Promenons-nous dans les bois, Chapitre 1

ecevant la petite elfe d’une façon un peu maladroite, comme quelqu’un qui n’a pas l’habitude des enfants, Lhamo s’apprêtait à retenir Burd’Hyme.

- Non ! N’entre pas dans la … mais ses paroles se perdirent, inutiles.

La grugash avait déjà pénétré dans le tombeau de cette demeure, et bien qu’elle ne pouvait pas l’apercevoir de l’endroit ou elle se tenait, le bébé dans les bras, Lhamo était certaine que Burd’Hyme serait vivement affectée par ce qu’elle allait trouver dans cette pièce. Ils l’étaient tous, mais elle, le serait davantage. La druide percevait sa compagne comme quelqu’un de fragile, de sensible, de précieux aussi …
Au cours de la journée un étrange sentiment s’était développé dans le cœur dur de l’elfe noire. Elle désirait protéger Burd’Hyme, veiller sur elle, comme elle-même s’était chargée de veiller sur Elifain. Cette émotion était un peu immature et exprimée de façon très maladroite. Une seule personne au monde avait témoigné ce genre de sentiments envers Lhamo. Un druide dans la fleur de l’age, aux longs cheveux châtain et au regard doux. Elle aurait pu tomber amoureuse de lui si elle n’avait pas eut ce cœur de pierre hérité de cent années de brimades et de souffrances.

- Tu trouveras du linge sur le sol, près de la grande armoire cria Lhamo d’une voix étranglée « J’ai oublié d’en ramener… »

Elle s’en voulait déjà. Resserrant les lèvres, elle s’assit en tailleur dans la paille et plaça Elifain dans le berceau que formaient ses jambes. Elle versa le lait dans la petite timbale, ôtant tout d’abord la couche de crème qu’elle jugea indigeste et entreprit de nourrir le poupon à la cuillère. La tache n’était pas aisée, et néccésita concentration et application aussi bien de la part de la plus jeune que de la plus âgée.

¤C’est à Burd’Hyme de faire ça …Je devrais être occupée avec les autres à débarrasser cette maison de toutes ces mauvaises énergies, et l’épargner d’avoir à confronter la mort une fois de plus…¤

Elle attendit que chacun revienne dans l’écurie pour commencer à parler. Il était temps de prévenir Isorion, et de décider de la démarche à suivre, tous ensemble. Elle prépara mentalement son discours et les questions qu’elle avait à poser.

Le hin dégageait une grande activité, surveillant la cuisson du ragoût qui mijotait tout en nettoyant la plus grande partie du sang qui maculait le sol de la pièce principale. L’odeur n’était pas des plus agréable mais le prêtre d’Urogalan avait sentit bien pire lors des cérémonies de crémation. Il comprenait toutefois l’envie de cyprien et si il se sentait bien trop petit pour être efficace dans le transport des corps, il restait tout à fait capable de remettre les lieux en état. Après avoir entreposé sacoches et affaires dans l’écurie, il fit un très léger brin de toilette avant d’y emmener le ragoût fumant et délicieusement parfumé.
S’installant prêt de Lhamo après avoir appelé cyprien tout en faisant signe à Bur’dhyme au passage, il espéra que ce repas revigorerait ses compagnons tant ceux ci semblaient fortement marqués. Tout en commençant à manger il désigna le contenu des sacoches ainsi que les deux parchemins.

-Bon, finalement pas grand chose mais il se pourrait bien que nous soyons chez les Okmoss et que quelqu’un n’ai pas apprécié qu’il ai loué ses services à la maison Eirontalar . Reste à savoir pourquoi ? parce que travailler comme guide n’est pas une tache répréhensible…enfin, tout dépend ce qu’il a guidé. Par ma foi, je ne suis sur de rien, mais pour l’instant, je n’ai pas grand chose de plus à proposer. J’imagine qu’ il faudrait se rendre à noénar et se renseigner sur ce Vatoré et puis, connaître l’identité du propriétaire des lieux pourrait également confirmer ou non l’hypothèse.

Nob parlait tout en mangeant, s’essuyant la bouche du revers de sa manches et en terminant le fond de son assiette à l’aide de larges tranches de pain. Assurément, les sagespectre n’était pas des Halfelins de salon, parlant la bouche pleine et déglutissant bruyamment d’autant plus qu’il ponctua la fin de son repas d’un rot de satisfaction.

-Excellent, tout à fait excellent, voilà des lustres que je n’ai pas mangé en bonne compagnie un si délicieux ragoût. Racines et fruits des bois ne sont pas mauvais mais vraiment, ca ne vaut pas un bon repas chaud. S’adossant à un pilier, il croisa les jambes et poussa un soupir de contentement en bourrant de tabac, la pipe qu’il avait trouvée." Espérons que le tabac est bon. Si cela intéresse quelqu’un, j’ai une pipe dans mon propre sac et il y en a bien assez pour tous. Enfin, revenons à nos moutons. Si notre mort est bien le sir Okmoss, il venait de recevoir une fort jolie somme et visiblement, on était content de ses services vu sa réembauche.Il est d’ailleurs hors de question que je garde pour moi tout cet argent."

Ce sentant parfaitement détendu, Nob commençait à savourer ce moment de repos en regardant ses compagnons et pensant soudainement que les elfes n’etaient peut être pas de fervents admirateurs du ragoût au lapin.

Un par un, Cyprien traîna les corps et les jeta dans la fosse à purin. Toutefois, il porta à bras les plus jeunes, comme un père aurait fait de ses enfants malades.
A mesure qu'il accomplissait sa sinistre besogne, il cherchait des dieux humains à invoquer pour soulager les âmes défuntes.
Il n'avait pas appris grand chose de son séjour chez les hommes de ce côté là. S'il conservait une affection profonde et une forme de dévotion instinctive pour Tymora, la déesse qui l'avait sauvé tant de fois du guet ou des toîts glissants, il ne voyait pas en quoi la Dame de la Fortune pouvait être utile maintenant à ces pauvres êtres.

Le dernier corps s'enfonçant dans la boue méphitique, il tira une flèche de son carquois.
C'est les yeux mêlés de larmes qu'il s'assura que ce n'était pas celle qu'il avait trouvé sur la porte et qu'il voulait montrer à Lhamo.
Solonor n'était pas le principe le plus adapté pour des morts, surtout humains, mais on était sans doute à la frontière de la Haute-Forêt. Aux marches des territoires elfiques le Grand Archer veillait. Peut-être pourrait-il guider ceux là vers leur dernière demeure sans se soucier de leur race ?
Il savait si peu de choses sur les dieux et les esprits ...

Alors qu'il interrogeait le ciel du regard, une goutte d'eau dans l'œil lui fit se ressouvenir que son arc à la corde détrempée était incapable de jeter une flèche plus loin qu'à quelques pas. Rangeant son trait il haussa les épaules.

¤Je demanderai à Nob de dire une prière, quant à moi, Enfants des hommes et parents aussi, je ferai mon possible pour que ceci s'arrête car je crois bien que vous êtes frères des elfes en tant que victimes d'un complot ...
J'essaierai aussi de trouver un des vôtres pour reprendre et soigner vos animaux ...
Je me renseignerai pour savoir si vous avez de la famille et je leur indiquerai votre destin ...
Adieu Hommes ! Je ne crois pas que des Tel'quessir vous aient tués, mais sachez qu'ici un elfe a sincèrement pleuré pour vous.¤

Après cette courte oraison il repéra une avancée du toît qui centralisait l'eau laquelle retombait dans un tonneau placé là pour la recueillir. Il bougea la barrique, se dévêtit, étendit ses affaires dessus et se lava aussi longuement qu'il pensait possible sans alerter les autres.
Malgré cet effort de toilette, il se sentait marqué par la mort. Sale à l'intérieur.

Se rhabillant sommairement, il rejoint ses acolytes. Son premier regard fut pour Elifain.
Un fumet agréable embaumait la pièce mais il réalisa à sa grande honte qu'aujourd'hui il ne pourrait manger de viande. Il avait eu son compte de charognes pour la journée. Contrit, il s'approcha du cuisinier.

-Nob ... ça a l'air délicieux ... Je suis désolé en temps normal, j'y aurais fait honneur ... mais là ...

Il jugea inutile d'être plus explicite.
Se plaçant au centre du cercle de ses amis, il fouilla dans sa carquois et extirpa la flèche particulière :

-Mes découvertes sont bien plus modestes que celles de Nob, dont il vous a parlé sans doute.
Quand je suis arrivé au seuil de la maison, la porte était ouverte et il y avait côté intérieur cette macabre mise en scène : un corbeau fiché dans la porte à l'aide de cette flèche. Tenez Lhamo, elle vous dira peut-être quelque chose. Elle ne m'a rien appris à moi.

Ceci dit, il prit un bout de pain et un morceau de fromage, se forçant car la journée avait été intense en dépenses physiques, et, se sentant toujours marqué par la mort, s'installa au plus loin d'Ellifain, comme un pestiferé.

- Je prendrai la garde qu'il plaira au jeteurs de sort de me réserver. Vous pouvez vous installer dans la maison si ça vous sied mieux. Moi je resterai avec les bêtes. Leur innocence m'apaisera ...
Lhamo entre votre désarroi et vos allusions à la mort de la Grugach et le message d'Isorion, je crois comprendre que le massacre que nous découvrîmes ce matin n'est pas le premier ...
Voulez vous nous en dire plus ?
Comment se fait-il qu'Isorion vous ait laissée seule, sans rôdeur chevronné pour cette mission où le pistage semble requis ?
Est ce que ça vaut le coup de le prévenir de ce carnage d'humains ou est ce que c'est monnaie courante dans la région ?

Ayant dit cela, il sembla curieusement se désintéresser des réponses - en fait il laissait le temps à l'Elfe noire de les formuler - et s'occupa de sécher ses affaires au premier rang desquelles son arc.
Il avait ôté ses bottes et c'est donc d'assez loin, assis dans la paille, qu'il suggéra au Hin :

-Nob, pouvez dire une prière pour ces pauvres gens. Je vais vous indiquer où je les ai mis.

Il se leva et posant précautionneusement ses pieds s'approcha du Sagespectre pour le lui révéler.
Il y avait des choses que celles qui nourrissaient et portaient Ellifain n'avaient pas besoin d'entendre.

Le choc fut terrible, et Bur'dhyme en resta interloquée avant de penser à se cacher les yeux. Une famille entière décimée, d'une façon tellement horrible... Elle ne devait pas rester là, elle avait des choses à faire, et éviter de penser à tout cela avant. L'Elfe Sauvage distinguait vaguement des mouvements autour d'elle, un Halfelin qui passait en lui faisant signe de le rejoindre dans l'écurie, en portant une petite marmite. Elle crût comprendre aussi que Cyprien se débrarrassait de tous ces morts, elle ne savait pas où.

Une voix lointaine lui indiqua où trouver de quoi changer les couches d'Ellifain, ce qui la tira de sa torpeur. L'Ensorceleuse demanda sans bouger à Nob où est-ce qu'il avait trouvé de l'eau, et ce dernier le lui indiqua. Elle se dirigea ensuite dans la cuisine pour trouver un récipient, et revint dans l'étable en attrapant au passage le linge en question, maintenant équipée pour laver le bébé. Totalement choquée par ce qu'elle avait vu, elle ne prêta aucune attention au repas, ni même aux autres. Elle récupéra Ellifain des bras de Lhamo qui ne semblait pas trop savoir qu'en faire. Elle l'installa sur un nid de paille et remarcia la Drow qui avait tout de même réussi à la nourrir. Tandis qu'elle nettoyait les langes sales et les petites fesses de la gamine, les larmes se mirent inévitablement à couler. Durant son exil, jamais les humains ne s'étaient montrés accueillants avec une Bur'dhyme perdue et en détresse. Mais voir des créatures assez semblables aux Elfes, dont des enfants, assassinées de la sorte ne pouvait laisser personne de marbre.

Quelques minutes plus tard, la gamine semblait aller mieux, et Bur'dhyme y trouva un peu de réconfort. Elle choisit de la porter à nouveau contre elle, jusqu'à ce que sa "fille" s'endorme. Cyprien avait pris la parole maintenant, et en l'écoutant, Bur'dhyme estima qu'il avait totalement raison de poser ce genre de questions. Sans pour autant participer à la discussion, l'Elfe Sauvage se rapprocha du groupe et montra enfin un peu d'intérêt à la conversation, et par conséquent à la suite de l'aventure. Remarquant le ragoût, elle parvint même à grignoter quelques légumes. Nob avait bien évoqué un certain guide et de l'or, mais Bur'dhyme qui n'avait pas écouté, ne trouva pas la force de lui demander de répéter. Elle n'avait qu'une envie maitnenant, tenter de se reposer :

-Je vais aussi essayer de dormir ici, dans cette pièce, je veux juste utiliser la cuisine un moment pour me préparer. Quelqu'un pourrait-il s'occuper d'Ellifain pendant ce temps ?

L'Elfe Sauvage savait que les autres n'avaient pas que ça à faire, mais elle ne pouvait pas se laver dans la cuisine en posant la petite sur une table. Après sa toilette, elle aurait besoin de méditer, et enfin elle pourrait termimner cette rude journée.

Non seulement le ragoût etait délicieux, mais la défection de cyprien et le peu d’appétit de bur’dhyme lui en avait laissé une part plus que suffisante. Attendant les éventuelles réponses de Lhamo aux questions du roublard et s’interrogeant sur la signification du corbeau, Nob s’exerçait à faire des ronds de fumés savourant ce fragment de paradis. Il comprenait que le drame avait affecté ces compagnons mais la proximité de la mort, lui faisait surtout prendre conscience de la valeur de la vie.
Prêtre d’Urogalant et initié à ces mystères, il en aurait fallu plus pour l’affecter profondément, sans compter les multiples raides à l’encontre de clans hostiles ou il avait été témoin de scènes de pillage et de son cortège de débordement. Jetant un œil à Ellifain, il fit un signe rassurant à Bur’dhyme. ¤ Petite elfe, Ta vie commence sous de bien sombres Hospices mais tu est à toi seule, le plus important des trésors ¤. Sur ses pensées, Nob entreprit le partage de ses gains en quatre tas.

-Je sais que le moment n’est peut être pas propice, mais l’or est inutile aux morts. Chacun d’entre vous pourrait en avoir besoin dans un avenir proche, prenez le, donnez le à Ellifrain si vous le voulez, mais ne le refusez pas dans un instant de tristesse. Il acquiesça également aux paroles de cypriens. " Je m’occuperais des victimes demain avec mes dévotions de l’aube pour le démarrage de leurs nouvelles existences. Je peux d’ailleurs prendre la dernière garde, je sais que la fin de la nuit est un moment parfois difficile pour veiller mais j’y suis habitué."

Le sagespectre avait prévu de dormir avec ses compagnons dans l’écurie car se séparer ne lui paraissait pas une bonne idée, il pensais toutefois à s’assurer que les portes pouvaient se verrouiller . Il y avait de toute façon largement de quoi barricader n’importe qu’elle porte si nécessaire et on pouvait probablement compter sur les chiots pour faire du bruit en cas d’intrusion. C’est en pensant à ces derniers, qu’il leur versa une part de ragoût, espérant que ceux ci feraient preuves d’un bon appétit.



Jet de connaissance (religion ou mystère ? ?) pour reconnaître la symbolique du corbeau crucifié ?

Cyprien essayait de dominer ses émotions. Il tourna son visage vers chacun de ses compagnons successivement.
Si sa mission avait également consisté à protéger Bur’dhyme d’émotions trop vives, le moins qu'on puisse dire, c'est que ce n'était pas une franche réussite !
Toutefois, l’ensorceleuse était là. Elle avait vécu une journée des plus éprouvantes mais partie grâce à la bénédiction d’Ellifain, partie parce qu’elle commençait à se dominer, elle avait réussi à se maîtriser. Elle ne serait plus jamais la même si d’aventure ils pouvaient survivre à ces évènements, ce dont Cyprien était de moins en moins sûr.
En fait, immergé dans les tueries du lever au coucher du soleil, sa propre vie lui paraissait dérisoire, l’idée de la protéger, de la faire évoluer, d'avoir des projets lui faisait l'effet d'une prétention insupportable.
Comme ces pauvres elfes, comme l’adolescente grugach, comme ces gens, il n’était qu’un misérable jouet, un instrument de distraction pour des forces supérieures.
Ces dernières semblaient avoir fait de la Haute-forêt un de leurs terrains de jeu favoris.

Lhamo restait largement mystérieuse. Il l’avait interrogée mais n’ayant pas l’impatience des humains, il ne voyait rien de problématique à ce qu’elle prenne son temps pour lui répondre.
Sans compter que l’elfe noire était une druide et qu’elle avait besoin de périodes de méditation. Ces moments étaient largement mystérieux pour notre Elfe de Cuivre sans malice, mais ils se souvenait de ses jeunes années qu’on ne dérange pas impunément un druide qui se retire fut-ce seulement au-dedans de lui-même.

Par un paradoxe saisissant, compte tenu de sa taille, Nob paraissait à bien des égards le plus solide d’eux tous. Les évènements l’affectaient pourtant, mais moins durablement que ses compagnons. Il semblait disposer d’une énergie interne infinie.

Le Saë Tel’Quessir tâcha de s’en inspirer si cette journée avait la plus funeste de son existence, cette série de catastrophes portait en son sein Ellifain :
¤Allons ! Il y aura peut-être une bonne rencontre demain :Retrouver le papa d’Ellifain, qui doit croire que toutes sont mortes et lui dire que l’enfant est vivante. Ce n’est qu’une vie pour de nombreuses perdues, mais le signe, l’incarnation de l’avenir par le bébé ne pourrait manquer de frapper les esprits des Elfes sauvages.¤

Sur cette réflexion, il passa à la pièce d’habitation, retourna les vêtements qui séchaient près du feu et, au moyen de sa corde, entreprit d’attacher autour des fenêtres et de la porte toutes les casseroles, et ustensiles de cuisines susceptibles d’être bruyants pour peu qu’on les bousculât nuitamment.
Il en profita pour grimper lestement à la mezzanine afin de vérifier qu'un lanterneau, le toît peut-être ne devait pas bénéficier des mêmes précautions.
Il inspecta minutieusement les lieux, touché par l'humanité dont ils étaient imprégnés.



Fouille la soupente

Lhamo avait accueillit Elifain dans ses bras afin de laisser la pauvre Burd’Hyme se retirer un moment, mais ce qui l’avait laissée pantoise durant de longues minutes qui parurent plus longues encore, furent les diverses déclarations que lui firent Nob et Cyprien. Elle ressassait chaque détail dans son esprit, berçant machinalement le bébé grugash. Chaque heure qui s’écoulait lui faisait comprendre à quel point la situation était grave. A présent, il lui semblait que l’avenir tout entier de la Haute Foret dépendait de la réussite de sa mission. Une once d’angoisse s’écoula en elle, resserrant tous les pores de sa peau, et elle eut soudain l’impression de manquer d’air. Le poids de la responsabilité, chose qu’elle n’avait jamais éprouvé jusqu’alors, n’étant qu’une aspirante sans importance au sein de Cercle Druidique, lui apparu comme la silhouette sombre d’un pic gigantesque et infranchissable. Elle déglutit péniblement et allait répondre lorsque Cyprien se leva à son tour et disparu dans la pièce contiguë.
Un silence pesant s’installait. Seules les lèvres du prêtre émettaient un son lorsqu’il tirait sur sa pipe, semblable au bruit d’une bulle de savon éclatant a la surface de l’eau qui se mariait au crépitement joyeux du tabac qui se consume. Lhamo attendait le retour de l’elfe des Bois pour parler. Le temps s’écoulait avec une lenteur infinie, rythmé par les plic ploc des gouttes qui s’échappaient de la gouttière et du martèlement de la pluie sur le toit. Malgré la situation terrible, assise dans la paille fraîche, un nourrisson dans les bras, en compagnie d’un halfelin fumeur et d’une casserole de ragoût, l’elfe noire se sentait un peu plus à l’abris qu’au dehors sous la pluie battante. Malgré les trente années qu’elle avait passé dans la Haute Foret à dormir à la belle étoile sous les frondaisons des arbres, elle avait tendance à préférer les endroits exigus, sombre et recouvert.
Ne voyant pas revenir Cyprien, alors qu’elle le pensait partit pour un instant seulement, elle l’interpella. Il était temps qu’elle partage son sentiment, et qu’ils prennent des décisions ensemble.

- La flèche et le Corbeau me laissent entrevoir une situation bien pire que celle que nous avions déjà imaginé. Déclara t’elle dès que l’elfe des Bois eut franchit le chambranle de la porte. Elle attendit qu’il soit suffisamment proche pour poursuivre. L’absence de Burd’Hyme par contre, lui convint parfaitement et elle n’attendit pas son retour. « Cette flèche appartient à une tribu d’elfe sauvage. J’ai trouvé la même dans le campement de ce matin. Et le corbeau ...Si je ne me trompe pas, c’est un symbole de vengeance…ou un avertissement de mort. »

Elle laissa retomber sa voix et le silence repris ses droits afin de donner plus de poids à ses mots. Avant que quiconque ne puisse répondre, elle poursuivit :

- Cela fait un moment que des disparitions d’elfes sauvages ont été signalées. On se doutait qu’il y avait des meurtres, ou des enlèvements, mais pas des massacres…Jusqu’à ce jour, ou a été retrouvé un jeune enfant. Il était dans un état épouvantable, le corps complètement lacéré. Nous l’avons soigné et avons recueillis son témoignage sans le brusquer…Il me semblait l’avoir déjà dit...C’est ce jour là que j’ai rencontré Isorion…Au fur et à mesure qu’elle parlait, son visage se durcissait, comme si elle était incapable d’éprouver de la compassion ou tout autre sentiment. Pourtant, derrière sa face qui semblait aussi immobile qu’un masque d’obsidienne, les souvenirs qu’elle évoquait étaient douloureux, et pénibles…"Je me suis proposée pour enquêter, je savais plus ou moins ou campait sa tribu. Je ne sais rien de plus. Les hommes, les elfes sauvages, les elfes des bois et les druides sont souvent en conflit, et on essaye tous de conserver un équilibre. Je crois qu’on fait tous son possible pour maintenir l’harmonie au sein de ces lieux sacrés et de ne pas briser le fragile équilibre qui s’est créé peu à peu …Mais aujourd’hui, cette flèche, ce corbeau, …cela signifie la fin de cette ère de paix relative, et le commencement d’une guerre peut-être. Alors que sais-je … ce sont peut être des elfes sauvages qui se sont vengé en tuant cette famille humaine. Après tout, les tribus ne sont pas toutes pacifiques au point de ne pas riposter à la pire des violences qu’on leur a infligée. Peut on leur donner tord ? D’un autre côté, peut être cherche t’on a nous berner et a attiser les rancoeurs en disséminant de faux indices. Quand à cette lettre Nob, le pisteur engagé avait peut être découvert quelque chose qu’il n’aurait pas du. Cette façon de lui mettre l’argent gagné dans la bouche est extrêmement insultant, non ? Quoi qu’il ait découvert, cela aura sûrement causé sa mort. Cette piste est la seule que nous avons pour le moment.
Je vais envoyer un message à Isorion. Bien sur, il doit être prévenu de tout ceci…Cela dépasse l’entendement. Avez-vous des questions à lui poser, un message a lui remettre, qu'on lui transmette le plus d'informations possibles en une seule fois.

L'Ensorceleuse aurait de loin préféré faire ses ablutions le long d'un ruisseau coulant à travers une forêt plutôt que dans la cuisine d'une maison ayant été le théâtre d'une macabre histoire. Mais il était bien sûr impossible de s'éloigner de la bâtisse. Bur'dhyme n'était plus à une concession près, et elle se demandait quand elle pourrait dormir à nouveau dans un arbre... Se ressaisissant soudain, elle se dit que l'aventure était loin d'être terminée et ce n'était pas le moment d'avoir des envies de confort. Sa petite mission visant à confirmer son entrée et celle de Cyprien dans la confrérie prenait rapidement des allures de conflit dépassant totalement les capacités d'action du groupe. Il fallait qu'elle se donne du courage. Elle était également certaine que ses trois autres compagnons seraient solidaires jusqu'au bout. Elle le savait, malgré le peu de temps qu'elle avait passé avec eux. Sa période d'exil avait en fait refoulé l'un des traits de caractère inhérents à sa race. Elle s'attachait aux gens finalement bien plus vite que n'importe quel autre Elfe Sauvage ne l'aurait fait.

De retour à l'écurie, elle eut un petit pincement au coeur lorsqu'elle découvrit que Lhamo discutait des actions à suivre. On n'avait pas attendu son retour, comme s'il n'était pas forcément nécessaire de l'informer, ou alors pour la protéger de certaines déclarations. Bur'dhyme avait conscience d'être la plus fragile du groupe émotionnellement. Elle avait déjà pleuré plus que tous les autres réunis. L'Elfe Verte avait remarqué à plusieurs reprises le comportement compatissant que ses compagnons avaient parfois envers elle. Elle voulait que cela cesse le plus rapidement possible, elle ne voulait pas qu'on ait pitié de la pauvre Bur'dhyme.

C'est donc légèrement irritée qu'elle vint récupérer sèchement Ellifain des bras de la Drow, en murmurant un "Merci" assez peu sincère. Elle prit tout de même place autour du ragoût pour écouter la fin du discours. Le sujet évoqué lors de son entrée dans la pièce était en rapport avec un corbeau mort, un symbole assez parlant. Bien que la Grugash n'ait pas entendu le début, Lhamo ne se soucia pas de la mettre au courant. Tout en montrant bien sa surprise quant à ce comportement, l'Elfe Sauvage ne posa aucune question. La Druide demandait à présent au groupe s'il avait quelque chose à annoncer à Isorion. De ce point de vue, Bur'dhyme devait vraiment se rattraper. Elle chercha frénétiquement un élément important sur lequel formuler une phrase pertinente, mais n'ayant pas entendu le début du discours, elle risquait simplement de dire une ânerie. Elle lâcha donc simplement :

-Nous sommes tous d'accord pour élucider ce mytère, même si cela semble trop gros pour nous. Peut-être devrions nous demander à Isorion ce qu'il convient le mieux de faire ; je veux dire, si moi et Cyprien devons continuer notre quête comme si rien ne se passait autour ? Si Isorion nous l'ordonne, on ne pourra pas aller à l'encontre de cela.

L'Ensorceleuse ne voulait pas parler en son nom, mais au nom du groupe, ainsi elle ne risquerait pas à dire n'importe quoi. Estimant qu'il était temps pour elle de se coucher, et puisque de toutes façons la discussion ne lui était destinée qu'à moitié, elle se leva :

-Je vous laisse terminer le message, je n'aurai rien à dire de plus que vous, à mon avis. Essayez de passer la meilleure nuit possible, je vais prendre la première la garde. J'ai besoin de méditer, et je n'arriverai probablement pas à entrer en rêverie tout de suite.

Sur ces paroles d'où transpiraient un peu de mauvaise humeur qu'elle n'avait pas réussi à contenir, Bur'dhyme alla s'intaller, prépara un petit lit à Ellifain sur de la paille et du tissu, et commença à appeler la magie, en espérant que cela endormirait du même coup la petite.

Le Roublard mit longtemps à prendre la parole.
Avant cela il fit les cent pas dans l'écurie flattant le museau de la vache puis revenant jusqu'aux vantaux de la porte afin de sonder la nuit et le temps.
Sa première intervention n'eut que peu de rapport avec les préoccupations du moment :
- Vous n'allez pas avoir froid Nob ? On ne peut guère allumer un feu ici, dans l'écurie ...

Il ne reprit pas ses allées et venues se rendant soudainement compte à quel point elles pouvaient être agaçantes pour ses compagnons. Mais il réfléchissait intensément. Fort de ses années humaines, il essayait de se mettre à la place de qui aurait intérêt à de tels crimes. C'était très difficile car les humains étaient bien moins homogènes que toutes les autres races et la seule cité qu'il eût fréquentée était à des centaines de lieues du Nord..
Tout de même, plusieurs choses clochaient.

- Pouvez vous communiquer avec ces animaux, Lhamo ? Juste savoir si ceux qui ont tué leur maître me ressemblaient ou davantage à la victime ...

Il se retint d'aller voir si sa corde séchait convenablement. Inutile d'essayer de masquer son hésitation dans un papillonnage exaspérant. Il reprit toujours à l'attention de la druide :
- C'est la tribu de l'enfant que vous trouvâtes le jour où vous avez rencontré Isorion qui a été massacrée ou une autre ?
Ce n'était qu'une question anodine pour arriver à des choses plus intuitives, peu étayées, il soupira et se lança
- Ce que je demanderais à Isorion, c'est si à sa connaissance ou à celle de nos alliés humains, il y a un sorcier à la moralité douteuse à Fort Noënar ...
Si les chasseurs viennent habituellement accompagnés de leur Maître de magie.
Vous dites que notre seul élément est l'argent dans la bouche de ce pauvre homme, moi je pense que le fait qu'un feu d'origine magique ait ravagé le campement est notre base la plus solide.
Ce n'est pas un acte de chasseur, et il a eu lieu il n'y a pas longtemps.
Si un mage est passé dans le coin souhaitons qu'un des indicateurs de la Confrérie ait remarqué quelque chose.
Il serait bon que les druides de notre groupe interroge les animaux des forêts.

D'autre part il y a toujours les chiens. Les chasseurs se connaissent, ils ne vivent pas en vase clos puisqu'ils sont obligés de se rencontrer au pavillon de chasse. Les meutes sont objets de prestige, de rivalités, de bravades ... Si du jour au lendemain, l'un d'entre eux a perdu 4 ou 5 bêtes, l'évènement sera notable pour qui peut approcher des chasseurs.

Nob continuait de fumer tranquillement tout en cherchant à caresser l’un des jeunes terriers ayant reçu une portion de ragoût. Confortablement installé sur un tapis de paille et agréablement réchauffé par le repas, il avait finalement oublié l’absence de feu dans l’écurie. Il faut dire qu’il avait passé un nombre considérable de nuit inconfortable ces derniers mois et que le seul plaisir d’un repas chaud ainsi que d’un toit lui était pour l’instant un souffle de paradis. Certes, dormir dans la grande salle prêt de l’âtre ne lui aurait pas déplu mais il savait s’accommoder de conditions bien plus éprouvantes.

-Hum, je manque d’élément en ce qui concerne le drame de cette chaumière mais les pistes sont nombreuses et assez solides, de même pour cette meute. Des molosses des landes marqués de la lettre T et E ne doivent pas courir les rues à fort Noénar. E comme Eirontalar peut être ? ? Je ne connais pas votre Isorion mais peut être pourrait il nous en apprendre plus sur cette maison et ses relations avec les habitants de la Haute Forêt. Herbert Okmoss, Adrien Vatoré sont d’autre piste qui nous permettront peut être d’en savoir plus une fois arrivé au fort qui semble le point central de toute cette affaire.

Le Sagespectre commença à se préparer un coin pour la nuit, sachant que l’absence de feu serait tout de même compensé par la chaleur animal des lieux.

-Et puis , vous avez également un contacte non loin qui pourra nous en apprendre plus sur la situation de la zone et les tensions entre les humains et les différentes communautés elfes. Oui, à fort Noénar, nous en apprendrons bien plus.