Enquête Macabre, Prélude du retour aux sources du Mal

Le jeune mage attendait la réponse de son acolyte tout en repensant à ces maigres indices. Il se demandait toujours qui de Gillian ou de leur espion était en train de passer un mauvais quart d'heure? La façon dont le carrosse était garé, et surtout le fait qu'il se trouvait là, à cette heure, l'intrigait. Cela ne lui ressemblait pas de traîner par ici et de ranger son attelage de la sorte. Cela lui laissait penser que son camarade devait être la victime. Et dire que son compagnon à la peau sombre voulait intervenir... Quel fou!

Karan en était là de ses réflexions quand un attroupement attira leur attention. Tharak aussi avait réagi. Tous deux se dirigèrent de concert vers l'épicentre du rassemblement spontané. Ils durent se frayer un chemin vers l'objet de toutes les curiosités. Un cadavre! Et ce cadavre Karan semblait le reconnaître...

¤ Gillian! Oui! C'est bien lui! Mais! C'est un cauchemar! Ici en plein jour! Ils l'ont assassiné et ont déposé son cadavre en pleine rue! ...¤

La vision du cadavre décharné lui donnait la nausée. Une sueur froide lui parcourut l'échine et le secoua d'un frisson. Un par un ses camarades tombaient dans d'atroces mutilations. Une soudaine frustration l'envahit. De celle qui indiquait qu'on ne pouvait rien contre un ennemi invisible et aux méthodes si terrifiantes. A quand son tour, pensait-il? Il avait envie de se laisser tomber là dans la rue et d'attendre l'inévitable... Il laissa son regard croiser celui de son défunt camarade. Il sentit la moiteur du premier instant se dissiper et laisser place à une vague de chaleur. La colère grondait en lui. Elle montait, enflait, lançait son coeur à un rythme de plus en plus rapide. Il respirait de plus en plus vite comme s'il avait couru devant un danger mortel. Il regardait haletant autour de lui. Il vit Tharak qui observait aussi le macchabée. Il était ivre de colère et d'impuissance. Il fallait agir vite, ne plus rester à la même place, bouger continuellement, se cacher, se terrer comme des lapins. Fuir cette ville! Il le saisit par le bras et l'entraîna aussi vite que possible dans une ruelle sombre. Il échappèrent ainsi à la cohue qui s'était formée autour des restes de Gillian. Il poussa Tharak contre un mur et lui lança:

- Votre curiosité est elle comblée? Votre goût d'en découdre avec ses agresseurs est-il toujours aussi prononcé? Ah oui, j'ai oublié de faire les présentations... Gillian! C'était... Gillian! Terrifiant, n'est ce pas? On dirait même qu'ils s'amusent à changer de technique à chaque meurtre. Il rit nerveusement... Ce qui répond à votre question sur le mode opératoire. Les chiens! Et vous vouliez aller aider cet imbécile?! Il n'a eu que ce qu'il méritait. Il se croyait protégé par ses amis, il fourrait son nez partout, et il est mort. Voilà pourquoi je ne souhaite pas savoir qui sont ces gens et ce qu'ils veulent. Ils n'hésitent même plus à frapper au grand jour! Ils ne sont peut être pas encore à notre recherche. Ils vont certainement éliminer tout le groupe de Gillian. Inutile de dire que les nécromanciens vont se faire rares à Halarahh. Et je vais même les aider. Je quitte cette ville maudite! J'ai des recherches à mener, loin d'ici... Venez avec moi si vous le souhaitez, et si nous trouvons la petite peste, on l'emmène, sinon qu'elle se débrouille! Elle est impliquée aussi de toute façon, tout comme vous! Ouvrez l'oeil!... Nos vies ne valent plus rien maintenant...

Depuis cette ruelle, le mage observa la foule pendant quelques instants. Il y cherchait à la fois la jeune prêtresse, et aussi des hommes qui restaient calmes malgré le tumulte que cette horreur engendrait dans la rue. Sans doute les assassins ou des espions ...

nmorien avait suivi les deux hommes lorsqu'elle les avait aperçus, et avait ainsi entendu la réaction emportée de Karan. L'esprit alerte mais pervers de la halfeline se réjouit de ce spectacle. Ses intuitions se confirmaient, et le nécromancien était maintenant à bout, et donc plus facilement influençable. Les remarques sur elle-même, bien loin de l'attrister, l'emplissait d'une étrange fierté. Les choses allaient désormais mieux pour elle, et elle avait trouvé des compagnons intéressants.

-La petite peste est déjà là. Lança Enmorien sans se départir de son sourire. "Et prête à partir! Mais d'accord avec vous, nos vies ne valent rien. C'est seulement devant Kelemvor que nous comprendrons la valeur de nos âmes."

¤Surtout de celles que j'offrirai à Gargauth.¤

La fausse prêtresse mourait d'envie de demander des détails sur la mort de Gilian et toutes les circonstances, mais elle savait que ce n'était ni le moment, ni le lieu pour de tels propos. Toute cette affaire attisait sa curiosité naturelle et aiguisait sa réflexion, et les éléments qui s'assemblaient petit à petit complétait à merveille la trame déjà présente, même si d'énormes zones d'ombre voilaient son discernement.

-Allons-y. Lança-t-elle avec entrain mais également une détermination perceptible. "Si quelques lieues nous séparent de la ville lorsque le soleil se couchera, nous ne nous en porterons que mieux, m'est avis. Commençons déjà par trouver un passage discret hors de la ville. Et, si possible, en évitant l'agitation de la porte. C'est là que l'on nous attendra et que l'on nous épiera."

Changeant son attitude pour devenir un personnage quelconque et sans importance, la halfeline chercha une sortie discrète de la ville.

Si Karan ou Tharak connaisse une autre sortie, Enmorien les suit, sinon elle tente de se frayer un chemin le plus discret possible.

harak était déjà stupéfait par ce qu’il venait d’entendre. Le nécromant, si enclin selon ses dires à déjouer les complots qui décimaient son école, avait eu un contact physique avec les exécutants mêmes des crimes.
De nouvelles questions étaient aussitôt parvenues à l’esprit du crinti mais il n’avait eu le temps de rien. Tout s’était alors enchaîné de façon si rapide. L’attroupement, le cheminement parmi la foule, le corps de cet humain desséché, puis la main de Karan qui lui avait enserré le bras, cette sorte de fuite dans les rues chaudes de la capitale, bien trop peuplées pour cette heure de la journée.

Peut-être une minute après l’incident, les deux comparses se retrouvèrent dans une ruelle perpendiculaire à la Promenade, non loin de la porte nord. Molesté par le nécromant, Tharak crut d’abord que ses questions étaient allé trop loin et que leur association allait prendre fin ici.
Mais pourquoi la vision de ce corps exsangue avait-elle poussé Karan à une réaction si violente ? était-ce à nouveau un nécromant qu’ils venaient d’apercevoir ? L’hypothèse était plausible au regard des vêtements que Tharak avait pu entre-apercevoir, avant que son acolyte ne le sorte manu militari de l’attroupement.

Gillian. Le cadavre suivant sur la liste des assassins étaient Gillian, l’ami du nécromant.
Et au lieu de vouloir venger son ami de dernier n’avait qu’une envie, quitter la ville ?
Afin d’échapper aux regards indiscrets, le bâtard attrapa à son tour la manche de son comparse, de manière plus retenue, et l’attira à son tour plus avant dans la ruelle.

- Calmez-vous l’ami. L’effroi vous fait perdre la tête. Je déplore que votre ami ait fait les frais des agissements de ces meurtriers et j evous présente mes condoléances. Mais nous ne pouvons en rester là et quitter tout ceci pour aller voir si le vin doré d’Halarahh supporte le voyage lorsqu’il arrive dans les tavernes éloignées des Royaumes ! » Soucieux de ramener le mage à la raison, Tharak lui prit alors l’autre bras et le secoua afin de lui faire reprendre ses esprits. Instinctivement, le crinti profita de ces quelques secondes pour mettre sur pied un argumentaire qui convaincrait Karan de poursuivre leurs investigations. « Allons Karan, vous venez juste de me dire qu’il était votre ami. Vous ne pouvez laisser ce crime impuni. Pour Gillian, pour les autres nécromants et pour vous épargner peut-être aussi, il vous faut reprendre l’enquête et trouver les meurtriers et les commanditaires de ces assassinats.

Lâchant son comparse, l’exilé se mit à faire les cent pas devant Karan, réfléchissant aux possibilités qui s’offraient désormais à eux. L’une de ses questions lui revint alors à l’esprit.
- Vous avez rencontré les agents me disiez-vous ? Cela vous a-t-il permis d’en tirer quelque conclusion ? un point de départ pour orienter nos recherches ? Étaient-ils les agents d’une guilde locale ? vous les avez tués ? alors le nécromant que vous êtes aurait du pouvoir les faire parler sans problème. non ?

Savez-vous pourquoi votre défunt ami ne désirait pas prendre part directement aux investigations ? A priori, il devait approcher dangereusement des responsables pour que ceux-ci aient jugé bon de l’éliminer.

Puis la Lame se plaça face au nécromant et conclut d’une phrase qui se voulait directive.
- Il nous faut agir et vite. Où peut donc bien être la petite menteuse ? Dans une telle cohue, il ne sera point aisé de lui remettre le grappin dessus.

A peine Tharak eut-il achevé sa phrase et tourné son regard vers la Promenade qu’il vit arriver vers eux la hin, certainement déjà assez proche pour avoir perçu les qualificatifs employés par le sang-mêlé.
N’y prêtant pour le moment que peu d’attention, la pseudo-prêtresse les enjoignit à son tour de quitter la ville.
Voulant éviter à tout prix la précipitation qui guidait désormais ses compagnons, Tharak tenta de reprendre les rennes du groupe.
- Comment ça, on s’en va ? Et pour aller où ? Certes, vers la paroi nord, j’entends bien. Mais comment parviendrons-nous à mettre de la distance entre les exécuteurs et nous ? S'ils savent que nous sommes à leur recherche, quitter la ville ne nous mettra nullement en sécurité. Ils viennent d’éliminer l’ami de notre compagnon. Il y a fort à penser que l’un des prochains sur leur liste sera… Sans lui adresser de regard, Tharak désigna Karan de l’index. « Je pense que nous devrions enfin faire le point de tout ce que nous savons. Et je vous en prie, cessez vos sempiternelles remarques quant à l’espionnage permanent dont nous pourrions faire l’objet. Si quelqu’un nous épie en effet, il sait où nous en sommes et que nous progressions ou pas, nous figurerons aussi bientôt sur le liste. Alors si vous le permettez, au boulot maintenant. Que savez-vous exactement ? »

Une fois dans la ruelle, Tharak prit les bras de Karan et le secoua comme un arbre dont les fruits trop mûrs étaient prêts à tomber, bons pour la récolte. Son compagnon était vraiment tenace! Il lui débita une foison d'arguments pour pourchasser ces maudits assassins... Et il voulait leur tomber dessus...

¤ Mais quelle bourrique celui là! Il veut absolument résoudre cette affaire et aller se frotter à eux ! ¤

La voix de la petite femme le fit tressaillir. Elle arrivait de nulle part et elle avait sans doute entendu leur conversation à en juger par l'usage du sobriquet que Karan utilisait pour la désigner. L'étrange trio était de nouveau réuni, et avant qu'il se décida à prendre la route il fallait que chacun d'eux sache à quoi s'en tenir. Mais il lui en coûtait de perdre son temps ici à quelques dizaines de pas du cadavre de Gillian et peut être de ses bourreaux...

- Bien! Cracha-t-il excédé. "Vous voulez qu'on joue cartes sur tables! Alors ouvrez bien vos oreilles...."

De l'histoire qui allait suivre le jeune mage copiste aurait pu en faire un grimoire relié. Il lui aurait donné le titre suivant: « Le livre du nécromant ». Mais il lui semblait qu'un ouvrage intitulé ainsi existait déjà. Il inspira profondément et démarra son incroyable vérité par une mise au point radicale et sans équivoque.

- Ah!... Avant de commencer, vous ne pensiez tout de même pas que j'allais pleurer la mort de mes camarades comme une jeune veuve éplorée?! Certes c'étaient de bons camarades! Et Alors! Gillian est vidé de sa chair et desséché au milieu de la rue, et Brion n'était qu'une purée sanguinolente! Ils ne me servent plus à rien désormais! Je ne vais donc pas risquer ma vie pour deux cadavres inutiles!... Mais venons en à ce qui nous intéresse tous... Voilà ce qui c'est passé... Tout commença cette nuit où Brion est mort. Nous nous rencontrâmes sur le lieu du crime, Gillian, Enmorien et moi. Une fois nos observations effectuées nous nous séparâmes. Alors qu'au matin je me rendais seul chez Brion pour fureter dans ses affaires je tombais sur Gillian devant la porte de la maison. Comme il n'y avait personne dans la demeure, il me fit des révélations. La première sur le culte de la Déesse de la Nuit, Shar, dont la puissance ne cessait de croître en Halruaa et dans cette cité en particulier. Il le soupçonnait d'avoir tué Brion et d'autres camarades à cause de leurs travaux. Il me confia donc que les recherches de Brion portaient sur une crypte dans laquelle un nain y était enterré. Il y était aussi question d'un objet ancien dont je ne sais rien encore. Une fois ces révélations faites, je lui dis ne pas souhaiter enquêter, que pour moi cette affaire s'arrêtait là et nous nous quitâmes. Je ne le revit plus jusqu'à ... Esquissant un rictus de dégout, il désigna la rue encombrée de badauds... "Sauf que, durant la journée, je menais une petite recherche sur ce nain et apprit qu'il avait vécu dans la paroi nord, dans une grande bâtisse, il y a fort longtemps. Le soir venu, je revint dans la maison de Brion et y trouva deux assassins en train de fouiller la maison. Je fut découvert et un combat éclata. Je tuais mes assaillants et leur prenaient les notes de Brion qu'ils avaient trouvées. Je pense n'avoir pas été suivi pendant le trajet de retour. Dans ces notes, il y avait plusieurs informations dont nous verrons les détails plus tard. Mais la crypte de ce nain semble y figurer."

Il observa les réactions de ses compagnons.

- Je décidais ensuite d'agir comme tout étudiant en magie de cette ville, par des analyses et divers achats de matériel d'étude à travers la ville jusqu'à ce qu'on se rencontre ce matin.

Le mage s'adossa contre un mur, et leva la tête, le regard perdu dans le ciel. Il respira profondément décida de leur livrer son plan. Il les toisa d'un regard froid et déterminé.

- Je vous ai donc dit que je devais mener des recherches vers la paroi nord. Et bien, le sujet de ces travaux est précisément cette crypte. Pour ce faire, j'avais imaginé un plan. Oh! Rien d'une grande stratégie militaire, mais quelque chose de crédible. J'ai donc découvert que cette crypte était quelque part non loin de la forteresse de Talathgard. Cette forteresse abrite un temple de Mystra, certainement un des plus grandioses, ainsi qu'une fabuleuse bibliothèque magique. Cette citadelle est le but premier de ce voyage car toute indiquée à la fois comme lieu de pèlerinage et de recherche pour un mage. Il va de soit que pour un tel périple il me faut des accompagnateurs, donc votre présence est justifiée. L'objectif, une fois sur place, est de collecter des informations tant sur ce nain et sa crypte, que sur vos tombes anciennes, Dame Enmorien, que sur un moyen de connaître l'identité des assassins et des commanditaires, Sir Tharak, voire de les combattre. Mais surtout, une fois ces informations trouvées, nous choisirons en toute connaissance de causes la meilleure piste à suivre pour que chacun d'entre nous satisfasse ses ambitions, et nous nous préparerons soigneusement à les assouvir.

Il observa une nouvelle fois ses compagnons et conclut son monologue...

- Voilà, je vous ai tout dit... Si quelqu'un a quelque chose à ajouter, ou une meilleur suggestion, c'est le moment... Je pense toujours que tout ce qui retardera notre rencontre avec ces assassins est bon à prendre. Même quelques lieues me suffiront pour ce soir... Et pour répondre à notre petite prêtresse dont le Saint Patron, Kelemvor, va bientôt accueillir Gillian, je suis désolé amis je ne connais aucune autre sortie plus discrète que celle ci. A moins que, si vous me laissez réfléchir un moment... Karan chercha dans sa mémoire si parmi les écrits qu'il avait copiés à son école, l'un d'entre eux faisait mention de passages dérobés qui conduisaient à l'extérieure de la cité...

La situation s’éclaircissait enfin. Tharak commençait à cerner les tenants et les aboutissants toutefois hypothétiques de l’affaire au cœur de laquelle il avait été expédié sans éléments tangibles. Il reprit, pour les distiller, les informations que venait de lui dévoiler Karan

- De bons camarades qui ne vous sont plus d’aucune utilité dites-vous. Alors appelons-les juste des relations d’étude. Mais ceci n’est malheureusement pas le point le plus important de nos délibérations. Il me semble qu’il serait plus opportun pour le moment d’éviter que d’autres de vos camarades ne rejoignent à leur tour le dieu des morts. Mais là n'est pas l'intérêt primordial de notre action.

Il est des aspects politiques qui vont bien au-delà de nos petites personnes.

Le crinti, conscient que le civisme n'était nullement la qualité première des trois comparses, tenta de mettre l'accent sur un intérêt qui leur serait commun, dépassant les vélléités personnelles qui les avaient amenés jusqu'ici.

- J’étais déjà en possession des éléments que vous évoquez quant à l’expansion de Shar. son développement inquiète également les autorités de mon propre peuple. l'apparition de la Toile de l'Ombre va bien au-delà de simples assassinats.
C'est pourquoi, je partage tout à fait votre crainte de voir s'étendre le culte de la Dame de l’égarement. Une situation de monopole de ce culte en Halruaa conduirait irrémédiablement à une société nihiliste vouée à la disparition. Aussi, quels que soient nos voies respectives, je me plais à penser que nous pourrons, sans cas de conscience particulier, regrouper nos efforts pour faire avorter un tel projet.

Je ne cerne pas encore quel est le lien entre cette crypte et Shar mais je pense que ce que veulent ses adorateurs, c’est éviter que quelqu’un n’aille y fourrer son nez. C’est pourquoi, je vous propose d’effectuer un pèlerinage initiatique au cœur de la forteresse de Talathgard et d’y trouver des pistes vers cette crypte et ce qu’elle renferme en sus du corps du nabot.

Si ce fameux temple est réputé pour accueillir des étudiants, je vous propose d’envoyer trois nouveaux scribouillards en ces lieux. Il nous faut mettre au point une histoire plausible avant notre arrivée, puis nous verrons sur place comment mener nos recherches sans éveiller les soupçons.

Notre priorité est donc maintenant de quitter la capitale et de nous rendre à Talathgard. Evitons de nous faire remarquer plus longtemps ici.
Alors Karan, avez-vous connaissance d’une issue dissimulée pour quitter les lieux ?

Puis le crinti observa Enmorien, qui n’avait exprimé que son envie de quitter les lieux, se gardant bien, comme à son habitude, de faire progresser les réflexions sur le sujet qui les unissait désormais.

- Et vous Enmorien ? Seriez-vous en possession d’informations qui pourraient nous permettre d’y voir un peu plus clair sur ce que nous allons chercher ?

Les trois comparses étaient donc pour la première fois d'accord sur leur prochaine étape. Tharak s’effaca pour laisser le nécromant, autochtone de la capitale halruéenne, les devancer.

Entamant leur progression, le demi-drow se tint aux côtés de la pseudo-prêtresse et lui adressa une question qui aurait pu sembler anodine.

- vous appartenez au clergé de Kelemvor. C’est bien cela ? une question me taraude l’esprit depuis des mois quant à votre dogme. Au cours de mon périple qui m’amenait ici, il m’a été donné de rencontrer certains de vos frères avec qui je me suis entretenu sur la position des créatures mortes-vivantes aux yeux du Seigneur des morts. Leur réponse ne m’a guère convaincu. Pourriez-vous m’éclairer sur ce point je vous prie ?

Les révélations débitées par un Karan bavard eurent un effet intéressant sur Tharak qui s'élança dans une analyse qui amusa le jeune mage. Il ne put retenir un de ses sourires supérieur dont il affublait chaque personne étrangère à la cité. Il ne manqua pas d'en ajouter un autre l'actif de son compagnon. Karan se plia ensuite à une analyse mentale de l'allocution du sombre Tharak.

Ce qui intriguait Karan depuis longtemps était le motif de la présence de cet homme visiblement au fait de certains événements comme il le précisait lui même. Il semblait mut par une « action » mystérieuse pour le mage et qui se voulait collective au travers de leur groupe. Aussi, d'autres peuples étaient touchés par le développement du culte de la Déesse de la nuit. Tharak aurait donc été envoyé de loin pour trouver des indices sur des événements similaires à ceux d'Halarahh, survenus dans sa propre nation. Ce n'était donc pas le hasard qui les avait fait se rencontrer. Ce ne furent là que les seuls éléments intéressants sur Tharak que le mage put apprendre.

Ensuite, son sombre compagnon exprima ses inquiétudes pour le futur de l'Halrhuaa, ce qui était presque émouvant en ces circonstances. Mais ce qui exaspéra le jeune mage fut que Tharak proposait, avec une assurance inébranlable de chef, les mêmes solutions que lui, à savoir l'obligation de quitter la ville prétextant le pèlerinage à la forteresse et les recherches d'indices, ou preuves sur les causes et les instigateurs du problème, mais, à un détail prêt... Tharak et Enmorien devaient se faire passer pour des étudiants. Même avec une robe de mage, le sombre personnage ne tromperait pas son monde en Halruaa. En entendant cette idée, le mage exprima un mécontentement sonore, haussa les épaules et fit la moue.

Tharak s'était ensuite adressé à Enmorien, la « petite peste ». Il espérait qu'à l'instar de ses deux comparses, elle leur donnerait quelques informations utiles. Mais une question posée par son compagnon l'interpella et lui aussi désirait entendre la réponse de la jeune femme. Même s'il estimait que pour des fuyards, discuter théologie non loin d'une scène de crime n'était pas forcément une bonne idée. Mais il se tourna vers la petite femme et la toisa d'un regard interrogatif et impatient, tout attentif à ce qu'elle allait dire. Le sujet ne comptait pas parmi ses favoris mais il apprenait et cela comptait beaucoup, surtout depuis qu'il avait essuyé un terrible affront par le mépris et l'indifférence de ces prêtres d'Azouth et Velsharoon. Il devait comprendre comment certains cultes fonctionnaient, ensuite il chercherait où il avait commis une erreur, car il avait certainement commis une si ce n'était plusieurs...

tupéfaite. Voilà l'adjectif qui décrivait le mieux l'état d'esprit dans lequel l'attitude de ses deux comparses avait plongé Enmorien. Elle s'attendait bien à les voir craquer et sortir tous leurs secrets un jour ou l'autre, et elle se doutait que la série de meurtre, et surtout le meurtre de Gilian, allait attiser leur désarroi. Mais ici, en pleine Halruaa, dans des rues qui sont surveillées en permanence par des inquisiteurs et des espions magiques! Leurs précieuses informations étaient divulguées sans aucun égard à la nécessité du secret.

Cependant, ce qui avait été énoncé était du plus grand intérêt. Les révélations de Karan, et les éléments apportés par Tharak, confirmaient certaines de ses déductions (comme l'implication de la Toile d'Ombre dans l'histoire) mais ouvraient surtout des pistes nouvelles et prometteuses.

Face aux révélations de Karan et Tharak, ses propres recherches et déductions étaient de bien peu d'intérêt. Cependant, ils constituaient un gage de bonne foi et de confiance qu'elle devait à présent faire valoir. Et, même dans cette rue et aux yeux et oreilles de nombreuses présences malveillantes, leur aveu ne constituait plus une mise en danger majeure maintenant que tout le reste avait été énoncé.

Faisant semblant de rester méditative quelques temps, la halfeline reprit la parole d'une voix faible et concertée.

-Voilà des élements extrêmement intéressants... Et qui forment d'étranges coïncidences avec les indices que j'ai récoltés de mon côté. L'un d'entre m'a aussi mené à la Sombre Déesse Shar, et aux mystères de la Toile d'Ombre. Le mage qui m'accompagnait hier au temple de Mystra, lorsque vous nous avez croisés, a réagi de manière éloquente à mes allusions à la Déesse de l'Egarement. De plus, le prêtre de Mystra a également laissé entendre qu'il existait quelques problèmes avec la Toile d'Ombre et des cabales de Shar, auxquels le mage en question n'était visiblement pas étranger.

Un indice à peine utile, mais la halfeline avait mieux à offrir à présent.

-Deux sources distinctes, l'une venant du mage et l'autre de recherches personnelles laissent entendre que des problèmes dans le nord, vers la Paroi Nord ou le Shar, sont reportés auprès de la population locale. Certains de ces troubles seraient liés à des tombes et des profanations. Ceci va entièrement dans le sens de vos propos, Karan, mais ce ne sont que des rumeurs... Dont beaucoup ont dû profiter. Beaucoup, cela signifie également l'étrange cabale derrière tous ces agissements, et qui tentent de déstabiliser l'Eglise de Velsharoon. Même si je vénère une haine particulière envers ce culte pervers, j'apprécie encore moins les tentatives de miner le culte et d'instaurer une nouvelle divinité secrète de la nécromancie.

Et j'ai gardé le meilleur pour la fin.

-Et j'ai découvert le moyen du meurtre dans l'auberge. Une puissante potion de rétrecissement avait été versée dans l'assiette de la victime, et la sol avait été rendu glissant. De là, notre malheureux nécromancien aurait été noyé ou laissé tomber depuis une hauteur, puis ramené sur le sol pour déguiser le meurtre en glissade. Lors de la reprise de la taille normale, le corps attaché au sol se serait plus ou moins soudé au parquet. Ce qui explique le meurtre, et lé déguisement. Et, dans une ville comme Halarahh, tout le monde peut se procurer une potion de rétrécissement et un parchemin de graisse, qu'il sait utiliser. Tenter de retrouver le coupable me semble peine perdue, même si nous survivions longtemps à la vague de meurtres. Je n'ai pas spécialement envie de tenter l'expérience.

¤Pas avant de vous avoir converti à Gargauth dans tous les cas¤

-Pour ce qui est de partir, la couverture sera assez simple à trouver. J'ai fait courrir le bruit en ville que je cherchais l'aventure, personne ne s'étonnera à me voir engager un mercenaire pour visiter les tombes de la Paroi Nord. Et si un élève nécromancien croisait notre chemin, personne ne serait étonné qu'il rejoigne notre expédition pour augmenter ses connaissances de la magie. Aussi, dirigeons nous dès que possible vers le Nord, et fuyons cette ville... Quitte à changer de couverture tous les deux jours!

Enmorien se souvint alors de la question de Tharak et laissa sa haine des morts-vivants aparaître sur son visage. Pour la première fois depuis longtemps, elle était totalement honnête.

-Quant aux morts-vivants, ce ne sont pas juste des monstres, ce sont des abominations et des injures faites aux dieux et aux vivants. Ces êtres infâmes, qui se refusent, ou se voit refuser l'accès au Plan de Fugue et au Jugement des Dieux, doivent être renvoyés au plus vite devant le Dieu des Morts et son impartial jugement. C'est notre rôle divin et sacré, et jamais je ne laisserai l'un de ces êtres sur Toril si je peux le détruire de mon courroux.

La jeune prêtresse ne fut pas en reste après les révélations des deux hommes. Peut être avait elle juger qu'il était temps pour elle aussi de vider son sac. Elle révéla comment selon elle Brion avait été assassiné. Karan en resta sans voix. Il était même admiratif.

Impressionnante! La jeune femme était tout simplement, impressionnante. Il convint une fois de plus que cette petite prêtresse excellait là où lui pataugeait. Elle était allé voir différents temples, avait interrogé d'autres mages, et avait fait analyser des échantillons d'une substance que Karan n'avait pas vu. Il se rappela du moment où Enmorien voulut donner du gâteau à Splinter. Elle souhaitait certainement observer sa réaction lorsqu'il aurait découvert la substance étrangère à la recette que seul le rat pouvait déceler. Lui y avait vu une façon de chercher à empoisonner son familier, alors qu'il pensait que la soucoupe contenait un poison ou autre drogue. Il avait été négligeant, là où elle avait été pointilleuse, méthodique et perspicace. Il lui restait beaucoup à apprendre et se fit violence de mettre bon ordre dans ses méthodes trop... académiques et donc trop superficielles pour un travail de terrain aussi délicat.

Elle donna des informations sur la progression de la toile d'Ombre. Cela corroborait les dire de Tharak. Mais mieux que l'homme à la peau sombre, elle avait donné une raison importante de la cabale qui tuait les nécromanciens de la ville. Le culte de Velsharoon était menacé et bientôt remplacé par une autre divinité de la nécromancie. Mais qui? Par delà cette information, il se revoyait en train de rechercher le soutien de ce temple mourant et en proie à une destruction programmée. Était-ce le bon choix? Il n'en était plus sûr. Il lui faudrait peut être se faire sa propre idée de la nécromancie et de l'usage de celle-ci. Il se promit de trouver par une démarche personnelle, des réponses à cet épineux problème de conscience.

La jeune femme, tout comme lui, pensait surtout à rester à l'écart de ces intrigues et d'éviter de se rapprocher trop prêt de ces meurtriers. Le départ de la cité était une évidence, voire une nécessité absolue. Elle aussi avait élaboré un plan pour fuir la cité. Le deux projets se complétaient très bien. Il convenait donc aux trois compagnons de prendre la route.

Enmorien répondit à la question de Tharak. Il écouta donc avec attention le discours dogmatique de la prêtresse de Kelemvor sur les morts vivants. La violence de ses propos et son dégoût pour ce que Karan considérait comme une avancée scientifique importante le stupéfia. Leur association lui paraissait plus étrange que jamais. Une prêtresse de Kelemvor maudissant les morts vivants, souhaitant leur destruction totale, jurant les présenter au Dieu des Morts et respecter un cycle instauré par les dieux eux mêmes, se retrouvait par la force des choses associée à un nécromancien qui cherchait à faire progresser une science maudite, blasphématoire, visant à se soustraire à la mort et au jugement des dieux, par tous les moyens, même les plus abominables. Les prochaines discussions sur le sujet risquaient d'être délicates voire très animées. Mais au moins il savait à quoi s'en tenir. Il se renfrogna et grommela. Elle venait de semer encore plus de confusion dans son esprit. Il prétexta que la prêtresse qui oeuvrait pour le Dieu des Morts, n'était dans cette affaire que pour observer le mage et infiltrer ce cercle fermé et secret des nécromants. Elle cherchait à percer le mystère de ces cabales dont ils étaient l'objet. Il jeta un regard méfiant à la jeune femme.

Il revint sur un point qui n'avait pas encore trouvé de solution et qui devenait crucial. Fuir la cité par la grande porte ne le rassurait pas, mais une idée se dessina dans l'esprit particulièrement troublé du mage.

- "Le port! Nous avons encore cette solution si aucun d'entre nous ne connaît une autre issue pour quitter la cité. Nous pouvons prendre un bateau qui nous déposerait demain matin le long de la côte, à l'ouest. Il ne nous restera plus qu'à se diriger plein nord. Nous éviterons quelques temps la route, nous ne croiserons donc personne durant plusieurs jours. Quand nous rencontrerons d'autres voyageurs ou pèlerins, nous serons déjà loin d'Halarahh. Il faudra des jours entiers pour que nos éventuels poursuivants retrouvent notre trace et nous rattrapent. Je ne doute pas de leur efficacité, mais toute avance sera un sursit utile à nos plans respectifs. Qu'en dites vous?"

Il observa ses compagnons, attentif à leurs commentaires...

Troisième jour de la Flétrissure, Anno : 1372
Lieu : Désert d’Halruaa
Temps : Obscur
Moment : Nuit


Enmorien, Tharak et Karan
Tharak et Enmorien mènent un double jeu : Bluff et Contre-Bluff : (Tharak) 2(d20)+4= 6 >< (Enmorien) 17(d20)+7= 24 – Enmorien est la meilleure « Bluffeuse »

Les révélations allaient bon train, en toute sincérité. L’esprit profondément mauvais d’Enmorien en vomit intérieurement, de devoir faire confiance à ces deux balourds, et de devoir leur révéler des choses qu’elle ne voulait pas dire. Néanmoins, en contre partie de ses dires, ses deux collègues venaient eux même de fournir des explications qui confortaient ses soupçons..
Tous trois, de leur esprit malsain, conclurent que le Culte de la Maîtresse de la Nuit n’était pas étranger aux récents évènements. Une question demeurait cependant, pourquoi uniquement contre les nécromanciens ? La Magie de l’Ombre faisait en effet, contrebalancer la Toile de Mystra, et était donc une menace pour la magie même, Karan le savait plus que quiconque, et pourtant, le danger planait uniquement contre son école de prédilection. Cela relevait du mystère, encore une fois. Quelqu’un en voulait-il personnellement à Velsharoon ?

La petite peste et le Gris étaient justement en train de parler des morts, et Tharak posa une question qui était déjà vouée à l’échec. Enmorien connaissait parfaitement le culte du Gardien des Morts, et savait qu’il n’y en avait que peu, voir aucun dans cette partie du monde, ce qui induisait que le crinti essayait sournoisement de lui soutirer des informations. La petite répondit avec conviction, autorité et presque pieusement, comme un prêtre de haut rang l’aurait fait. Cela tombait bien, elle n’aimait pas les morts et le disait haut et fort, au grand dam de Karan.
Tharak fut déstabilisé un moment par la verve de la jeune femme, ses paroles semblaient, authentiques.
Les trois aventuriers, au destin si lié et pourtant divergeant, ses laissèrent aller quelque minutes à un repos mental. Karan rompit le silence en proposant de rejoindre un navire. Malheureusement, la mer était démontée ces temps-ci, et cet intermède ne ferait que les retarder. Ne connaissant aucun moyen de sortir, c’est tout simplement en simple voyageur, profitant de la confusion ambiante face à ce meurtre récent, que le nécromancien marcha vers la sortie.. Et la franchit aussi simplement que faire se peut. Enmorien et Tharak lui emboîtèrent le pas rapidement, soulagés qu’aucun obstacle ne se mette en travers de leur route.

Tharak croit voir quelque chose : Détection : 2(d20)+4= 6 >< DD 14 – Echec
Tharak s’oriente avec la course du soleil et des étoiles : Survie : 16(d20)+1= 17 – Réussite
Karan Goroth s’oriente avec la course du soleil et des étoiles : Survie : 7(d20)+2= 9 – Echec partiel

En sortant par la porte, le crinti aurait juré cru voir un minuscule éclat noir disparaître derrière un toit. Croyant son imagination lui jouer des tours à cause du soleil, il ne décida de ne pas y faire attention.
Les seigneurs du désert traversèrent cette vaste étendue vide pendant plusieurs heures. Ils marchèrent, au rythme d’Enmorien qui n’avait que de petites jambes, jusqu’à la nuit tombée, alors que Seluné était haute dans le ciel.
D’après les estimations de Karan, le groupe devait avoir effectué une trentaine de kilomètres dans le sable. Tharak, le guide providentiel, suivait la position des étoiles pour se repérer ; D’après Karan, leur destination se trouvait au Nord-Ouest, aussi le crinti s’évertua à suivre le plus possible ce chemin. Enmorien elle, en avait plus qu’assez, ses pieds étaient en feu, et lorsqu’elle vu des ruines dans le sable, protégeant du vent glacé de la nuit, elle décida de s’y arrêter.
Le groupe la suivit, eux aussi las de cette fin de journée, et découvrirent un puit foré par les bédouins. De l’eau était disponible ici, c’était l’endroit idéal pour se reposer..


Elwë Dy’ness
Le Noir l’envahit. Il avait touché la pierre que le mage avait volée au nain. Un tourbillon l’enveloppa, et en quelques secondes, l’elfe se retrouva le nez dans le sable froid. Une explosion de gerbes bleutées était apparue près des ruines, formant un grand cercle d’énergie, et posant sans ménagement le roublard à terre.
Il se releva, s’épousseta, et s’aperçu que trois paires d’yeux le regardaient. Il se retourna, et tomba nez à nez avec trois aventuriers qu'il ne connaissait pas.

Soudain, son sang bouilla, il avait mal, et vu la réaction du Crinti, celui-ci devait sans doute endurer la même douleur au fond de lui, car il posa un genou à terre, se tenant le bras. Le poison qui se véhiculait dans l’hémoglobine des deux êtres semblait prendre feu. Bien qu’Elwë et Tharak ne s’étaient jamais vu, ils se reconnurent immédiatement à travers leur appartenance et leur dévotion à l’Amasstarte.
La douleur cessa. Un léger mal de crâne s’ensuivit..

Abandonnant l'idée du port pour cause de mer agitée, le mage s’enhardit à sortir de la cité par la grande porte, en toute simplicité. Tout se passa sans encombre, le cadavre de Gillian ayant bien aidé à la confusion générale éloignant les gardes. Ses compagnons le rejoignirent et tous se dirigèrent en direction du nord.

Le sens d’orientation affûté du Sombre, comme il l’appelait maintenant, les guida sur une grande distance sans dévier du cap qu’ils s’étaient fixé. Il avait eu raison de copier une partie de la carte de la région, elle s'avéra utile. Il la complèterait à mesure que des détails significatifs seraient rencontrés lors de leur voyage.

Durant les longues heures de marche, Karan avait médité sur sa condition de nécromancien et ses relations éventuelles avec un culte, notamment celui de Velsharoon. Il avait besoin de certitudes. L'éloignement de la cité et de ses meurtres lui offrait la tranquillité nécessaire à une telle introspection.

La nécromancie, science riche et puissante, étudiait la mort, le second des deux états que tout être vivant prenait à la fin de sa vie. Elle s'attachait principalement à la zone mince et presque imperceptible qui existait entre ces deux états. Il existait nulle autre science plus parfaite qui permettait de soustraire un corps à la mort. Souvent associée à des pratiques négatives et sombres, elle dépendait essentiellement du mage qui la pratiquait. Elle avait, en toute liberté dans de nombreux royaumes, sa propre École. Pourtant, sous certains aspects, elle contrariait les divinités. Se soustraire au jugement de Kelemvor était une injure au Dieu des morts, Enmorien l'avait rappelé à qui voulait l'entendre. Lorsque les divinités trouvaient contre nature toute création de mort vivant, Karan y voyait un manque à gagner. Les dieux perdaient ainsi des serviteurs parmi certains de leurs pieux adorateurs défunts qui ne les rejoindraient jamais dans leurs plans d'existence. Les possibilité de se soustraire à cette justice, de prolonger aussi la vie, et bien d'autres encore, fascinaient le jeune mage. Il n'entrevoyait que cette science pour l'aider dans son grand projet. Il revit le visage de sa soeur, loin, si loin. Mais bientôt....

Quand aux attaques dont seul le temple de Velsharoon semblait être la victime, il ne savait pas trop quoi en penser. La Déesse Shar oeuvrait essentiellement à la destruction de Mystra. Pourquoi voudrait-elle aussi remplacer Velsharoon et s'approprier sa part de pouvoir? Combattre sur deux fronts simultanément, même en position de force, était dangereux. Enmorien prétendait qu’une autre divinité de la nécromancie souhaitait remplacer Velsharoon. Mais cette nouvelle personnalité de la nécromancie n'avait pas encore été identifiée, et agissait dans l'ombre. Karan la soupçonnait surtout d'utiliser la montée en puissance de la Déesse de l'égarement pour mener sa propre guerre contre le temple du Crâne rieur.

Les forces de Velsharoon faiblissaient, mais il était la divinité légitime en place. Comme le jeune nécromancien souhaitait user de la puissance de cette science, il devrait défendre son temple de tutelle contre ses assaillants. Il en était sûr maintenant, Velsharoon était le seul Dieu des morts vivants, il le vénérait.

A la nuit, sous la lumière blafarde de Séluné, ils arrivèrent au milieu de ruines repérées par Enmorien. Il y avait même un puis. Une chance, il n'était pas tari. Le mage regarda avec mépris la jeune prêtresse de Kelmvor, lasse et fatiguée, et jubila de sa souffrance. Ils avancèrent entre ces vestiges lorsqu’un cercle d’énergie bleutée fit crépiter l’air sec du désert. Un homme apparut en son centre, face contre le sable. Il bougea, se releva et croisa leurs regards. Puis, l'instant d'après, cet inconnu surgis du néant et le Sombre se tordirent de douleur. Karan resta interdit. Il contemplait, incrédule, ce spectacle irréel. Il ne fallut aux deux hommes que quelques instants pour reprendre leurs esprits alors que la douleur semblait diminuer.

Malgré la fatigue de cette marche dans le désert Halruéen, le jeune mage recula de quelques pas, plongea sa main dans sa sacoche de ceinture et la retira avec quelques composantes. Il s'apprêtait à user de son art contre cet homme qui avait sans aucun doute attaqué Tharak avec un sortilège. Mais la magie s'était étrangement retournée contre lui. C'était vraisemblablement ce qui avait dû se passer. Le Sombre était-il protégé contre certaines attaques magiques? Le mage se tenait prêt, ses yeux noirs, vicieux, rivés sur l'agresseur de son compagnon. Il pensait à ce futur cadavre qui ferait un bon serviteur pour son dieu, rappelant ainsi que Velsharoon existait encore.