Troubles à l'aube

Son regard se perd un instant sous le poids d'une sensation étrange. Un courant chaud et fort pesant venait de traverser son dos et ses yeux glissèrent sur une silhouette déterminée qui s'effaçait au-delà de la masse. Absente, la serveuse se reprit et se para à nouveau de sa figure d'ange diabolique.

- Du sucre vous dites ?

C'est alors que pendant que son être progressait près du prêtre pour lui donner une coupe de sucre, que ce dernier lui glissa à l'oreille une interrogation qui la frappa et lui donna les frissons qu'elle attendait de ce premier jour de travail dans un milieu si ambigu. Des informations...il voulait savoir quelque chose sur ces nouveaux clients qu'elle venait de quitter.

Ses traits étaient marqués par une cicatrice profonde et rugueuse, ce qui lui fit croire qu'il devait faire partie de tous ces gens étranges qui étaient majoritaires ici. Leurs peaux souvent portaient des sortes de marques de brûlures, des tatouages étranges enflammés, parfois certains avaient l'air d'être animés... cette vision la conforta dans un premier temps pour chercher à comprendre ce qu'Atashi désirait et à lui fournir ses informations. Mais elle remarqua aussitôt une gêne non dissimulée et un désappointement apparent qui lui firent retirer sa confiance aussitôt qu'elle fut accordée à ce personnage. Diverses interrogations se mêlèrent vigoureusement en son esprit avant qu'elle ne prenne une initiative.

La jeune serveuse prit la décision sans tergiverser éternellement de faire montre d'une certaine pruderie qui pourrait bien la garder de ce qui pourrait déclencher le trouble entre certains personnes ici présentes. Et c'est pourquoi elle lui rétorqua à vois basse, comme par peur d'être entendue même dans ce vacarme.

- Et bien monsieur, dites moi plutôt pourquoi voudriez-vous savoir quelque chose à leur sujet et si votre requête en vaut la peine peut être serais-je généreuse avec vous...

C'était une bien belle perche qu'elle lui tendait là, si il eu été habile parleur il ne s'en serait fallu que de peu pour avoir la petite non engagée à son service. Mais toujours aussi vicieuse qu'elle pouvait l'être, elle ne lui donna même le temps de prouver sa cause, qu'elle avait déjà retiré son souffle des oreilles du client et que ses talons la menait au comptoir où elle demanda apparemment une bouteille de vin au tavernier qui guida son regard dans la direction d'Atashi. Plateau en main et une bouteille à servir, elle nui quitta pas la prêtre d'un regard qui se voulait captivant. Arrivée à la table du groupe elle se détacha du jeune kossuthien pour adresser un brin de causette à ces détracteurs du pire genre...

Bordak ne c’était pas rendu compte de l’erreur qu’il avait fait en prononçant haut et fort que leur venue était orchestrée par les orques qui tenait la précédente auberge, mais visiblement personne n’y avait prêté attention, du moins personne n’était venu lui en parler, pour l’instant.

Ignus avait quitté la table et ne souhaitait pas être accompagné, ce qui ne dérangeait pas Bordak, s’il n’a pas besoin de lui c’est qu’il n’y a pas de combat, aucun intérêt dans ce cas là de le suivre. En revanche, c’est avec grand plaisir qu’il vit la charmante serveuse faire son retour, elle déposa sur la table la bouteille de vin promise mais ce genre de boisson n’intéressait en rien les papilles du jeunes téthyrien. Il décida de réengagé la conversation tout en tentant d’être plus polis, il pouvait bien jouer les beaux parleurs pour s’attirer les grâces de la demoiselle.

-Très bien, j’y suis p’t’être allé un vite ma’m’zelle, on reprend tout s’tu l’veux bien ? Il ne laissa pas le temps à la créature de donner son avis et enchaina directement sur les présentations. J’m’appelle Bordak, barbare du téthyr, la demi-portion à côté c’est Syz, il est pratique pour nettoyer ma hache. Il regarda la cape du semi homme avec un grand sourire avant de rajouter une dernière phrase. Et toi ? C’est quoi donc ton nom ma p’tite dame ?

Certes, Bordak manquait toujours de tact, mais cela était déjà plus courtois que sa première tentative d’approche. ¤ Ah ! Qu’est c’qui faut pas faire pour mettre la donzelle dans mon lit ! J’espère qu’elle en vaut la peine et qu’ça marchera ¤ Il est vrai qu’il faisait des efforts même si cela ne se voyait pas tant que ça, et espérait bien arriver à ses fins ainsi, il attendait à présent une réponse d’Alistina, mais surtout que Syz reste à sa place. Il était hors de question pour le jeune homme de se faire doubler par ce petit être.

Un sourire non forcé, une caresse du bout de l'index sur le torse du barbare et le charme débuta.

- Tu sais parler aux femmes toi, vraiment. Lui lança-t-elle alors comme si il du le prendre pour un compliment. Ca, tu m'as l'air d'en être une belle de brute. Puis ses yeux vinrent se poser sur l'arme du barbare. "Charmant" pensa-t-elle en esquissant un sourire demi blazé de circonstance avant de reprendre.

Mais dis moi j'espère que t'as pas que cette vilaine hache de large, elle laissa les premières pensées de Bordak lui venir à l'esprit avant de rompre le silence qu'elle avait instauré, parceque les hommes sans esprits c'est pas vraiment ma chope préférée mon beau, tu mords un peu plus c'te fois ?

La serveuse saisit une chaise et balança sa chevelure d'argent en arrière en prenant place sur son siège, le buste plaqué contre le dossier, les jambes écartées à l'image de ces mercenaires qui traversent la côte des épées en bateau et qui n'ont que peu de manières, elle défit le noeud de liège qui fermait la bouteille de vin avant d'en servir un verre à son interlocuteur et de s'en offrir un à elle même.

- Tu sais, reprit-elle, mon nom n'a pas d'importance, j'aime pas entendre crier l'appelation que m'on donné mes parents à tout va dans une taverne comme ça, Bordak...Alors si tu veux en savoir plus, dis moi en un peu plus sur toi et je verrais si je suis dans l'envie de satisfaire à ta requête.

Elle laissait planner ce voile inconstant de ruse et de mensonge qu'elle se plaisait tant à manipuler, posant une à une les ficelles qui pourraient bien animer le jeune barbare qui lui faisait face d'ici quelques souffles...

Lorsque le doigt d’Alistina vint toucher Bordak il était aux anges, il aurait fait n’importe quoi pour une nuit avec elle.
Il y avait certes de la place dans la boite crânienne du barbare pour qu’un peu de brume s’installe mais de là à vouloir y faire pénétrer un nuage… Ce dernier compris bien que les premières paroles de la créature étaient plus un venin dissimulé que des compliments, toutes fois il n’en fit rien, espérant s’attirer les bonnes grâces de madame.

Quand cette dernière s’assit le barbare ne pouvait que contempler le spectacle qui lui était offert si bien que lorsqu’il viendrait à parler il aurait du mal à regarder les yeux de son interlocutrice. Elle vint alors à déboucher le vin et à le servir, cet acte émettait autant un attrait négatif que positif chez Bordak, elle en avait oublié le semi homme… Mais il n’était pas ami du vin.

Au moment ou la serveuse eu fini de parler il ne put s’empêcher de prendre la suite de la conversation.

- Bah, la vinasse, je n’aime pas vraiment ça mais pour toi j’peux bien faire un p’tit sacrifice, te faire plaisir ça m’fait plaisir p’tite dame mais j’espère qu’on s’arrêtera pas là. De l’esprit tu dis ? Il est large lui aussi mais j’dois bien avouer qu’il est bien moins développé qu’autre chose, fin j’veux dire, repris le jeune homme en sortant des yeux grands ouverts du décolleté de la demoiselle, qu’il s’ra p’t’être pas suffisant pour une p’tite dame comme toi, mais j’veux bien faire un effort aussi… Le barbare, maintenant conscient des dangers qu’entrainerait la manière forte, avait complètement changé de technique, passant de la chasse à la pêche il utilisait une méthode plus calme et plus… « Raffinée ». Fixant la serveuse il ajouta quelques mots.
Qui te dit que j’m’en vais le crier dans la taverne ton p’tit nom ? C’est juste de toi à moi, en privé, quand j’aurais encore plaisir à t’en donner, si tu l’veux bien ma jolie, j’m’en va pas te forcer non plus, j’s’rais prêt à pas mal pour c’te nuit avec toi ma belle mais pas ça, faut qu’tu soit d’accord ...

Le téthyrien pensait vraiment qu’Alistina cèderais cette fois-ci, dans les deux cas il irait ensuite dans sa chambre, seul ou accompagné mais il comptait bien se retirer et dormir, ou autre…

Amusée, elle n'en fut pas pour autant touchée par l'orgueilleuse proposition de prétendant et c'est avec un certain dédain tout calculé qu'elle se défit de sa compagnie.

- T'aime pas la vinasse, moi non plus. J'aime les vrais vins, ceux qui ont un coeur fort et des atours aussi doux que le satin. Mais cela, entre nous, je ne sais si tu pourras le comprendre Bordak. Ta proposition, quoique peu galante est certes intéressante, mais tu tâcheras de ne pas oublier que l'on ne met pas les femmes dans son lit comme on range une lame au fourreau...

Ses sarcasmes ajoutaient encore à son charme prenant, sa beauté rude et impalpable, alors qu'elle s'élevait face au barbare comme une éminence face à l'impie.

- Je suis sûr que tes intentions ne sont pas si troubles, mais ceci ce n'est pas à moi e l'éclaircir, car en ce qui me concerne vis à vis de toi, tout est clair.

Quatre hommes habillés de la robe des Kossuthien, portant les symboles marqués des flammes dorées et rougeoyantes de leur ordre, se présentèrent à la table du barbare. Alistina s'évinça en de dernières paroles.

- C'est à ses personnes de s'en charger, adieu ou peut être à l'aube, si tu passes la nuit...

Un des quatre hommes au visage découvert s'avança et invita le groupe à les suivre.

- Votre ami est retenu pour passer une épreuve, sa foi est en ce moment même jaugée, telle est la destinée des adeptes du Seigneur des Flammes, divine Lumière élémentaire. Nous voudrions vous poser quelques questions, si vous ne nous exposez pas de résistances, aucun mal ne vous sera fait et nous vous garantirons votre sécurité, à condition que vous nous soyez redevable...

Alors que le vaisseau nocturne lève les voiles pour flotter au dessus, bien au-delà de la surface de la terre, sur des nuages cotonneux au gré des sifflements amusés des vents, se lève le voile de la Nuit dans le coeur des habitants de Port-Crâne. L'auberge s'est vidée de presque tous ses clients et de nouveaux arrivants ne vont pas tarder à prendre la relève aux tables de la salle commune...

Le jeune barbare eu vite compris que ses avances n’intéressaient en rien la serveuse, du moins pour l’instant. Lui qui comptait aller ce coucher n’eu même pas le temps d’y repenser, les quatre hommes qui étaient venus à lui en avaient visiblement décidé autrement. Il écouta attentivement le discours que l’un d’entre eux lui tint avant de lui répliquer à sa manière, il comptait effectivement mettre les points sur les « i » mais pas forcément ceux auxquels on pourrait penser…

- Si l’tueur de chien l’ai avec vous y’a pas de problème l’ami, mais qu’ça soit bien claire, Bordak l’a b’soin de personne pour sa sécurité, j’sais très bien m’débrouiller tous seul. Sinon moi j’veux bien t’les donner des réponses fin si j’les connais à condition qu’on paye pas la bouffe de ce soir, ou au moins un truc par réponse, j’crois qu’vous êtes quand même gagnant non ? Mais d’abord va falloir qu’on s’explique un peu tout les deux… le barbare se leva de sa chaise, les deux mains sur la tables, sans penser que ceci pouvait provoquer certaines réactions cher les quatre hommes, puis repris son discours. Qu’est-ce que c’est qu’ça « jojé » ? s’tu veux qu’on cause va falloir l’faires avec des mots que j’connais, sinon j’vais pas aimer….

Il est vrai que pour un barbare des mots si complexes ne sont pas les bienvenues dans une discussion, espèrons que sa façon de le revendiquer ne provoque pas trop d’éclaboussures…

Les quatre servants se dispersèrent pour former une escorte au barbare et au halfelin. Le premier d'entre eux s'étant exprimé, repris aussi sèchement que brièvement la parole.

- Le pénitent est de notre côté, si La Lumière le touche de sa grâce divine, alors il sera un de nos frères. Quant à vous, nous promettons asile, et c'est de nous que nous vous protégerons si vous vous révelez être...enclins à aider Les Braises. À présent veuillez nous suivre sans faire d'histoire, tout vous sera prochainement révélé.

Une pointe de mystère relevait tout ces discours, ces paroles exprimées d'un ton monochorde, d'une manière quasi cérémonielle, tels ces psaumes et poèmes par lesquels les fidèles louent mornement leurs déités...

Les évènements s'étaient enchaînés sans qu'Atashi ne pu les retenir quelques peu en vue de leur accorder toute l'attention qu'il convenait lorsque de tels faits survenaient. Quel ne fut pas tout d'abord son étonnement de voir que cette serveuse, au minois fort charmant certes, ait si facilement pu lire dans ses pensées. Le visage du prêtre était il un livre ouvert ? Fût elle inspiré par quelques souffles divins ? Etait-ce une épreuve imposée par son Dieu et Maître ? Qui ou quoi lui avait murmuré au creux de cette oreille si fine et délicate l'objet des renseignements qu'il s'apprêtait alors à demander ? Tels étaient les questionnements que se posaient le Thayien. La raison lui revenant et le doute s'éloignant, il ne pu qu'en déduire que la jeune demoiselle avait du remarquer l'intérêt qu'il portait à la tablée. Mais alors qu'il ouvrait la bouche en vue de répondre à cette incarnation vénusienne, voici que celle ci, dans un tourbillon de tissu et le chant de ses froufrou qui s'agitaient, le quitta pour s'en retourner auprès de la masse musculeuse assise plus loin sans se soucier d'avantage de lui...

¤Décidemment les femmes sont bien toutes les mêmes...¤

C'est alors que survinrent quatre hommes. Quatre serviteurs du Maître des Flammes comme lui. D'où ils sortaient ? Le Thayien ne le savait. Une chose est sur c'est qu'il ne les avait pas remarqué à son arrivée, et pour cela il s'en voulait. Prudence et mère de Sûreté. Excité par la curiosité, Atashi tenta de tendre l'oreille pour savoir de quoi il en retournait. Que pouvaient vouloir quatre Kossuthiens à un homme trop grand pour être futé et à un être trop petit pour être honnête ?

le Téthyrien eu du mal à bien cerner le sens de chaque mot, heureusement pour leur élocuteur il parveint tout de même à comprendre le sens global de la phrase. Il recula sa chaise et tira celle de Syz...

-Avance on t'a dit! Visiblement le barbare avait décider de suivre le groupe représentant les Braises Dansantes mais cela à contre coeur.

¤ RRrr!!! J'comprends toujours rien a c'qu'i dit l'autre, si c'crétin à là même divinité qu'Ignus va falloir plus que la guese pour me convaincre que ça vaut le coup d'le suivre dans sa voie... ¤

Ailleurs, sans qu'ils ne s'en rendent compte, prend vie une procession. Les différents protagonistes vivent les mêmes instants, en différé, comme si chaque geste, chaque parole eu été inspiré des actes précédents, comme calqués sur un modèle reproductible à l'infini.

Une haie d'honneur se forme, l'escorte du barbare et du halfelin se met en mouvement. Les cartes du destin se retournent. Sous les yeux maladroitement interrogateurs des clients nouvellement réunis, le cortège avance et disparaît par un couloir situé au rez de chaussée, une porte s'ouvre. Ô combien d'issues dans ce dédale d'échappatoires, bardé de pièges et de trappes trompeuses, menant toute à un assemblage des faits différent.

Les deux compagnons sont menés vers une salle sombre, encore, Port-Crâne n'est décidément pas nommé le Noir Jumeau pour rien. Les ténèbres du dehors envahissant même les limbes cachés des bâtiments qui l'habitent. Au centre, une table. Autour des mages portant la capuche. Ridicule subterfuge pour qui sait voir au-delà des apparences. Les mains des serviteurs sont agitées de flammes éclairant la pièce, comme si Lumière leur appartenait.

Les deux captifs sont priés de s'asseoir, pas comme l'on prie les dieux mais comme on ordonne aux soumis. L'interrogatoire allait commencer.