Introduction : L'ébervigé, Introduction de Vanetir et Haleena

Ahou, étirant son cou pour mieux lever la tête, essayait tant bien que mal de discerner quelque chose entre les arbres. S'il n'avait pas encore cédé à la panique, ses roulements d'yeux et son agitation soudaine trahissaient son inquiétude. Qu'Haleena se soit mise en garde, prête à en découdre, n'avait en rien apaisé l'innocent qui baragouinait à voix basse des paroles sans queue ni tête.

Avançant à pas prudents, arme au clair, Vanetir ne tarda pas à découvrir que l'enfant dont le rire lui était familier n'était autre qu'Ahou, dit l'Ebervigé, mot du cru pour désigner les fous et les simples d'esprit. Elle n'avait jamais lié connaissance avec lui, mais comme tout habitant de Béorunna, elle avait entendu parler de son histoire : un groupe de chasseurs l'avait retrouvé errant dans le Boislune, il y avait de ça une bonne année, peut-être davantage. Nu et couvert de blessures, totalement hagard, il était incapable d'expliquer qui il était et d'où il venait. Ce dernier, inoffensif, avait été recueilli par le village sans qu'on ait jamais percé l'énigme de son apparition - et plus encore de sa survie. Se baladant de-ci de-là en se saoulant de mots étranges et de drôles de comptines, il faisait désormais comme partie du paysage. Les enfants, se régalant de l'observer et de l'entendre, cherchaient toujours sa compagnie, tandis que les villageois se contentaient pour la plupart de déposer un peu de nourriture devant la petite hutte qu'il avait construite, à l'extérieur de l'enceinte de bois qui abritait les autres habitations. Selon les rumeurs, il était courant de rencontrer l'Ebervigé nu et sale ; s'il était parvenu à apprendre quelques mots de boti (dialecte des Uthgardts), il n'avait pas intégré le tabou de la nudité, mangeait des petits rongeurs et des oiseaux crus, dormait à toute heure du jour et veillait la nuit, au hasard de son humeur.

En voyant Vanetir, Ahou se mit à battre des mains en souriant et grimaçant à la fois. L'épaule qu'il dissimulait jusqu'alors était comme enfoncée, d'une teinte violine tirant sur le noir ; la blessure était vilaine.

L'ébervigé

- Ahou en paix, Ahou. Ahou en paix, Ahooooouuuuu, l'excitation, ou la douleur, le fit pousser un cri qui rappelait singulièrement le hurlement des loups.Ahou est fatigué, Béorunna rentrer. -------------------- Un jeune homme crasseux d'une quinzaine d'année, l'air hébété, sourit béatement. Il marmonne ou chantonne : ses mots se bousculent toujours, s'ordonnent quelques fois, restent le plus souvent vides de sens.

Vanetir était surprise et énervé lorsqu'elle reconnu le jeune homme. Il était parfois amusant, comme l'était les idiot, mais le plus souvent elle le trouvait énervant. Pour elle, il jouait le rôle de simplet. Sinon comment expliquer ses ballades en forêt ? Les limites près du village étaient relativement sûres, mais ce n'était pas une raison de s'y risquer sans armes et encore moins dévêtus. Cette fois, il semblerait que son escapade se soit montré plus dangereuse qu'il ne le pensait et il était possible que l'étrangère à la peau brune y soit pour quelque chose. Méfiante, elle relança la discussion.

- Je n'ai pas d'autorité pour t'inviter à Béorunna. De toute façon, tant que je ne sais pas ce que tu as fais à Ahou, il est hors de question que je t'y emmène.

Elle se tourna vers l'idiot du village.

-Et toi ? Qu'est-ce que tu fous ici ? Et encore à poil pour changer ... Où t'es tu faîte ses blessures ? C'est elle la responsable ? Ou quelques chose traine par ici ?

Haleena restait sur ses gardes, la barbare de Béorunna était de toute évidence très méfiante et n’était pas convaincu par les premières explications. Le problème étant que l’ébervigé n’était pas capable de s’exprimer plus clairement. Le comprendre nécessitait un peu d’empathie, une mise en perspective et une bonne part d’interprétation.

- Ah, tu le connais donc ! Il est simplet, j’imagine.

- Je pense qu’Ahou… Haleena avait vraiment du mal avec ce nom, n’est pas totalement humain. Je le suspecte d’être un homme-loup de la tribu des Loups Gris... Je n'en ai jamais rencontré mais c'est ce que les anciens racontent...

Je marchais dans la foret quand j’ai vu deux loups. L’instant d’après, je trouve ce garçon, nu et griffé mais sans une seule blessure, à l’endroit exact ou j’avais vu les deux loups… et regardes ces traces ! Montrant les traces de pattes griffus dans la terre battu autour du naturiste. Et ses hurlements! Ahou hurle comme un loup.
Mais si Ahou est un homme-loup… ou est le deuxième ?
Ne serais tu pas Loup Gris toi-même ?

L’histoire que racontait Haleena devenait de plus en plus farfelue et elle laissa un instant de silence flotté.

- Le Puits de Béorunna, je connais ce village, j’y ai déjà fait du commerce dans le passé. Une fois par an, je viens sur la place centrale pour vendre des peaux tannées et des truite-béliers. Tu ne me remets pas ? Revenir à une conversation plus conventionnelle était plus sûr pour obtenir la confiance de la guerrière.

Les questions de Vanetir s'abattirent comme une volée de bois vert sur l'Ebervigé, qui prit cet air penaud des enfants grondés. S'il ne comprenait vraisemblablement pas tout ce qui se disait, il avait bien senti la colère de la braconnière.

L'ébervigé

- Ah-poil ? Ahou ? Fini... bredouilla-t-il, les yeux baissés. Ahou gentil benêt, fatigué, fatigué. -------------------- Un jeune homme crasseux d'une quinzaine d'année, l'air hébété, sourit béatement. Il marmonne ou chantonne : ses mots se bousculent toujours, s'ordonnent quelques fois, restent le plus souvent vides de sens.

Alors que les deux femmes, sans abandonner leur méfiance, devisaient, l'adolescent se mit à sangloter bruyamment. Les genoux repliés sur son torse, la tête enfouie dans ses bras, il se berçait lentement d'avant en arrière. Quelquefois un mot échappait entre deux reniflements : "gentil...dormir...dame...Runa..."

Attention, si vos personnages dialoguent dans le dialecte des Uthgardts, il faut veiller à adopter un vocabulaire et un niveau de langage simples : évitez les mots savants (préférez "homme-loup" à "lycanthrope", par exemple), les longues phrases, les connecteurs logiques etc... On peut imaginer que le lexique soit riche pour toutes les réalités familières (nature, animaux, chasse, guerre...), mais pas pour la philosophie, la magie...
Si vos personnages parlent en illuskien, il est probable que leur vocabulaire soit également limité dans la mesure où elles ont peu voyagé, ne savent ni lire ni écrire. A vous d'adapter aussi en fonction du score d'intelligence.

Vanetir était exaspérée par les non réponse d'Ahou. Si cela ne tenait qu'à elle, elle le secourait pour tenter de lui remettre les idées en place. Surtout que maintenant, il se mettait à chialer. La frénésie de sa traque semblait être bien loin maintenant et elle était pressée de rentrer.

Cest ça, oui. Ahou est gentil. Tes fringues ne sont pas loin ou tu es venu jusquici nu comme un vers ?

La barbare tout en cherchant les alentour du regard à la recherche d'étoffe, elle s'adressa à l'étrangère.

Je vais te conduire au village, si tu le veux. Je suis trop claquée pour moccuper de tout ça.

Ahou avait au moins eu le mérite de calmer la tension avec ses pleurnicheries.

La trappeuse semblait se calmait et avait accepté d’amener Haleena à son village, l’exode de la barbare était enfin arrivé à son terme. Tout comme Vanetir, dont la barbare des Poney Celestes ignorait toujours le nom, Haleena cherchait du regard les vêtements du jeune garçon.

- Ou sont tes vêtements Ahou ? Demandait-elle d’un ton bien plus maternel que celui qu’avait employé Vanetir quelques instants plus tôt. Les secondes s’égrainaient et Ahou sanglotait et riait en même temps mais aucune trace des frusques ne se révéla.

- Prends cette peau et couvres toi, tu vas attraper la mort ! Haleena dénouait une peau de loup-arctique d’un blanc ivoire de son énorme bardât.

- Hageeuuu Argggmaaaaah. Elvira, de sa cachette, révélait sa présence dans un babillement agacé, ou alors ce fut une forme très primitive de jalousie à l’encontre de l’attention que donnait sa mère à Ahou.

- Je suis Haleena et toi comment t’appels tu ? La barbare tentait de détourner l’attention du son émis par le nourrisson. Avec un peu de chance la blonde n’aurait rien entendu.

Ahou, tout à son chagrin, ne sembla pas même entendre les paroles agacées de Vanetir. Aucun vêtement n'était visible dans les environs immédiats, ni aucune arme : il fallait croire que le jeune homme s'était aventuré nu dans les bois.

L'approche plus pacifique choisie par Haleena se révéla efficace. Dans un reniflement particulièrement sonore, l'Ebervigé releva la tête, puis, tout interloqué, contempla de ses yeux rougis par les larmes celle qui lui avait parlé avec douceur.

L'ébervigé

- Toi gentille Naleha, déclara-t-il avec un profond sérieux, s'essuyant les yeux du revers de la main. Fixant la peau de loup d'un air accablé, il parut hésiter, puis se saisit de l'offrande pour s'en couvrir maladroitement. Il ne parvenait pas à lever le bras de son épaule blessée, et ne s'était relevé que péniblement. - Béorunna aller, Ahou sent le chemin. -------------------- Un jeune homme crasseux d'une quinzaine d'année, l'air hébété, sourit béatement. Il marmonne ou chantonne : ses mots se bousculent toujours, s'ordonnent quelques fois, restent le plus souvent vides de sens.

Les deux inconnues devraient faire connaissance en marchant, car l'adolescent dénudé s'aventurait déjà à travers les arbres. D'un pas sûr, pieds nus et pourtant indifférent aux accidents du terrain, il avait pris la direction du sud ouest. Marmonnant et marmottant continuellement pour lui-même, il ne se mêlait pas à la conversation des femmes, ni ne prenait vraiment la peine de les attendre.

Ahou a pris la direction du village. Indiquez-moi si vous prenez des dispositions particulières en le suivant, si vous le suivez bien sûr ; cela peut-être fait en HRP : dans ce cas j'éditerai ce message pour avancer.

Vanetir fut surprise lorsque l'inconnue donna son manteau à Ahou et interrompit sa recherche infructueuse quand elle entendit des bruits biens étranges. Elle aurait jurer entendre un bébé. Elle avait choisi d'ignorer les babillements, ce n'était pas ses affaires, mais offrir ses ressources à un inconnus la dépassait. Elle essaya tout de même de se montrer moins hostile, on n'essaye pas de semer le chaos avec son enfant sur le dos.

- Vanetir. Inquiète toi d'abords de ton gamin avant de t'occuper de ceux des autres. Ce n'est pas la première fois qu'Ahou part à poil dans les bois et il en est toujours revenu.

Elle suivit Ahou vers le village. Ses pièges ont certainement dut faire plaisir à des charognards, mais elle pourrait quand même vérifier ceux se trouvant sur la route. La barbare surveilla également Haleena, si jamais le froid l'affecter elle ou son enfant elle leur prêterait son manteau.

-Euuh. Haleena voulait répondre puis se ravisa.

Les deux femmes suivaient Ahou à distance raisonnable, l’adolescent était rapide et déterminé et ne ralentissait pas quelques soit les obstacles qui lui barraient la route. Les mots de Vanetir étaient rudes mais la barbare brune décelait une forme étrange de compassion dans le regard de son acolyte. Les Uthgards vouaient un culte à la puissance et à la violence mais aussi sauvage pouvait être un habitant de Faerune, personne ne pouvait rester insensible à la fragilité d’un nouveau-né.

Au début, le don de la peau fit défaut à Haleena, l'air était humide et froid. La barbare du Puit décela un frisson chez la nouvelle arrivante, d’un geste altruiste elle lui proposa son manteau. Le geste avait beau être généreux, Haleena était méfiante.
¤ Pourquoi elle me donne ça, tout d’un coup ? ¤

- Je n’ai pas froid ! Mentit-elle, toujours dans le but de n’exposer aucune faiblesse.
- Mais c’est une belle peau…" puis le silence revint, alors que le nudiste creusait l'écart.

L'air était certes froid et vivifiant, mais une marche rapide permit à Haleena de se réchauffer. Si le soleil ne parvenait pas à percer derrière les nuages et la canopée que formaient les conifères, il faisait un peu plus doux qu'à l'aube et la brume s'était progressivement dissipée. De nombreux oiseaux chantaient, signe que le printemps était désormais bien installé, mais aussi qu'aucun prédateur ne rôdait.

Ahou eut tôt fait de distancer les deux barbares. En effet Elvira n'avait pas tardé à protester à grand renfort de cris et de pleurs contre la mère indigne qui avait oublié de la nourrir depuis leur lointain lever. Une halte s'était imposée, lors de laquelle Vanetir avait pu découvrir un nourrisson aux membres potelés et à la face rougie par le froid. Peut-être Haleena s'était-elle livrée un peu en racontant son histoire ? Il était rare qu'un Uthgardt quitte sa tribu, a fortiori une femme...

L'ébervigé définitivement perdu de vue, la braconnière n'eut aucun scrupule à relever les quelques pièges sur leur chemin : un jeune lièvre vint garnir sa gibecière. La palissade de bois ceignant le Puits de Béorunna, aussi haute que rassurante, s'offrit à la vue d'Haleena comme la promesse d'une grande sécurité pour sa fille. Les deux rescapées avaient eu une chance inouïe en survivant seules à une nuit au cœur du Bois Froid. Quant à Vanetir, ce retour au bercail rimait probablement avec les ennuis routiniers qui l'accablaient...

Les abords de la petite hutte d'Ahou, nichée entre le village et les vastes enclos où paissait tant bien que mal un bétail maigre, étaient déserts. Quelques villageois s'affairaient dans les champs, encourageant les cultures à prendre leur essor, image probablement inédite pour une nomade des Poneys Célestes.