¤Un message...¤
Jahëlo avait déjà eu à faire à ce sort, lorsque le barde thétyrien l’avait, une fois de plus, mis en garde contre l’ensorceleur calishite. Mais cette fois-ci l’expéditeur était le calishite lui-même.
Et sa nature...
La signification fut claire et évidente. Les quelques scènes qui s’étaient déroulées quelques secondes auparavant prirent toute leur signification. Ce sourire presque gêné, cette volonté de détourner le regard, et pourtant cette joie rayonnante, tout était limpide...
Et dans une fraction de lucidité hors du temps, il la sentit venir. La douleur… Le génasi d’eau sentit la solide armure glace qu’il s’était forgé pour protéger son cœur se fissurer petit à petit...
Il serra les dents...
Elle explosa en mil éclats, laissant libre cours à la déferlante d’émotions qui ne tarderaient pas à le submerger. Peine, jalousie, peur, colère, souffrance se succédèrent et s’enchaînèrent toujours plus puissantes, toujours plus douloureuses...
Au milieu de ce tourbillon d’émotions qui lui déchiraient le cœur et le corps, son esprit, essayant de rester en surface, ne parvenait pas à comprendre ce qu’il ressentait, ni même pourquoi. Tout cela n’avait raisonnablement aucun sens, il n’existait aucun lien réel, tous étaient libres. Pourtant un nuage sombre semblait s’être abattu sur lui, son cœur hurlait à la mort.
Et de ces brumes, émergea une simple pensée.
¤Un cœur solitaire ne souffre pas...¤
Pour un pur esprit, voilà qui pouvait avoir un sens, mais tel n’était pas Jahëlo. Un puissant sentiment de révolte naquit pour s’opposer à cette idée. Il fut aussitôt renforcé par des dizaines de souvenirs d’émotions et de sensations aussi fortes qu’agréables apparaissant furtivement et spontanément.
Coeur et esprit s’entre déchiraient tandis que s’associaient à l’un et à l’autre ses profondes discordances. L’élémentaire cherchait à comprendre le pourquoi des sentiments humains éprouvés.
Il n’y avait aucune solution, aucune réponse, encore et toujours la seule souffrance. C’était tout ce qui subsistait...
Aucun moyen de s’en libérer n’existait. Il aurait pu hurler, pleurer, tuer, mourir, mais rien de tout cela n’aurait changé quoi que ce soit. Il avait choisi de se livrer, il le savait, il l’avait prévu et l’avait même prévenue, il devait donc en souffrir. Il avait goûté à la joie, il goûterait donc à la peine. Car l’équilibre était toujours maintenu, telle était la loi de la Nature.
Cette bataille s’était déroulée au-delà de la vitesse de la pensée dans la conscience du génasi. Aucun camp n’était victorieux, la douleur omniprésente, mais la réalité finit par réapparaître peu à peu dans son champ de perception.
Le corps reformait la triade ramenant Jahëlo vers le monde extérieur. Alors, un bruissement, une respiration, attirèrent son attention. Il tourna légèrement la tête.
Son regard se posa sur l’objet de son incompréhensible douleur. Seuls des yeux vides et éteints observaient Elloa, aucune esquisse d’expression, seulement l’absence.
Et à nouveau elle le submergea, insurmontable, incomparable.
Il ne le supporterait pas, il ne pouvait pas... Une seule solution s’imposa.
¤S’éloigner pour ne plus souffrir...¤
Rien de tout ce qu’il avait dit ou pensé auparavant ne vint s’opposer à cela, il devait juste partir, ne pas rester là…
Alors, laissant tout en plan, sac, matériel, armes, il sauta à bas de la carriole pour se diriger vers le chariot de tête. Il n’eut de regard pour personne, pas même Malig qui avait déclenché volontairement tout ceci, il n'y avait d'ailleurs pas de colère non plus. Et tout cela n’avait, de tout façon, plus aucune importance.
Une idée qui lui avait traversé l’esprit avant ce raz de marée lui était revenue. Arrivé à hauteur de Cornebois, il regarda vaguement dans sa direction.
- Il faut... un cheval supplémentaire... au moins un... un cavalier... un éclaireur... rapide...plus sur...
Sa voix avait perdu toute froideur et assurance habituelle, elle était faible et presque chevrotante. Il termina à peine sa phrase, ses derniers mots moururent sur ses lèvres. Son regard hagard se déporta vers l’Océan.
Inlassablement, l'océan donne et reprend...
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