Chapitre 1 : Padhiver

Soulagé que le trajet se soit déroulé sans encombre, mais bien occupé à ne pas poser le pied là où il ne fallait pas, le nain ne prit guère le temps d'apprécier les extravagances du parterre ou celles vestimentaires de leur nouveau guide. Nouveau guide qui était d'ailleurs assez conciliant, ce qui arrangeait bien le nain. Il les laissa rentrer sans rechigner, et proposait même de les aider. Soit le Comte avait prévenu les mages de leur visite, soit la demande de Metzli avait sonnée juste dans la tête du halfelin.

Il avait pleins de questions en tête : qui étaient les Nébuleuses ? A quoi servait le parterre ? Comment ça marchait ce fameux bouclier anti-dragon ? mais il était évident que harceler leur interlocuteur de questions n'étaient pas la marche à suivre. N'ayant pas grand chose à dire, il laissa à ses deux compagnons le soin de fournir les informations demandées, et s'employa à regarder autour de lui. Ils étaient dans une tour de mage après tout, il n'était pas exclu que même dans les cuisines on trouve quelques fantasmagories.

Il prit quand même le temps de répondre poliment à leur hôte :

-J'en prendrais volontiers une tasse, merci.

Ca manquait un peu d'alcool mais au moins c'était hydratant.

Metzli avait souri en entendant les réponses de son interlocuteur : il est vrai qu'elle avait été à la fois très directe et très vague, ce qui incitait naturellement à faire preuve une certaine réserve. Mais, maintenant qu'elle avait trouvé une oreille potentiellement capable de l'aider, la jeune femme était bien décidée à en dire un peu plus sur elle et sur sur l'individu qu'elle cherchait.

Elle avait suivi son guide jusque dans une salle où une théière était en train de chauffer, se contentant pour l'instant d'observer avec grand intérêt tout ce qu'elle découvrait à propos de la tour des capes.

¤ Ces deux jeunes se sont retirés quand il est entré dans la pièce, il s'agit donc de quelqu'un d'une certaine importance... mais ça serait tout de même utile de savoir à qui je m'adresse... ¤

Le fait de ne pas connaître l'identité de leur guide la dérangeait mais c'était assurément quelqu'un d'important et elle craignait de le froisser en lui demandant son identité. Tout en s'asseyant, la jolie ensorceleuse décida donc de lui faire confiance, tout en espérant ne pas avoir fait de mauvais choix :

- Moi aussi, j'en prendrai volontiers une tasse. En ce qui concerne ce qui nous amène ici, c'est une affaire un peu étrange. Vous n'êtes pas sans savoir que la cité connaît des troubles depuis quelques temps. Il semblerait que l'association "La Main des Mystères" ait envoyé quelqu'un à Padhiver, quelqu'un capable de remettre un peu d'ordre dans ce chaos.

Elle fit une pause avant de poursuivre :

- Le comte Tørshavn, car c'est lui qui nous envoie, n'a aucune nouvelle de cette personne et est quelque peu inquiet, d'autant plus qu'il n'a aucune idée quant à son identité ou à son apparence. Il espérait que vous pourriez nous aider, soit qu'elle soit passée par ici récemment, soit que vous puissiez nous apprendre quelque chose d'utile sur cette association... et éventuellement sur les "gemmes-esprits" dont elles se servent pour communiquer.

L'ensorceleuse crut bon d'ajouter :

- Mis à part l'utilité de ces informations dans l'intérêt immédiat de notre recherche, je serais heureuse d'apprendre quoi que ce soit à propos de cette "La Main des Mystères" : j'ai été en contact à plusieurs reprises avec certains de ses membres, dont l'un de mes amis, et je souhaiterais en apprendre davantage à son sujet.

Moira s'était vite lassée de cette ballade. L'un des navires était affrété par Ido Kardein, un nom qui ne lui était pas inconnu puisqu'elle l'avait entendu la veille. Etait-ce en rapport avec cette chasse au trésor farfelue? Peut-être, en tout cas personne ne semblait capable de le dire, aussi elle arrêta de perdre son temps avec eux. L'autre partait bien pour Ciseaux-Ardent, elle sauta sur l'occasion lorsqu'elle entrevit un début de piste possible.

-Pas de problèmes, je ne cherchais pas particulièrement à me faire embaucher par ce sir Gilfy. Si j'ai le pied marin? Tout est relatif... Je suis mercenaire de profession, je sais m'adapter.

Elle haussa ses vastes épaules avec une bonhomie inhabituelle.

-Je me débrouille en menuiserie pour de menues réparations, et j'ai le bras fort pour toutes sortes de manoeuvres. Je saurai aussi me défendre en cas d'attaque de pirates. Mais si vous n'avez besoin de rien de tout cela, je peux me contenter de payer mon passage de bout en bout.

Non, la mer n'était pas son élément premier, loin de là. Mais le hasard semblait l'y ramener régulièrement ces temps-ci.

-Qu'est ce que vous en dites?

Le damarien s'était attendu à toujours aussi peu de loquacité de la part du demi-orque mais au moins l'elfe semblait assez aimable pour répondre de sa propre initiative et sans le ton guindé souvent propre à son peuple. Hélas, elle n'avait pas plus d'informations que lui même si elle pensait elle aussi le caractère périlleux de la mission.

De tout cela, le guerrier ne retint qu'une seule information digne d'intérêt. Au moins cette femme serait-elle un compagnon d'aventure plus aimable et coopératif que le demi-orque. S'il devait se retrouver à ses côtés en tant que mercenaire, il pourrait au moins avoir une personne avec qui discuter dans le dos de leur employeur et si besoin est, jouer les objecteurs de conscience. Mais il lui faudrait en savoir plus avant d'accorder sa confiance à l'elfe... mais chaque chose en son temps.

Voilà maintenant qu'ils étaient cordialement invités à un test de la part de leurs employeurs pour tester leurs compétences. De telles épreuves n'étaient pas rares lors des embauches d'aventuriers mais celle-ci avait une dimension pour le moins suspecte. Il était bien rare de voir une épreuve aussi brutale et sanglante pour une simple embauche... surtout si elle pouvait se révéler mortelle pour les participants.

Quelque chose clochait dans tout cela mais il semblait qu'aucun de ses potentiels camarades ne se montrent hésitants devant l'épreuve qui les attendait et les voilà déjà qu'ils se préparaient à entrer dans la danse en préparant leurs armes.

Quelque part dans son esprit, la curiosité l'emporta sur le scepticisme et le damarien n'avait pas fait tout ce chemin pour tourner les talons aussi facilement... il serait juste deux fois plus prudents que d'ordinaire.

Et pour cela, il devait se préparer un tant soit peu. Défaisant son paquetage un instant, Hannibal s'empressa de sortir sa targe de son paquetage pour l'accrocher à son poignet gauche, montée haute sur son avant bras pour laisser au moins la moitié de sa main découverte et pouvoir saisir et user d'une arme. Il eut une pensée fugitive à l'adresse du forgeron nain assassiné pas plus tard que la veille mais la chassa vite de son esprit... il n'avait pas le temps pour les regrets.

Le guerrier repassa la sangle de son barda sur son épaule mais sans passer la deuxième sur son autre bras. De cette façon, il pouvait facilement et rapidement laisser tomber son sac à terre s'il avait besoin de se mouvoir plus vite. Il ne dégaina cependant aucune de ses armes mais il s'était assuré que ces dernières seraient aisées à dégainer depuis leurs fourreaux.

Il regarda ses deux futurs potentiels compagnons d'aventure et il hocha simplement et sobrement de la tête pour leur signifier qu'il était prêt.

Prêt ou non... il n'aimait rien de tout cela et ne parvenait pas à se défaire de l'idée que cette soit-disant épreuve cachait autre chose.

Sortant dans la ruelle après avoir récupéré son équipement, qu'il était bien regrettable qu'elle n'est pas sur elle dans la salle commune, mais l'elfe n'avait pas le temps de regretter le passé, surtout que sans armes, elle aurait du mal à se défendre ou à faire parler des membres du culte, Moreta put constater que cette dernière était bien vide. Pas silencieuse, avec les bruits des maisons environnantes ainsi que les bruits usuels d'une ville la nuit, mais bien déserte, contrairement à ce qu'elle avait compté. Mais il était bien possible que deux personnes, surtout des personnes aussi suspectes, marchent plus vite que la normale, aussi c'est en se dépêchant que la voleuse se mit en route vers l'avenue, dont la grande taille lui permettrait de voir les deux humains d'autant plus facilement que la pluie qui venait ne la gênait pas plus que ça. De ce qu'elle avait vu, ils n'avaient pas de raison de se presser, car elle n'avait pas remarqué chez eux quelques chose qui aurait pu indiquer une réaction similaire à celle de la gemme-esprit volé lors de son court séjour avec l'Assemblée. S'ils étaient venus boire un coup et peut-être manger un morceau, ce n'était pas en tant que cultistes, ils n'avaient donc pas de raison de se dépêcher, sauf bien sur si leur intimité leur manquait, ou pour échapper à la pluie qui arrivait, mais de là à courir jusqu'à chez eux, il y avait un pas que beaucoup ne franchirait pas.
Toutefois, le risque d'avoir été découvert était aussi possible, aussi Moreta décida que si elle ne les retrouvait pas très rapidement, il lui faudrait rebrousser chemin, et changer de lieu de vie, et tant pis pour la fortune qui avait failli lui tendre la main, sa vie valait bien plus que cela, et sa musique pouvait mieux payer encore dans les meilleurs auberges de la ville.

Fermant la marche à la suite de l’étrange halfelin et de ses compagnons, Corvo veilla à placer scrupuleusement ses pieds là où ses camarades avaient placés les leurs un instant plus tôt. Il s’agissait pour le roublard d’un simple principe de précaution lorsqu’il pénétrait dans l’antre d’un mage. Ce qui a dire vrai n’arrivait pas souvent... Alors quand il s’agissait d’entrer dans le siège d’une guilde de thaumaturges…

Arrivé dans la cuisine et malgré ses goûts douteux et son air irascible, le petit bonhomme se révéla être un hôte relativement plus prévenant que ce à quoi laissait penser la première impression. A sa proposition de prendre une tasse de thé, Corvo hésita cependant. Le principe de précaution encore une fois. Rapidement toutefois, le jeune-homme accepta convaincu qu’il ne fallait pas froisser son hôte.

- Je vous accompagnerai bien volontiers, merci bien ! lâcha t-il finalement en inclinant respectueusement la tête.

Il s’agissait là des seules paroles prononcées par le roublard qui comptait bien continuer à laisser Metzli mener la danse. Le magnétisme naturel, sa maîtrise des arcanes et surtout des us et coutumes des pratiquants de l’Art en faisaient naturellement le porte parole du groupe en de pareilles circonstances…

¤ La Main des Mystères… Les Nébuleuses… Je sens que la discussion va devenir intéressante ! ¤ se réjouissait Corvo intérieurement.

5ème jour de la Griffe des Tempête, année des Dragons Renégats
5 Mirtul 1373.
Période de la journée : Début de matinée.
Climat : Ciel dégagé. Vent frais.
Température : environ 3 degrés.

Metzli, Corvo Stern et Karmeth:

Il plaça sur un plateau trois tasses, ainsi qu’un assortiment de biscuits, un morceau de beurre, quelques couteaux sans dents et quelques pots contenant des confitures de presque autant de couleurs que son propre accoutrement. Il versa de l’eau légèrement violacée dans chacune des tasses et amena le plateau sur la table. La tisane avait une odeur très fleurie et, pour ceux qui ne craignaient pas de se brûler la langue, un goût étonnamment puissant mais plutôt amer.

- Voyons voir. Je ne sais pas grand chose de spécifique à propos de “La Main des Mystères” alors je vais commencer par le sujet du visiteur. Je l’ai croisé quand il est passé ici, il y a de cela deux jours. Un humain, plutôt jeune. Je dirais entre 20 et 30 ans à la louche. Un teint similaire au votre. Je dirai donc qu’il est originaire d’une région sensiblement plus méridionale qu’ici. Comme la base d’opération de “La Main” se trouve près du Lac de Vapeur, cela ne semble pas impossible. Brun, rasé de près. Ceci dit, quand il est reparti d’ici, il avait changé d’accoutrement et il était méconnaissable. C’est avec Salvar qu’il s’est entretenu et je pense donc qu’il serait plus à même de vous renseigner mais il est en mission.

Ayant visiblement dit tout ce qui lui venait à l’esprit à propos de cet émissaire, il attrappa l’un des biscuits sur lequel il étala une épaisse couche de beurre et d’une confiture jaune orangée. Il trempa ensuite le biscuit dans sa tasse avant de reprendre.

- En ce qui concerne “La Main des Mystères”, ce que je peux vous dire est qu’il s’agit d’une organisation de lanceurs de sorts, comme nous, qui cherche à s’impliquer dans tout ce qui touche de près ou de loin à l’Art. Pendant longtemps, ils ont essayé de maintenir une politique d’ignorance envers l’usage fait de l’Art, admirant la magie sans prendre compte de la moralité de son utilisateur, mais cela s’est retourné contre eux et ils sont maintenant plus regardants en matière de qui ils choisissent de soutenir et à qui ils transmettent leur savoir.

Les “gemmes-esprits” qu’ils utilisent sont des fragments de toile cristallisée, si j’ai bien compris, un peu comme des pierres ioun, mais leurs porteurs doivent y mettre un peu de leur âme, ce qui fait qu’elle ne peuvent pas être utilisées par autrui. Je sais qu’ils peuvent les utiliser pour communiquer entre eux et pour stocker quelques sorts, mais je ne sais pas comment. Je crois qu’ils peuvent aussi les utiliser pour localiser d’autres porteurs, mais cela ne vous aide pas si vous n’en avez pas une vous-même, n’est-ce pas?


Hannibal :

Une fois qu’Hannibal et ses deux compagnons de tests firent signe à l’homme qui était entré qu’ils étaient prêts, il leur indiqua de passer la porte par laquelle il était entré. De l’autre côté, ils trouvèrent une cour intérieure d’une centaine de mètres carrés dont le sol était couvert de sable. Trois des côtés de cet atrium étaient occupés par des murs s’élevant jusqu’à environ douze mètres sans aucune autre ouverture que la porte qu’ils venaient de franchir et une grille baissée qui leur faisant face. Le dernier côté, au sud si Hannibal n’avait pas complètement perdu son sens de l’orientation, était occupé par une estrade s’élevant cinq mètres au-dessus du sol. Une demi-douzaine de personnes, tous humains, avaient visiblement prévu d’assister à leur test et une compagnie de soldats se trouvait à leur côtés au cas où ils se trouveraient en danger. Une autre compagnie, de servants cette fois, s’assurait qu’ils n’aient ni faim ni soif, un risque qu’ils semblaient craindre plus.

A peine les trois aventuriers avaient-ils fait un pas sur le sable de la cour, la grille commença à se soulever lentement. Un grognement, venant de l’autre côté de la herse, accueillit ce mouvement. La créature à son origine ne tarda pas à suivre son cri. Il s’agissait d’une sorte de gros reptile de couleur vaguement mauve. Toutefois, sa caractéristique la plus remarquable était le fait qu’elle avait trop de têtes: cinq pour être exact. Celle-ci se trouvaient au bout de cou qui étaient presque assez longs pour atteindre le premier rang de chaises, non occupées, de l’estrade. Après un nouveau cri, un gong retentit, indiquant clairement que le test venait de commencer.

Cliquez ici pour dérouler le parchemin...

Initiative:
Demi-orque
Créature
Hannibal
Elfe

Le demi-orque n’hésita pas une seconde. Pour la première fois, il prêta presque attention à Hannibal (ou peut-être à sa compagne) quand il se tourna vers eux et leur sourit. Il poussa un cri à peine moins puissant que celui de la bestiole … mais ce fut sans doute la partie la plus réussie de sa charge. La créature était loin d’être petite mais, n’ayant pas complètement anticipé la difficulté de s’arrêter sur du sable un peu gelé, le demi-orc ne parvint pas à ralentir avant de lui rentrer dedans, sans avoir réussi à abaisser sa hache.

La bêbête était visiblement mieux préparée. La tête la plus loin de lui ouvrit la bouche et un fin rayon blanc en sortit frappant le demi-orc en plein milieu du torse. Il ne sembla pas en souffrir beaucoup, toutefois. Les quatre autres têtes essayèrent chacune d’arracher des morceaux de son impressionnante musculature. Deux d’entre elles durent renoncer à leur assaut sous la menace de sa hache mais deux autres réussirent à éviter ses mouvements et à le mordre. Et, cette fois-ci, il sembla réaliser que ce test n’allait peut-être pas aussi simple qu’il l’avait pensé.

Moira :

Le marin était visiblement surpris par la réponse de Moira mais il ne se laissa pas démonter. Il haussa les épaules et fit signe à la Damarienne de le suivre. Ils rejoignirent le reste de l’équipage sur le quai en train de partager un déjeuner composé d’un assortiment de plats à base de poisson et d’herbacées diverses.

- Il est assez inhabituel d’avoir des passagers lors de nos voyages vers Ciseaux-Ardents, je veux dire autre que l’escorte du gouverneur, mais je n’ai pas vraiment de raison de refuser. J’ai envoyé un message à Sir Gilfy pour avoir son accord et Bevvy, son chef d’état-major, est venu pour vous interroger.

Il fit un signe de la tête vers un soixantenaire au crâne rasé qui portait une écharpe blanche par-dessus une armure de maille. Dans son dos, il avait un harpon et un arc en os. Les membres de l’équipage l’entouraient mais il ne discutait avec personne et se contentait de partager leur repas en silence. Voyant le signe, il s’approcha de Moira et lui tendit une main en guise de salut.

- Vous comprendrez que Sir Gilfy veut être certain de pouvoir compter sur toutes les personnes présentes sur le navire. Pouvez-vous m’en dire plus sur vous? Et sur les raisons qui font que vous souhaitez vous rendre à Ciseaux-Ardents?

5ème jour de la Griffe des Tempête, année des Dragons Renégats
5 Mirtul 1373.
Période de la journée : Fin de soirée
Climat : Légère pluie. Vent frais.
Température : environ 2 degrés.

Moreta :

La Lunargentine ne comptait pas perdre cette occasion de résoudre le mystère de l’étrange réaction de la gemme-esprit de Jehal aussi facilement. Une fois sur la principale avenue, elle essaya de regarder dans toutes les directions pour essayer de trouver le couple. Les intempéries n’étaient pas suffisantes pour gêner la vision de l’elfe et l’avenue était suffisamment bien éclairée pour qu’elle n’aie pas à compter sur le peu de lumière lunaire.

Malgré l’heure, il y avait encore un peu de trafic sur l’avenue. Moreta pouvait voir une demi-douzaine de charrettes et autres chariots voilés qui pouvaient lui cacher les mouvements du couple mais, si tel était le cas, cela voulait dire qu’ils faisaient des efforts pour rester cachés ainsi ce qui était déjà une indication qu’elle avait une piste.

La ruelle à l’issue de laquelle elle se trouvait était l’une des premières de la ville. La seule autre se trouvant entre elle et les gardes surveillant les passages à travers les portes de la ville était le long du mur et menait au poste où les gardes pouvaient s’abriter, se réchauffer, boire et manger. De l’autre côté, il y avait beaucoup plus d’options pour la fuite.

La pluie commença à forcir un peu. Un rapide coup d’œil permit à la Lunargentine de voir que l’avenue était pavée, ce qui n’était pas l’idéal pour suivre une trace, mais les côtés étaient poussiéreux et terreux et allaient probablement finir par devenir boueux.

Metzli avait été impressionnée par le déploiement de victuailles offertes par leur hôte. Peu habituée à un tel accueil, elle sourit à nouveau.

¤ Plus qu'étranges, je qualifierais les occupants de la Tour des Capes de "très accueillants"... ¤

N'ayant avalé qu'un sommaire petit-déjeuner, la jeune femme saisit un ou deux biscuits qu'elle se mit à grignoter tandis que leur interlocuteur leur livrait toutes sortes d'informations intéressantes. Une fois encore, elle fut surprise par la réaction de leur hôte : elle s'attendait à devoir se justifier ou prouver ses relations avec le comte mais rien de tel ne fut demandé aux trois aventuriers.

¤ Hmm, l'enquête démarre plutôt bien! Il est donc venu ici il y a quelques jours à peine... Il devrait être possible de retrouver sa trace, à condition que ce "Salvar" soit aussi coopératif que notre hôte! Un teint halé, voilà qui est également intéressant, serait-ce un compatriote? ¤

Les magiciens n'étaient pas rares en Amn. Songeuse, la jolie amnienne se risqua à goûter le breuvage qu'on lui avait proposé. Elle masqua de son mieux la grimace qui s'afficha sur son visage : le liquide était trop chaud et trop amer à son goût.

¤ Pas très bon... Mais il m'a été si gentiment proposé que je devrai bien le boire une fois qu'il aura refroidi... ¤

L'ensorceleuse réfléchit encore un instant aux propos qui avaient été échangés. Elle n'avait malheureusement rien appris sur les gemmes-esprits : elle avait nourri l'espoir, un peu fou, qu'un membre de la Tour ait une telle gemme en sa possession, ce qui aurait permis d'entrer très rapidement en contact avec l'envoyé de La Main. La moisson d'informations était néanmoins encourageante.

Constatant qu'elle était plus à l'aise que ses compagnons lorsque les discussions tournaient autour de la magie, elle poursuivit :

- Je vous remercie pour toutes ces informations et pour votre collaboration : j'espère que nous pourrons retrouver facilement la trace de l'envoyé, il semble important aux yeux du comte. Malheureusement, aucun de nous n'est membre de l'Assemblée ou de La Main des Mystères, nous ne disposons donc pas de gemmes-esprits. Je suppose donc que nos pas nous mèneront ensuite chez "Salvar". Savez-vous s'il serait disposé à nous recevoir et où nous pourrions le rencontrer ?

Mezli fit une courte pause pour avaler une petite gorgée du liquide qu'on lui avait offert.

- J'aurais également une toute dernière question : vous avez vu l'individu que nous cherchons et, sans le connaître ou avoir discuté avec lui, vous semblez savoir qu'il était membre de La Main des Mystères. Est-ce Salvar qui vous l'a indiqué par la suite? Ou avez-vous remarqué quelque chose qui vous a conduit à cette conclusion ?

Ne parvenant pas à se débarrasser de ce mauvais pressentiment, Hannibal suivit les autres d'une démarche machinale et lente, ne sachant trop s'il était encore perdu dans ses pensées ou bien déjà sur ses gardes.

Il lui suffit de poser le pied sur le sable de la cour pour immédiatement reprendre ses esprits. La réflexion fit aussitôt place à l'instinct maintenant que le damarien se retrouvait en terrain inconnu. Sa première impression du lieu était celle d'une arène de combat avec ses hauts gradins, ses spectateurs et ses grilles... non. Ce n'était nullement une impression. Cet endroit n'était rien d'autre qu'une arène de combat.

Et désormais que la porte par laquelle ils étaient entrés se refermaient, ils étaient seuls... enfin presque seuls.

L'arrivée de la créature laissa le guerrier à la fois perplexe et inquiet. Elle avait tous les traits communs à une hydre mais de taille plus réduite. En outre, le damarien trouvait la couleur de ses écailles pour le moins fantaisiste. Dans tous les cas, cette dernière semblait bien décidée à en découdre.

Presque autant que le demi-orque en vérité et c'est avec un beuglement féroce que ce dernier se rua à l'attaque. Pendant une fraction de seconde, Hannibal se demanda d'ailleurs lequel des deux était réellement le plus sauvage.

Hélas, sa sauvagerie ne permit pas à l'orque de venir à bout de son saurien adversaire aussi aisément qu'il l'aurait crut. le voir attaquer est glisser dans le sable était comme regarder un enfant se débattre dans une bagarre avec ses petits camarades. Le résultat était bien décevant en vérité car non seulement le demi-orque avait été incapable de blesser la bête mais il risquait également de finir hors de combat, ce qui les priverait du tiers de leurs forces d'entrée de jeu.

Il était temps d'agir et vite si Hannibal voulait sauver la peau de son potentiel futur camarade d'aventure. D'un regard et d'un geste de la tête, il lança sa demande à l'elfe archère qui était encore avec lui.

-Vise les têtes que je n'attaque pas... couvres moi!

Sa voix était d'une neutralité et d'un calme froid, presque indifférents mais le damarien savait bien que malgré les apparences, il était transit par l'angoisse et ses membres en frissonnaient jusqu'à la moelle.

Alors qu'il s'élançait au secours du demi-orque, Hannibal hésita un bref instant à dégainer sa dague pour la manier de sa main gauche mais rejeta l'idée aussitôt. Face à cinq tête, elle risquait plus de le gêner dans sa défense qu'autre chose. Ainsi le damarien préféra l'emploi de la targe à son poing.

Au moins les maladresses du demi-orque donnait au guerrier une opportunité unique maintenant que les têtes de la bête étaient concentrées sur sa première victime. Levant sa targe bien haut au niveau de ses yeux et la lame de son épée reposant dessus, Hannibal lança sa première attaque. Le coup serait ample et plongeant, visant légèrement au dessus de la base d'un des nombreux cous de la bête pour éviter le risque de blesser le demi-orque.
Sa première cible serait l'une des deux têtes qui mordaient avec acharnement leur proie. Si l'elfe avait bien écouté et suivie ses ordres, il ne devrait pas avoir trop de soucis à se faire des autres têtes de la bête.

Du moins l'espérait-il...


Attaque 1 contre créature.
Attaque 2 contre créature.
Esquive déclenchée contre créature (+1CA)

Fouillant l'avenue du regard, Moreta n'apercevait plus le duo qui aurait dû être présent. Certes, la rue n'était pas déserte, mais les coins pour se cacher n'étaient pas nombreux, et rester cacher ne pouvait être que volontaire. Autant dire que le couple avait lui aussi remarqué quelque chose d'étrange lorsque la gemme du traître à l'Assemblée s'était réveillée. Malgré tout, même ils s'était caché d'elle et malgré le risque qu'ils montent une embuscade à son attention, Moreta continua ses recherches, et pour cela, elle avait un atout dans sa manche : elle savait manier les mots aussi bien que les armes.
Aussi, la dame s'approcha d'un des charretiers les plus proches pour lui demander le plus naturellement du monde, indiquant de la main la rue de l'auberge :

- Excusez moi, auriez-vous vu un couple sortir de cette rue ? Je crains que la dame n'est oubliée son écharpe à la table, il me faudrait lui la rendre, sauf que je ne la vois point.

Elle n'avait pas fait particulièrement attention, mais elle espérait que la dame n'avait pas d'écharpe sur elle en partant, ou que son interlocuteur n'aurait pas fait attention, comme c'était probablement le cas. Et même alors, elle était capable de répondre sur ce qui aurait pu se passer, mais elle perdrait alors du temps que le couple pourrait user pour partir plus loin.
Dans tous les cas, cette avancée discrète de ces deux lurons voulait dire qu'il s'agissait de la dernière nuit de l'elfe dans cette auberge, car s'ils avaient repéré quelque chose, vu qu'il n'y avait plus qu'elle en salle à ce moment-là, elle était la seule suspecte possible. Et puis, peut-être trouverait-elle un meilleur lieu pour se produire le soir, car sans information à vendre, que ce soit concernant l'élection à venir et les objets nécessaires ou bien sur le traître à l'Assemblée et ses camarades, car à n'en pas douter, les mages seraient capables d'acheter un bon prix de telles informations.