L'or et le Sang à Morteneige, Là où on trouve de l'or, tout va mal

Soran était irrésistiblement porté par le poids du voyage vers une position assise. C'était avec plaisir que le vengeur prit ses aises sur son siège et secoua son grand manteau pour en faire tomber les flocons importuns sur le sol. Il étira longuement chacun de ses membres afin de les dégourdir. Il pensait qu'il était bon de se réchauffer après une escapade dans le froid, mais pas à grand-chose d'autre. Ses yeux étaient légèrement vitreux, et le sens des conversations glissaient sur lui comme sur du verre alors qu'il marmonnait à nouveau tout seul. La mention de son nom le ramena à la réalité.

Il regarda le chef de la phalange de l'ours, Kebur, Amur, Garjesza et même Belgos, comme pour s'assurer qu'ils étaient tous là. Belgos... C'était bien ce rôdeur qui l'avait entraîné jusque ici, plusieurs dizaines de kilomètres plus loin. Il avait dû mettre sa rancune entre parenthèses pour la durée du voyage. Vue de loin, elle lui semblait maintenant presque insignifiante, stupide, à peu près méprisable. Le demi-elfe n'avait plus donné d'autres signes de lui en vouloir, néanmoins, il était clair qu'il ne le portait pas dans son coeur. L'ensorceleur ne savait plus trop comment la traiter. Par doute, il décida de la laisser flotter encore un peu dans l'incertitude. Le temps peut-être la dissiperait. S'il ne le faisait pas, c'était qu'il y avait une bonne raison d'y prêter attention. Le plus important n'était pas là.

Le plus important, c'était la question qu'il lui était posée. Il ne répondit pas, tout de suite, car on lui laissait, bien heureusement, du temps pour réfléchir. Soran était tiraillé par deux sentiments contraires. D'un côté, il aimait l'indépendance, voyager comme il le souhaitait pour agir comme il le souhaitait. Il savait qu'il pourrait tirer une croix sur cet aspect de sa vie s'il rentrait dans la Compagnie. L'incident avec le sous-officier et son supérieur qui se déroulait sous ses yeux venait à nouveau de le démontrer. Il serait enchaîné.

De l'autre, avoir un supérieur ne le dérangeait pas en cela, et l'argent comme l'orientation lui manquait. Peu d'organisation pourrait mieux l'informer que celle-ci. Les périls étaient probablement nombreux, des justices à rendre, partout. Il ne parlait bien évidemment pas de défendre la veuve et l'orphelin, loin de lui cette idée. Car personne n'était innocent, l'enfant comme la vieille avait un couteau caché derrière son dos. Le problème était souvent qu'elle ne s'en rendait pas compte. Mais Soran, lui, savait.

Finalement, ce fut ces belles perspectives qui le confortèrent dans cette décision. Fort de sa nouvelle certitude, le vengeur trouva un sourire sincère, comme il lui en venait rarement en dehors du châtiment. Il leva son verre dans un geste de familiarité cordiale. Il avait toutes les raisons de bien s'entendre avec ses futurs collègues.

-A ma nouvelle compagnie ! Et à la vôtre aussi Kurtik Jundreth ! Dois-je vous appeler commandant ?

Enfin, il commença à manger.

Une courte marche conduisit enfin le groupe dans un lieu qu'Amur appelait de tous ces voeux depuis quelques heures : un lieu chauffé ! Heureux d'être pour l'instant débarassé de la neige et du froid qui l'accompagnait, le Chessentan comptait bien profiter de cet instant de tranquilité.

¤Enfin ! Depuis le temps que j'attendais ça... Un répit bienvenu. Mais un répit seulement ...¤

Amur s'assit comme les autres autour de la longue qui leur avait été allouée, accueillant avec plaisir le repas qui se profilait. Se restaurer ne serai pas de refus, surtout après une journée de marche. Commençant son repas avec ses compagnons, le guerrier observait distraitement la taverne. Les serveurs avaient l'air ereintés, à se demander comment ils parvenaient à tenir le coup. A l'évidence, la taverne ne désemplissait pas, et le rythme était intense. Ne restait qu'à espérer que les mineurs ne buvaient pas trop, maitriser des ivrognes était plus que désagréable. L'odeur à elle seule était décourageante...

Le départ et le retour de Belgos ne lui échappèrent pas non plus. Le demi-elfe jouait l'humour, ce qui était une bonne chose, mais il ne devait pas être réjouis pour autant. Excellent éclaireur, Amur se demandait s'il arrivait à gérer la discipline avec un supérieur inhabituel. Lui n'avait pas de problème, mais après son passage dans l'armée de Chessenta, il avait pris le pli, comme on disait, et une fois en mission il se cantonnait à la discipline la plus stricte : la sienne. Ce ne devait pas être évident pour Belgos, qui appréciait son indépendance et sa liberté.

Mais enfin, il entendit vite les déclarations de Kurtik, qui cherchait encore à recruter des hommes pour les épauler. Il entendit également l'offre faite à Soran et Garjzlasa, et hocha machinalement la tête à cette annonce. Il ne connaissait pas assez les deux hommes pour porter un jugement, mais ils s'étaient plutôt bien comportés au combat... Par contre, il nota avec désapprobation les paroles de Soran vis-à-vis de son supérieur. Mais enfin, c'était un civil, ça pouvait se comprendre.

La fermeture de la porte coupa net le filet d’air glacé qui s’immisçait dans la salle commune. Relâchant l’étreinte qu’il appliquait à son manteau, le voyageur S’assis avec ses compagnons de route. Affamé, il fallait l’avouer, et qui plus est, quelque peut fatigué par la marche, il se réjouit de trouver au bout de ce voyage un petit coin de chaleur. La salle bruyante emprisonnait la chaleur humaine, et le feu suffisant amplement à mettre tout le monde à son aise. C’est d’ailleurs ce que fit Garjzlasa, ravi de trouver un tabouret à la table qu’avait choisi Kurtik, et sans pour autant s’affaler, il s’installa confortablement, posant les coudes sur la table en bois, sondant le regard de ses compagnons de table. Sirth se hissa sur l’épaule de son maître, et en descendit en dévalant le bras de l’ensorceleur. Il atterrit sur la table, et se replia ensuite vers l’humain, traitant dans ses bras. Il appréciait la chaleur de la battisse, à priori.

Puis, Kurtik prit la parole. Bien que Garjzlasa s’en douta un peu, il fut tout de même surprit, sans doute à cause de la voix grave naine du chef de phalange. Une bière ? Ca paraissait une idée des plus plaisantes. Manger le tentait aussi, mais il n’osa pas en demander plus pour le moment. Peut être plus tard…

Puis vint la proposition de la compagnie des marches : Intégrer cette organisation. Plusieurs idées lui vint à la tête, mais son choix fut très vite fait. Ce qui le gênait le plus était que cette loyauté put entraîner une quelconque contrainte dans ses plans personnelles. Mais elle était minime comparé aux avantages qu’apportait cette adhésion. La plus grande motivation que l’Illuskien voyait était bien évidement les pièces et autres trésors. Repensant a ce point capital, il descendit la main au niveau de sa bourse, pour s’assurer que rien ne manquait, puis la serra entre ses doigts refaisant le nœud qui l’accrochait à sa ceinture. Il y passa la main doucement, puis se remit dans la position précédente, se persuadant qu’il n’arriverait rien a son pactole, si maigre soit-il. Suite à cette évènement, signe que la chose la plus important pour l’ensorceleur était effectivement son or, il n’hésitait plus sur la question de son futur supérieur. Il fit tout de même mine de réfléchir un instant.

« Cette compagnie me plait bien, et sachez que c’est a elle que je m’attache, en m’attachant à la compagnie des marches, si toutefois elle a besoin de moi. J’accepte cette offre avec joie, en espérant que ma présence parmi vous vous soit bénéfique et agréable. Sirth ? » La belette monta sur l’épaule de son maître, fixant un à un les membres de la compagnie, ce qui excepte Soran et Kerlomar, comme pour les saluer, bien que ces derniers ne le remarquèrent sûrement pas. Garjzlasa attrapa ensuite un choppe. Et se tourna vers Soran, qui lui s’était visiblement préparé à répondre aussi. Sirth regarda son maître, qui se mordit la lèvre. Ils s’était habituer a sa présence, mais le côtoyer en permanence ne les tentait pas pour autant.

Il but une gorgée, et sa soirée debuta.

Douzième jour du Coeur de l'Hiver, année des Dragons Renégats
12 martel 1373 (CV)

Lieu : Morteneige, Marches d'Argent
Temps : couverture nuageuse basse, chute de neige importante, 1°
Moment : vers 13h25





Narration Amur, Belgos, Garjzlasa, Kebur, Kerlomar et Soran :


Kurtik s’était rassis à la table sans proférer un commentaire pour justifier son absence. Seuls ses yeux exprimèrent brièvement sa satisfaction de voir Belgos revenir dans la salle commune. Ses paroles avaient porté leurs fruits, et c’était le mieux. Belgos s’avérait un sous-officier de valeur, et un solide combattant à la longue expérience. Kurtik ne pouvait se passer des services d’un tel adjoint. Autant leur mission première, l’escorte de Marnuf, se révélait fort simple. Autant la mission qui allait s’amorcer, semblait déjà des plus compliquée vu le climat social de Morteneige bouleversé par l’afflux des prospecteurs.

Le nain d’écu quitta ses pensées pour revenir à la réalité. En proposant un engagement aux deux jeunes recrues, il espérait une réponse franche et rapide. Soran fut le premier à y répondre, et l’enthousiasme de ses paroles amena un sourire sur les lèvres du nain :

- Non, pas de commandant. Messire Kurtik, cela suffit. Donc, bienvenu dans la Compagnie des Marches. Tu ne regretteras pas ton engagement, je te l’assure.

Le chef de phalange dédia ensuite un regard brillant de joie à Garjzlasa qui acceptait lui aussi l’engagement.

- Bienvenue également. J’enverrai un message à Sundabar pour officialiser votre recrutement. Théodus Gauchecrampe, notre intendant, vous comptera dans les effectifs de la Compagnie. Ah ! fit-il à la vue d’un grand plat que portait le serveur taciturne.

Si le cadre et le personnel de salle laissait à désirer, il n’en était rien du, ou des cuisiniers. De beaux morceaux de bœuf bien rôtis, côtoyaient des pommes de terre bouillies à l’aspect engageant, ainsi que des légumes.

Le chef de phalange se servit une grosse portion. Le combat du matin, puis la longue marche avaient ouvert son appétit. Il mangea en silence, appréciant chaque bouchée. C’est en terminant son repas qu’il exprima à haute voix son souhait de trouver de nouvelles recrues. Ne voyant personne répondre à sa proposition, le nain d’écu crut qu’il devrait chercher ailleurs. Il vit finalement s’avancer vers lui un humain qu’il avait remarqué au comptoir.

- Heureux de te connaître Kerlomar. Tu me sembles un gras de bonne constitution. J’accepte ta demande. Te voilà donc membre provisoire de la Compagnie des Marches. Assieds-toi, et buvons !

Kurtik fit signe au serveur de servir sa nouvelle recrue, avec laquelle il trinqua bientôt.

- Bon, c’est pas tout ça, mais il faut vous mettre en route. La nuit ne se couche pas très tard à cette époque de l’année. Vous avez trois kilomètres à marcher jusqu’à l’abbaye. Marnuf, dit-il en se levant pour serrer la main de son cousin. Porte-toi bien et rentre à ton abbaye. Je te laisse entre les mains de Belgos. Je vais pour ma part rencontre Dame Piqueglace.

- Que Marthammor Duin te protège, déclara Marnuf en guise d’adieu.

Marchant derrière la petite carriole du moine, ils quittèrent la petite citée par une sortie située à l’opposée de l’entrée qu’ils avaient emprunté. Il attaquèrent bientôt un chemin escarpé disparaissant sous une couche d’une vingtaine de centimètres de neige.

Membre provisoire de la compagnie des Marches. En s'assayant avec le groupe, Kerlomar ne savait pas s'il allait réellement apprécier leur compagnie. Ils étaient tous en train de boire une bière en mangeant et bien que dans les gestes de Kurtik Kerlomar reconnut l'appétit nain, il se sentit un peu gêné, surtout que celui-ci lui commanda une bière pour qu'ils trinquent. Chose que fit le druide mais il reposa aussitôt sa choppe et fit signe à un serveur de l'approcher et lui rendit la choppine pour demander de l'eau.

- Vous m'excuserez mais je ne bois pas ou très peu, et jamais comment je travaille.

Il but donc son verre d'eau tranquillement et se leva en même temps que tous les autres au moment de partir. Visiblement, il lui faudrait escorter un prêtre nain et Kerlomar haussa les épaules en se disant qu'il fallait bien commencer par quelque chose. Cependant, il avait hâte de pouvoir glisser à l'oreille de son nouveau " commandant " d'aller voir vers la zone à morts vivants, même s'il se doutait que ce dernier en entendrait parler s'il avait un rendez-vous avec la cheftaine de la ville.

Une fois dehors, Kerlomar se retrouva dans le groupe, juste derrière le membre de tête. Il s'estimait heureux d'avoir sur lui son cimeterre, sa fronde, son armure et sa rondache, se félicitant finalement d'être un brin méfiant. Et comme pour souligner cette méfiance, le druide glissa quelques mots à son rapace qui s'envola aussitôt prenant la tête du groupe avec plusieurs mètres d'avance.

Se sachant désormais sûr d'être prévenu de la moindre anicroche ou embuscade tendue le long du chemin, le druide damarien put regarder ses nouveaux compagnons avec plus d'intérêt et un regard critique. Il ne savait pas comment les appréhender, ni même leurs motivations profondes. Il savaitr seulement, du moins il s'en doutait suite aux affirmations de leur chef commun à l'auberge, que tous étaient membres actifs de cette fameuse compagnie des Marches. D'ailleurs cette pensée lui arracha un sourire lorsqu'il se demanda si Kurtik allait à un moment ou à un autre lui faire la même proposition. Il savait qu'il refuserait, autant par loyauté envers la confrérie des gardiens que parce qu'il espérait ne pas devoir seulement officier dans une région précise de Faerun, voulant voyager le plus longtemps possible, et le plus loin possible. En tout cas, il trouvait le sang mélé intéressant. De même pour le nain et pour l'humain engoncé dans son armure et qui devait être un guerrier, sans doute. Les deux autres humains lui semblaient un peu plus difficile à cerner et définir. Kerlomar était loin d'être un fin psychologue et un être très sociable, seulement, il avait l'impression que c'étaient eux qui pourraient receler le plus de surprises.

Son " étude " terminée, le druide se décida à faire un peu plus attention à l'endroit où il posait les pieds. En effet, il avait du marcher sur un cailloux rendu glissant par la neige patinée car il s'était senti partir vers l'arrière, entrainé par le poids de son armure, avant de réussir à récupérer une position plus ferme et avantageuse et en penchant, se lançant, vers l'avant. Mais le tapis neigeux empêchait quiconque de vraiment voir où il posait les pieds, et en souriant, l'humain se décida plutôt à observer se qui l'entourait, plongeant une nouvelle fois dans la félicité de regarder et servir la toute puissante nature.

Les deux nouvelles recrues de la compagnie des Marches, les dénommés Garjzlasa et Soran ne recevraient leurs chevalières qu’une fois de retour à Sundabar, une fois que Théodus, l’intendant, les affecterait à une phalange. D’ici là, ils étaient de simples vacataires, membre de la compagnie certes, mais l’engagement demeurait verbale et Belgos qui distribuait sa confiance parcimonieusement, pourrait juger sur acte si leur engagement ne se révélait pas être une simple lubie. Il garderait sur eux un œil attentif.

L’heure du départ avait donc sonné, Belgos marchait en tête de la petite colonne qui suivait la cariolle. Une position qui ne lui convenait pas, il fallait bien le dire aussi, à peine sorti de Morteneige, il distribua ses ordres. Certes, il ne restait que quelques lieux à parcourir mais on n’était jamais prudent. Il se retourna pour voir le dénommé Kerlomar juste derrière lui. Voilà une chose tout à fait nouvelle pour lui, il ne connaissait pas le garçon pour le moment et justement la place de Kerlomar ne lui semblait pas la plus appropriée car seul lui importait que la petite colonne soit en ordre de marche et qu’elle puisse répondre à une attaque surprise au cas où.

- Amur ! Je te confie la charge de veiller sur nos arrières, prends Soran et Garjzlasa avec toi ! En ordonnant cela, il attendait que le guerrier prenne les devant et prenne sa place.

Oui, il avait désigné sciemment Amur comme son second, un choix logique puisque l’homme outre le fait qu’il appartenait à une phalange de combat, possédait également une solide expérience militaire qui n’était pas à dédaigner. Amur était l’homme qui lui fallait. Puis reportant un regard bienveillant sur son ami.

- Kebur ! allez mon ami, hop dans la cariolle avec le prêtre Marthammor Duin, je pense que vous êtes fait pour vous entendre non?

En prenant place aux côtés de Marnuf, Kebur serait un alliée de choix pour le fils de la pierre en cas d’assaut impromptue. Belgos se rapprocha ensuite de l’humain que Kurtik avait recruté à l’auberge et l’invita à l’accompagner au devant de la carriole.

- Vous et moi devant, Kebur et Marnurf au milieu et trois d’entre nous pour fermer la marche, je pense que nous devrions pouvoir assurer tranquillement notre trajet jusqu’au monastère.

Sans attendre une réponse de l’humain, Belgos partir à petite foulée, tâche qui n’était pas aisée avec la neige mais qui n’était pas pour lui déplaire. Il dépassa l’attelage et fit un signe au prêtre pendant qu'il prenait position

La pause finie, le petit groupe s'apprêtait à repartir sous le commandement de Belgos. Celui-ci organisa rapidement les uns et les autres, Amur se retrouvant à l'arrière-garde avec Soran et Garjzlasa, leurs deux nouvelles recrues. Une position moins reposante qu'il n'y paraissait, en réalité des plus risquées en cas d'embuscade. Mais le guerrier ne se faisait pas de souci : leur groupe avait déjà prouvé qu'il était apte à réagir à de telles menaces. Il se plaça donc à l'arrière de la carriole avec les deux hommes, s'adressant à eux avant le départ.

- Si vous permettez, un petit conseil en cas d'embuscade. Ne vous précipitez pas au contact, essayez plutôt de harceler l'ennemi. Vous ne manquez pas d'enthousiasme - bravo pour tout à l'heure au fait, ajouta le Chessentan avec un signe de tête pour Soran - mais n'êtes pas équipés pour le corps à corps. Par contre, si vous le pouvez, contournez l'ennemi et prenez-le à revers, vous êtes assez agiles pour ça.

Ne doutant plus des capacités des deux hommes, le jeune homme profitait du calme pour leur donner quelques tuyaux tactiques. Une épée n'était pas vitale dans un combat, mais une armure si. Ils avaient déjà eu deux morts aujourd'hui, et quelques précautions pouvaient permettre d'en rester là. Rien ne laissait penser qu'ils seraient encore attaqués, mais l'ancien soldat avait appris dans la douleur à détester l'inattendu...

Kerlomar regarda Belgos Dalaèl et l'écouta lui donner pour ordre d'aller avec lui à l'avant de la colonne, devant la carriole qu'ils devaient escorter jusqu'à l'abbaye s'il avait bien compris le but de sa mission. D'ailleurs, il espérait mentalement que le commandant de la petite troupe hétéroclite reviendrait vite et avec un nouveau travail pour eux, c'est à dire faire le ménage de tous morts vivants et autres choses abjects comme les orques. Car s'il s'était engagé dans ce groupe, c'était seulement pour ce travail, accomplir sa mission, et non pour escorter quelqu'un. Surtout qu'au vu de sa dernière mission d'escorte, il avait fini dans une prison tenue par des Yuan Ti et cela lui laissait un désagréable souvenir. Inconsciemment, en repensant à ses court séjour parmi les humanoïdes reptiliens, le druide damarien posa sa main droite au niveau de son coude gauche et commença à promener ses doigts joints sur une ligne, rendue invisible par ses vêtements, trace à vie d'une blessure qui avait failli lui faire perdre son bras. Relevant la tête pour regarder le rôdeur semi elfe, il le suivit sans rechigner en lui faisant un signe de tête pour lui signifier qu'il avait compris, entendu, et qu'il lui obéirait, même s'il n'aimait guère obéir à quelque d'autre que lui-même ou sa déesse. Il avait déjà du mal à accepter des ordres d'Isorion qui était son maître dans la Confrérie des Gardiens Sylvestres. En y repensant bien, mise à part Linweline, il n'y avait pas de membres de la hiérarchie de la confrérie à qui il obéirait avec plaisir, n'ayant pas encore de réelles attaches envers eux. Mais il savait que bientôt, après cette mission si tout allait bien, son statut et sa vie changerait sensiblement au sein de la guilde.

¤ Bon, la seule chose que j'espère, c'est que celui-là n'est pas un officier féru des ordres à la chaîne et tous plus idiots les uns que les autres. Sinon, on risque d'avoir des problèmes à coopérer. D'ailleurs, je me demande comment son nabot de chef et lui réagiraient si je refusais de leur obéir. Bas je verrai bien s'ils m'en donne l'occasion. Et ils ont intérêt à faire attention à se qu'ils font. Mais bon, avec des nains, des hommes et des elfes, même à moitié, il vaut mieux être prévoyant et s'attendre à tout. De plus, le fait qu'il y ait autant d'or dans les parages ne va pas aider. Ce métal jaune attise toujours toutes les convoitises et peut transformer le meilleur des hommes en brigand prêt à vendre père et mère pour s'enrichir. Bon enfin, trêve de pessimisme. Si à peine avec eux tu es déjà en train d'imaginer le pire, autant repartir tout de suite pour la Haute Forêt. ¤

Kerlomar cadra sa cadence de marche sur celle du semi elfe et se mit à un ou deux pas en retrait, afin de souligner les rôles et la hiérarchie au sein du groupe, l'officier supérieur devant, à son idée, se trouver au-devant du groupe. Posant ses yeux sur le dos du semi elfe, le druide réfléchissait à sa possible histoire et les raisons de la rencontre d'un représentant elfe et humain. Il trouvait passionnant l'histoire des gens, non pas à cause d'une curiosité mal placée mais bien parce qu'il pensait qu'à partir d'une histoire, on pouvait avoir une idée du caractère et de la mentalité de la personne. Seulement, il n'avait même pas posé les bases pour pouvoir ensuite entamer une conversation normale avec un individu prétendument civilisé.

¤ La civilisation n'est pas forcément là où on s'attend à la trouver. ¤

Se raclant la gorge, il inspira un bon coup et dit d'une voix un peu rauque.

- Au fait, moi c'est Kerlomar Ribens. Ca pourrait aider pour m'appeler. lâcha t-il avec un sourire timide.

Garjzlasa se sentait plutôt bien. Apres l’arrêt a la taverne, il avait reprit des forces, et s’était acclimaté, de façon rudimentaire, mais suffisante, au froid. Une de ces vieilles amis, Heloïs Vilival, une noble déchue, des contrées proches du grand glacier, qu’il avait rencontré lors de sa vie sur les quais de la cité des splendeurs, il y a un an de cela, avec laquelle il avait tissé des liens d’amitié un peu poussés, lui avait appris les coutumes de son pays natale, a propos du froid. Aujourd’hui, l’humain se maudissait de ne pas l’avoir écoutée plus attentivement, peinait a se souvenir des conseils qui malgré tout l’aidait aujourd’hui beaucoup. Ses années passés a Eauprofonde avait en effet permis à l’ensorceleur de faire des multiples connaissances, parmi lesquels bon nombre d’informateurs sur la vie en milieu difficile, ou autre. Encore faudrait t’il que l’Aquafondien n’ai pas une mémoire aussi défaillante que la sienne.

Enveloppé dans son manteau de fourrure, Sirth blotti dans un coin du vêtement, il avançait d’un pas distrait, suivant le groupe et observant le paysage changer avec la neige. Puis, lorsque Belgos, apparemment le nouveau chef, lança des ordres, il se remit en alerte, sans pour autant se presser. Certes, avoir des ordres ici était plus proche de la facilité que de la contrainte : Cela lui évitait de réfléchir. Mais obéir aux ordres n’avait jamais été son passe temps préféré. Il obéit pour le moment a ces ordres non trop contraignants, et puis obéir au chef permettait de ne pas trop se faire remarquer dés le début.

Sirth sorti la tête, et sonda les envierons la bordure du chemin. Garjzlasa se rendit quant a lui a l’arrière de la chariote, conformément aux ordres, avec Soran et Amur. Soran, il le connaissait déjà suffisamment, mais l’autre lui était inconnu, et l’ensorceleur se dit que ce personnage méritait peut être un peu d’attention, étant peut être un de ses nouveaux collèges. Il se plaça donc à coté d’Amur, qui marchait derrière la carriole. C’est a ce moment la que ce dernier pris la parole. Pris de vitesse Garjzlasa écouta les conseils tactiques du guerrier, qui paraissaient judicieux et auxquels il répondit a chacun d’eux par un marmon d’approbation. Aller au contact ne le tentait pas vraiment et il se passerait de prendre ce risque le plus possible. Prendre à revers l’ennemi paraissait une bonne idée, mais d’expérience, ses souffles était tout aussi efficace de face, ou alors il fallait prendre l’adversaire par surprise, ce qui n’était pas une mince affaire, lors d’une embuscade. Il laissa cogiter tout cela, tandis que Sirth lui laisser comprendre un bref compte rendu de ce qu’il avait observé, et ce qu’il observait a l’instant. Il continua d’ailleurs ses scrutation, pendant que son maître se prenait la tête avec de la tactique.

La tentative d’approche du druide détourna l’attention du rôdeur dont le regard couleur émeraude pailleté d’or glissa vers lui. Il esquissa un sourire devant ce qui pouvait ressembler un reproche à peine dissimulée de l’homme à la cicatrice, effectivement, Belgos n’avait pas prit soin de se présenter, à dessein à vrai dire.

- Oui Kerlomar Ribens, vous avez raison cela pourrait aider ! dit-il sur un ton aimable et franc, mon nom est Belgos Dalaèl, et vous l’aurez comprit membre de la compagnie des Marches.

Ils avaient deux lieux à parcourir pour rejoindre le monastère, une distance qu’ils n’auraient normalement aucune difficulté à couvrir rapidement. Marchant à une allure raisonnable malgré la neige, le demi-elfe et l’humain précédaient la carriole et le reste de la troupe, autant lier conversation pour passer le temps mais aussi pour lier en partie connaissance, surtout si l’homme devait se joindre durant un temps à la petite troupe du Bastion de Sundabar.

- Je vois que vous être accompagné d’un bien beau compagnon à plume Kerlomar. Là où je suis né, il est de coutume de dire que l'homme qui est parvenu à gagner la confiance d'un animal et de s'en faire un compagnon dévoué et fidèle, est un homme qui gagne à être connu. Serait-ce votre cas?

Une question qui se voulait anodine mais qui en réalité ne l'était pas.