L'oeil des Sorcières, Aventure dans les Moonshae

Une fois seulement auprès de Sylaruil, après s’être déplacé et sortie de la protection des murs épais de l’enceinte puis suite aux échanges de chacun, la paladin fit une vision du juste sur la nouvelle arrivante. La suspicion était au rendez-vous, pourquoi donc son feu agissait-il ainsi avec l’arrivé de cette Chélidoine.

Dans le doute, toujours agir en fonction de celui-ci et c’est ce que l’ex-folle de Torm fit, main libre, ayant gardé son épée au fourreau elle restait en retrait et attendait d’en savoir plus sur l’identité de cette supposée druidesse.

La jeune femme avait son lot d’expérience qui lui confirmait que la confiance envers quelqu’un est aussi mince que l’épaisseur d’un cheveu et que même si le juste lui offrait une vision divine, elle pouvait être contrée pour une ruse magique. Il lui fallait donc étudier le sujet d’une façon plus approfondie; Vêla avait tout entendu et cherchaient dans les propos échangés si elle ne percerait pas une entourloupe ou un baratin.







Psychologie sur la druidesse.

éjà, l'aventurière se faufilait à travers la végétation. Se fiant à son agilité et sa souplesse naturelle, elle avait mis à profit une petite anfractuosité pour franchir silencieusement la muraille en ruine. Maintenant, elle se dirigeait tout aussi discrètement en direction de l'endroit d'où le hululement avait retenti. Les murs de la tourelle étaient hauts, et c'était un des seuls points d'observation offrant une vue plongeante sur les aventuriers.
Biscotte savait ce qu'elle avait à faire.

Abandonnant immédiatement son hospitalité, l'aventurière se déplaça rapidement hors de vue de Chélidoine. Tandis que les plaques de son armure noire changeaient de configuration autour d'elle, elle s'adossa contre le mur de pierre qui tenait lieu d'entrée à la tour. Le hululement d'une sentinelle qui se met en place. Un maléfice lancé en plein milieu de leur camp, et qui allait certainement bientôt leur bloquer à nouveau leur champ de vision. Nul besoin de divination pour savoir que les aventuriers étaient attaqués. Qu'importe, elle s'y était préparée.
Hermine savait ce qu'elle avait à faire.


Hermine: se déplace hors de vue de Chélidoine (s'en rapproche si possible), puis Force du taureau (RESP 0%).

Biscotte: se déplace pour rejoindre la chouette sans se faire voir.
Furtivité +25 (déplacement), Athlétisme +18 (vitesse d'escalade 6m).
(Biscotte a vision nocturne, la chouette a révélé sa position en hululant, mais au cas où: Perception +12).

Rassuré, Tijak était descendu de son perchoir pour se joindre à la conversation, rendant, sans arrière pensée, son large sourire à Chélidoine. Alors qu'il laissait ses aînés mener la conversation, le mousse détaillait avec curiosité la druide, subjugué par l'aura qui s'en dégageait. C'était la première fois qu'il se trouvait en présence d'une telle personne et le gamin ne pouvait s'empêcher d'être particulièrement impressionné par la puissance que rayonnait cette femme.

Hochant simplement la tête pour approuver les propos de Sahadeva, le gamin montrait qu'il partageait totalement l'analyse du Maquar.

- Vous v'nez nous aider pour combattre la dernière ? intervint-il spontanément, heureux de pouvoir compter sur une nouvelle alliée.

Peut-être trop naïf, Tijak incluait déjà Chélidoine dans leur groupe. Après tout, celle-ci s'était visiblement mise en quête de leur groupe après avoir discuté avec Marge, ce qui, pour l'impulsif garçon, signifiat automatiquement qu'elle venait les aider.

La subite fumée généra un certain malaise chez les aventuriers et le gamin n'échappa pas à ce sentiment. Du coin de l'œil, il aperçut Hermine se fondre dans l'obscurité. Était-ce une simple précaution ou un nouvel épisode de la paranoïa qui avait failli pousser la jeune femme à les attaquer, plus tôt dans la journée ?

Visiblement, Vëla restait circonspecte et, sans montrer d'hostilité, se tenait prête à réagir, son attitude montrant parfaitement qu'elle pourrait dégainer son épée en une fraction de seconde. Prenant exemple, Tijak se recula légèrement, sa main gauche plongeant négligemment dans son sac à malice et la droite restant libre, prête à empoigner rapidement sa hachette.

Pour le garçon, la nouvelle venue n'était pas hostile mais la tension qui émanait du reste du groupe agissait comme un amplificateur au stress accumulé lors de cette journée.

L’aura de la druidesse était impressionnant, l’elfe considérait ces être au service de la nature comme des égaux des elfes. Bien qu’ils ne soient pas nés elfes eux-mêmes, il avaient choisi leur mode de vie. Voilà qui les rendaient nobles. La Llewyr, fière de son lien avec la Sylve arborait fièrement des ailes qui battaient à une allure ralentie, signe de son apaisement.

Naïve et enthousiaste, Sylaruil n’avait pas adopté l’attitude de ses compagnons d’armes. Elle accueilla chaleureusement la nouvelle venue :

- Installez-vous près du feu, l’invita-t-elle, puisse cette chaleur remplir votre cœur comme votre présence remplit le mien. Nous ne nous sommes pas donné un tel but à proprement parlé, mais face à l’état de ce bosquet et de la mer qui borde ces rivages, nous souhaitons retirer la source de la douleur qui coule dans la sève de ces arbres. Les guenaudes avait corrompu un puit de lune, nous nous devions d’agir et d’aller au bout.

Ses compagnons plus pragmatiques qu'elle avaient déjà posé les bonnes questions qui permettrait de faire progresser l'enquête.

Narration

Aucun des mots de Chélidoine n’était un mensonge et pourtant …
Aucun de ses gestes ne pouvait être perçu comme une menace et pourtant …
Il n’y avait rien, ni dans le hululement de la chouette, ni dans les sorts utilisés pour tenter de la percer à jour qui ait pu désigner la Druidesse pour autre chose que ce qu’elle fut … et peut-être l’était-elle finalement, les Druides cherchent l’équilibre, les notions de Bien et de Mal ne les dirigent que lorsqu’il s’agit de défendre la force de la Nature qu’ils servent… et pourtant …

Le doute s’était ancré profondément dans l’esprit de certains aventuriers.
Vëla, Hermine et dans une certaine mesure Sahadeva sentaient, à tort ou à raison, que quelque chose n’allait pas. A force d’épreuves et de blessures, ils avaient perdu la foi en la Providence.

S’ouvrant au regard du Juste qui ne lui avait rien montré tant que la nouvelle venue était à l’extérieur de l’enceinte, la Folle de Torm sentit, sans pouvoir l’identifier d’abord, une faible aura malveillante qu’elle n’avait pas vue jusque-là. Tijak et Sylaruil, en poursuivant la discussion, lui offrit le temps nécessaire à préciser qu’elle provenait bien de la nouvelle venue. Quoi qu’elle fut, Chélidoine portait le seau du Mal.
L’aura était faible et Vëla connaissait bien assez les cultes pour savoir que les Druides pouvaient très bien porter en eux cette propension au mal. Il était tout à fait possible que ce fait justifie à lui seul l’instinct de défiance qui était sien.

Un curieux jeu du destin -ou la bénédiction d’un vieil ami à qui il plaisait de faire danser le vent peut-être- déclencha soudain une bourrasque qui envoya la fumée s’épaississant droit sur celle-ci qui ne vit rien du déplacement d’Hermine.

- Belle rencontre Sahadeva, fils de Bûna. Merci pour ta franchise. Les Ogres ont une tendance naturelle à la violence c’est vrai, et pourtant les Druides ne sont jamais prompts à défier ceux ou celles qui parviennent à les diriger et à canaliser ce trait de caractère. A leur manière, ils participent à l’équilibre. S’ils n’avaient pas été à son service, sans doute auraient-ils mené quelques raids contre les hameaux voisins … avant d’être défiés et sans doute vaincus par une troupe armée. Vois-tu, le ‘vrai’ est souvent question de point de vue. Au final, il appartient toujours à celui qui survit.

Un franc sourire accompagna son plissement d’yeux pour contrer la fumée soudaine. Sans s’interrompre, elle enchaina vers Jakelm.

- Mon garçon, je souhaitais connaitre vos intentions suite aux mots de Marge. Il est de mon devoir d’identifier et de comprendre une force capable d’abattre sur si peu de temps une troupe d’Ogres et deux Guenaudes. Comprends-tu ?

Puis elle se tourna vers Sylaruil, masquée par la fumée.

- Noble Llewyrr, tes certitudes sont construites sur des chimères … les Guenaudes n’ont pas le pouvoir de corrompre un Puit de Lune. Aucune ne sert Kazgaroth d’ailleurs. Mais je sais ce qui vous a mené à cette conclusion et si vous aviez trouvé le moyen de communiquer avant de les détruire, vous auriez pu le comprendre.

Le ton de la Druidesse avait changé. Le son de sa voix était différent, plus grave.

- Dans ces Terres, il n’y a plus qu’une âme à s’être perdue au point de rejeter ses croyances pour embrasser la voie de la Bête. Abandonnée de tous, elle a été recueillie par un Cercle qui connaissait son potentiel et lui fit découvrir toute la puissance de notre Mère. Elle embrassa cette voie un temps. Mais par un funeste destin, son Compagnon, un Ours, mourut sans qu’elle puisse le sauver. Et dans sa tristesse, elle écouta les murmures de Créatures plus anciennes qui reviennent. Ces monstres qui ont corrompu les valeureux Firbolgs qui ont construit cette tour. Je n’ai pas la connaissance de la magie qu’elle dut utiliser pour ramener son Compagnon dans son état de non-mort mais c’était bien de son fait …

Vëla s’était trompée. L’investigatrice assemblait les pièces à toute vitesse. Marge n’était pas « un détail », c’était la clé de voute.

- Vous comprenez maintenant le rôle des Guenaudes qui ont surveillé les faits et gestes de Marge, qui ont tout fait pour l’accueillir comme l’une des leurs pour l’amener sur un autre chemin ?

Surprise par la remarque de Chélidoine qui remettait en question le raisonnement de la jeune elfe, Sylaruil ne put s’empêcher de répondre :

- Que ce soient les guenaudes ou non, l’odeur de Kazgaroth empeste ces bois. Nous savons que Marge a pu le servir dans le passé et nous espérons que ses pas la guident désormais sur une autre voie. L’équilibre doit être préservé, je crains que ces guenaudes ne l'aient fortement perturbé. Avez-vous l’aspect de la Sylve là où ces dernières se sont établies ? Pourquoi mes amis fée m’auraient-ils informés si l’équilibre était respecté ?

Quelque peu troublée par les dires de la druidesse, l’elfe du soleil levant ne remettait pas en cause la justesse de ses paroles. C’était ses propres convictions qui étaient interrogées et elle ne savait malheureusement pas encore comment retrouver ses certitudes qui la guidaient.

D’après Chélidoine, Marge était donc la source des événements advenus ici, les guenaudes ses victimes. Comme la troupe d’aventuriers, les guenaudes avaient sûrement dû faire preuve d’un peu trop de naïveté dans leur compassion vis-à-vis de sa situation de recluse.

* Mais alors pourquoi l'œil de la guenaude s’était retrouvé près du puits de lune ? Était-ce seulement pour garder un oeil sur Marge ?*

La jeune femme paladin étudiait les gestes et les dires de Chélidoine. Tout dans son comportement indiquait qu’elle soit ce qu’elle disait être et tout le contraire confirmait qu’il y avait une machination derrière tout cela… Elle brouillait les pistes aussi bien qu’elle remettait en doute l’ensemble du groupe… *La vérité fait toujours mal à entendre.* se disait-elle en restant pour l’instant, à l’écoute et à l’étude.

Les mots d’Élion d’Alusaire lui revenaient sans cesse en tête. * Il faut éliminer le mal, ne pas réfléchir, car il te perdra et t’abattra.* Si ce paladin sans de foi pour Heaum était ici, le groupe ne serait présentement pas là, l’histoire serait déjà finie, car quand il aurait vue et entendu Marge la première fois, il l’aurait abattu, franc et nette. Ensuite il aurait pris la route pour les guenaudes et en aurait fait de même. Élion était un pilier pour l’ex-folle de Torm et en même temps elle l’avait toujours trouvé trop incisif, mais… tel en était la voie du bien, le mal doit être abattu.

Vêla était de celle qui avait toujours offert une chance du repentir et quelquefois, même une deuxième chance, comme elle avait fait à Marge. Elle comprenait mieux que quiconque la souffrance que la jeune fille de ce village avait subie, elle comprenait que sa vengeance l’avait poussé à aller chercher une aide inconcevable du côté sombre de la vie, elle comprenait totalement c’est fait et geste, sans l’autorisé bien certainement, mais ce qu’elle ne comprenait pas, c’était que Marge avait eu du support, le groupe lui avait offert de l’aide, une avenue pour qu’elle puisse enfin se libérer de cette souffrance à tort qu’elle avait subi et qu’elle le refusait.

Le mal était insidieux, car tout était parti de jugements de villageois envers Marge, la blessure ainsi créée s’était développée, créant une gangrène intérieure qui vint ronger le bon sens de la jeune fille… hélas, la vérité frappait durement la jeune femme de la Rashéminie. Ce n’était pas parce qu’elle avait réussi elle à s’en sortir que d’autre réussirait, mais tout le dogme de l’Ordre du Corbeau était basé sur le repentir, si elle avait réussi, d’autre le pourrait, le devait… Une larme coulait sur la joue gauche de Vêla. Ne jamais baisser les bras, car elle ne pourrait pas tous les sauver, mais elle ne devait pas arrêter son devoir d’offrir le moyen d’y arriver. Elle semait, ici et là, sachant que si une seule graine germait, un jour tout un champ pousserait.

Le constat présent la ramenait au même point; ils avaient accepté d’éliminer les guenaudes et il en restait une, qu’elles soient liées à Marge ou pas, cela n’avait pas de différence pour Vêla, c’était la mission qu’il fallait accomplir. Marge était une mission personnelle, car la paladin n’avait pas réussi à la convaincre à la première rencontre, n’avait pas réussi encore à la deuxième, mais son échec ne devait pas condamner la jeune fille du village à se perdre dans le mal, il devenait impératif pour la guerrière divine de la sauver, coûte que coûte. La preux chevalière savait qu’il y avait une chance de réussite, car elle se souvenait des mots de Marge au propos de Malo… * En espérant qu’il n’ait pas choisi d’oublier son humanité. * Il était clair que rien n’était perdu, Marge avait encore espoir dans son cœur, la lumière résidait au cœur de son mal et celle-ci pouvait à tout moment resplendir.


- Nous comprenons tout à fait le rôle des guenaudes auprès de Marge, elles aussi ont été bernées par la souffrance intérieure de la jeune fille, cependant notre mission est de débarrasser les guenaudes des lieux présents et rien d’autre. Marges à malheureusement choisi une voie bien sombre pour guérir son mal intérieur et semble consciente qu’il est possible d’en choisi une autre, faut-il prendre le temps de lui démontrer la faisabilité et de lui offrir la chance, le support ainsi que l’aide qu’elle aura besoin pour y arriver. Serez-vous des nôtres pour lui offrir cette possibilité?-


Vêla retenait sa demande à Torm, attendant la réponse de Chélidoine, car celle-ci serait révélatrice des réelles intentions de cette dernière. Les communication donnait du temps aux autres de prendre position, rien n'était perdu en ce moment, ils devaient prendre les précautions adéquates pour ne pas ce faire berner par une druidesse qui pourrait fort bien être la dernière guenaude.

Les paroles de Chélidoine résonnèrent longtemps dans l'esprit de Sahadeva. Ses propos étaient clairs : Marge s'adonnait à la nécromancie et elle était plus que probablement à l'origine de la malédiction qui avait frappé le hameau. Les guenaudes n'étaient que des observatrices opportunistes qui avaient tenté de la ramener sur une voie plus naturelle, mais non moins destructrice. Toute la théorie semblait crédible et cohérente.

Le Maquar ne put s'empêcher de regretter d'avoir laissé partir Marge aussi facilement. Son rôle dans toute cette histoire n'avait jamais été clair et il avait lui-même toujours éprouvé une forme de retenue par rapport à une jeune adepte de Malar, une divinité qui prônait le chaos. Longtemps, il s'en était méfié. Mais peu à peu, il s'était laissé gagné par les propos de ses compagnons qui l'avaient toujours traitée en victime et en alliée plutôt qu'en suspecte. L'injustice qu'elle avait vécue l'avait également touché. Et lorsque lui-même ne l'avait finalement rencontré pour la première fois, après avoir vaincu la guenaude, il s'était contenté de sa parole. Le guerrier était alors focalisé sur la dernière guenaude... et sur les dissensions qui étaient apparues au sein de groupe.

¤ Pas le temps pour les regrets, les erreurs n'appartiennent qu'à nous-mêmes... ¤

Sahadeva se dit qu'il serait encore de temps de rattraper Marge pour tirer tout cela au clair, le moment venu. En espérant que rien de tragique ne se soit produit entre temps. Il conservait une part d'espoir, en se souvenant de la réaction de Marge lorsqu'il avait évoqué le sort des enfants du hameau : la jeune femme avait semblé sensible à l'argument. Restait à savoir ce qu'il convenait de faire de la dernière guenaude. N'était-elle qu'un témoin plutôt qu'une actrice ? Une créature jouant son rôle au sein de l'univers régi par l'Adama ?

Mais toutes ces interrogations n'avaient de sens que si Chélidoine avait raison. Et quelques zones d'ombre persistaient. Les propos la druidesse n'avaent semble-t-il pas ébranlé la détermination de Vëla et de Sylaruil, contrairement à la sienne. Sahadeva jugea opportun de ne rien ajouter à propos des guenaudes pour le moment. Il releva d'ailleurs que Chélidoine s'était abstenue de répondre à sa question à leur sujet. Se laissant encore un peu de temps pour méditer sur ces questions, il ajouta aux paroles de ses compagnes :

- Vos accusations sont graves, Chélidoine... et malheureusement crédibles. J'aimerais en savoir davantage sur ces "créatures plus anciennes qui reviennent" et qui ont permis à Marge d'acquérir ses connaissances. Qui sont-elles et où peut-on les combattre, si ce sont bien elles qui sont à l'origine du Mal qui a frappé la région ?

Il conclut avec une autre question :

- Et, si je puis me permettre, quelles sont vos intentions maintenant que vous nous avez identifiés et interrogés ?

Dire que Jackelm avait été surpris par les révélations de Chélidoine aurait été en dessous de la réalité tant le gamin restait interloqué, les yeux écarquillés et la bouche entrouverte, signes visibles de la stupéfaction qui venait de le saisir. Avait-il été si naïf que ça en embrassant les convictions de ses jeunes amis du hameau de pêcheurs ? Marge leur avait toujours manifesté une forme de tendresse alors pourquoi procéder de la sorte si elle était bien à l'origine de la malédiction ? Et pourquoi avoir secouru Malo et l'avoir envoyer à leur aide pour purifier le Puis de Lune ?

Toutes ces informations contradictoires se bousculaient dans le cerveau du jeune mousse et apportaient davantage de questions que de réponses. Perplexe, le regard de Tijak se porta, tour à tour, sur Sahadeva, Vëla et Sylaruil, avant de revenir sur Chélidoine.

Alors que sa main droite se crispait sur le manche de sa hachette, le gamin tentait désespérément de se raccrocher à des certitudes. Vëla avait raison, une chose à la fois. Leur objectif immédiat était d'éliminer la dernière guenaude. Il serait temps, après ça, de rechercher Marge pour tirer au clair cette histoire et châtier la jeune femme si les affirmations de Chélidoine étaient exacte. D'ailleurs, quel était le niveau de fiabilité de la druide ? Était-elle vraiment celle qu'elle prétendait être ?

Lentement, le garçon se recula encore jusqu'à toucher le mur, espérant se fondre dans l'ombre. Insidieusement, il glissait vers une brèche lui permettant de sortir de la tour. Le bâtiment lui donnait l'impression d'être dans une souricière et le jeune éclaireur avait horreur des espaces confinés. En cas de grabuges, il préférait nettement être libre de ses mouvements qu'obligé d'évoluer dans un espace contraint.

12ᵉᵐᵉ jour de Chess, 1373 — Au Sud d'Eauprofonde

Lorsque Vieltal 'Vuurdan acheva son histoire, Hermine applaudit des deux mains, toute sourire. Avec Vieltal le barde, ils avaient affronté ensemble sur la Côte des Épées un aboleth lors d'un combat mortel, et en étaient sortis victorieux. Ils rentraient à Eauprofonde qu'ils devaient atteindre le lendemain, et faisaient une pause au coin du feu, laissant passer la dernière nuit avant d'atteindre leur destination.
Pour célébrer leur victoire, et tenter de dissiper un peu les ténèbres qui s'étaient insinuées dans leurs cœur, Vieltal avait entrepris de leur conter quelques poèmes et contes qu'il avait récolté lors de ses voyages. C'était peine perdue, car chaque membre du trio vivrait pour les années à venir avec les conséquences de ce cauchemar ... Mais à cet instant, Hermine n'y pensait pas encore. Elle avait toujours aimé les talents du barde.
Au bout de quelques instants, cependant, son sourire s'effaça quelque peu, et elle prit la parole d'un ton plus mesuré.

- Ce conte que Vieltal vient d'acheveя, mes amis, m'en яappelle un autяe. C'est peut-êtяe une comptine. "Les Tяois Petits Kobolds" ... vous le connaissez ceяtainement ? Au couяs de mes voyages, je l'ai souvent entendu, sous une foяme ou une autяe, paяfois sous un autяe titяe.

Elle regarda tour à tour Sahadeva et Vieltal, écoutant leur réponse. Puis, elle reprit.

- Oui. Et ça n'est pas la seule histoiяe de ce type.
C'est cuяieux, les contes. Les détails changent, mais le plus impoяtant яeste, quel que soit le pays, quelle que soit la cultuяe. Mêmes peяsonnages, ou peu s'en faut ... Même stяuctuяe naяяative, ou peu s'en faut ... Même moяale, ou peu s'en faut. Même ma mèяe me contait ces histoiяes. C'est comme si elles contenaient un motif secret, une véяité qui transcende le temps, la distance et l'imagination.

Elle marqua une pause, levant les yeux vers le ciel nocturne, ou brillait Séluné. Elle était descendante, et seul son mince croissant était encore visible.
Un sourire flottant à nouveau sur ses lèvres, Hermine continua.

- Une autre hypothèse est que ces contes naяяent des événements qui ont яéellement existé. Il y a longtemps, tяès longtemps. Peut-êtяe que tous ces peяsonnages ont existé ... quelque paяt. C'étaient peut-êtяe une jeune fille vêtue de яouge, tяois petits kobolds, tяois petits cochons, ou quelque chose de complètement difféяent ... Qui sait ? C'étaient peut-êtяe tяois humains, comme nous ... Tяois petits humains qui ont vécu, qui ont gяandi, qui ont eu des enfants ... Peut-êtяe que leuяs enfants ont eu des enfants, qui en ont eu à leuя touя ... Que sont devenus tous ces gens ? Sont-ils ceux qui яacontent ces histoiяes aujouяd'hui ? Ou qui les écoutent ? Les ont-ils oubliées ?

Les yeux de la jeune femme se perdaient maintenant dans le feu de camp. Le maquar et le barde pouvaient se demander si elle leur parlait toujours, ou si elle parlait pour elle même.

- Paяfois, tu as beau avoiя oublié tes oяigines, ton sang se souvient. Celles et ceux qu'on nomme "ensoяceleuяs" en sont une pяeuve. Peut-êtяe que quelque paяt, en ce moment même, quelqu'un se souvient avoiя été jadis un des Tяois Petits Kobolds ...

... Ou Le Grand Méchant Loup ...

Présent — Dans les arbres

Arrivée subrepticement près de sa proie, Biscotte marqua une hésitation. Le brouillard s'était levé. C'était ce qui était prévu, la soudaineté de la chose était néanmoins étonnante. Dorénavant, il faudrait qu'elle prenne garde à ne pas s'égarer.
Et il lui faudrait aussi se cramponner ...

Juste devant elle, la chouette hulote était toujours perchée sur sa branche. Elle remplissait son rôle de sentinelle, mais ne regardait pas où il fallait.
Tant pis pour elle.

Biscotte s'élança sur le volatile, visant la jugulaire. Oui, il lui fallait se fixer solidement.
Le temps n'avait pas fini de changer ...



Biscotte utilise Morsure sur la chouette.
Si réussi, Biscotte utilise Fixation.



Présent — Dans la tour

Au sein de ce brouillard qui s'était si subitement levé Hermine inspirait, et expirait. Dans sa poitrine, son cœur battait à tout rompre.

Comme ses amis l'avaient appris récemment, le brouillard était un Tabou. Pour l'aventurière, il représentait l'Inconnu, l'Interdit. Alors qu'elle était toute petite, l'oracle de sa tribu lui avait imposé ce tabou : évoluer dans Brouillard représentait sa perte. Et à cet instant, une fois de plus, elle était cernée par Lui. Déjà, devant elle, se reformaient les volutes de démons qui tenteraient de la happer de ses griffes.
Pour ses compagnons, la brume ne représentait qu'une gêne : elle n'était pas dangereuse, bien que ce qu'elle contenait pouvait être mortel. Mais pour celle qu'on appelait aujourd'hui Hermine, la brume elle-même représentait un danger aussi concret que mortel.

Au milieu du néant blanc, Hermine tentait de rester maîtresse d'elle-même. L'envie de hurler était forte. Elle bouillonnait de se jeter sur la mère du brouillard, pour la lacérer, la déchiqueter. Mais ça n'était pas le moment, pas encore. Respirant à fond, elle tentait de se calmer et de ralentir ses battements de cœur. D'abord faible et étouffé par l'angoisse, son souffle se faisait maintenant plus lent, plus profond, de plus en plus rauque ...

... Inspiration ...

... Expiration ...

... Inspiration ...

... Expiration ...

... Inspiration ...

Hermine retarde son action.