L'appel de la forêt [chapitre I], Mali'ïa, Wilonah, Nirannor et Dag'Epi

Voyant le barde rejoindre leur table, le colosse le salua poliment et demanda à ce qu'on lui serve un verre de ce qu'il désirait, en remerciement de sa musique. Car comme il l'indiqua simplement C'était très beau. Il laissa les autres discuter plus longuement avec le nouveau venu, continuant à déguster ce qu'il avait devant lui, et sachant qu'il était particulièrement impoli que de parler la bouche pleine. Malgré tout, alors que les autres se présentaient un par un, il avala ce qu'il avait en bouche et fit de même par politesse :

- Je me nomme Alrion, Gardien et Protecteur.

Alrion n'était pas un spécialiste, mais il lui semblait bien que Marsembre était une grande ville du Cormyr, et les gens de là-bas étaient souvent des personnes respectables, bien plus que celles qui venaient de Thay, par exemple, même si l'une comme l'autre des régions avait son lot d'exception, c'était au moins un bon point de départ. De plus, son métier lui permettait d'être au courant de nombres de choses. Enfin, Alrion se voyait un peu dans cet homme, dans l'attitude plus que dans la carrure. Cette manière de parler surtout à la dame à leur table, ce langage gestuel, c'était des choses qu'il faisait couramment lui aussi, lorsqu'il n'était pas en mission.

Le deuxième jour de la Griffe des Tempêtes – année des Dragons renégats
2 Tarkash 1373
Lieux : Hautelune.
Horaire : début de nuit


Température la plus basse : -1 °C
Température la plus haute : 10 °C
Température effective : 10 °C
Précipitation : nulle.
Vent : nul – 0Km/h
Phase de Séluné : pleine lune
Nombre de d'heure de Jour : 13 heures 00.
Aurore : 5 h 30.
Narration : Wilonah, Nirannor, Alrion, Agath's et Rugrin.

Le barde avait réussi à franchir la première étape qui correspondait à la prise de contact. Son art avait bien aidé en ce sens, mais maintenant il allait falloir se montrer encore plus fin s’il souhaitait connaître le fin de cette réunion de personnes qui visiblement ne se connaissaient pas toute. Rugrin en voulait pour preuve la symbolique fougère qui avait été prise par la sergent de la garde de Hautelune.

Il ne fallait pas être devin pour savoir que cette réunion de la Fougère cachait quelque chose. Une chose qui plaisait au barde de découvrir. Cela faisait maintenant longtemps qu’il végétait à dans cette petite cité et l’envie de vivre une nouvelle aventure le taraudait. Quelle meilleure source d’inspiration que de partir à l’aventure en compagnie d’inconnus ? S’il reprenait un peu les choses pour faire rapidement le point. Tout d’abord, il y avait le rôdeur qui l’air mystérieux et sa tenue en faisait sans conteste un homme des bois. Et comme ceux qui avaient l’habitude d’affronter seul les grands espaces verts et boisés, il était plutôt avar de mots et ne prit la peine de se présenter. Un détail, il était déjà attablé avec la belle elfe qui se présenta comme étant Wilonah, un mot charmant au demeurant et allait bien avec son physique. Rugrin pouvait partir du principe que ces deux là se connaissaient. Et si cela se trouvait, ils se connaissaient même de façon intime si l’on en restait au regard avec lequel il avait couvé les déplacements de la barde. Amant peut-être ?

De l’autre côté, il avait un autre elfe à n’en pas douter un Teu’Tel’Quess. Avec sa tenue, il y avait fort à parier que ce dernier usait de magie. Il ne portait pas d’armure et sa robe restait assez évocatrice. Lui aussi, même s’il avait initié l’invitation à sa table, était resté mystérieux sur son nom. Ce qui ne fut pas le cas du colosse Alrion. Il donna même sa fonction et à n’en pas douté il était probablement d’une façon ou d’une autre au service de l’elfe.

On pouvait donc en déduire qu’il y avait là bien deux groupes en présences. Mais pour quelle raison ces quatre là avaient été réuni par les autorités de Hautelune ? Parce qu’il n’y avait pas trop à se tromper. Si la femme de fer, Brienne de Torth s’était déplacée personnellement pour accompagner Alrion et son acolyte, se n’était pas pour leur beaux yeux. Il courait même sur le compte de la sergent qu’elle préférait les charmes féminins à ceux des hommes. Mais tout cela pouvait tout aussi bien n’être que des ragots de bas étages. En tout état de cause si elle s’était déplacée en personne, s’était bien qu’elle en avait reçu l’ordre. Alors c’était bien que l’elfe et le colosse étaient en charge de quelque chose pour le compte de quelqu’un qui avait suffisamment d’influence pour ordonner à Brienne de les escorter. Mais quoi ?

Le barde le savait, il ne serait pas aisé d’amener ses hôtes à se confier à lui. Surtout si cette mission avait quelque chose de secret. Pour l’heure, la glace était rompue. Mais il sentait bien qu’il y avait un véritable mur qu’il lui faudrait abattre pour que l’on en vienne finalement à parler de cette mission qui dans le secteur sentait déjà bon l’aventure. Le forestier et l’elfe pratiquant probablement les arcannes n’avaient même pas jugé bon se présenter. Les amener à parler ne serait pas une mince affaire. A moins qu’il ne suffisait de mettre les pieds dans le plat directement en proposant ses services. S’était assez risqué, mais peut-être qu’user de franchise ne serait pas forcément une mauvaise chose.

Une chose était certaine pour l’ensemble des protagonistes, ils restaient tous sur leur garde et visiblement il avait de la méfiance envers se musicien. Il avait manœuvré adroitement pour se retrouver à leur table. Mais que cherchait-il réellement ? Agath’s avait descellé un potentiel chez le barde qui serait peut-être un atout supplémentaire s’il rejoignait leur groupe. Après tout, on ne leur avait pas interdit de trouver du renfort et si cette mission de levé de doute ne manquerait à priori pas de danger, on ne l’avait jamais qualifiée de secrète. Si le mage voulait s’adjoindre un potentiel renfort, rien ne l’empêchait de le faire.

Du côté des Gardiens Sylvestres, Wilonah avait trouvé un là un être qui maîtrisait son art. Elle était très bien placée pour savoir ce qu’un barde supplémentaire pouvait apporter au groupe et à elle-même par la même occasion. Certes elle n’était même pas encore réellement un Novice de la Confrérie des Gardiens Sylvestres. Alors prendre se genre de décision pouvait être quelque peu délicat puisque cela devait d’avantage revenir à Nirannor. Mais d’un autre côté, elle n’avait encore promis et se trouvait libre de ses gestes et pensées. En outre, l’amour du libre-arbitre des Tel’Quessir n’était pas une légende, cela s’appliquait aussi à elle. Par ailleurs, inviter un barde à prendre part à cette mission ne lui avait pas été interdit et Etakky n’avait rien mentionnée sur une quelconque notion de secret. Alors quoi…

Le demi-elfe se présenta, Nirannor attendit un peu avant de lui répondre, observant ce barde avec beaucoup de méfiance. Le rôdeur avait l’habitude d’être discret, très discret même, sans doute l’expérience de ses quêtes précédentes. Il aimait connaître son environnement, jauger les personnes qui l’entouraient avant de se dévoiler, surtout quand en face de lui, surgissait un maître des mots et de l’esprit. Le Chondathien jeta un regard appuyé sur Wilonah comme pour lui signifier d’être vigilante sur ses paroles. Il prenait à cœur de la guider dans ses actes pour qu’elle devienne comme elle l’avait souhaité, un enfant du Grand Saule. Il s’adressa donc au nouveau venu à la table.

- Bienvenue à vous Rugrin Siger. Je me nomme Nirannor et je reconnais que votre musique a un certain pouvoir d’apaisement.

Nirannor lança rapidement un coup d’œil aux deux charmés avant de revenir à sa conversation avec le barde.

- Dites-moi l’ami, pas trop dur de trouver du travail ?

Le gardien sylvestre souhaitait en savoir un peu plus sur ce nouvel arrivant. Pourquoi diable ce demi-elfe s’était incrusté à leur table ? Un espion ou une aide ? La druidesse Ekkaty n’avait évoqué cette présence, comment savoir si cet individu ne présentait pas de danger à leur mission. Il caressa la tête de son compagnon animal par réflexe, l’aidant à réfléchir à cette nouvelle donne. Au premier abord, le rôdeur voyait toujours d’un œil suspicieux les changements mais savait être réaliste et opportuniste quand ces derniers pouvaient apporter un plus dans ses missions.

Les paroles de Nirannor lui remirent les idées l'endroit : ce barde venait d'on ne savait où, et nul autre que lui ne savait dans quel camp il se trouvait.
Sa propre réaction la laissait un brin perplexe, certes, elle était encore novice dans cet art, mais voir à quel point il avait prit l'ascendant sur elle, lui glaçait l'estomac.

Elle choisit de se taire, laissant Nirannor garder les rênes. Son regard parcourut les tables alentours, cherchant un détail qui pourrait indiquer un danger, ou un indiscret. Elle restait néanmoins présente à la conversation écoutant avec attention la , les réponses du nouvel arrivant.

La main de Nirannor cherchant la tête du chien attira son regard, et elle aurait volontiers fait pareil mais tenait ses doigts. Une petite friandise ? Qui sait ?
Elle préleva un émorceau de viande dans son assiette et le fit discrètement passer sous la table, tentant de tenter le chien...

Que était ce nouvel arrivant ? Cela semblait être la question principale à l table, même si elle restait jusqu'à présent muette. Certes, ce dernier avait donné son nom et son origine, qui semblait être des plus respectables, mais les autres n'excluaient probablement pas le risque qu'il ne leur mente. Bien sur, c'était possible, mais pourquoi le ferait-il ?
Au moins, pour le moment, ils n'avaient rien dit de particulier, qu'il mente ou non. Et puis, un compagnon de plus, s'il s'avérait fiable, ne leur ferait pas de mal. D'ici là, ils pouvaient toujours discuter pour déterminer celle-ci, et passer un bon moment. En attendant, le colosse était occupé par son repas, et préféra laisser Nirannor, qui semblait prendre les choses en main, et les autres commencer à sonder le chanteur-musicien. En effet, même si dans les faits, Agath's et lui-même étaient tous les deux des membres de la Main sur un pied d'égalité, son apparence et sa fonction faisait souvent penser que c'était le premier qui gérait la situation. Après, Alrion ne se faisait pas d'illusion, si jamais un choix devait être fait, le magicien était bien plus malin qui lui-même, et ce serait le bon choix que de suivre ses "conseils", puisqu'ils ne pouvaient pas être qualifiés d'ordre.
Le colosse retourna donc à son assiette et à sa boisson, observant le séducteur, qui ne voulait peut-être que passer du bon temps avec la dame de la table, car après tout, si eux-mêmes venaient à peine d'être au courant pour leur propre mission, si des gens voulaient leur mettre des bâtons dans les roues, comment auraient-ils pu le savoir ?

Le deuxième jour de la Griffe des Tempêtes – année des Dragons renégats
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Température effective : 10 °C
Précipitation : nulle.
Vent : nul – 0Km/h
Phase de Séluné : pleine lune
Nombre de d'heure de Jour : 13 heures 00.
Aurore : 5 h 30.
Narration : Wilonah, Nirannor, Alrion, Agath's et Rugrin.

Il était maintenant clair pour le barde que celui qui allait mener cette danse serait le rôdeur Nirannor. Le colosse semblait par trop occuper à se remplir l’estomac, tandis que sa consœur semblait plus intéressée par le magnifique chien loup de l’humain. Restait le mage énigmatique qui se contentait quand à lui d’observer. Il allait donc falloir jouer serrer. Lorsque tout un auditoire est conquis à votre cause, il est plus simple de pouvoir se « lâcher », mais dans le cas présent le fait que certains se mettent volontairement dans un rôle d’observation indiquait qu’il faut au demi-elfe faire attention non seulement à ce qu’il allait dire, mais aussi à tout son langage para verbale.

Pour Rugrin, il n’y avait pas trente six solutions, soit il tentait de manipuler ses hôtes pour parvenir à ce qu’ils confient d’eux même. Soit il fallait tenter le tout pour le tout et jouer la franchise. A n’en pas douter, il n’y avait ici point de novice et tenter de manipuler un maître des arcanes, un rôdeur solitaire ou un féroce combattant qui avait dû en voir des vertes et des pas mûres s’était voué à l’échec. Le barde se décida donc après un rapide balayage visuel de la tablée.

Machinalement, il rapprocha sa chaise de la table. Il posa ses coudes dessus et pencha un peu en avant pour plus de confidentialité. Le groupe semblait vouloir de la discrétion et ça le barde pouvait aisément jouer sur ce terrain là.

- Enchanté de faire votre connaissance Nirannor. Et je vous remercie pour votre compliment. Alors écoutez, pour le travail disons que je n’ai pas à me plaindre. Les auberges sont assez accueillantes pour un troubadour qui a quelques… talents. En outre, on me laisse facilement jouer sur les places publiques ou compter quelques histoires auprès des grands de Hautelune. Mais ce ne sont pas là les seules cordes à mon arc.

Le A’Tel’Quess lorgna l’arc long de belle facture du forestier sachant, que ce langage là allait lui parler. Puis il poursuivit sur le ton de la confidence. Il fallait dire que capter l’attention des gens et les maintenir sous l’émotion des histoires était son métier. Aussi, savait-il trouver naturellement les intonations justes et jouer du regard pour captiver ceux à qui il s’adressait.

- En fait, vous l’avez devinez je pense, lorsque vous dites que ma musique à un certain pouvoir. Car en effet, ma musique peut se révéler puissante et être une alliée de poids. Je suis ce que l’on appelle un barde. A ce titre je dispose de certains dons. Vous me dites que ma musique est apaisante. Certes, elle l’a été avec vous. Mais elle peut aussi devenir des plus galvanisantes, devenir fascinante et même avoir certains effets magiques.

Le demi-elfe lunaire ne manqua pas de marquer le mage de son regard lorsqu’il prononça ses derniers mots. Il tenta de voir, si cela suscitait quelque intérêt pour le Teu’Tel’Quess pratiquant les arcanes.

- Je ne vous cacherai pas que jouer la ritournelle aux villageois est plaisant. Mais cela reste pauvre en termes d’inspiration. J’ai déjà vécu quelques aventures et je dois l’avouer. Elles sont bien les plus grandes sources d’inspiration pour quelqu’un comme moi. Voyez-vous, je n’ai pas ma langue dans ma poche, c’est certain. Mais mes yeux n’y sont pas non plus. En outre, je ne pense pas être un sombre idiot. Il était donc une fois, puisque toutes les belles histoires comment ainsi, quatre aventuriers qui, il n’y avait pas quelques minutes encore, ne se connaissaient pas. Nous avions là, un forestier et une charmante Teu’Tel’Quess semblant attendre quelque chose, qui finalement devait être quelqu’un. Brienne de Torth, la Dame de fer, vint accompagner par un puissant guerrier et un mage du Beau Peuple. Elle chercha des yeux quelque chose, qui la mena à quelqu’un. Se saisissant d’une fougère, la garde fit se rencontrer les deux groupes qui fusionnèrent à cette table. C’était le début d’une histoire qui promettait être des plus intéressantes. Et c’est ce que se dit le barde qui voyant cela, cessa d’amuser la galerie pour se concentrer sur le sujet qui semblait bien lui ouvrir la voie, vers quelque aventure.

Rugrin laissa un petit moment passer, car il se doutait que ce qu’il venait de dire allait forcément marquer les esprits. C’était aussi un moment propice pour regarder la réaction des uns et des autres. Et peut-être en apprendre d’avantage. Puis, son petit effet passé, il poursuivit.

- Ainsi donc, quatre vaillants aventuriers qui ne se connaissent pas se trouvent rassembler à cette table, dans cette bourgade bordant le Cormanthor. C’est alors qu’un barde se languissant de trouver de nouvelles quêtes fabuleuses, promesses de secret qui ne se révèleraient qu’après avoir affronté dragons et mystères. Le musicien joua de son art pour se faire inviter à cette table. La musique adoucie les mœurs, dit-on. Et pour peu qu’elle soit jouée par un mélomane doué de quelques talents, elle peut aussi ouvrir certaines portes qui sans cela seraient restée closes. Pour nos aventuriers en partie sous le charme, c’était un maudit grain de sable que ce barde inquisiteur. Nos quatre héros avaient pourtant tant à se dire et à découvrir les uns sur les autres avant de se lancer dans leurs tâches. Car on ne se fait pas escorter par la Sergent de la Garde de la ville sans une bonne raison. Et cette raison semblait devoir rester cachée, à ce barde qui mettait son nez dans des affaires qui ne le concernait pas. Qui est-il ? D’où vient-il se formidable conteur des temps nouveaux et à venir, ce mystérieux individus dont les héros de cette histoire se méfiait.

Il était certain que sa petite histoire improvisé allait pour le moins titiller l’intérêt de l’assemblée restreinte. Et pour ne pas inspirer seulement un rejet protecteur, il allait maintenant falloir que le barde se livre lui aussi quelque peu.

- De Marsembre, il était parti, il y avait déjà plusieurs lunes de cela. A la recherche de son rêve, ce conteur s’était lancé. Et il trouva l’aventure, le danger, l’espoir de révélation et finalement une certaine déception. Pour autant, tout ce qui l’avait mené ici et maintenant l’avait poussé à composer de nouvelles musiques, compter de nouvelles histoires et apprendre de nouveaux secrets. Ogmha le guide sur la voie bardique et veille à ce qu’il ne tarisse point d’inspiration. C’est donc par la grâce de l’Archiviste de ce qui est connu que Rugrin, fut amené à rencontrer ces gens. Pour lui, c’était la promesse de retrouver le chemin de sa quête avec de vaillants compagnons prêts pour vivre quelques aventures. Et le barde ne désirait rien de plus que de les suivre pour leur apporter son soutient en échange de quelques mesures de notes inspiratrices, de quelques glorieux couplets et quelques contes héroïques ainsi que la découverte de nouveaux secrets s’il était chanceux dont il pourrait régaler quelques convives lors de ses prochaines représentations.

Il n’y avait pas grand-chose de plus à dire sur lui. Rien qui ne pourrait l’aider d’avantage en tout les cas et pour le moment. Il fallait bien garder un peu de mystère.

- Voilà les amis, j’ai été franc avec vous. Non, il n’est pas difficile de trouver du travail pour un troubadour quelque peu talentueux. Mais pour un barde ayant soif d’aventure et de découvertes sur le mondes qui l’entour, c’est plus compliquer ici. Je vous offre de me joindre à vous. Je ne sais pour où vous partez, mais à vrai dire cela m’est égale. Je ne sais quel genre de danger vous apprêtez à affronter, mais tant qu’il n’y a aucune mauvaise intention dans votre projet, je suis prêt à mettre mes talents à votre service. Je ne demande en échange qu’une protection mutuelle lorsque le moment sera venu et le droit de pouvoir conter vos exploits, ou pour le moins m’en inspirer. Alors qu’en dites-vous ?

Rugrin termina donc sur ces quelques mots. Il avait joué son va-tout là dessus et espérait maintenant que sa franchise soit payante. Affichant son plus beau sourire qu'il espérait engageant, le barde reposa son dos sur le dossier de sa chaise, prit son instrument dans ses mains et laissa s'égrainer quelques notes douces et innocentes.

- mouais...

Elle abandonna l'idée de nourrir le chien loup et se redressa. Flexible comme une liane, elle s'installa sur son siège dans une position étrange. Les pieds sur le banc, les bras autour des jambes, comme si elle voulait se faire encore plus petite qu'elle ne l'était déjà.

- Tu parles bien, mais c'est ton métier...

La tête appuyée derrière elle, les yeux mi-clos, elle l'observait au travers de ses cils.

- Et tu maîtrise ton art ...

Un mouvement de tête, sa chevelure ondoie sur ses épaules et scintille aux reflets des chandelles

- Et pour nous approcher, juste parce que tu avais envie de voir du pays, tu nous ensorcelles...

Et là, elle se déploie, ses jambes se glissent sous ses fesses et elle se retrouve à genoux sur le siège, toujours pas bien grande, mais dominant légèrement les autres
- Qui te dit que nous voulons t’emmener ? Tu ne sais rien de nous, ni de ce que nous allons faire, si tant que nous ayons prévu de faire quoi que ce soit ensemble…

Son sourire angélique s’adresse à lui seul, elle ne regarde pas les autres

- Tu viens ici fardé de tes sorcelleries, et tu comptes nous charmer, nous prenant pour des niais faciles à berner ? Tu nous demandes de te faire confiance, toi qui t’es imposé à notre table sans vergogne, par des moyens que la morale réprouverait ?

Pas un mot plus haut que l’autre, mais sa voix est glaciale. Si elle s’est grandie un peu, autour d’eux, les autres tables, la serveuse et le tavernier, nul ne peut dire s’il y a un souci entre les cinq convives.

Puis son regard parcourt l’assemblée, pour s’arrêter sur Nirannor

- Serions-nous bêtes manger du foin pour happer cette carotte tendue par ce demi là ? Il aurait eu l’âme paisible et de louables intentions ? Pourquoi alors nous charmer pour nous approcher …

Il n’existe plus, elle ne s’adresse plus à lui. Ses paroles sont pour Nirannor.


- Si je faisais partie d’un groupe, et que j’avais une mission, j’aimerais pouvoir confier ma vie aux autres, sans arrière-pensée, sans crainte. Mais savoir que parmi eux se trouve un barde qui a déjà eu barre sur moi pour s’immiscer dans ma vie ne me laisserait pas dormir… qui sait pourquoi il est là !

Puis son regard et son sourire reprirent le chemin du visage de l’inconnu


- Je ne t’aime pas… Je ne te fais pas confiance !

Le beau parleur tenta donc de jouer carte sur table, ses paroles coulèrent tel un ru à la sortie de l'hiver. Malgré la volonté de paraître le plus franc possible, il ne put s'empêcher de poétiser ses phrases. Nirannor souriait intérieurement, rien n'empêchait ce demi-elfe lunaire de revenir à ce qu'il savait faire de mieux : jouer avec les mots. Mais convaincre un rôdeur, un homme préférant mille fois la solitude des bois et des forêts aux plaisirs des villes n'était pas une mince affaire. Rugrin fit miroiter à ses quatre interlocuteurs, une gloire sans frontière à travers ses futurs chansons et autres contes qu'il sèmerait à tout vent, quand tout sera fini. Est-ce pour cela que le gardien sylvestre avait rejoint Thüldae ? Non, le barde se trompait de cible. Le Chondathien n'œuvrait pas pour son ego ou pour sa célébrité, peu lui importait ce qui resterait de lui. L'homme se battait pour cette Dame, ô combien fragile mais ô combien belle. Celle dont le sein donnait vie à toutes les créatures qu'elles soient terrestres, maritimes, végétales ou animales, celle dont l'existence remontait au début du début et qui avait réussi pendant des millénaires à garder un équilibre entre tous. Certains lui donnait une visage, d'autres un dieu mais pour le simple mortel qu'était Nirannor, elle était Dame Nature, la vie.

Pendant ce temps Anikeï regarda un morceau de viande proposé par la novice, enfin celle qui souhaitait le devenir. Les crocs du canidé s'approchèrent de la nourriture mais la Teu'Tel'Quess se rétracta au moment où la mâchoire du Husky allait se refermer. Déçu le chien se frotta contre les jambes de son maître pour venir chercher du réconfort . Machinalement Nirannor flatta son ami à quatre pattes et lui donna de quoi satisfaire sa déception.

Le rôdeur allait intervenir quand Wilonah répondit au barde. Si ses premières réactions vis à vis du ménestrel furent assez déroutantes lors de son entrée à la taverne, elle semblait se ressaisir et confortait Nirannor sur le fait de l'avoir intégrée à cette quête. Le rôdeur n'aurait pas mieux fait pour faire comprendre à ce joueur de mots que leur mission n'était pas une simple promenade entre quelques personnes bien pensantes, mais bel et bien une aventure dont certains ne pourraient pas revenir vivant. Il fit un clin d'œil discret à sa partenaire et appuya un peu plus ses propos.

- Nous ne savons rien de toi. Pardon, seulement une chose, ta curiosité. Penses-tu qu'elle suffise à gagner notre confiance ? Vois-tu, nous ne partons pas à une chasse au dragon, à vouloir ramener un trophée que nous accrocherons sur un mur pour épater nos concitoyens, à parcourir des terres inconnues à la recherche de trésors perdus. Non rien de tout ça. Tu parles bien j'en conviens, mais sais-tu ce qu'est de se trouver à coucher en pleine nature, dans le froid, suspectant les moindres bruits, veillant à ce que le feu du foyer reste toujours vivant malgré les vents malins. As-tu la moindre idée de la sensation d'une lame pénétrant dans ta chair ? Vois-tu l'humilité est de mise dans ce que nous faisons. Aucune gloire, seulement la sensation d'avoir agit pour le Bien de Dame Nature. Alors, il va falloir trouver autre chose pour me convaincre.

D'un regard soutenu, il regarda Rugrin.

Le barde finit par montrer son vrai visage, décidant de jouer franc jeu, ce qui était peut-être sa meilleure solution, tout en restant une mauvaise solution, les réactions de Wilonah et de Nirannor le montrait clairement, et celle du colosse n'en était pas loin. Heureusement, cela ne rendait pas le moment agréable moins agréables, même s'il avait été sous l'effet d'un sortilège, il n'avait jamais été vulnérable, entouré par les autres aventuriers, si la chose s'était déroulée au cœur du combat, l'élu divin aurait certainement senti son erreur beaucoup plus douloureusement qu'en invitant quelqu'un à sa table un inconnu. En un sens, cela lui permettait de mettre à jour ses faiblesses pour tenter de les combler par la suite.
Malgré tout, il n'était pas heureux de la situation, et allait tenir un discours similaire à celui de Nirannor juste alors que ce dernier commençait le sien. Il n'avait rien contre le fait d'avoir quelqu'un pour conter leur histoire par la suite, cela pouvait provoquer des vocations parmi la jeune génération, servant les causes du bien et de la loi, ce qui était loin d'être une mauvaise chose, mais ce n'était pas leur but premier. Il finit donc par en rajouter une couche, avalant tout d'abord ce qu'il avait en bouche, car il était impoli de parler la bouche pleine :

- Comme vous le dites vous-mêmes, cela sont des affaires qui ne vous concernent pas. Votre offre est généreuse, ou du moins le semble-t-elle, mais nous n'avons que ta parole pour la croire, et si nous sommes en mission, la parole d'un inconnu ne peut pas nous suffire. Si vous voulez écrire des histoires, je suis sur que nous pouvons vous raconter ce que nous avons chacun fait par le passé, peut-être cela vous donnera assez de matériel pour écrire un chant ou deux.

Attendant la réponse du beau parleur, Alrion prit une nouvelle bouchée dans son assiette déjà presque vide, passant le tout avec une longue rasade de sa boisson.

Rugrin avait fait usage de son talent pour les mots et les grands discours et garda son sourire même lorsque la jeune barde elfe dit sans ambages qu'elle ne lui faisait pas confiance. Certes c'était légitime car elle avait après tout cédé à la magie d'un collègue et cela devait être bien difficile pour elle. Aussi, toujours souriant, il commença par s'adresser à elle, décidant de répondre à chacun dans l'ordre des participations.

- Vous ensorceler vous dites ? Non, si vous aviez été ensorcelé, cela aurait pu être préjudiciable pour vous. Une personne ensorcelant une autre personne ne le fait que dans le but de lui nuire. Moi j'ai seulement montré à de potentiels futurs compagnons ce que je sais faire et ce que je peux apporter. C'est tout.

Ensuite, il regarda Nirannor et son sourire disparut de lui-même car il parlait d'un sujet sensible qu'il avait du mal à aborder et dont il ne parlait guère.

- Dormir à la belle étoile quelque soit le temps, veiller sur un feu de camp et perdre ainsi de précieuses heures de sommeil, sentir une lame de métal rentrer dans mes chairs dans le seul but de m’ôter la vie. Tout ça je connais. Je ne sais pas d'où vous venez ni même si vous connaissez l'histoire de mon pays. Ces dernières années, le Cormyr est entré en guerre contre la cité de Pénombre, qui a rayé de la carte la cité de Tilverton. Je me suis engagée dans l'armée royale et j'ai participé aux combats. J'ai connu la douleur, la souffrance, la perte d'amis, la faim, la soif, la fatigue, le désespoir et tout ce que peut faire peser la guerre sur l'âme d'un homme. Quant à l'humilité, je ne pense pas en être dépourvu car je parle de la gloire des autres plutôt que de la mienne. Mon métier est de faire connaître les autres et de divertir les gens. J'y prends plaisir certes mais je n'en tire que ce que l'on veut bien me donner. Je ne suis pas un barde de cour où je gagnerai bien mieux ma vie et où je n'aurai jamais ni faim ni sommeil. Je ne cherche pas non plus le confort sinon j'aurai repris l'héritage familial comme le souhaitait mon père. Alors ne me jugez pas sur les apparences qui sont souvent trompeuses.

Soutenant le regard de Nirannor sans faiblir, il retrouva son sourire même si celui-ci était moins éclatant que lorsqu'il avait répondu à la barde elfe.

- Donc oui je connais les affres de l'aventure, j'en reviens d'ailleurs d'une belle sur une île perdue à la recherche d'un cailloux noir dont j'ignorais tout. Je sais ce qu'est travailler en équipe et mettre mes talents au service de cette équipe. En outre, quand je suis dans une équipe, je ne cherche ni la place du chef ni à tirer la couverture sur moi. Je suis un maillon d'une chaîne et je connais ma place et mon rôle.

Regardant tous ses interlocuteurs, se demandant ce qu'attendait le mâle elfe pour prendre la parole, Rugrin attendait. Selon la réponse, il repartirait ou pas. Quelle qu'est soit, il tentait sa chance, restait à savoir si cela suffirait. Il parlait avec son cœur même s'il ne disait pas tout à son sujet, certaines choses ne les regardant pas.