[Chapitre I] Sur la piste du monstre

Vingt-Quatrième jour du Mois de la Fonte, année des Dragons Renégats.
24 Mirtul 1373 (CV)
Lieu : Cormaeryn (Nord de Gué-de-la-Dague)
Moment : Un peu avant l'aube
Météo et températures : 5°C, ciel dégagé, légère brise

Cliquez ici pour dérouler le parchemin...

Ina utilise ses connaissances en botanie: 11 (Dé) + 15
Xarss mène l'enquête: 19 (Dé) + 10

Après leur entrevue avec Enguerrand Cormaeryn, les aventuriers décidèrent de se séparer afin que chacun puisse vaquer à ses occupations et utiliser leurs compétences plus personnelles pour se préparer pour l'expédition du lendemain. Elion, Alrion et Gunlann se dirigèrent vers l'auberge pendant qu'Ina se dirigeait vers le nord et que Xarss laissait son instinct le mener dans la direction la plus propice à fournir des informations sur la situation réelle du village.

Une fois à l'enseigne du Troll Ecervellé, le trio se sépara, chacun se dirigeant vers sa propre chambre. Il était encore bien trop tôt pour succomber au sommeil, même si à voir la naine bailler il ne semblait pas impossible qu'elle décide de faire une sieste, et Elion savait exactement ce qu'il comptait faire de ce qui restait de cette journée. Après l'entretien physique et spirituel de son équipement, il vérifia que les chevaux étaient bien installés et traités dans les écuries de l'auberge, ce qui était le cas, et il fut donc le premier à arriver pour le diner.

Ina n'arriva pas longtemps après lui et, si son après-midi avait été très différente, elle n'en avait pas moins été bien remplie. Il ne lui avait pas été difficile de trouver un coin peu observé et dans les ombres où effectuer sa transformation, sachant que même si les villageois s'étaient montrés bienveillants, changer d'apparence sous les yeux des autochtones risquait d'en brusquer certains. Après les quelques instants nécessaires aux sentiments de liberté causés par la transformations en oiseau, la druidesse survola la palissade entourant Cormaeryn et commença à survoler les environs. La vision aviaire était, parfois, un peu déroutante, les couleurs de la plupart des choses étant modifiées, et cela demandait une certaine concentration d'ignorer les signaux les plus notables que formaient les mouvements rapides des tâches colorées formées par les rongeurs qui gambadaient avec vivacité dans les champs. Cela étant dit, Ina avait l'habitude de ce genre d'aventures. Les environs immédiats de Cormaeryn étaient occupés par une multitude de champs, la plupart de petite taille, séparés par des chemins souvent sinueux et à peine plus larges que les charettes qui les empruntaients. De petites maisons, généralement accompagnées d'un plus petit bâtiment accueillant une vache, une chèvre ou quelques poules, se trouvaient près des champs les plus proches de la palissade, qui avaient aussi tendance à être les champs les plus petits. Ceux-ci contenaient essentiellement des herbes aromatiques de diverses variétés. Elle pouvait nommer la grande majorité d'entre elles, même si certaines n'étaient pas de la saison et n'avait donc ni feuille, ni fleur vraiment reconnaissables. D'autres étaient plus difficile à identifier et elle supposait qu'il s'agissait de variétés de plantes cousines de certaines qu'elle connaissait mais habituées à des climats plus cléments que ceux de la Damarie ou même de la Grande-Forêt. Plus loin, les champs devenaient un peu plus vastes et les herbes furent remplacées par des betteraves sucrières et, parfois, quelques champs où paissaient quelques bêtes. Plus loin que cela, la nature retrouvait un peu de son caractère sauvage. A environ une heure de vol de la ville, tout ce qui se trouvait à portée de vue était une sorte de plaine qui semblait s'étendre jusqu'à l'horizon, même si Ina pensait détecter au loin les premier signes d'une forêt qui devait être un avant-poste de la forêt d'Arprofond. Il était alors temps de rentrer à Cormaeryn et Ina se mit sur le chemin du retour.

Xarss fut le dernier à arriver pour le diner. Sa fin de journée avait été bien occupée. Il ne lui avait pas fallu longtemps pour constater que si les villageois n'étaient pas hostiles, ils n'avaient pas forcément non plus une grande volonté à partager les oui-dires directement avec lui. Cela étant dit, comme ils ne l'évitaient pas, il pouvait jouer de son charme et, lentement mais surement, certaines langues commencèrent à se délier dans ses environs. La vaste majorité des informations concernaient les relations interpersonnelles des habitants du village, Xarss était maintenant capable de citer au moins une douzaine de relations extramaritales supposées entre personnes qu'il n'avait jamais rencontrées. Le reste des informations concernaient la vie quotidienne du village, et en particulier le temps et la qualité des récoltes. Plusieurs personnes mentionnèrent que les nouvelles herbes que Navreen avait essayé de faire pousser semblaient avoir bien pris à leur nouveau climat. Pour obtenir des informations sur les attaques qui l'intéressaient, Xarss avait dû faire plus d'efforts et chercher à orienter la discussion dans la direction qui l'intéressait. Mais l'essentiel de ses résultats lui montra que la plupart des villageois n'étaient pas vraiment inquiets, même ceux qui étaient prêts à croire que les rumeurs étaient vraies, et que la région dont il leur parlait aurait pu être dans l'Amn, l'Aglarond ou sur un autre plan en ce qui concernait les villageois.

Quand Xarss rejoint Ina et Elion à table, tous trois commencèrent à se demander ce que faisaient les autres membres de leur groupe et, via une question addressée à l'aubergiste, ils ne tardèrent pas à apprendre qu'Alrion et Gunlann, apparemment indépendemment et sans vraiment donner d'explication avaient quitté l'auberge quelques minutes après leur retour et n'étaient pas encore revenus. N'ayant guère d'autre choix que de se séparer pour la nuit, chacun retourna à sa chambre et se prépara pour une nuit de repos mérité. Comme prévu, tous trois se réveillèrent quelques temps avant l'aube afin de finir leur préparations pour le voyage de la journée et de prendre un petit-déjeuner. L'aubergiste, qui aurait visiblement préféré une nuit un peu plus longue leur servit leur repas en baillant. Ni Alrion, ni Gunlann ne semblaient être de retour mais Enguerrand Cormaeryn arriva avant qu'ils aient fini de manger, en compagnie d'un bûcheron d'une quarantaine d'années nommé Cormac. Ce dernier avait, il y avait de cela plusieurs années, essayé de voir s'il était possible d'établir une route menant à la forêt d'Arprofond pour en exploiter les arbres, un projet qui avait échoué dû au peu d'intérêt des villageois et à la résistance active de la faune, et probablement de la population elfique et féérique.

Lancers...

Xarss - Jet de compétence : Social : 19(d20) +1(deg) +4(Cha) +5 = 29
Ina - Jet de compétence : Connaissance (nature) : 11(d20) +11(deg) +2(Int) +2(classe) = 26

Les informations qu’avait recueilli Xarss au cours de son enquête lui avaient apporté que des rumeurs, des potins et qu’une certaine herbe poussait là où elle ne devrait pas. Sans pousser plus loin, car il en était à sa deuxième tentative en une seule journée et pour le même résultat, il revint à l’auberge pour la rencontre avec les autres. Il en manquait deux du groupe initial et ceci laissait mijoter un doute au propos du fameux Alrion, depuis le début le faussement appelé Kryssyyor était persuadé qu’il faisait partie de la main des mystères, il avait vu le nom inscrit sur le registre de la main dans la section des sentinelles, la section que Xarss avait pensé rejoindre et qu’à cause de son ambivalence du moment, car il pensait choisir une autre section, la main l’avait envoyé en mission pour lui laisser le temps de choisir. Et si Alrion était bien de la main des mystères, pourquoi partir suite à la rencontre avec Enguerrand Cormaeryn?

Chacun allait dans ses quartiers pour la nuit tandis que Xarss accompagné de Vorn passa une belle nuit à l’extérieur. Pour commencer, le danseur de bataille avait fait plusieurs heures d’étirements, de danse et de contemplation. L’ex-sombre, avant de prendre sa méditation, s’était laissé monté en lévitation sur le toit de l’auberge puis s’y était installé pour sa courte méditation. Naturellement il se retrouvait dans les bras de Félicia au début pour ensuite se retrouver à la tour de la main des mystères revoyant et revivant son cours passage qu’il avait effectuée pour y déceler un moindre indice qui pourrait répondre au doute qu’il avait au propos d’Alrion et de la main. Effectivement il revit bien le nom d’Alrion sur le parchemin des sentinelles. En ouvrant les yeux, il conclut simplement qu’il n’y avait pas qu’un chien qui s’appelait pitou.

Au petit matin, juste avant le lever du soleil il redescendit du toit et retournait dans l’auberge. Le premier arrivé à la table fut lui et Vorn. Le drow sortit la bouteille d’hydromel, s’en versa un verre puis sortit son petit traité des grandes vertus et continuait sa lecture jusqu’au moment où les autres se mirent à arriver. Ils auraient visiblement un autre membre au groupe, Cormac le bucheron. Xarss se levait à l’arrivée d’Enguerrand et de Cormac puis se présentait en souhaitant au deux un bonjour tout en politesse. Il laissait les autres se présenter et attendit la suite avec patience avant de prendre la route.

La fin de journée avait été bien remplie pour le paladin. Il avait prit soin de son âme, de son corps de son armement et de ses montures. Compte tenu des derniers jours qui s’étaient écoulés où il n’avait eu d’autres activités que la découverte de la région et l’entraînement, le serviteur de la Sentinelle Eternelle était en grande forme tant sur le plan spirituel que physique. Rien ne l’avait pressé jusqu’à lors et l’aasimar en avait profité chaque jour pour s’imposer un entraînement régulier.

Tout entraîné qu’il fut, Elion d’Alusaire ressentait une bonne fatigue en ce début de soirée. Ce qui laissait entendre qu’aujourd’hui encore, il avait su s’imposer des efforts importants. Il était propre, bien lavé et sentait bon le savon fourni par l’auberge. Le fil de sa lame était sans doute capable de couper un cheveu en deux, Aphrulãd son armure de mithral était nettoyée dans ses moindres recoins, son bouclier également. Le colosse ailé aurait presque pu participer à une parade chez les nobles. Mais pour lui, l’intérêt était ailleurs. Il ne s’agissait point de paraître, mais bel et bien d’être prêt à servir son dieu de façon optimum. Il se devait de constamment être prêt au combat contre le Mal. Et prêt, il l’était assurément.

Dès que le souper fut terminé, Elion d’Alusaire prit congé pour aller dormir. Son anneau de subsistance lui retirait toute nécessité de se nourrir. Toutefois, il eut plaisir à partager ce moment en compagnie de ceux avec qui il allait partager ces prochains jours.
Il y avait pourtant une ombre au tableau, Alrion et la gardienne sylvestre naine avaient mystérieusement disparus. Il n’y avait rien de réellement alarmant, chacun d’eux semblait en mesure de pouvoir se défendre d’une part. D’autre part, visiblement Cormaeryn ne ressemblait en rien à un coupe gorge. Toutefois, cette absence inexpliquée pouvait légitimement inquiéter. Il ne savait pas si les gaillards avaient récupéré toutes leurs affaires avant de quitter les lieux. Si tel était le cas, la raison de cet abandon, car il fallait bien appeler un chat un chat, leur appartenait. Dans le cas contraire, y’avait-il anguille sous roche ?
Le chevalier des Yeux du Vigilant n’avait aucun jugement à faire là-dessus. Concernant Alrion, il n’avait jamais été très loquace. Lui-même était avare en mot et comprenait d’autant mieux le colosse blond. Quant à la naine, elle avait déjà été absente une bonne partie de la journée. Peut-être que la nuit ferait son office et que les deux aventuriers seraient à nouveau là le lendemain matin. Le petit groupe ne devait pas bouger avant ce moment. Peut-être que cela en fut la cause, toujours fut-il qu’il ne fut échanger que peu de mots pendant le souper. Les membres de la Main des Mystères et des Gardiens Sylvestres n’étaient peut-être pas si à l’aise que cela avec cette absence des leurs ?

L’anneau que le paladin portait à son annulaire gauche offrait une autre particularité. Elion d’Alusaire n’avait pas besoin de dormir plus qu’un elfe. Quatre petites heures lui étaient suffisantes pour être aussi frais qu’un jeune gardon. Il lui fallait normalement toutefois user des dons de Heaum pour être réellement au mieux de sa forme. Il fallait dire que dormir en harnois nécessitait une certaine habitude et que malgré cela, il avait toujours besoin d’un coup de pouce divin. Mais en cette nuit calme, à l’abri dans une auberge, il prit sur lui de dormir sans. Il revêtit Aphrulãd dès son réveil alors que minuit n’avait pas encore sonné.

Il récita la prière qui était dédiée à chacune des pièces composant son armure alors qu’il les ajustait au mieux. Une fois fait, il rassembla ses effets personnels et les descendit dans la grande salle commune. Il n’y avait guère plus que l’aubergiste encore debout à cette heure là. Elion fit un rapide tour par les écuries pour s’assurer que Dano son mulet et Athear son fidèle destrier avaient tout ce qu’ils leur fallaient. A son retour, l’aubergiste avait dû partir se reposer d’une longue journée de labeur.
Elion resta seul dans la salle commune. Au doux son du crépitement des braises dans l’âtre du foyer de la grande cheminée, le paladin passa le reste de cette nuit en prière et en méditation.

Le soleil n’était pas encore levé lorsque l’aubergiste revint pour préparer son établissement à recevoir les clients du jour. Peu de temps après ce fut au tour de l’elfe noir de faire son apparition. Il s’installa à une table avec son gros chat. Le paladin le rejoignit en lui souhaitant le bonjour. Au final la lecture de Kryssyyor aurait pu être des plus courtes, mais l’aasimar l’invita à poursuivre. Compte tenu du titre, cette lecture devrait être des plus profitables à celui qui venait d’Outreterre. Les us et coutumes et les mœurs de la surface semblaient être très différents et l’elfe noir avait déjà commis quelques impairs depuis le peu de temps qu’Elion le côtoyait.

Lorsqu’Ina se présenta à son tour, le paladin la salua également et les questions qu’ils se posaient purent être posées.

- On ne se connaît pas beaucoup, mais Alrion fait également parti de la Main des Mystères et Gunlann des Gardiens Sylvestres. Je ne les connais que trop peu, et je ne connais presque rien de vos guildes. Est-ce usuel chez vous d’abandonner une mission sans rien dire à personne, ou avez-vous des réponses qui expliqueraient leurs absences ? Hier soir cela ne pas inquiéter plus que cela. Après tout, notre quête n’a pas encore réellement commencée et chacun reste libre. Est-ce qu’ils sont partis avec tout leur effets personnels, ou est-ce que leur départ semble avoir été précipité ? Je veux dire que nous avons posé pas mal de questions à pas mal de gens. Nos investigations ne sont sans doute pas passées complètement inaperçues dans un petit village comme celui-ci. Je m’inquiète qu’il ne leur soit arriver quelque chose. Je ne demande aucune explication. Toutefois, s’ils ont décidé de ne pas nous suivre dans cette chasse au monstre et que vous savez qu’il ne faut pas s’en faire pour eux, je prie de bien vouloir juste me le dire. J’arrêterai alors de m’en inquiéter.

Le paladin était un protecteur. C’était son devoir et sa destinée. Il était donc normal pour lui de s’inquiéter du sort de chacun des membres qui constituaient cette équipée.

Et ce fut sur cet entre-fait que le Compte se présenta en personne, accompagné d’un solide gaillard. Il le présenta comme étant un bûcheron dénommé Cormac. L’homme devait connaitre le secteur où ils devaient se rendre, et il ne fallait être devin pour en déduire que Cormaeryn leur avait dégoté un guide ou pour le moins un informateur.
L’elfe noir fut le plus prompt à prendre la parole et s’était bien normal vu qu’il était à l’origine de cette affaire. Naturellement, il lui revenait de prendre la tête de l’expédition. Elion d’Alusaire se leva à son tour pour les accueillir et inclina la tête en direction de chacun des deux nouveaux venus.

- Comte Comaeryn, bien le bonjour que Heaum vous garde. Quant à vous Cormac, c’est une heureuse rencontre. Je suis Sir Elion d’Alusaire chevalier des Yeux du Vigilant. Je suis navré que votre projet n’est point abouti. Pour autant, vos connaissances sur le secteur nous seraient d’une grande aide. Nous accompagnerez-vous ?

Avec la désertion inexpliquée d’Alrion et de Gunlann, le paladin était un peu aux aboies. Hier le Comte leur avait dit qu’il serait difficile de trouver quelqu’un, et aujourd’hui Cormac se présentait à point nommé. Ce fut donc plus un réflexe qu’autre chose, mais le présumé guide passa sous le regard inquisiteur de Heaum pendant que la Gardienne Sylvestre se présenterait.



Elion d’Alusaire utilise détection du Mal sur Cormac.

Si le vol sous forme d’oiseau lui plaisait au plus haut point, elle n’était pas mécontente non plus de chasser sous cette forme. Une telle agilité et une telle vitesse de plongeons lui donnait des poussées d’adrénalines qu’elle ne trouvait pas ailleurs. La reconnaissance lui permit de trouver le chemin qu’ils emprunteraient le lendemain et d’obtenir quelques renseignements sur la topographie des alentours. Renseignements peu utiles, probablement, mais toujours mieux que rien. Le temps lui manquait pour pousser plus avant ses investigations géographiques.

Une fois de retour au bercail, elle découvrit avec étonnement que Gunlann s’était volatilisée. Ce n’était pas dans les mœurs des gardiens d’abandonner une mission en cours surtout si tôt après être arrivé sur place. Peut être la naine avait elle fait un rapport aux chefs de confrérie et ces derniers lui ont donné l’ordre de rentrer pour une mission différente sachant qu’elle était avec des hommes qui semblaient de confiance et parfaitement capables de se défendre eux et elle si le besoin s’en faisait sentir. En tout cas, sans nouvelles de la part de la confrérie ni de sa consœur, elle ne pouvait rester que dans le doute.

Au petit matin, la jeune femme se leva et pris un peu son temps pour se préparer et s’apprêter. Nettoyer un peu son visage de souillon, coiffer ses cheveux bruns sommairement et essayer de les attacher avec un lacet de cuir marron. Elle fit l’inventaire des ses affaires, vérifia que tout ce qu’elle emportait avec elle était toujours là et en particulier ses bijoux, qu’elle gardait précieusement depuis sa toute première mission en récompense du sauvetage d’enfants. C’était bien avant de rejoindre la confrérie. Elle était une autre femme qu’alors. Bien différente en caractère et en impulsion. Mais ce souvenir lui faisait toujours un bien fou, de se dire que cette petite écervelée pleine de rage avait tout de même réussi avec d’autres à faire quelque chose de bien. Une époque qui lui semblait si lointaine.

Elle s’habilla en ramure et avec son barda complet sur le dos, qu’elle posa dans un coin de la salle commune. Comme ils allaient partir pour de nouveaux horizons, elle ne laisserait rien derrière elle. Elle vérifia que la missive était toujours sur elle dans un recoin de son barda le plus a l’abris possible des voleurs éventuels.

Au petit déjeuner, elle découvrit qu’en fait tout le monde l’attendait déjà. Elle s’excusa rapidement et laissa sa compagne se poser sur son épaule pour grignoter avec elle quelques vivres pour commencer la journée. Elle avala quelques fruits et du pain, arrosé d’eau tout ce qu’il y a de plus banale.

Tout en mangeant, elle répondit à Elion :

- Oui, Gunlann semble bien partie. Ce n’est pas dans nos habitudes de décaniller aussi vite surtout qu’elle venait a peine de me retrouver, mais étant donné que vous êtes là et que nous allons faire un bout de chemin ensemble, elle a peut être fait un rapport a mes chef et ils ont nécessité sa présence ailleurs. Je la plains, elle qui n’aime pas trop marcher, elle a à peine eu le temps de se reposer avant de relancer la marche.

Elle mangea encore quelques morceaux de pain puis continua.

- Nous faisons partie de la confrérie des gardiens sylvestres. En résumé très rapide, c’est un groupe de personnes de tous horizons qui œuvrent autant que possible pour la protection de la nature, entre autres, en haute foret majoritairement mais parfois ailleurs, comme aujourd’hui. Nous pensons que la cohabitation entre la nature et les espèces intelligentes qui peuplent de plus en plus ce monde est possible en symbiose plutôt qu’en exploitation. Enfin, tout ça c’est les grandes lignes hein, ya des subtilités dans tous les sens et j’ai beau y diriger une branche, je ne suis pas au fait de tout ce qui s’y fait. Loin de là.

Elle avait la bouche pleine lorsque le compte fit son apparition avec ce qui semblait aller devenir leur guide. Elle avala rapidement au risque de s’étouffer le morceau qu’elle avait à peine mâché, se leva toussa quelques fois et se présentât un peu essoufflée de cette déglutition fastidieuse.

-Ina, gardienne sylvestre, en mission pour la confrérie du même nom. Alors comme ça on va faire un bout de chemin ensemble ? Je suis spécialiste en forêt et en faune forestière, vous pourrez me dire ce qu’était votre plan et on pourra voir si on peu l’améliorer pour le pérenniser en tout respect de la nature ? Ça nous fera passer le temps sur la route.

Elle se rassit rapidement, pensant que ses courbettes et sa présentation seraient suffisant.

Vingt-Quatrième jour du Mois de la Fonte, année des Dragons Renégats.
24 Mirtul 1373 (CV)
Lieu : Cormaeryn (Nord de Gué-de-la-Dague)
Moment : Un peu avant l'aube
Météo et températures : 5°C, ciel dégagé, légère brise

Une fois que les trois aventuriers eurent achevé leurs courtes introductions, Cormac confirma qu'il avait prévu de les accompagner et, autant que faire se pourrait, de leur servir de guide. Que cela soit parce que l'apparence et les talents de ceux qu'il avait accepté d'accompagner étaient inhabituels et impressionnants ou parce qu'il se trouvait dans la situation, peu enviable, de devoir expliquer à une protectrice de la nature que la planification de son emploi habituel se limitait généralement à trouver un arbre dont l'essence correspond aux besoins et à la direction dans laquelle l'abattre pour en faciliter le transport. Se laissant entrainer dans son élan, il commença ensuite à expliquer que la majorité des arbres qui poussaient en bosquets aux environs de Cormaeryn étaient d'une essence peu adaptée à une utilisation extérieure et qu'il souhaitait donc utiliser les résineux de la forêt d'Arprofond pour combler ce manque.

Pendant que le bûcheron élaborait sur les problèmes de manque d'installation d'élaguage et de routes adaptées au transport de troncs entiers, Elion usa de ses pouvoirs magiques pour s'assurer que leur nouveau compagnon n'était maléfique. La magie ne sembla pas capter la moindre aura négative dans les environs de Cormac ou dans une autre direction d'ailleurs. Elion eut le temps de voir le Comte froncer un sourcil en le regardant avant de hausser les épaules. Enguerrand s'excusa ensuite auprès de la compagnie.

-Je ne pense pas que ma présence soit nécessaire. Je vous souhaite bonne chance et bon voyage.

Vingt-Quatrième jour du Mois de la Fonte, année des Dragons Renégats.
24 Mirtul 1373 (CV)
Lieu : 1 journée de voyage au Nord-Est de Cormaeryn
Moment : Crépuscule
Météo et températures : 7°C, ciel dégagé, légère brise

Le groupe n'avait pas tardé à quitter l'auberge à son tour. Le Comte avait prévu des montures pour ceux qui en avaient le besoin. L'aubergiste ne sembla pas mécontent de voir un peu moins de ses chevaux envoyés qui savait où qu'initialement. De son côté, Cormac admit qu'il ne savait pas monter à cheval et qu'il allait donc cheminer à bord de sa charette. Cette dernière était plutôt longue mais semblait solide. Le boeuf qui la tirait était placide et ne broncha quand les chevaux se mirent en route et que Cormac lui intima de les suivre. Cela faisait que le rythme de la progression du groupe était plutôt lent et les aventuriers eurent donc le temps d'admirer le paysage.

Pendant la partie initiale du voyage, un chemin sur lequel ils croisèrent quelques autres charettes de plus petite taille, les mena vers le nord en sinuant un peu mais en gardant globalement une direction fixe. Mais après quelques temps, les champs disparurent et les aventuriers se trouvèrent sur une plaine. Le chemin devint plus indistinct mais continuer vers le nord n'offrait pas de grande difficulté. Le sol, encore humide de la pluie de la veille, était un peu boueux et Cormac reprit ses explications sur le fait que la moindre averse rendait la plaine difficile à traverser avec un chargement mais qu'il n'y avait pas assez de passage pour justifier de marquer le chemin et de le couvrir de gravier pour le rendre plus praticable.

Une bonne partie de l'après-midi s'était écoulée et le chemin disparaissait maintenant parfois pendant de longues distances avant de resurgir aux milieux des herbes sauvages quand le groupe arriva à un croisement avec un chemin plus large et balisé de pierres sur lesquelles étaient gravés des nombres à la fois en Thorass mais aussi avec des runes elfiques et nanesques. Cormac conseilla de suivre ce chemin qui se dirigeait plus vers le nord-est que celui qu'il avait suivi jusqu'ici. La forêt d'Arprofond était maintenant clairement visible sur leur gauche tandis qu'ils continuaient leur progression. Après quelques heures supplémentaires, et avec le soleil qui commençait à disparaitre derrière les montagnes à l'ouest, Cormac proposa de s'arrêter pour la nuit.

-Nous ne devons plus être très loin de la région qui vous intéresse. Quel est le plan?

Le Ssri’Tel’Quessir, n’avait pas vraiment parlé depuis leur départ, à moins que l’un des membres du groupe eût des questions pour lui, il continuait à contempler le paysage. S’il y avait une chose depuis sa sortie qu’il avait toujours appréciée, c’étaient les déplacements. De percevoir et d’appréhender la beauté de l’extérieur était et resterait pour lui, un plaisir inassouvi. De plus, depuis la dernière mission il avait eu loisir d’avoir une monture et appréciait par-dessus tout le contact étroit entre les deux êtres, le cheval était une monture extraordinaire, un peu trop odorante à son goût, mais comment agréable la relation et l’espèce de lien qui pouvait se créer entre le cavalier et la monture. Tout au long de la journée, de temps à autre, Xarss pressait les flancs pour aller voir un peu en avant du convoi pour y percevoir un danger potentiel, mais à chaque fois il revenait avec le même constat, rien de dangereux devant et autour d’eux. Il avait pris les précautions nécessaires pour ne pas faire peur aux badauds qu’ils croiseraient sur la route et avait, devant leur groupe revêtit sa chape de déguisement qui lui donnait l’aspect d’un elfe de lune, amusé de voir le regard de son groupe sur lui, il avait expliqué que c’était un cadeau de l’archimage Arkhen de Lunargent qui lui avait offert pour ne pas alarmer les citoyens bégueules de la cité joyaux et par le même fait il expliquait qu’il ne la portait pas pour tromper les gens, mais bien pour adoucir les mœurs et éviter les outrages potentiels d’une rencontre fortuite. Espérant bien entendu que cela n’offusque personne de son entourage proche et qu’il en disposerait si jamais cela froissait quelqu’un.

Il était évident que le faussement Kryssyyor, ne voulait pas déplaire et qu’il était tout à fait différent de ses proches détestables. S’il jouait un jeu, il serait vite fatigué, car il semblait, du moins jusqu’à présent, civiliser et véritablement aimer la surface. Il fut quand même heureux lorsque le soleil se couchait derrière les montagnes et put enlever la capuche de son piwafwi et respirer plus librement l’air frais des lieux et admirer de toute part cette lumière merveilleuse qui donnait aux hautes herbes des couleurs tout à fait remarquable et splendide, sans compter des odeurs diverses qui avec la tombée du soleil, faisaient en sorte qu’il y avait un savant mélange agréable qui les entourait.

Lorsque Cormac proposait d’arrêter pour la nuit, il sautait en bas de sa monture et s’autorisait à aller prendre les autres pour les regrouper et faire leur toilette journalière. Ashura, la belle guerrière qui l’avait accompagné dans sa dernière mission lui avait inculqué cette tâche qu’il appréciait. Tout en disposant les chevaux pour passer la nuit et en les peignant avec des herbes sèches pour les débarrasser de la sueur de la journée il dit à l’attention du groupe…


-J’ai besoin de très peu de repos, à peine une heure, alors pour les tours de garde, je peux prendre le premier et ensuite vous pourrez tous vous reposer un maximum, je veillerai la nuit durant, vous n’avez pas à vous inquiéter, je vous réveillerai seulement si un danger approche, ayez confiance. –

Il y avait dans sa voix une vérité évidente et en même temps un léger persiflage qui lui donnait un pli sur sa commissure droite. Une forme d’humour propre à lui qui devait être une déformation de sa vie d’auparavant. Il était vrai que sa nouvelle apparence lui donnait un air plus enjôleur que son rictus de marbre de Ssri’Tel’Quessir.

Il avait disposé de son sac, qu'il appuyé sur l’une des roues de la charrette et c’est seulement à ce moment que Vorn sauta en bas pour se dégourdir pour aller chasser quelques musaraignes locales. Xarss en profitait pour sortir sa chaine cloutée, prendre un peu de distance et profiter des dernières lueurs du soleil pour s’entrainer davantage.

Si le forestier Cormac était une compagnie agréable, Ina passait son temps entre les airs et la charrette quand elle souhaitait se reposer les ailes. Elle s’était transformée deux fois durant le trajet, une fois le matin et une fois l’après midi. Son plaisir de voler était toujours aussi fort quel que soit le moment de la journée et quasiment quel que soit le temps. Elle n’avait encore que peu d’expérience de vol en tempête. C’était très éprouvant, tant moralement que physiquement. Mais ce n’était pas le cas aujourd’hui. Tout allait bien.

Quand elle n’était qu’une humaine, passagère dans la charrette du guide, elle prenait le temps de discuter avec lui. Son projet, elle le sentait un peu, ne semblait pas tellement propice a une collaboration, ni encore moins a une symbiose entre l’humain et la nature et les créatures magiques qui pourraient avoir élu domicile dans la foret alentour.

Elle essaya tant que possible de lui expliquer qu’il pourrait leur demander de l’aide, des conseils si l’occasion se présentait. Chacun des arbres de la foret était connu des créatures qui y vivaient donc elles seraient les plus a même de savoir quel arbre pouvait être taillé et quel autre ne devait pas même souffrir la moindre entaille. Tout est possible quand on se met d’accord, les elfes eux même coupent bien des arbres pour construire leurs villes arboricoles. Il suffit simplement de le faire convenablement dans le respect des autochtones. Il fallait aussi ne pas rameuter la moitié des bucherons de la région et se contenter de ce qui sera donné sans vouloir en prendre plus au risque de passer de quelques arbres récoltés a absolument aucun. Cependant, Ina avançais ses arguments avec un point de vue un peu humain et surtout financier. Un arbre sélectionnés par des habitants de la forêt pourrait valoir plus cher car d’une qualité incomparable par rapport a ce qu’un humain même bucherons lambda ne saurait sélectionner.

Le jour commençait à décliner quand le guide proposa de faire une halte pour la nuit. Le Drow qui les accompagnaient proposa de faire presque toute la garde seul. C’était tentant dans la mesure ou si lui n’avait besoin que d’une heure de repos, elle en avait bien besoin de 8. Elle lui proposa de lui tenir compagnie pour commencer, et peut être faire de plus amples connaissances, puis qu’elle prendrait un tour seul ou avec Eion pendant le repos du Drow et finalement, elle ferais sa nuit complète à la fin. En y repensant durant la préparation du camp, elle se dit qu’il faudrait quand même qu’elle fasse ‘effort d’appeler Kryssyor par son nom, mais elle avait tellement de mal a le prononcer qu’elle l’interpelait le plus souvent du temps avec des interjections classiques. Ina avait laissé ses affaires dans la charrette, et n’avait préparé que son matériel de base pour la nuit. Elle dormirais comme a son habitude tout habillée avec son armure malgré l’odeur forte a laquelle elle était habituée, mais peut être pas les autres. Elle ne pris pas le temps non plus de se laver ou de faire semblant de nettoyer un peu ses affaires. La nature suivait son cours, et elle ne se laverait que dans un cours d’eau justement. En attendant, seule femme au milieu des hommes, elle resterait habillée tout le temps. Qu’ils soient paladins ou démons, les hommes sont parfois un peu trop…enfin pas assez… bref, elle n’avait pas envie. Sa compagne se trouva un arbre au calme à l’orée de la forêt, pas loin d’eux.

Leur guide serait indéniablement un nouvel atout de taille pour la petite équipée qui allait se mettre en route. Cormac avait passé avec succès le regard de Heaum. Pour Elion s’était à la fois un soulagement et un signe de bon augure. Lorsqu’il posa à nouveau ses yeux vides de vie sur le comte, ils luisaient encore d’une aura topaze plus intense qu’habituellement. Le paladin remarqua que le comte l’observait. Lorsqu’il leva un sourcil en haussant les épaules, Elion compris que le comte lui signifiait qu’il n’était pas dupe et qu’il savait exactement ce que le paladin venait de faire. Le chevalier des Yeux Vigilant resta de marbre.

L’aasimar n’avait pas tenté de cacher quoi que se soit. Il n’avait aucune culpabilité. Il était le Protecteur de ce nouveau groupe. D’autant que l’autre serviteur de Heaum avait mis les voiles sous d’autres horizons. Les voies de la Sentinelle Éternelle étaient impénétrables.
Il lui revenait donc de faire tout ce qui serait en son pouvoir pour assurer ce rôle et il n’avait aucune intention de faillir à son devoir. Un inconnu rejoignait le groupe, il était de son devoir de s’assurer qu’il ne serait pas une menace. Maintenant l’homme était également passé sous sa protection.

Le code de l’honneur et ses vœux de chevalier des Yeux Vigilant lui interdisaient de mentir. Il ne l’avait jamais fait, même lorsque cela lui valu d’être traîné dans la boue. Conduit dans un cul-de-basse-fosse en attendant un procès qui n’aurait rien d’équitable.
Il avait tué un homme. Oui, et il le revendiquait, l’assumait sans aucun regret ou culpabilité. Cet homme était rongé par la noirceur de son âme. Esclavagiste, le paladin l’avait défié en duel. Épargnant la vie de ses hommes et celles de ses compagnons de la Compagnie des Marches. Le Vilain s’était caché derrière ses hommes en les lançant contre le serviteur de Heaum. Elion avait subi sans jamais attaqué les hommes de main. Il occis le lâche et libéra les esclaves et les hommes de main de la vilenie de leur tortionnaire. Il avait vaincu le Mal seul. Il avait fait son devoir et il n’en avait tiré ni fierté, ni honte. Il était le bras armé de Heaum. Il n’était en vie que grâce à lui et cette vie appartenait à son dieu. Jusqu’à lors, il n’avait jamais faibli et il n’avait jamais failli. Seul contre cinquante, il avait chevauché. Lame en main, prière en bouche il avait galopé au devant d’une mort certaine. Mais une mort digne dans une charge héroïque au nom de son dieu. Il avait été vaincu et fait prisonnier. Mais quel moment de grâce cela avait été.

Non, il n’aurait aucun geste, aucune parole pour émettre la moindre excuse envers le Comte. Ceux qui l’accompagnaient pourraient à tout moment compter sur lui pour les protéger. Jusqu’au sacrifice ultime si Heaum en avait décidé ainsi. Il l’avait déjà accepté, il avait longtemps. Il ne finirait probablement pas sa vie en mourant de vieillesse seul dans son lit. Sur le champ d’honneur en luttant jusqu’à son dernier souffle contre le Mal, voilà une mort digne d’un Chevalier des Yeux du Vigilant.


Le départ eu lieu peu après que le Comte ne quitta l’auberge. Le petit convoi s’élança vers le Nord à vitesse des plus modérée. Il faudrait faire avec. Leur guide ne sachant pas monter à cheval, il lui fallu donc voyager en charrette. Elion d’Alusaire avait déjà escorté un convoi qui avait à peu près cette taille. C’était pour la Compagnie des Marches.
Si cette aventure lui laissait un goût amère dans la bouche, c’était parce qu’on l’avait poussé à la limite de ce qu’il pouvait accepter.
Hector, son mentor, lui avait appris à tout endurer. Le chaud, le froid, les privations de toutes natures eau, nourriture, sommeil, il lui avait fait vivre ce que d’aucun appellerait un véritable enfer. Mais ce paladin avait en réalité forgé une arme parfaite pour servir Heaum. Imperturbable, méthodique, froid comme la glace, Hector avait appris à son apprenti à refouler toute forme d’émotion. Elion n’avait jamais rit, il n’avait jamais pleuré et il n’avait jamais aimé non plus. Lisse comme la surface d’un lac en été, rien ne pouvait avoir de prise sur lui. Rien, excepté Heaum lui-même ! Il n’avait pas d’ami, pas de femme et pas d’enfant. Il ne vivait que pour servir le Vigilant et parcourir le monde à la recherche du Mal. Le trouver et l’éliminer avant qu’il ne cause des dommages.
Mais cette mission d’escorte là, l’avait obligé à côtoyer un demi-orque gangrené par le Mal. Micheletto lui avait fait vivre son enfer. Devoir se partager sans cesse entre son devoir d’éliminer le Mal avant qu’il ne commette des dommages, plutôt que de les réparer, et son devoir d’obéir aux ordres de ses chefs. Fort heureusement, à cette époque il était épaulé par une paladine de Torm Vëla qui l’avait aidé à trouver des voies insoupçonnées pour tenter de faire coïncider les deux. Au final, Micheletto avait finit par s’échapper avant que le serviteur de Heaum ne puisse éliminer sa noirceur de la surface de ce monde.

Là s’arrêtait la comparaison, car il était bien plus agréable aujourd’hui de cheminer en bonne compagnie, tranquillement en assurant les arrières du convoi. Kryssyyor et Ina prenaient régulièrement les avants délaissant la sûreté arrière. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit, le Chevalier avait prit se rôle à son actif. Le rythme était suffisamment lent pour qu’il puisse même s’entraîner en courant derrière la charrette. Un effort important compte tenu de sa tenue, mais c’était en souffrant lors des entraînements que l’on pouvait forger son corps et son mental à être à leur meilleur potentiel lors des combats.
Tout comme la druidesse, il aimait aussi déployer ses ailes pour prendre de l’altitude. Mais contrairement à elle, lui s’en allait surveiller les arrières du groupe. Ses vols ne duraient guère longtemps, car il ne voulait pas se faire surprendre et s’apercevoir que le convoi était attaqué alors qu’il était au loin derrière. Au fur et à mesure, les postes de chacun s’organisèrent de façon à ce qu’il y ait toujours au moins deux personnes avec la charrette.


Finalement le soleil déclina vers l’horizon et Cormac sonna l’heure de la fin de progression pour cette première journée. Tout avait été si calme et reposant, qu’il aurait pu poursuivre plus avant dans la nuit. Mais les humains auraient besoin de se reposer et de dormir pour être en forme le lendemain. En outre, leur vision ne leur permettait guère de pouvoir être aussi efficace la nuit que le jour. De fait, le paladin mit pied à terre et aida à l’organisation du camp.
Lorsque le drow voulu s’approcher de Athear son destrier et de Dano son mulet, il eut une drôle de surprise. Ses deux montures étaient dressées d’une main de fer. Elles avaient toujours été bien traité et n’avaient jamais manqué de rien. Mais les approcher sans le consentement du paladin c’était prendre le risque de se faire sauvagement mordre ou saboter. Dano protégeait l’équipement du paladin. Sans qu’il n’en donne l’ordre, il protégeait les biens qui incluait leur nourriture. S’il ne pouvait pas faire en sorte que personne ne l’approche, il prenait la fuite. Quand à Athear, il était dressé au combat et portait certaines armes du paladin. Autant dire que l’approcher sans approbation du maître, c’était prendre un sérieux risque. Les bêtes n’étaient pas méchante en soit. Mais elles obéissaient au doigt et l’œil, en fait plus aux sons et aux gestes. Chaque manquement se payait sévèrement par une nouvelle séance de dressage sans concession. Comme lui-même avait appris à être toujours vigilant, à force de coups et de brimades, il avait appris à la dure. Ses montures suivaient le même entraînement. Tout comme lui était l’outil de Heaum, les équidés étaient ses outils à son service.

Alors quant le drow s’approcha d’elles, le destrier et le mulet commencèrent par renâcler bruyamment. Un avertissement sans frais, mais qui voulait bien dire ce qu’il voulait dire. Il était inutile de vouloir tenter d’amadouer les équidés. Ils ne mangeaient que lorsqu’il en avait reçu l’ordre. Ça avait été long, de faire en sorte qu’ils restent de marbre devant un seau d’orge ou une botte de foin. Mais à force de persévérance, il y était arrivé. Immédiatement averti par ses montures, Elion siffla un coup bref. Et les deux montures cessèrent instantanément. L’aasimar s’approcha du Drow et lui expliqua de ne pas s’occuper de ses montures. C’était son devoir à lui, et ce n’était pas une corvée. Le paladin voyait ce moment là comme un instant privilégié où il pouvait montrer à ses compagnons toute l’attention qu’il avait pour eux. On ne pouvait pas parler d’amour. Une arme ne tombait pas amoureuse d’outils. Mais il y avait un lien fort et c’était en s’occupant d’eux que le paladin maintenait ce lien. Il pouvait se montrer extrêmement dur avec elles en cas de manquement. Mais il pouvait aussi être très prévenant lorsque tout allait bien. Il remercia Kryssyyor de son intention, et de sa compréhension.

Méthodique, il commença par aider au montage du campement. Son devoir de protection passait aussi par ce qu’il appelait une protection passive. Veiller à ce que ses protégés ne manquent pas de feu, de sommeil ou de nourriture, c’était s’assurer qu’en cas de besoin, ils seraient à leur maximum pour défendre leur vie. Ensuite, il s’occuperait de ses montures, de ses armes et de son armure, enfin de lui-même en commençant par son âme avant de s’occuper de son corps. Le rituel était immuable lui passant en dernier. Tel était le devoir d’un Chevalier des Yeux du Vigilant.

Lorsque tout fut enfin prêt, Cormac posa une question de sens. Quel était le plan ? Naturellement, Elion tourna son regard vers le Drow. Pour le serviteur de Heaum le Ssri’Tel’Quess avait prit la tête du détachement compte tenu du fait qu’il était l’instigateur de tout ça. Mais à sa grande surprise l’elfe noir répondit à côté de la question. Du moins, c’est ce qu’il pensa. La question du guide allait probablement au-delà de l’organisation des tours de garde. Naturellement chacun s’était rapproché du feu de camp et lui-même y trouva place.

- Je n’aurai besoin que de quatre heures pour me reposer et comme Kryssyyor, je vois très bien la nuit. Ha oui et je n’ai pas besoin de manger, alors conserver ma part pour vous. J’irai me coucher dès maintenant pour être prêt pour la nuit.

Le bras armé de Heaum se tourna vers l’elfe noir. Il devait bien l’avouer, le drow était particulièrement impliqué dans la sécurité du groupe, pour la plus grande satisfaction du paladin. Il avait passé sa journée à faire des allers et retours entre la charrette et les avants du convoi. Bien qu’il ne put voler et que ce travaille aurait pu être fait par Ina ou lui-même. L’elfe noir s’était astreint à ce devoir avec abnégation. C’était remarquable pour un drow. Pour autant, là, il n’avait pas répondu à la question. Elion donna donc son point de vue.

- Je pense que la question n’était pas là. N’est-ce pas Cormac ? Notre guide souhaite savoir par quoi nous allons commencer. Jusqu’à lors, les rumeurs ne se sont pas réellement confirmées. Et nous sommes potentiellement partis à la chasses aux chimères. Il va nous falloir avoir du tangible, recouper les renseignements pour les confirmer ou les infirmer. Et pour ça, il nous faut d’abord trouver ce renseignement. Je propose que nous commencions par une enquête de voisinage. Passons par chaque ferme, chaque masure, cabane, campement que nous croiserons. Il faut commencer par se renseigner, trouver des informations qui valideront ou pas les rumeurs. Par la même occasion, cela nous en dira peut-être un peu plus sur ce que nous serons susceptibles de chasser. Qu’est-ce que vous en pensez ? Les autochtones qui savent quelque chose sauront que quelqu’un s’occupe du problème. Ceux qui ne savent rien seront ainsi alertés et pourrons faire attention.

C’était sa vision des choses et sa façon de faire, franche, frontale et honnête. Pour autant il ne dirigeait pas le groupe et la décision ne lui revenait pas.

Le c'rintri n’avait pas poussé plus loin le vouloir de s’occuper des chevaux du rivvil dalharuk kyone, nom qu’il lui avait donné ce qui se traduisait en gros comme l’humain fils du vigilant. Ce dernier semblait tenir à ses bêtes et à son entretien et Xarss ne fut aucunement offusqué, tout au contraire, Élion aurait pu le laisser face à eux et devant un danger. La bienveillance du paladin émut presque l’ex-sombre.

Lorsque vint le temps à Élion de donner son point de vue, le faussement appelé Kryssyyor eut un sourire complice et attendu la fin des dires du guerrier divin puis il ajoutait…



-Ha, désolé Élion, depuis ma sortie j’ai une trop grande tendance à vivre au moment présent. Oui bien sûr, nous devrons approcher les fermettes et toute habitation que nous croiserons, aller même jusqu’à nous déplacer vers elles pour en savoir davantage. D’ailleurs je m’en veux de ne pas avoir demandé aux charrettes que nous avons croisées plus tôt aujourd’hui, mais je me disais que nous étions encore trop près du village, mais effectivement, nous avons peut-être manqué une chance d’en savoir plus. –

Il jetait un regard vers Ina puis avec une pointe de questionnement il demandait…

-Vous très cher qui appartenez aux gardiens sylvestres, ne pensez-vous pas que la nature pourrait possiblement mieux nous renseigner que la gent agreste locale? Je demande cela, car j’ai fait un bout de chemin avec un druide, et il pouvait communiquer avec les animaux ainsi qu’avec les plantes. Sachez par contre que je n’ai jamais vraiment pu savoir si cela était vérifiable bien entendu, il avait un comportement assez… spécial. Il avait tendance à parler à quelqu’un d’autre quand nous étions que tous les deux, bref… cela pourrait être une piste. Un peu comme Vorn, quand il sent le danger, il à tendance à me le faire savoir et m’indiquer vers où. –


Ses mouvements avec sa chaine étaient lents, mais bien exécutés, il pouvait sans problème continuer de parler tout en s’entrainant. Il se semblait d’ailleurs plus travailler les mouvements que de faire un véritable entrainement, ce qui signifiait qu’il était encore à l’apprentissage du maniement de cette arme qui semblait être faite d’une chaine usée qui s’était brisée.

Tout en se préparant à sa nuit, Ina écoutait les propositions de ses compagnons de route. L’un marquait un point non négligeable de chasse aux chimères, l’autre lui proposait d’aller se renseigner auprès de la faune locale. Il est vrai qu’elle pourrait tout à fait profiter de ses dernières métamorphoses pour aller chercher des congénères et trouver des infos à donner aux autres. En son for intérieur, elle se demandait si cela valait bien la peine, souvent les animaux sont mus par l’instinct de survie, de conservation. Donc a part manger dormir se reposer et se reproduire, il n’y a que peu de chose qui les intéressent. A moins de tomber sur une créature à l’intelligence un peu plus développée comme celles qui empêchaient le bucheron d’effectuer son travail les infos seront probablement minces.

Ina inclina la tête sur le côté avec un sourire pour répondre à Kryssyyor.

-Les druides ne sont pas connus pour être des créatures sociales. Et leur isolement amène souvent un brin de folie et d’excentricité… d’ailleurs, si vous ne vous servez pas de votre ombre, je peux vous l’emprunter ?

Disant cela le plus sérieusement du monde, elle ne put résister longtemps à sa petite blague et son visage sérieux se forçant à ne pas rire de sa bêtise se mua en visage très souriant bien malgré elle.

-Je vous charrie ! Je ne sais même pas si on peut prendre l’ombre de quelqu’un. Pour revenir à votre question, je peu parler à la faune locale, sans souci, je peux m’absenter quelques temps et voir ce que la foret a à nous dire. Le langage des plantes, dans un autre domaine, est bien plus…étrange. Il ne faut pas être pressé, quand un chêne centenaire vous parle, c’est assez fastidieux et long de mon expérience, et je ne suis pas d’une patience infinie. Si je peu éviter cela, ça m’arrange.

Elle marqua une pause et interpella leur guide amicalement.

-Mais Cormac nous a dit qu’il y avait une population elfique et féerique dans le coin, c’est une autre piste à envisager. Je peu vous proposer d’aller à la chasse aux fées et animaux du coin, avec Leth ce soir. Et demain on se fait la tournée des fermes et villes elfiques. Entre tout ce monde-là, on a quand même des chances d’avoir une info qui tienne la route ? Et si je suis en danger à un moment, Leth viendra vous trouver. J’avoue que pour parler aux fées et animaux il est préférable que vous ne soyez pas présents. Vous risquez de les effrayer. Si ça vous conviens, je part juste après diner.