Vieux Delzoun - Région de la Fourche, Sale embrouille

Nephis refusa la boisson en hochant discrètement la tête, de manières polies, un sourire de circonstance aux lèvres.

- Je crois, Messire Ivrag, que j’ai déjà assez bu de vin pour la soireé… Enfin, pour ce qui est du voyage, je vous avertie déjà qu’il est hors de question de me faire rejoindre l’ouest. Les terres de la Mulhorande sont totalement à l’opposé, et il ne serait pas sage de faire attendre davantage mon clergé. J’ai de bien tristes nouvelles à leur faire part, comprenez-moi.

Ne serait-il pas possible de contourner cette « Haute-Forêt » par l’est? Enfin, de l’autre côté des montagnes Néthères dont vous parlez? Ou alors était-ce par l’ouest? C’est le seul moyen de me faire prendre l’ouest, en fait, afin de contourner la forêt et de repartir chez-moi. Si ce n’est pas possible, j’attendrais le prochain convoie ou caravanes pour l’est, j’ai de quoi payer ma chambre. Votre compagnie m’est assez agréable pour quelques jours de plus en ces lieux hostiles, Messire Ivrag.

Elle conclua son discours d’un sourire espiègle pour le tenancier.

Valcor qui lui sifflait sa boisson à petite gorgé écouta attentivement la prêtresse.
¤Quelle dommage, j’aurais tellement aimer pouvoir en connaître un peu plus sur sa religion. Et puis cette femme n’est pas du tout désagréable. ¤

-Nous devrions pouvoir trouver une direction qui nous arrangerait tous. Je ne veux point vous forcer la main ma chère mais je pense que ce périple ne pourrait être que bénéfique pour nous tous. Ne croyez vous pas ?

Valcor ne voulait pas forcer la jeune prêtresse loin de là. Mais il était sûr que les trois compagnons pourraient apprendre beaucoup de ce périple.
-De plus les caravanes ne doivent pas passer tous les jours par ici… Se tournant vers la demie-elfe. Ne croyez vous pas ma chère ?

Sur ces mots il se remit à siroter tranquillement son breuvage. Valcor n’avait jamais eu l’occasion de partir en groupe. A part avec son maître. Mais celui-ci n’était pas rester en vie assez longtemps pour pouvoir renouveler l’expérience.

Giulia sentait que la situation pouvait durer ainsi des heures. Tout le monde voulait choisir l'itinéraire de façon à se rapprocher de sa destination personnelle.
La roublarde n'avait ni rendez-vous, ni information sur la prochaine cabriole, elle se moquait de la direction du voyage, du moment qu'elle ne restait pas à s'enraciner ici alors que d'autre aller s'amuser pendant toute une nuit.

-" Ecoutez, c'est simple, j'ai une méthode très rapide pour nous décider."

Elle prit une pièce de cuivre de sa bourse, et la montra à tout le monde.

-" Voila une magnifique pièce, je la lance en l'air si elle retombe sur le côté pile, nous irons à l'Ouest comme le suggère Irvag, sinon nous irons à l'Est comme le souhaiterais la demoiselle"

Giulia lança la pièce en l'air, celle-ci tournoya dans les airs et retomba rapidement dans la main de la roublarde, qui regarda rapidement le résultat.

¤ Par Erevan, j'aurai dû m'en douter, face ! Je ne sais pas pourquoi je m'amuse à faire ça, à chaque fois ça me pose des ennuis. ¤

La demi elfe rangea rapidement la pièce et jeta un regard faussement satisfait accompagné d'un sourire commercial.

- " Pile ! La chance est la meilleure conseillère, elle est d'accord avec notre aubergiste. Je crois que nous sommes d'accord maintenant, non ? Plus besoin de discussions inutiles, le choix est fait.
Je vous ai déjà raconté comme j'ai failli perdre une main en jouant à pile ou face ?"

- Non, je n’irais pas avec vous, inutile de choisir pour moi, répliqua plutôt froidement la prêtresse en dévisageant la jeune menteuse. Chez elle, il n’y avait que sa déesse et ses ordres à savoir lui faire courber l’échine, certes pas une jeune demi-elfe qui osait lui mentir dès la première rencontre. La loyauté était importante pour le peuple élu.

" Je me rend à l’est, vers Skuld, et c’est ainsi, pardonnez-moi mais je n’ai rien à ajouter… Puisse la nuitée vous être agréable à tous trois. Je ne me fie jamais sur la chance, ce n’est pas sage, je ne suis pas une adepte de ces jeux de hasard, je suis une servante d’Isis, de la dame féconde et du bien de la Mulhorande, je n’irais pas perdre mon temps à l’ouest. Oh, Messire Ivrig, pourriez-vous m’apporter de l’eau chaude pour un bain? Je crois avoir déjà une bassine à ma chambre."

Sur ces mots, la jeune mulane se redressa, maintenant fièrement un port droit, lourd de sens et de noblesse. Elle prit soin de replacer son médaillon et d’offrir un délicieux sourire à l’aubergiste avant de s’apprêter à quitter la pièce.

Giulia n'aimait pas les personnes comme Nephis, qui se prennent pour plus importante qu'elles ne le sont vraiment. Elle se souvient en avoir vu plus d'un mourir en pensant que leur foi, leur intelligence ou leur argent aller les sortir de tout.
Mais la roublarde qui se trouvait souvent dans des histoires foireuses, savait aussi que lorsqu'un aubergiste donne un conseil sur une région que l'on ne connaît pas, il vaut mieux l'écouter.
Giulia se leva.

- " Eh bien mademoiselle qui ne croit pas à la chance, je vous souhaite de bien profiter de votre ultime bain car demain si vous partez à l'Est, vous ne serez plus en vie.
J'ai essayé de vous convaincre de partir à l'Ouest pour vous, pour que vous surviviez, mais au final, je n'en vois plus l'utilité.
Pour une prêtresse qui parle fréquemment de sagesse, ne pas écouter les conseils qu'on lui donne sur une région qu'elle ne connaît pas, je n'appelle pas ça de la sagesse mais de l'obstination.
Adieu."

La demi-elfe reprit sa place à table, calmement et comme si de rien n'était. Elle se tourna vers Valcor et lui parla assez fort pour que la jeune femme entende.
" Bon nous ne serons que deux à partir demain vers l'Ouest, de toute façon qu'aurions nous fait d'une prêtresse de ce genre ?
J'espère qu'elle saura courir aussi vite que moi, lorsqu'une douzaine d'orque lui tomberont dessus"

Narration
Bien évidemment Irvag n’avait rien perdu des paroles ironiques, hautaines, voire cinglantes qui avaient fusé de part et d’autres de la conversation entre ses clients. Alors que Nephis s’apprêtait à son tour à s’en aller, il se décida à intervenir pour remettre du bon ordre dans tout cela.
- Dame, si vous permettez ? J’aimerai ajouter quelque chose, si biens sûr mon opinion d’ancien explorateur à quelque intérêt pour vous. Je connais la ville dont vous venez de parler : Skuld. Bien que je n’y suis jamais allé personnellement, je sais qu’il s’agit de la capitale de la lointaine Mulhorande. Bien sûr, je ne doute pas un seul instant que pour les besoins de votre ordre vous deviez rentrer au plus tôt, même si j’ignore les raisons qui vous ont conduite ici pour finalement décider de subitement repartir, mais je peux vous certifier que si vous placez vos espoirs dans un retour dans votre pays par le biais d’une caravane, vous risquez d’attendre fort longtemps. Quant à partir seule, cela serait signer sans aucun doute votre arrêt de mort. Je ne connais aucune, je dis bien aucune, caravane qui passe régulièrement par ici et encore moins qui trverse l’Anauroch, et pourtant Grumbelham et moi-même vivons ici en permanence et depuis des années.

Il s’était levé et avait rejoint la jolie jeune femme, il lui parla alors d’une voix plus basse.
- Je comprends, ma chère, que vous ayez quelque réticence à avoir pour compagnie des inconnus et à plus forte raison une menteuse et un homme que je n’aime guère, mais il faut avant tout que vous songiez à votre situation actuelle. Loin de moi l’idée de vous forcer, mais vous ne pourrez rester ici éternellement et je doute que cela serve vos intérêts de toute façon, quels qu’ils soient.
Ces dernières paroles furent prononcées avec une douceur étonnante pour provenir d’un homme à la stature si imposante. Ses sourcils broussailleux se fronçaient dans une attitude paternaliste.

Valcor avait bien écouté les propos qu’avaient échanger les deux jeunes femmes. Pourquoi la prêtresse ne voulait pas écouter la demie-elfe ? Valcor ne comprenait pas.
¤Et bien pour être têtu celle là elle est forte tient. Elle ne tiendra pas 15 minutes seul dans ces chemins ardus. ¤

-Et bien ma chère moi je n’ai pas grand-chose à rajouter. Je pense que vous êtes seul juge de vos actes. Même si je vous conseillerais d’écouter les sages conseils d’Irvag. Je pense qu’il connaît mieux la région que nous. Mais quelque soit votre décision je la respecterai même si je sais très bien que vous en avez rien à faire.

Valcor ne voulait pas se déranger l’esprit avec de simples histoires. Giulia avait raison. On ne pouvait se permettre de chipoter. Valcor se tourna donc vers Giulia.
-Et bien ma chère je croit qu’il va nous falloir faire équipe puisque notre chère prêtresse ne daigne pas accepter notre présence.
¤Pourquoi prendre tant de risque ? Ne préfèrerait-elle pas sauver sa jolie bouille ? ¤

-Je ne doute pas de vos compétences, Ivrag, ni même de votre bonne volonté à mon égard et je respecte énormément la gentillesse que vous m’accorder, répliqua la prêtresse en serrant la mâchoire, voulant mettre un terme aux larmes qui lui picotaient déjà les yeux. Elle se ressaisit en se raclant la gorge, tournant discrètement le dos à ces anciens futurs compagnons pour reprendre d’une voix très basse et douce pour le tenancier.

"Vous avez sans doute raison, je dois aller vers l’est pour mieux rentrer chez-moi, je vous l’accorde. Mais chose certaine, je n’irais pas avec eux. Chez moi, on me doit respect et je le rend en défendant mon peuple, je ne suis pas la première idiote à mériter de telles insultes, et je n’ai rien fait ce soir pour les mériter, si ce n’est que de ne pas partager leur opinion. Je ne suis peut-être pas chez-moi, mais ils me font regretter amèrement de m’ouvrir aux autres peuplades de Faerün."

Nephis abaissa légèrement le regard, visiblement blessée des propos de la semi-elfe. Elle n’ajouta rien, la mâchoire bien crispée pour retenir les larmes et l’énervement, puis se dirigea jusqu’à sa chambre d’une démarche toute féminine, laissant les médisants à leurs ragots.

Valcor en avait marre de parler pour rien. Il était fatigué et avait besoin de se reposer.
Son but n’était pas de vexer la prêtresse bien au contraire. Il ne voulait pas se la mettre à dos. Se tournant vers la prêtresse.

- Ma chère je suis désolé si nous vous avons fait trop de tort. Ce n’était pas mon attention en tout cas. C’est vrai que nous n’avons pas totalement les mêmes points de vue certes mais passons outre cela. Acceptez les excuses que je vous donne sincèrement. Je vous propose que nous repartions sur de bonnes bases vous et nous.

Valcor voulait abréger le plus possible car il était atteint atteint par la fatigue.
Il se retourna vers la demie-elfe.
-N’êtes vous pas d’accord avec moi ma chère ?

Giulia n'aimait pas Nephis, son comportement, son obstination. Elle ne comprenait pas l'obstination de la prêtresse à vouloir partir à l'Est : elle aurait fait tout ce voyage pour au final, repartir comme elle est venue.
Dans d'autres circonstances, la roublarde aurait été impitoyable avec la jeune femme, mais la situation l'obligea à agir différemment.
Elle se tourna vers Valcor.
- " Bien évidemment je suis désolé si cette femme a mal pris mes propos. Il faut aussi comprendre que nous ne vivons pas dans un monde pacifiste, les gens de mauvaises intentions pullulent et je ne pouvais pas être sincère avec des inconnus."

Elle essaya de rattraper l'obstinée et s'expliqua
- " Il ne faut pas m'en vouloir, nous sommes ici réunis dans des circonstances assez particulières et je ne savais pas comment réagir. Vous me semblez de confiance et si nous voulons sortir de cette région, nous aurons besoin de vous, tout comme vous aurez besoin de nous.
Venez avec nous à l'Ouest le temps de rejoindre une zone plus sûre, aucun de nous ne peux se permettre de faire sa fine bouche."