il savait tout aussi bien que si le chef ne parlait pas rapidement, ils perdraient un temps précieux et se trouveraient face à un prisonnier devenu inutile.

Ne sachant que faire, il se dit qu'il pourrait tenter d'aider la demi-dragonne dans ses efforts d'intimidation. Il sortit la dague au manche incrusté de perles qu'il venait de découvrir dans la pièce, puis étudia la physionomie du "chef" en tentant d'afficher un rictus mauvais sur son visage. Il espérait que son ascendance drow lui servirait à quelque chose en cette occasion.

Aide Serana pour l'intimidation.

Reïlo Blanche Flamme, Serana & Mirtzar Boucledacier

Reïlo, Serana, Kvoth & Mirtzar
Un interrogatoire était souvent comme une lutte, le premier round était essentiel, et souvent, conditionnait l’issue de l’affrontement. La voix impérieuse de Serana avait résonné dans la petite salle. Chacun était en droit de se demander si elle n’allait pas sortir de ses gonds. Mais de toute évidence, cet imbécile entravé et arrogant ne montrait aucun signe de relâchement. Quand elle eut fini, il se contenta d’hausser les épaules en soupirant.

- Si ce bout de terre ne te convient pas, trace ton chemin. Retourne dans le trou qui t’as vu naitre.

Il rectifia sa position adossé au pied du lit et il s’éclaircit un peu la voix :

- Tu déblatères beaucoup de mots, pour quelqu’un qui ne sait rien. Et t’oses dire que tu compatis à notre histoire ? (il grimaça et éclata d’un rire grossier). Des conclusions hâtives. L’Histoire de Damara ne commence pas à Zenghyi et au bon roi Gareth…

Avec beaucoup (trop) d’assurance, il ricana une nouvelle fois, et se tournant vers les trois autres spectateurs. Son regard se porta plus longuement sur Reïlo qui triturait nerveusement une dague de fort belle facture en tentant de paraitre menaçant.

- Elle te plait, hein ? C’est pas pour l’fromage, ça. Je pourrais te dire où je l’ai récupéré, et où en avoir d’autres, si vous m’éloignez de cette furie…

Lancers...

Reïlo Blanche Flamme - Jet de compétence : Intimidation : 4(d20) +0(deg) +1(Cha) = 5 ~ Echec
Serana - Jet de compétence : Intimidation : 6(d20) +0(deg) +3(Cha) = 9 ~ Echec
Reïlo Blanche Flamme - Jet de compétence : Connaissance (histoire) : 18(d20) +4(deg) +3(Int) = 25

Le dialogue qui s'était entamé entre Serana et le prisonnier permit à Reïlo de se remémorer quelques bribes d'histoire de la région profondément enfouies dans les méandres de sa mémoire.

La consonnance des noms du roi Gareth et de Zenghyi lui permit de se souvenir de la victoire et du couronnement du premier en tant que roi de la région unifiée. Il lui semblait également se rappeler que les dévots d'Orcus avaient été défaits à cette occasion. Si ses souvenirs étaient corrects, ces événements s'étaient déroulés une dizaine d'années auparavant. Tout cela rendait étrange la présence de ces créatures en ces lieux : étaient-ce les débris d'un culte vaincu ? Qu'attendaient-ils et que faisaient-ils ici ? Etaient-ils liés à un culte ancestral plus ancien encore ?

Le prêtre d'Ogham fut interrompu dans ses réflexions par une tirade inattendue du chef qui n'avait pas manqué de remarquer qu'il maniait la dague qu'il avait trouvée dans sa chambre. Blanche Flamme prit le temps de réfléchir à sa réponse, tout en faisant mine de contempler la pointe et le tranchant de la dague.

Il dit d'un ton sec :

- Belle lame en effet. Dis toujours ce que tu sais… et j'essaie de la calmer.

Il ne voulait pas trop en dire et surtout pas éloigner Serana de la scène. Donner le moins et récolter le plus d'informations possible, telle était la stratégie du métis. Il espérait pouvoir collecter quelques informations utiles, tout en sachant qu'il faudrait les analyser de manière critique.