Chapitre 1 : Padhiver

Metzli avait écouté avec intérêt l'intervention de Corvo Stern qui avait suggéré, comme elle quelques instants auparavant, de tendre un piège aux mystérieux agresseurs. Son plan était légèrement différent du sien, plus risqué aussi, mais elle était satisfaite de constater que son futur compagnon route disposait d'une certaine expérience en matière d'enquêtes et qu'il ne manquait pas d'imagination.

Mais pour l'heure, la jeune ensorceleuse voulait en revenir au point principal de l'entrevue, à savoir la mission qu'Aksel leur avait confié. Tout en passant distraitement sa main dans sa délicate chevelure, elle reprit la parole :

- J'ai encore quelques questions pratiques à propos de notre mission. Premièrement, que devons-nous faire si nous finissons par identifier l'envoyé de La Main des Mystères? Devons-nous le contacter immédiatement ou prendre contact avec vous pour vous indiquer son identité et décider de la marche à suivre? Par ailleurs, étant donné que vous avez bien d'autres affaires importantes à gérer, comment pouvons-nous vous contacter discrètement et rapidement en cas de découverte intéressante ou de nécessité?

Elle marqua une courte pause avant de poursuivre :

- Et plus immédiatement, pouvez-vous nous indiquer où se trouve la tour des Capes et si nous pouvons y joindre une personne de confiance?

Les yeux brillants, Metzli regardait Aksel en attendant les réponses aux questions qu'elle venait de poser. Une fois les réponses obtenues, elle projetait de retourner dans son auberge, ayant eu son compte d'émotions et de nouvelles à intégrer pour la journée.

Un sort qui empêche Karrundax de s'approcher? Qu'est ce que c'était que cette histoire... Et le Conseil que ne trouve pas important d'éviter une famine parce que tout le grain aura brûlé dans quelques mois? Sous des dehors plutôt raisonnables, il y avait quelque chose qui ne tournait pas rond chez les dirigeants de Padhiver!

-Je vois. Le Conseil a quand même un drôle de sens des priorités.

Aller affronter Karrundax ne l'enchantait guère, même pour une forte récompense. Mais Moira avait une journée à passer et rien d'urgent, elle pouvait se permettre d'aller écouter les uns et les autres au sujet de ce problème. Qui sait, peut-être quelqu'un avait-il un plan réaliste pour vaincre ce dragon. Même si Karrundax n'avait pas de trésor à son actif, des morceaux de son corps valaient une fortune aux yeux des mages et alchimistes.

Le fait que des oracles pouvaient prédire le lieu des attaques était en soit un sacré avantage. Alors pourquoi aucun héro itinérant, du genre de la Compagnie des Marches, n'avait encore mis fin à la menace? Elion se serait déjà précipité là-bas... Il devait y avoir autre chose, que ces gardes ne savaient pas, ou ne disaient pas.


-Ma foi, je veux bien rencontrer cette personne. Et par ailleurs, pourquoi ne fait-elle plus partie de la garde, au juste?

Ce détail pouvait avoir son importance.

-Ahahaha ! Ca c'est un plan ! Nous pourrions même faire annoncer dans toute la ville que nous cherchons ce mystérieux individu et lui donner rendez-vous au chateau ou sur la grand place, il sera beaucoup plus difficile à nos ennemis d'agir discrètement à la vue de tous et de surveiller toute une foule.

Le nain était agréablement surpris de constater qu'il n'était pas le seul à ne pas tenir excessivement à sa peau dans l'affaire.

-Comme le dit Sieur Corvo, notre tête était déjà connue et mise à prix avant même notre arrivée en ville. Nous ne perdons pas grand chose à nous exposer d'avantage. Par contre il serait peut-être plus intéressant pour Dame Arnesen de ne pas perdre tout de suite le bénéfice de l'anonymat en évitant de nous côtoyer en public.

Il précisa néanmoins à l'attention du jeune homme :

-A l'inverse, et sans vouloir m'imposer, après avoir renforcé notre statut de cible mieux vaudrait rester groupé. Je possède une magie capable de soigner et protéger les personnes qui m'entourent, mais elle ne permet pas encore de faire revenir les morts à la vie...

Les informations de Bylgja et du Comte avaient satisfaites la curiosité du prêtre. Ses dernières questions rejoignaient celles qu'avait déjà posé la jeune Metzli, et son cerveau était simultanément occupé à traiter les nouvelles données et à lui rappeler qu'il était vraiment fatigué.

-... et je ne pourrais y faire appel qu'après une bonne nuit de sommeil ! Comment s'organise-t-on pour ce soir ?

- Toute aide de votre part sera la bienvenue Comte, je l’accepte bien volontiers et vous en remercie !

Satisfait de la réponse du comte, Corvo hocha la tête en guise d’approbation. Intérieurement, il était convaincu qu’il aurait été malvenu d’aller plus en avant dans ses exigences financières. La base de toute négociation réussie reposait sur trois principes élémentaires : négocier avec la bonne personne, négocier au bon endroit et négocier au bon moment… Si les deux premières conditions étaient remplies, il semblait bien que le moment était mal choisi…

Pour l’heure, Corvo n’avait rien à proposer hormis son savoir faire. Il n’aurait un réel pouvoir de négociation que lorsqu’il aurait accompli une partie de la mission du Comte… De plus, ses futurs compagnons ne semblaient pas s’intéresser à la chose financière... pour l’instant…. La belle Metzli semblait être motivée par des intérêts bien différents que les seules espèces sonnantes et trébuchantes. Quant à Karmeth, lui, il donnait l’impression d’être principalement mû par la perspective simple mais jouissive de donner des gnons à de grosses bêtes ou a défaut, de botter quelques culs mal intentionnés…

Corvo se contenta donc d’écouter la suite de la conversation sur les détails techniques entre Metzli et le Comte et s’adressa principalement au nain qui semblait avoir son compte pour la journée...

- Que diriez-vous de nous dégoter une bonne taverne pour la soirée et la nuit ? Nous pourrions finaliser les détails de notre nouvelle collaboration sans abuser de l’hospitalité de Messire Tørshavn non ? Nous aurons grand temps de planifier notre visite à la Tour des Capes et pourquoi pas au passage, une nouvelle halte chez Messire Tauvenal !

La nuit était déjà bien installée désormais et le noir d'encre du ciel donnait à chaque ruelles et chaque obstacle des ombres menaçantes dans lesquels se réfugiaient volontiers quelques rongeurs effrayés par le pas lourd et furieux d'Hannibal. Ce dernier ne pouvait se départir de ce sentiment de frustration suite à sa petite discussion avec l'ombre d'un assassin. Il avait été joué en beauté... et il n'aimait pas cela du tout.

Pour autant, le guerrier avait son expérience pour lui et il ne laissait pas sa colère le submerger au point de ne plus prêter attention aux alentours. Il aurait été encore plus rageant et stupide de tomber dans un nouveau guet-apens parce que trop absorbé par ses pensées. Il semblait pourtant que la nuit n'avait pas encore décidé de le poignarder par surprise car il retrouva rapidement le garde qu'il avait laissé dans l'entrepôt et fut même quelque peu rassuré par la présence de son collègue. Tout renfort supplémentaire était le bienvenu dans cette affaire bien que le damarien savait dores et déjà que retrouver leur assassin était désormais presque impossible... presque.

Lorsqu'il arriva à leur niveau, Hannibal avait rengainé son arme et hochait fermement de la tête face aux questions du garde.

-Hélas non... ce salopard est aussi rapide et agile qu'un singe de Chult. Tout ce que je sais, c'est que c'est un homme d'assez grande taille et capable de manipuler les illusions... rien de plus malheureusement.

Oh bien sûr il en savait un peu plus et possédait même un nom obtenu de la bouche de l'assassin lui même. Mais il préférait le garder pour lui pour l'instant car cela pouvait aussi bien lui attirer des ennuis que lui permettre de rendre justice pour le forgeron nain. Et puis... le garde n'avait rien demandé à ce sujet après tout.

-Votre ville possède-t-elle un problème d'assassins ces derniers temps? Vu le niveau de préparation, je doute qu'il s'agissait là d'un psychopate ou d'un monstre.

Changer le sujet tout en acquérant de nouvelles informations... il fallait toujours savoir tirer de précieux enseignements de ses défaites.

4ème jour de la Griffe des Tempête, année des Dragons Renégats
4 Mirtul 1373.
Période de la journée : Début de soirée.
Climat : Soleil couchant. Vent frais.
Température : environ 4 degrés.

Metzli, Corvo Stern et Karmeth:

Le plan commençait à prendre forme et il n’y avait plus grand-chose à discuter à ce propos. Metzli avait encore quelques questions concernant la suite des événements que le Comte essaya d’adresser.

Aksel Tørshavn

- Si vous parvenez à trouver l’émissaire de la Main des Mystères, je pense que vous pouvez l’approcher. Il y a des risques qu’il soit méfiant à l’égard d’étrangers, étant donné qu’il n’a pas donné de nouvelles, mais risquer de perdre sa trace à nouveau en essayant de me conduire à lui serait contre-productif. Sans compter que nul n’est autorisé à entrer ou sortir des chambres du Conseil lorsque nous sommes en session, ce qui veut dire qu’il ne serait pas simple pour moi de vous rejoindre. L’utilisation de la magie est aussi prohibée. Je crains que le moyen le plus adéquat de me contacter soit de faire passer un message par Bylgja. -------------------- Aksel Tørshavn a un air de noblesse indéniable et, le plus souvent, un petit sourire en coin. Il lui manque sa jambe droite qu’il compense avec une béquille en bois.

Cela faisait un moment que celle-ci écoutait en silence les échanges entre les aventuriers et le Comte et elle se contenta d’acquiescer pour les informer qu’elle comptait être disponible pour servir de messager et fournir l’aide dont ils pourraient avoir besoin.

L’entrevue terminée, elle proposa à Metzli, Karmeth et Corvo de les accompagner jusqu’au Marché des Lames où l’Amnienne avait pris une chambre et laissé ses affaires. La salle principale était plutôt animée quand ils y arrivèrent et il ne leur fallu pas longtemps pour comprendre que quelque chose d’anormal y avait eu lieu. Apparemment, quelqu’un avait voulu faire une farce, peu de personnes semblqient trouver cela même modérément amusant, toutefois, et avait plongé la majorité de l’auberge dans une obscurité totale.

Pendant que Corvo et Karmeth réservaient une chambre chacun pour la nuit, Metzli se dirigea vers la sienne. Un homme en armure se tenait devant en compagnie de l’un des employés qui semblait hésitant à en offrir au garde l’accès. L’arrivée de sa cliente simplifia le dilemme et Metzli put vérifier qu’aucune de ses affaires n’avait été dérobée ou même touchée. C’était suffisant pour le garde qui continua son inspection avec le reste de l’étage.

D’une certaine manière, l’événement étrange de la soirée jouait un peu à l’avantage de Corvo et Karmeth. Avant cela, toutes les chambres avaient été réservées et ils auraient eu à trouver un autre arrangement mais certains clients en colère considéraient visiblement que la responsabilité de l’incident revenait à l’auberge et avaient décidé d’annuler leur réservation. La tenancière, Vatra, était donc heureuse de leur offrir de quoi les accommoder.

Vatra

– Soyez les bienvenus au Marché des Lames. Voulez-vous manger quelque chose avant d’aller vous coucher ? Ou boire ? -------------------- Cette femme est des plus accueillante mais semble parfaitement capable de faire régner l'ordre en cas de soucis.

Hannibal :

Le garde se tourna vers Hannibal pour écouter son rapport. Il ne semblait pas particulièrement surpris que le Damarien n’ait pas grand-chose à rapporter de conclusif. Il le regarde malgré tout attentivement quand ce dernier eut fini de poser sa question.

- Il a tué quelqu’un de sang-froid, ce qui pour moi est suffisant pour considérer qu’il est un psychopathe et un monstre mais je pense que je comprends ce que vous voulez dire. Oui, Padhiver a des problèmes d’assassins. Comme toutes les villes de taille similaire, je présume. Luskan ne cache pas qu’elle veut nous voir disparaître et la majorité des cultes maléfiques ne voient pas d’un bon œil de ne pas avoir le droit d’avoir pignon sur rue. Et c’est sans compter les intrigues entre riches marchands et maisons nobles qui sont toujours difficile à prouver. Il est rare que les tueurs s’en prennent à un simple forgeron, par contre, donc il y a probablement lieu d’approfondir la raison pour laquelle il était la cible. Mais c’est maintenant au tour de la Garde Citadine de faire son œuvre. Je vous remercie pour l’aide que vous nous avez offerte.

Il ne restait plus maintenant à Hannibal grand-chose à faire et le moment n’était clairement pas approprié pour retourner finir ses achats. La seule option qui lui restait était de se rendre dans une auberge pour passer la nuit et espérer avoir plus de chance le lendemain. Le Marché des Lames se trouvait non loin et, s’il semblait que la soirée avait été animée ici aussi, cela semblait être l’endroit le plus adapté pour trouver une chambre. Un humain et un nain était justement en train de réserver pour la nuit à cet instant même.


5ème jour de la Griffe des Tempête, année des Dragons Renégats
5 Mirtul 1373.
Période de la journée : Début de matinée.
Climat : Ciel dégagé. Vent frais.
Température : environ 3 degrés.

Moira :

Les deux gardes ne semblaient pas vraiment enchantés du fait que la discussion était toujours en cours et semblaient pressés de retourner à leurs occupations normales mais ils continuèrent de répondre aux questions de Moira. L’un des deux en profita malgré tout pour s’éloigner pour aller chercher la personne dont ils avaient parlé un peu plus tôt.

Le rôle de la Garde est de protéger Padhiver et le dragon ne menace pas Padhiver mais Bylgja souhaitait trouver un moyen de mettre un terme aux attaques de Karrundax même ailleurs. Comme elle ne pouvait pas servir la Garde et s’occuper du dragon en même temps, elle n’a eu d’autre coix que de donner sa démission. Elle travaille maintenant pour le Comte Tørshavn mais elle a toujours un bureau dans le château.

Le second garde garde et la conversation n’avaient pas eu le temps d’aller bien loin quand une jeune femme s’approcha de la porte principale d’un pas assuré. Un sourire apparut sur le visage du garde qui discutait avec Moira.


Quand on parle du loup, il montre sa queue. Bylgja, cette jeune femme souhaiterait te parler de Karrundax. Est-ce que tu as une minute à lui accorder ?

Le sourire sardonique sur son visage et le rire étouffé de l’autre garde ne laissaient aucun doute sur le fait que la question était rhétorique et que tous deux estimaient que Bylgja ne faisait pas grand-chose. Celle-ci ne sembla pas entendre le sarcasme ou ne pas y faire attention.

Bylgja

Bien entendu. En quoi puis-je vous aider ? Je vous proposerai bien que nous allions discuter dans mon bureau mais j’ai à faire en ville. Cela vous dérange-t-il que nous discutions votre problème autour d’une soupe ou d’une bière ? -------------------- Bien que de petite taille, Bylgja a l’air prête à affronter un dragon en face à face. Et avec suffisamment d’assurance pour faire douter le grand ver.

Période de la journée : Début de soirée
Climat : Ciel dégagé. Vent frais.
Température : environ 4 degrés.

Moreta :

Alors que Moreta se levait pour se diriger vers les écuries, le groupe de quatre qui l’observait se divisa. L’un deux se dirigea vers les escaliers menant vers les chambres, un autre vers le comptoir aussi près de la porte menant aux cuisines que possible tandis que les deux autres sortirent dans la rue. Ils se trouvaient un peu plus prêt qu’elle et atteignirent la porte une poignée de seconde avant elle.

La lumière du crépuscule était bien suffisante pour que la demoiselle, maintenant qu’elle les avait repérés, aperçoivent l’un des deux qui étaient sortis en train de discuter avec un vieillard, qui semblait surpris, à quelques pas sur la droite de la porte se dirigeant vers l’avenue principale tandis que l’autre pénétrait dans les écuries.

Celles-ci étaient loin d’être vaste et sentait fort la paille pas très fraîche et la sueur animale. Il y avait quatre enclos dans lesquels les chevaux pouvaient être placés mais seuls trois d’entre eux étaient occupés. Au fond à gauche, une porte était la seule autre issue que la Lunargentine pouvait voir. Outre Moreta, les chevaux et l’homme qui l’avait observé se trouvait un garçon d’une dizaine d’année équipé de sacoches d’avoine qui était en train de remplir les auges des chevaux. Du coin de l’œil, Moreta observa le second de ses admirateurs arrêter de parler avec le vieillard et se diriger lentement vers les écuries.

Metzli avait obtenu toutes les informations dont elle avait besoin pour le moment afin de mener à bien la tâche que lui avait confiée le comte. Ne désirant pas s'imposer plus que nécessaire, elle avait ensuite pris poliment congé de son hôte, lui promettant de lui envoyer dès que possible des nouvelles concernant l'état d'avancement de son enquête.

Une fois sortie de la pièce, la jolie ensorceleuse avait proposé à ses compagnons de l'accompagner jusqu'à l'auberge où elle avait temporairement élu domicile. Fatiguée au terme d'une longue journée, Metzli n'avait pas envie de devoir aller empaqueter ses affaires pour loger ailleurs ; par ailleurs, l'établissement était situé à une relative proximité et semblait bien être tenu, elle ne voyait aucune raison pour ne pas y passer la nuit.

Karmeth et Corvo Stern acceptèrent sans rechigner la proposition et tous trois se mirent en route. Même s'ils ne rencontrèrent aucune menace en chemin, la jeune femme était rassurée par leur présence : elle n'aimait pas cheminer en ville de nuit, qui plus est après avoir été témoin de l'attaque contre Aksel... Elle essaya d'égayer quelque peu le trajet en demandant à ses compagnons de la tutoyer et de la désigner par son seul prénom et en leur racontant l'une ou l'autre anecdote relative à ses précédentes aventures ou aux facéties de son familier, Tzotzil.

Une fois le groupe arrivé à l'auberge, Metzli remarqua que l'ambiance y avait changé depuis son départ. Visiblement, quelque chose d'anormal s'y était passé mais la tenancière ne paraissait pas perturbée outre mesure, ce qui rassura l'ensorceleuse.

¤ Sans doute une bagarre ou quelque chose de cet ordre... C'est malheureusement fréquent dans ce genre d'établissant servant de l'alcool à profusion... ¤

Avant de laisser ses deux compagnons réserver leur chambre, elle déclara à leur intention :

- Retrouvons nous ici demain à l'aube...

La jolie amnienne ajouté à voix basse pour n'être comprise que de Corvo et Karmeth :

- Ne tardons pas trop, le temps joue souvent contre nous... Nous irons dès que possible à la Tour des Capes, si cela vous convient...


Elle avait ensuite laissé ses compagnons discuter avec Vatra. Libre à eux de se sustenter, elle-même ne songeait qu'à retrouver son lit. Elle avait constaté la présence d'un garde et d'un employé de l'établissement devant la porte de sa chambre ce qui confirmait la présence d'un voleur ou d'un bagarreur éméché dans les environs mais elle constata avec soulagement que ses affaires étaient intactes.

Sans demander plus de détails, elle referma la porte et, après une toilette rapide, se coucha pour sombrer immédiatement dans le sommeil.

Se levant, la dame put voir qu'elle avait clairement la côte, vue la réaction qu'elle engendra dans le groupe. Les cartes furent abandonnées instantanément et le groupe se sépara pour couvrir toutes les sorties de la pièce. Il était rare de faire une telle impression, aussi Moreta pouvait être certaines qu'elle n'avait pas là des admirateurs, mais plutôt des observateurs peu discrets.
Bien sur, deviner la raison de leur venue était des plus simples, cela devait avoir quelque chose à voir avec son rendez-vous de la veille, et du soir même. Il était impossible que ses recherches en soient la cause, puisqu'elle n'avait pas encore débuté ces dernières, et Moreta ne pensait pas avoir été suivi depuis sa reconnaissance de l'après midi, alors même si elle avait été repéré, à moins d'user de magie, et cela aurait été réagir de manière légèrement excessive, ils n'avaient pas déjà pu la retrouver sur sa seule description.
Après se posait la question de savoir ce qu'ils lui voulaient. Étaient-ils au service de son mystérieux commanditaire, qui voudrait savoir ce qu'elle valait, c'était possible, après tout, c'était bien lui, ou plutôt son employé, la seule personne qui savait à coup sur qu'elle avait été engagé. Bien sur, pour le moment, Moreta préférait miser sur l'autre solution, celle des autres camps, mais ces derniers voudraient les informations autant que le premier.
Sortant de l'auberge et prenant la direction de l'écurie, Moreta put voir qu'elle s'était déjà débarrassée de la moitié de ses problèmes du jour, pour le moment, du moins, mais qu'un autre était présent. Le peu du discours qu'elle compris devait être codé, à moins que l'homme ne soit bien plus éméché que sa démarche ne le laissait supposer, comme semblait l'indiquer la tête du vieil homme. Heureusement ou non, les deux se séparèrent, le plus jeune des deux partant vers elle, même si à n'en pas douter, si la question était posée, il dirait aller à l'écurie dans laquelle elle entre un peu avant lui. C'était le seul du duo à être visiblement armé, et aucun des deux ne portait d'armure, toutefois, l'elfe était bien placée pour savoir qui les apparences ne faisaient pas tout, loin de là, après tout elle-même était, contrairement à son apparence, armée et vêtue d'une armure. De plus, elle n'était pas à l'abri de se retrouver face à un, ou deux, arcanistes.
Cela, plus la présence du palefrenier sur laquelle elle n'avait pas compté à la base, incita Moreta à se montrer prudente. Résistant à l'envie de vérifier que ses dagues étaient bien cachées à leur place, une dans le creux de son dos pendant que l'autre était dans sa manche gauche, pour ne pas attirer l'attention, l'elfe indiqua au gamin d'aller voir ailleurs avant de s'adresser aux deux autres :

- J'espère pour vous deux que votre talent n'est pas votre discrétion, parce que je me dois de vous le dire, vous n'êtes pas doués. Alors plutôt que de perdre votre temps, et surtout le mien, dites-moi plutôt ce que vous me voulez.

L'elfe songeait déjà aux différentes réactions que pouvait avoir le duo, et à la manière dont elle pourrait réagir. Heureusement, ils n'étaient plus que deux, et Moreta savait qu'elle était capable de se défaire d'eux, ou au pire de leur échapper assez longtemps pour retrouver le confort relatif de l'auberge et de la foule qui s'y trouvait. Toutefois, elle préférait espérer qu'ils seraient raisonnables et parleraient, ou au pire, mais elle n'y croyait point, qu'ils préféreraient partir maintenant qu'ils avaient été découverts.

La désinvolture des deux gardes était franchement insultante, mais Moira avait mieux à faire que de débattre avec eux.

¤Quand dans quelques mois le prix du blé aura triplé, vous allez moins rire.¤

L'un des deux pris immédiatement l'initiative d'aller chercher la spécialiste de la question, faute de l'appeler autrement, ce qui ne laissa guère le choix à la mercenaire. Après un dernier regard désapprobateur envers les gardes pour leur manque de respect incroyable, Moira considéra la petite femme volontaire qui se tenait devant elle.

¤Une bière, à cette heure-ci?¤

Elle fit un pas de côté pour la laisser passer.

-Si vous y tenez, je compte pas vous retenir longtemps.

Une fois éloignées des portes du château (il était inutile de fournir plus de matière à ragots aux gardes) la mercenaire poursuivit la conversation.

-J'ai entendu parler de ce dragon, et je suis surprise que personne ne s'y intéresse plus que ça. Je me demandais si quelqu'un avait un plan d'action, mais quand je vois qu'une seule personne sans soutient officiel s'en occupe, je crois déjà connaître la réponse...

La discussion s'était terminée avec un objectif et un semblant de plan d'action, et leur nouveau groupe avait pris congé de leur nouveau mécène. Le nain n'avait pas manqué de remercier Bylgja avant d'emboiter le pas à ses deux compagnons. Il était ravi, il était reparti sur le chemin de l'aventure et l'ennui ne le menacerait plus avant un bon bout de temps. La jeune Metzli, puisqu'elle tenait à ce qu'ils l'appellent ainsi, pris naturellement la tête de leur expédition. Elle était d'agréable compagnie et il lui fut reconnaissant de s'occuper de la conversation sur le chemin. Lui-même avait du mal à penser à autre chose qu'un bon lit et utilisait l'énergie qui lui restait pour guetter une embuscade éventuelle. Il n'était pas réputé pour ses talents de détection, mais il pouvait voir dans le noir et ce seul avantage permettait déjà de prendre bien des assaillants par surprise.

Lorsqu'ils évoquèrent leur emploi du temps du lendemain, il prit néanmoins la parole :

-Je vous propose que nous retournions voir notre marchand préféré juste avant de visiter la tour des Capes, il réside non loin de v... ta Taverne Metzli et nous avons plus que jamais besoin de matériel.

Après quoi la jeune femme prit congé. C'est alors qu'une question de la tenancière, anodine en apparence, le réveilla partiellement.

-Après réflexion je dormirais mieux l'estomac plein. S'il était possible d'obtenir une bonne gamelle de choses grasses et trois pintes de bières pour aller avec je ne dirais pas non !

Il se tourna vers Corvo :

-Vous n'avez pas eu l'occasion de manger vous non plus n'est-ce pas, vous vous joindrez bien à moi ? De plus si j'ai bien compris l'essence de notre plan, c'est l'occasion de s'échauffer un peu.

Il prévoyait déjà, une fois la soirée terminée, de se barricader dans sa chambre en collant le lit à la porte et en posant son armure en équilibre devant la fenêtre. Il n'embêta donc pas la tenancière avec des questions délicates sur la sécurité de son établissement et les options qu'elle proposait.