L'oeil des Sorcières, Aventure dans les Moonshae

Narration

- La Sylve dont tu es l’héritière n’est qu’un reflet dilué dans des siècles d’éloignement. Les Fées reviennent. Quand ils ne parlent pas de dragons, tous le murmurent, vous aussi vous avez dû en entendre parler. Dans l’ombre, elles placent leurs pions et je ne parle pas de Grigs, de Pixie ou de Dryade, eux tremblent tout autant, il n’est que normal qu’ils cherchent ton aide. Je parle de la Cour elle-même ! Les nobles leShay, avec qui reviendront les Fomorians, fléaux et maitres des Firbolgs.

Sylaruil connaissait dans les grandes lignes l’histoire de la Cour Sombre de Féérie mais comme d’un temps révolu, pas comme une malédiction qui risquait refaire surface. Si les histoires disaient vrai … et que Chélidoine ne mentait pas, l’avenir était bien sombre …

- Oh non les Guenaudes n’ont pas été bernées… Elles ont pris le risque de prendre le danger près d’elles et d’extraire Marge à d’autres maitres bien plus dangereux et vous avez détruit ce qui était en passe de réussir. Nous aurions pu assurer l’équilibre, nous aurions pu prendre soin d’elle.

Chélidoine serrait les points, il lui devenait impossible de ne pas éclater. Elle fit voler en éclat sa couverture :

- Mes intentions Sahadeva, fils de Bûna ? Venger mes sœurs et vous détruire, en prenant le risque d’être mortellement blessée ou vous laisser vivre avec la connaissance de votre responsabilité de ce qui suivra ? Mes intentions alors que vous avez juré notre perte parce que le ‘mal’ vous est insupportable alors que vous ne faites rien de mieux sous le masque du bien ? Et si je tombe, arrêterez-vous Marge ?

A deux pas, une chouette venait de tomber de l’arbre sur lequel elle s’était perchée. Elle ne suivait rien de ce qu’il se passait et ne l’intéressait absolument pas. Elle aurait voulu fuir la fumée mais tandis qu’elle étendait les ailes, une fouine lui avait bondi dessus. Elle cria sa surprise et son désarroi en se rendant compte qu’elle s’accrochait. Son petit cerveau de volatile ne pouvait imaginer qu’elle souffrait à cause d’une humaine pour avoir aidé la Guenaude à les trouver. A elle, les notions de bien et de mal, toutes relatives qu’elles furent, n’avaient aucun sens, aucun intérêt.

Comme ses deux sœurs avant elle, Chélidoine, qui perdait ses traits agréables et fin pour prendre ceux d’une humanoïde parcheminée, profondément ridée, et aussi hideuse qu’une créature de cauchemar, ne lança pas les hostilités. Peut-être voulait-elle croire encore en ces aventuriers ?

À sa question, Vêla n’eut aucune réponse, mais la confirmation de son doute. De suite, sa demande à Torm fut faite puis dans ses mouvements elle prit la poigne d’Ô sainte dans son dos et fit un pas de placement pour dégager une partie de la guenaude enfin dévoilé. Sa vision du juste lui permettait de continuer de voir l’aura de mal qui se dégageait de la dernière des trois sœurs.

Son visage était stoïque, tout comme celui d’Élion D’Alusaire. Son esprit ne cherchait pas à comprendre ou à clarifier l’évènement, non, il était simplement en processus d’acte, celui d’éliminer le mal devant elle.

Son âme par contre vacillait, les mots de la guenaude, aidé des derniers évènements que la paladin avait subis, venaient creuser tranquillement un fossé qui malencontreusement ébranlait les fondements de la jeune femme. Vêla savait qu’elle ne sortirait pas de cette mission totalement saine, elle savait qu’une retraite pieuse lui serait indéniablement recommandée. Son tempérament si bouillant de la Rashéménie fit une pointe lui montrant la suite dans des images claires, cependant incertaines.



Sort; éveil du péché.

Chélidoine avait finalement révélé sa véritable nature, ainsi que ses intentions.

Ses propos avaient semé le doute dans l'esprit du Maquar mais il était sûr de deux choses. D'une part, tout cela ne pourrait se finir que par un affrontement, tant il y avait de la colère de part et d'autre. D'autre part, les guenaudes n'étaient pas aussi "bonnes" que leur interlocutrice voulait leur faire croire. Il se remémorait le fait qu'elles aient laissé faire Marge alors que le hameau subissait les pires horreurs. Il n'oubliait pas non plus les propos d'Hallgrim Waaler qui avait dressé un portrait peu flatteur à leur sujet. Il était tout aussi persuadé qu'ils n'en avaient pas fini avec Marge et que leur prochaine mission serait de la rattraper et de lui demander des explications.

Mais ils n'en étaient pas encore là et faisaient face à une redoutable adversaire. Vëla était déjà entrée en scène, psalmodiant d'étranges prières. Elle avait ensuite, par un étrange rituel, touché la guenaude qui en était restée interdite.

Sahadeva profita de l'occasion pour dégainer Nakula et s'approcher autant que possible de Chélidoine, puis il déclara à sa cible :

- Nous rattraperons, Marge, je te le garantis, et nous l'arrêterons si nécessaire. Mais nous devons t'arrêter aussi. Si c'est inscrit dans l'Adama, tu vivras pour contribuer à l'ordre cosmique...

Il la frappa de son cimterre, sans toutefois chercher à lui infliger de blessure létale.

Attaque au cimeterre avec frappe assujetissante (dégâts non létaux).

Toujours dissimulé dans l'ombre du mur, Tijak assistait à l'explosion de colère de Chélidoine qui s'affichait maintenant au grand jour. Cette métamorphose soudaine balaya les derniers doutes du gamin, jusqu'alors trop confiant et naïf.

Le garçon avait besoin de bases solides et, même s'il se faisait certainement aussi manipuler par Hallgrim Waaler qui les avaient envoyé détruire le cercle, il voulait croire qu'il était dans son bon droit. D'ailleurs, la guenaude disait-elle bien la vérité sur le rôle de Marge dans la malédiction ayant touché le hameau ou était-ce un subterfuge pour semer le doute dans leur esprit ?

De toute façon, les hostilités étaient lancées et, dans un tel conflit, il était inconcevable de rester dans l'expectative, surtout pour quelqu'un d'aussi impulsif que Tijak.

Voyant leur adversaire commun se figer suite à l'intervention de Vëla, le jeune adolescent se précipita en dégageant sa hachette de sa ceinture. Contournant rapidement les combattants et veillant à ne pas gêner ses alliés, il chercha l'ouverture pour, profitant de son élan, porter rapidement un coup avec son arme avant de rompre le contact.

Frapper, se replier, tournoyer autour du monstre. Voila sur quoi se concentrait Tijak pour tirer le meilleur parti de ses aptitudes tout en restant concentrer pour éviter un retour de bâton.

Attaque d'escarmouche pour infliger 1d6 dégâts supplémentaire.
Escarmouche et esquive pour augmenter la CA. Souplesse du serpent pour augmenter la CA face à d'éventuelles attaques d'opportunité.

'abord faible et étouffé par l'angoisse, le souffle d'Hermine s'était fait plus lent, plus profond, de plus en plus rauque.

Comme Hermine l'avait pressenti, celle qui était effectivement la troisième sœur parlait. Pendant ce temps, la respiration de l'aventurière gagnait en lenteur et en amplitude. En même temps, ses mains dessinaient une série de motifs de plus en plus lents. Repoussant la peur et l'Interdit de la brume qui l'entourait, les mudras contribuaient à équilibrer les énergies de son corps, son esprit et son âme.

Un instant, sa dernière inspiration resta suspendue.

¤ Le geste parfait ... ¤

Puis, elle relâcha la pression.
Tandis que son souffle s'échappait doucement d'entre ses lèvres, elle porta un coup devant elle, en un geste d'une fluidité presque inhumaine. Son geste n'était pas lent, mais semblait l'être. Sa paume fendit la brume, pourfendant le monstre qui lui faisait face. Son geste éclaircit un couloir devant elle, dissipant en même temps ses doutes, clarifiant ses pensées. Ce faisant, elle put enfin y voir clair, ainsi que ses amis, qui pouvaient maintenant discerner leur ennemie sans que leur vision ne soit obscurcie.

Hermine lance Vent favorable (émanation en forme de cône, qu'Hermine maintient centrée sur la guenaude).

Un vent rafraîchissant s'était levé, dissipant fumée et brouillards.
En lui, il portait un héritage ancien : le Vent du Nord. Des quatre, le vent boréal était le plus froid, au potentiel le plus destructeur. Il rappelait les origines d'Hermine, qui le maintenait sous son contrôle —pour l'instant.

Hermine était une guerrière.
Une combattante qui avait vécu de nombreux champs de bataille, dont seule une partie était retracée en Chroniques, et peut-être racontés dans les Tavernes. Le reste serait oublié par tous. Mais elle-même s'en rappellerait à jamais, car tous étaient inscrits dans son corps, son esprit et son âme.

Hermine était une guerrière.
Chacun de ses gestes avait le potentiel de tuer. Au cours des années, elle avait transcendé son art : bien qu'elle maniât épée et autres, son corps, son esprit et son âme étaient ses seules vraies armes. En apprendre le maniement était l’œuvre de sa vie. Faire le bon geste au bon moment avait le potentiel de changer le Destin d'une région.

Hermine était une guerrière.
Elle en portait la responsabilité. Chacun des coups qu'elle portait devait être mûrement réfléchi, planifié, et exécuté. En l'absence de pleine responsabilité, le Destin était corrompu, et elle en portait à jamais la marque dans son corps, son esprit et son âme. Rechercher le geste parfait, dont les conséquences ne souffraient d'aucun défaut ni d'aucune corruption, était sa quête.

¤ Le geste parfait ... ¤

Tandis qu'elle avait exécuté ses mudras, les plaques de son armure avaient bougé en rythme sur son corps. Ses bras, maintenant entièrement armurés de métal noir, étaient parcourues de lignes d'énergie convergeant vers ses mains maintenant tendues devant elle. Ses paumes ouvertes faisaient face à la guenaude, chacune recelant une sphere de lumière aveuglante.

Hermine songe à lancer Rayon Ardent.

Les mots de la guenaude étaient troublants.
Hermine, elle-même, ne s'en préoccupait guère : ont pouvait dire ce qu'on voulait avec des mots. Les actes, eux, parlent de manière bien plus vraie.
Or, qu'avait fait la sorcière ? Qu'avaient fait, jusqu'ici, les trois sœurs ? Ces derniers jours, à sa manière, Hermine avait tenté de poser la question. D'inciter ses compagnons à réfléchir aux actes des sorcières, et par là même à leurs propres actes. Elle n'était pas sûre d'avoir réussi.
Et aujourd'hui, alors que l'histoire était proche de son dénouement, son propre groupe attaquait en surnombre une vieille femme qui, n'était-ce son chagrin et sa fierté, aurait paru suppliante.

Alors, que faire ? Rétablir l'équilibre ?
Contribuer à la mise à mort, brûler vive un monstre, « juste au cas où » ?
Retourner ses armes contre ceux-là même qu'elle avait sauvé ? Ceux qui avaient partagé tant de ses aventures ?

Ses canons étaient prêts, chargés d'énergie à bloc. Toutes ses cibles potentielles étaient dans sa ligne de mire, leur attention ailleurs. Dans tous les cas, le tir serait facile, certainement mortel. Un angle de quelques degrés, quelques millimètres dans un sens ou dans l'autre, séparaient peut-être le geste parfait ... du très, très mauvais choix.

Hermine n'hésitait pas réellement. Sa décision était déjà prise.
Mais connaître le geste à faire n'en rendait pas l'exécution plus aisée ...

Hermine prépare son action.

Narration

Hermine avait ‘presque’ vu juste de continuer à penser -comme Marge d’ailleurs- que certains méfaits avaient été réalisés par les Guenaudes. Aucun mensonge chez Chélidoine que le déguisement de son apparence. Rien de plus qu’un masque sans lequel elle n’aurait pas même pu entamer le dialogue.

Rejetée par le hameau, Marge aurait dû mourir dans les bois. Dévorée par les loups ou malade de ne plus profiter d’aucun confort, seule livrée à elle-même. Combien de braves n’auraient pas survécu dix jours ? La Terre Mère et ses protecteurs avaient pris soin d’elle, prenant le risque d’initier cette pauvre enfant et comme trop souvent dans les récits des bardes, d’autres avaient vu son potentiel et décidé qu’ils ne le laisseraient pas partir dans l’autre camp. Elle portait tellement de colère et de sentiment d’injustice dans lesquels les murmures pouvaient pousser …

Il ne manquait qu’un déclencheur, qui devrait rester secret pour le salut de ce qu’il lui restait d’âme. Non les Guenaudes n’avaient pas tué l’ours qui lui servait de compagnon, cet incident venait d’un autre qui en portait aujourd’hui la malédiction... Les voix avaient-elles soufflées à Malo de reporter la responsabilité de cette mort aux sorcières ? Était-ce vraiment un accident ou de la jalousie envers cette créature qui seule avait le droit de rester dans sa vie d’ermite auprès de celle dont il était éperdument amoureux ? Quel dieu, quelle puissance se gaussait-elle de cet infame jeu du destin ?

Il était tellement simple alors de détourner Marge et de lui montrer le potentiel de la nécromancie… Initiée aux savoirs druidiques, elle connaissait le Puit de Lune et le Grand Ennemi des Sélénaé, elle connaissait les épreuves que sa Terre avait subit et comment elle pouvait profiter de cette incroyable pouvoir pour ramener son compagnon. Peut-être n’avait-elle détourné le Puit qu’à cette intention et que sans une marée extraordinaire, le mal contenu dans la grotte ne se serait-il jamais étendu jusqu’à transformer les poissons, les pêcheurs et les autres habitants du hameau.

L’œil permettait aux Guenaudes de la surveiller, c’était un cadeau que Chélidoine elle-même lui avait fait tout comme le bâton à tête d’ours qui réagissait à sa présence.

Mais les Guenaudes étaient maléfiques. Et ce n’était pas la bienveillance qui guidait leurs actions malgré les apparences, juste leur intérêt et leur intérêt était l’équilibre actuel. Ni les cataclysmes de Kazgaroths, ni le retour des Fomorians, ni la Rage des Dragons. La paix, pendant laquelle les humains se ramollissent et arrêtent de demander à des aventuriers de tous les Royaumes de partir à la chasse aux monstres, la paix pour qu’elles puissent les dominer. Or les murmures prenaient corps. De plus en plus de créatures féériques apparaissaient dans les îles. C’était, même pour elles, une Puissance sur laquelle il fallait compter, avec laquelle elles ne s’allieraient jamais. Elles voulaient dominer. Et personne ne domine les antiques opposants des plus puissants dragons.

Qui pouvait deviner ce qu’elles auraient pu mettre en place au travers de Marge ?

Mais déjà les aventuriers avaient-ils choisi et définitivement mis un terme à leurs machinations. Les coups pleuvaient sur Chélidoine qui s’effondra sur elle-même sans qu’Hermine ait eu besoin de relâcher sa puissante attaque magique.
On n’entendait plus rien qu’une chouette essayant de se défaire de Biscotte, le feu siffler et crépiter dans l’humidité surnaturelle qui lentement l’étiolait et la respiration des combattants.

Puis un cri qu’ils savaient être du Dragon.
Et au loin, éclairant le ciel nocturne, des langues de flammes plongeant du ciel vers un lieu qu’ils devinaient être la capitale.

orsque Chélidoine tomba au sol, Hermine patienta un instant, pour s'assurer qu'elle était bien vaincue. Puis, lentement, elle se détendit, laissent retomber doucement ses mains tendues tout en relâchant progressivement ses niveaux d'énergie.

¤ Le geste parfait ... ¤

Parfois, on pense que le geste parfait existe, qu'actionner un levier dans un sens ou dans un autre permet de prendre le seul « bon » chemin, tandis que l'autre est intrinsèquement « mauvais ». Mais que dire du troisième choix, celui de ne pas actionner le levier ?

L'inaction parait souvent être un non-choix : celui des abstentionnistes, des passifs, des mous, des faibles. Refuser le système est une décision que peu de gens s'aperçoivent qu'elle s'offrent à eux. Le Système lui-même veut nous faire prendre partie, nous étiqueter comme « bon » ou « mauvais », nous juger sur des critères qui lui sont propres, afin de pouvoir mieux nous dresser les uns contre les autres.

Depuis le début de cette aventure, Hermine avait tenté de ne pas juger les actions de Marge ou des guenaudes. Elle avait vu beaucoup de choses dans ses voyages, certaines contre-intuitives, telles que la nécromancie qui, comme toutes les magies, pouvait être utilisé à bon ou à mauvais escient. Elle ne voyait pas le monde en noir ou en blanc, mais en nuances de gris, subtiles comme les différents visages de la lune.
Et, dans le même temps, alors qu'elle essayait toujours d'entrevoir toutes les possibilités, elle se focalisait souvent sur la face sombre, sur tout ce qui pouvait mal tourner. Et elle combattait ces issues funestes de toutes ses forces.

Jusqu'à récemment, Hermine faisait partie de ces gens qui courent, courent, tentant d'influer sur le destin et sur les gens qui l'entourent. À son niveau, elle avait même tenté d'influencer ses compagnons en une direction qu'elle croyait être vertueuse. Mais qui était-elle pour imposer sa propre vision des choses ? Cette vision était valide, mais elle n'était pas la seule qui soit valide.
De plus, en tentant de faire voir sa vérité à Sahadeva, Jakelm, Vëla et Sylaruil, elle avait momentanément oublié pourquoi elle revenue là, dans ce lieu et en ce temps.

Mais à cet instant, en se tenant prête à agir, mais sans agir, elle avait pris la décision la plus difficile pour elle, celle qui lui ressemblait si peu ... faire confiance aux autres.

Les "monstres", les "aventuriers", ceux qui jouent, celles et ceux qui ne jouent pas. Au fond, quelle importance que tout cela ? Le monde continuerait de tourner, les étoiles de briller ... Tout ce qui importait, c'était la vie, la vraie, la vie des gens qu'elle aimait. Et, enfin, pour un temps du moins, celle-ci n'était plus menacée. Voilà pourquoi elle était revenue.

Tandis qu'Hermine baissait les armes, les plaques obscures de son armure se recomposèrent une dernière fois jusqu'à presque disparaître, laissant apparaître la femme qui se trouvait en dessous, qui poussa un soupir.
Soulagée et comme libérée du poids de ses angoisses, Hermine sourit ...

Un instant de paix qui ne fut que trop bref, le hurlement de la Furie Rouge la ramenant à la réalité.

La dernière des geunaudes des Sélénaé venait de tomber inconsciente. Ô sainte levé n’attendait que de redescendre pour couper la tête de Chélidoine, cependant la partie de Vêla, la petite fille de la Rashéméni, s’interdisait de le faire; l’acte de Sahadeva, celui de frappé pour ne pas tuer avait été fait avant et le paladin devait respecter son vouloir. Elle entendait les dires d’Élion d’Alusaire la sermonner pour un tel acte, mais pour la jeune femme du nord, celle qui avait toujours été pour le repentit, elle approuvait cette action. Restait maintenant à savoir ce qu’en ferait Sahadeva, car son acte venait de le lier à cette engeance.

La guerrière divine remis son arme au fourreau dorsale puis sortie de la corde et attachait la criminelle de telle sorte qu’elle ne puisse pas bouger un seul petit doigt puis lui apposait un bâillon pour que la geunaude ne puisse dire un seul mot à son réveille et lui bandait les yeux. Le constat présent n’était pas simple, vraiment pas. Le cri lointain ainsi que l’éclairage dans le ciel nocturne indiquaient bel et bien que le capital était en proie au wyrm entre-aperçu plus tôt. Les instances qui avaient demandé la mort des geunaudes en avaient présentement plein les bras et eux arriveraient avec une prisonnière, un poids de plus parmi les méandres qu’ils traversaient. Il y avait tant à faire, il fallait faire un choix dans les priorités et pour la preux chevalier, s’il y avait tant de personnes en proie au wyrm, il y avait aussi plusieurs aides à la capital, mais Sail, était seul, perdu dans ce paysage, peut-être que le géant en saurait plus, elle irait constater.

L’ex-folle de Torm restait ensuite là, à la regarder, se posant multiples questions et comme si le fait de la regarder l’aiderait à choisir sa prochaine voix, puis dans un presque silence elle dit… - Elle est à vous Sahadeva, vous avez voulu qu’elle survive, elle vous appartient, vous l’apporterez à la capitale et la remettrez à la justice… moi je vais continuer de chercher Sail, je ne peux la laisser ainsi seule sans tenter de la retrouver. Ensuite mon père ne doit pas être loin de la capitale, il doit suivre ce wyrm pour l’éliminer et l’étudier, vous le reconnaitrez facilement, c’est un valeureux paladin son armure est telle que celle d’Hermine, aussi noir que les ténèbres, son heaume à tête de dragon est décoré de plume blanche de corbeau, ses épaulières son d’écaille de dragon noir et son destrier est d’un jais d’encre au reflet bleuté, si vous le voyez, dite lui que je le cherche et qu’il m’attende, son nom est Vallor. J’entrerai, plus tard, aider comme je le peux et tenter de retrouver mon paternel. Que votre route soit à tous, clémente. –

Elle retournait auprès du feu, l’alimentait pour briser l’humidité de la nuit, enlevait sa chemise de mailles puis mit sa peau d’ours sur ses épaules et préparait son bivouac pour dormir. La nuit serait courte et les prochains jours seraient longs.

Sous le choc devant de telles révélations, Sylaruil mit un temps à digérer les paroles de Chelidoine qui venait également de dévoiler sa vraie identité de Guenaude. La jeune elfe avait fait preuve de trop de naïveté, elle qui avait cru à une forme de volonté divine dans cette nouvelle approche s’était voilée la face en oubliant la face cachée des fées, la Cour Sombre. Elle en connaissait l'existence mais en rejetait les principes.

Alors que la couverture éclata, l’elfe du soleil levant resta stoïque un moment, encaissant le choc. Bien heureusement ses compagnons d’armes furent bien plus réactifs. Sorts, épées vinrent frapper l’affreuse créature dont les paroles avaient pourtant créé une point de doute dans l’esprit de la synorienne qui jusqu’à maintenant avait toujours été déterminée. Il y avait sûrement de plus grands desseins que ceux qui s'étaient réellement joués dans cette forêt, mais sa réflexion ramena Sylaruil à la raison. A leur petite échelle, ils avaient repoussé des créatures maléfiques et protéger cette forêt et son village voisin.

Il n’appartenait pas à l’elfe de décider du sort de la Guenaude, même si en son for intérieur elle préférait la voir disparaître. Vaincue temporairement, elle pouvait reprendre du poil de la bête à tout moment, mais elle ne savait ce qu’il avait derrière la tête et voulu attendre ses explications pour agir.

Sans vraiment avoir eu le temps du répit, le hurlement du dragon survint de nouveau. Comme déjà évoqué par les compagnons précédemment, la Capital était ou serait prochainement sous le coup d’une attaque dévastatrice. Le cœur et le ventre de Sylaruil se nouèrent. Elle avait tant compté sur l’harmonie de vie des peuples et sur l’aide de la Reine des Sélénae. Son monde à découvrir était peut-être sur le point de s’effondrer, malgré leur petite contribution ici.

Plutôt incertaine quant à son choix à faire, elle suivrait ceux qui iraient à la capitale. Elle ne souhaitait pas laisser à la Guenaude l'opportunité de s'échapper ni perdre la possibilité d'en savoir plus.

Chelidoine gisait face à eux, inconsciente. Pour une fois, Sahadeva avait obtenu ce qu'il voulait : une victoire sans mise à mort. Une victoire conforme aux prescriptions de l'Adama. Il fut quelque peu désemparé qu'aucun de ses compagnons n'exige l'exécution de la guenaude ou ne l'accomplisse sans lui demander son avis.

Le groupe se retrouvait donc avec une encombrante prisonnière sur les bras. Des paroles de Vëla transpiraient une grande sagesse : il fallait remettre la guenaude aux autorités pour qu'elle soit jugée. Mais ne serait-elle pas purement et simplement exécutée ? Le Maquar ne connaissait rien aux lois locales et, pour peu qu'elles soient expéditives, il aurait été aussi simple que l'un de ses compagnons achève la créature. Le hurlement du dragon laissait par ailleurs à penser que les autorités de Caer Callidyr avaient d'autres problèmes à gérer...

Sahadeva regarda tour à tour ses différents compagnons, l'esprit empli de doutes. Il enviait Vëla et Hermine qui semblaient si souvent sûres d'elles.

¤ Doutent-elles comme moi ? Leur fermeté de caractère n'est-elle parfois que de façade, comme la mienne ? Ou quelque chose guide-t-il constamment leur manière d'agir ? ¤

Le Maquar était bien en peine de décider, mais il fallait agir et il semblait qu'il ait été désigné comme responsable du sort de la guenaude et de la marche à suivre. Il finit par prendre la parole :

- Merci de l'avoir laissée vivre. Chacun doit avoir le droit à une seconde chance, si grandes soient ses fautes.

Le guerrier commença à ligoter et à bailloner la guenaude, puis poursuivit :

- Deux options s'offrent à nous. La première est d'escorter Chelidoine jusqu'à la capitale, comme le suggère Vëla, pour qu'elle y soit interrogée et éventuellement jugée. Hallgrim Waaler pourrait sans doute en tirer quantité d'informations utiles pour protéger la région. La colère du dragon laisse cependant à penser que les autorités auront d'autres chats à fouetter et je ne peux qu'espérer que Waaler survive aux dévastations causées la Furie Rouge...

Il marqua une pause avant d'ajouter :

- L'autre option est de régler l'affaire ici-même et de nous assurer que le guenaude ne constituera plus un danger pour la région. En Estagund, nos mages se chargent souvent de contraindre les prisonniers à l'aide d'illusions et de sorts puissants. On m'a parlé de labyrinthes situés dans d'autres dimensions et de bien d'autres choses encore. Mais je n'y connais rien en magie.

Il se tourna vers les trois femmes du groupe pour voir si une telle solution leur semblait envisageable.

- On pourrait aussi procéder "physiquement", mais je doute que cette solution puisse vous convenir... D'autant plus que nous ne connaissons que peu de choses de la physiologie des guenaudes...

Une telle solution aurait exigé d'amoindrir les capacités physiques de Chelidoine, soit en la privant de sa langue, de ses yeux ou de certains de ses membres. Le Maquar savait cependant qu'Hermine était fermement opposée à ce type de pratiques.

- On pourrait enfin tenter à nouveau de la raisonner, mais je doute que nous arrivions à quoi que ce soit. Si vous avez une idée, je suis preneur, car aucune solution ne semble convenir à chacun.

Il conclut :

- Quant à moi, faute de mieux, je vous propose d'attendre qu'elle reprenne connaissance. S'il ne s'avère pas possible de la raisonner ou de limiter son pouvoir de nuisance, je la conduirai avec celles et ceux qui le souhaitent à Caer Callidyr... en espérant que la ville tienne toujours debout.

Le guerrier d'Estagund se tut, laissant la parole à ses compagnons.