Chapitre 2 : Maman, "M" et les hors-la-loi

Vraiment pas de chance : la piste des malfaiteurs était pourtant fraîche, mais ils avaient disparu profitant du labyrinthe que formaient les rues étroites dans ce quartier.
Dépité, Iskender revint vers Jafert pour lui faire part de sa déconvenue.
Puis il remonta dans l’appartement de Zarmshield où il trouva Murdock qui semblait vouloir partir.
Il s’approcha de celui-ci pour lui dire discrètement :

- Il y a quelques portes fermées que je n’ai pas osé ouvrir de peur de déclencher un piège. Puisque nous faisons une perquisition, il serait probablement judicieux de visiter toutes les pièces, et je dirais même plus, qu’il serait utile de bien les fouiller… Peut-être que, si nous avons beaucoup de chance, nous pourrions trouver quelques documents intéressants…

Iskender s'en remettait à Murdock pour la conduite de la perquisition, puisque Finesire l'avait chargé de la faire. C'est pour cela qu'il n'avait pas voulu demander directement à Zarmshield d'ouvrir les portes pour faire une fouille en bonne et due forme de l'appartement.

Le Fils du Gel savait reconnaître une défaite. Furieux, il quitta la pièce dès que le vieil alchimiste les invita à sortir, ne prenant pas même la peine de tendre l'oreille à ses dernières paroles.

*Si ces imbéciles m'avaient suivi dans la ruelle, cette raclure aurait bien vite ravalé son sourire d'honnête commerçant...* ruminait-il en dévalant les escaliers, bien loin de décolérer. *L'Hiver les emporte tous, le chien avec !*

Il n'eut pas un regard pour Iskender lorsqu'ils se croisèrent dans le couloir, ni pour Jafert qu'il dépassa sans paraître le remarquer. Son intelligence vive lui avait déjà fait entrevoir les conséquences de leur risible échec : le réseau de contrebandiers ferait profil bas le temps que les soupçons s'éventent ; Zarmshield se montrerait irréprochable tandis que Grista resterait terrée dans l'ombre. Quant à Jakar Junior, son statut privilégié le mettait à l'abri d'une enquête.

*Un coup d'harpon dans l'eau !* pestait-il encore en s'éloignant de l'échoppe, se dirigeant vers les abords du temple où un agent du Culte l'avait abordé quelques jours plus tôt.

Kald essaye de retrouver l'homme qu'il a rencontré plus tôt. Il évite les ruelles désertes et reste sur ses gardes. Il regagnera l'auberge si sa recherche s'avère infructueuse.

Un sourire dédaigneux était né sur le visage de Zarmshield alors que les aventuriers battaient en retraite. Aucun élément tangible ne venait appuyer les accusations et l'alchimiste le savait pertinemment aussi avait-il beau jeu d'afficher une innocence outrée devant des allégations infondées.

L'homme eut même l'outrecuidance d'afficher un petit amusement devant la dernière question de Murdock, prenant cette ultime intervention comme la volonté de ne pas perdre la face.

- Sans connaître la nature du piège que vous mentionnez, il m'est difficile de vous répondre, répondit-il néanmoins en haussant les épaules. Un jeune arcaniste peut mettre en place une simple alerte ou un désagrément, même si ce dernier pourrait devenir potentiellement dangereux à long terme, alors qu'il faudra un magicien expérimenté pour installer un piège immédiatement mortel.

Faisant un petit geste de la main pour congédier l'importun, Zarmshield conclut :

- Je ne vous raccompagne pas, vous connaissez le chemin. Pensez à refermer la porte en sortant de ma boutique.

Quittant les lieux avec un temps de retard sur Kald, Murdock et Falrin croisèrent Iskender dans l'escalier qu'ils invitèrent les les suivre. Certes, la demande du rôdeur d'effectuer une perquisition plus poussée des appartements pourrait être utile mais sur quoi se baser pour l'effectuer ? Et si cette dernière fouille ne donnait rien, quelle serait la réaction des autorités de la ville devant les plaintes d'un Zarmshield se prétendant harcelé sans raison.

Finalement, presque tout le monde se retrouva à la Crique Confortable pour panser les plaies et convenir de la suite à donner à l'affaire. Kald, de son côté, avait décidé de faire cavalier seul pour poursuivre l'enquête qui accaparait nettement plus son attention que le démantèlement du réseau de M. Errant aux alentours du temple de Valkur, il ne put néanmoins pas faire de nouveaux progrès, son contact précédant n'étant en vue nulle part.

Son humeur maussade n'en fut pas améliorée et, de retour à l'auberge, le Sossrim se tint à l'écart de ses compagnons, s'enfermant dans sa chambre jusqu'au lendemain.

Remis sur pieds par Murdock, Jafert, quant à lui, avait retrouvé le confort de la Tour de Tulmène où "Gunard Samson" se vit remettre une note pliée et cacheté par de la cire. Cela lui remit en mémoire des instructions de Kald, l'informant de l'éventualité qu'il se voit prochainement remettre un message. Connaissant le caractère facilement irritable de son camarade, l'Amnien préféra ne pas ouvrir le pli pour en lui en laisser la primeur.



Le lendemain, tous se retrouvèrent dès le matin, Jafert n'ayant pas voulu perdre de temps pour donner subrepticement à Kald le message qui lui était destiné. Se mettant dans un coin, à l'abri du regard du reste du groupe, l'ensorceleur eut vite fait d'en faire sauter le sceau pour prendre connaissance de son contenu. Un léger sourire naquit sur son visage diaphane, il avait rendez-vous, à la nuit tombée, à l'angle d'une ruelle près du temple. Bien que mécontent d'être convoqué de la sorte - le goujat ne perdait rien pour attendre, Kald jubilait intérieurement à l'idée de rencontrer des fidèles d'Aurile.

Sorti très tôt avec ses chiens, Iskender les rejoignit peu après. Sa longue promenade matinale l'avait conduit, de façon totalement fortuite, à proximité de l'entrepôt qu'il avait observait un moment en restant soigneusement à l'écart. Il avait pu constater un va-et-vient important sur le site, le gué de Tulmène étant à pied d'œuvre, conformément à ce qu'avait laissé entendre Finsire. À première vue, il allait être difficile de pouvoir retourner sur les lieux, du moins sans l'aval du commandant de la garde.

n croisant Kald dans le couloir, Iskender vit que celui-ci ne le regardait même pas, semblant être très fâché.
Pourquoi être fâché ? Certainement contre lui-même, parce qu’il s’en voulait de ne pas avoir fait ce que Iskender avait tenté : suivre la naine.
Mais pourquoi s’en prendre aux autres ?
Iskender trouvait que c’était un personnage plutôt bizarre : d’une humeur changeante, plutôt hautaine et orgueilleuse, très centré sur lui-même, se moquant éperdument de blesser ses compagnons en lançant ses sorts et surtout ne prenant pour lui-même que le moins de risques possible. Imbu de lui-même alors que rien dans ses actions ou ses propositions ne faisait apparaître chez lui un discernement ou une intelligence supérieurs.
Bon, mais tant qu'il ne le blesse pas lui ou ses chiens...

Le lendemain, en promenant ses chiens, Iskender observa un mouvement important autour de l’entrepôt. Il revint en hâte auprès de ses compagnons pour leur faire part de ses découvertes :

- Il faudrait aller voir là-bas : des documents ou des indices intéressants y sont encore peut-être. Mais je ne sais pas si on peut y aller sans la permission de Finsire...

Jafert avait remis le billet à Kald sans l’ouvrir, malgré une certaine curiosité de ce qu’il y avait à l’intérieur. Le magicien observa le Sossrim à distance pendant qu’il déchiffrait la missive mais ne put déceler une once de réaction de sa part, tant pis.

- Vvilvilvilvilvilvil ! Souffla Jafert se grattant la tête. Ses camarades se tournèrent vers lui.

- Euh non, je ne sais pas. Tous firent une tête déçue.

- Peut être pourrions-nous prendre des nouvelles des prisonniers et questionner un peu le prêtre de Valkur. J’ai cru comprendre que le temple était celui d’Umberlie avant de servir le dieu maritime. Il aurait peut-être quelques informations à nous fournir sur la précédente administration qui a été cité parmi nos indices. Le magicien tapotait significativement le carnet, bien au chaud dans une poche de sa tunique.

- Il serait préférable que Falrin et Murdock s’en chargent… vous qui êtes coutumier de la théologie. J’ai peur de faire tache dans ce monde. Ajoutait-il pour se dédouaner de ce dirigisme.

Le magicien sortit le carnet et le lança en direction du nain et du paladin, sans réellement en viser un.

Ereinté par la colère et la déception, l'impétueux Sossrim s'était bien vite abandonné à un sommeil sans rêve.

Le lendemain aurait été bien maussade sans le billet que lui transmit subrepticement Jafert, décidément son meilleur allié. Jubilant intérieurement, Kald s'isola aussitôt pour prendre connaissance des quelques lignes que pouvait receler un pli de taille si modeste. Un rapide examen lui révéla que le magicien n'avait pas cédé à la curiosité : le sceau qui cachetait le message était en parfait état mais, hélas, aussi vierge de tout symbole. Quel crédit apporter à un message qui n'offrait aucun gage ? Peut-être serait-il signé ? Brisant précipitamment la prison de cire, il déplia maladroitement le papier, la hâte rendant ses doigts fébriles.

*Rien !* s'offusqua-t-il en portant son regard au bas de la note, dont l'auteur demeurait anonyme. *Pas même le divin symbole de la Déesse...*

Perplexe, il parcourut les quelques mots qui lui étaient si négligemment adressés : "on" lui donnait rendez-vous à la nuit tombée au coin d'une ruelle, près du temple de Valkur.

*Pour me faire détrousser ? Trancher la gorge ? Quels crétins !...*

Son esprit battu par mille vents contraires, le Fils du Gel enrageait de sa naïveté. "On" n'avait même pas daigné écrire une quelconque formule consacrée à la gloire de la Déesse, ni salué une Main d'Aurile selon le rite. Tant de désinvolture était invraisemblable et tant d'insolence ne manquerait pas d'être punie !

L'ensorceleur reparut quelques minutes avant le retour d'Iskender, le visage fermé, les yeux brillants. Jafert, qui commençait à bien le connaître, reconnut sans doute là les signes de la colère.

- Faisons comme ça, répondit-il en desserrant à peine les dents, avant de se lever pour quitter l'auberge.

Kald cherche tout d'abord un savant capable d'identifier les enchantements respectifs de sa broche en forme de flocon et du bandeau dérobé à Grista (il a suffisamment de pièces de platine pour payer, je pense).
Dans un second temps, il va reconnaître les lieux du rendez-vous : fréquentation, issue, bâtiments proches...

Déçu face à leur impuissance, le nain n’en restait pas moins déterminé à avancer dans leur entreprise. Il aurait voulu foncer dans le tas, mais à quoi bon, aucun aveu ne serait sorti de la bouche de ce puant de Zarmshield. Oui, il puait la vanité et la magouille.

*Mon gros nez de nain, le flaire comme il flairrait un bon filon de mithril.*

Heureux de pouvoir se reposer il profita du petit matin pour remercier Haela de lui offrir une nouvelle journée de vie pour guerroyer en son nom. Puis il lui adressa une nouvelle prière afin qu’elle lui accorde ses pouvoirs divins.

Alors qu’ils se retouvaient au petit matin, et faisant fit des promenades de Kald pour lesquelles il avait peu d’intérêt, Falrin réagit positivement à la proposition de Jafert :
- Oui, allons voir ces malheureux prisonniers, savoir c’qu’ils ont pu vivre ou découvrir durant leur captivité. Savoir d’où qu’ils viennent peut aussi êt’e un bon point de départ pour explorer une nouvelle piste. D’ailleurs, Zarmshield risque autant d’nous faire suivre que d’la mettre en veilleuse. Soyons sur nos gardes.

Puis saisissant le carnet au vol, il décida d’en approfondir la lecture, partageant sans retenue son contenu avec Murdock. Le nouveau gaillard, bien que bourré de principe comme tous les paladins de son espèce, n'en demeurait pas moins volontaire. Voilà une qualité qu’appréciait le nain et voilà un compagnon d’armes sur qu’il il pourrait compter en première ligne. Après le temps de lecture, il embarqua donc Murdock pour aller à la recherche des anciens prisonniers. Une fois retrouvés, il n'hésitera pas à utiliser un brin de magie pour les aider à délier leurs langues.

Avant d'aller se reposer et méditer sur la suite de l'enquête, Murdock constatait que Jafert était assez sérieusement blessé. Puisant dans sa foi et priant Torm de le guider, il soignait au mieux les blessures du commerçant.

Murdock avait fait le point sur les informations recueillis depuis le début de l'enquête et cela était bien maigre. Il restait encore de nombreuses questions sans réponse et les possibilités étaient encore trop nombreuses à son goût. Il voyait que le groupe d'aventuriers était plutôt chacun suit son idée et ses intérêts. Pour sa part et suivant la voie de Torm qui guidait ces pas et ces gestes, Murdock évaluait les différentes possibilités qui s'offraient à lui.

L'entrepôt sera à visiter à un moment donné mais il lui semblait qu'à l'instant cela risquait d'être compliqué. Le guet avait dû sécurisé la zone et il paraissait donc impossible d'y mener une enquête sans l'accord de son commandant. Ils avaient cependant secouru des prisonniers et il semblait utile de les questionner davantage, maintenant qu'ils devaient être mieux remis des évènements.

Avant de se rendre au Temple de Valkur, il se tournait vers Falrin et les autres membres de cette charmante compagnie.

- Je vais me rendre au temple de Valkur pour y interroger les prisonniers que l'on a libéré avec Falrin.

Le paladin, équipé comme à son habitude avec ces armes et son armure, se dirigeait dehors pour rejoindre le temple de Valkur. A l'approche du temple de Valkur, Murdock se présentait à l'entrée.

- Bonjour, Murdock, paladin de Torm. Moi et mes amis avons libérés des personnes que nous vous avons confiés pour les soigner des graves blessures qu'ils ont malheureusement subi. Nous craignons qu'ils ne soient pas les seules victimes d'un terrible traffic. Je souhaiterais voir si leur santé est meilleure et si possible leur poser quelques questions sur ce qui leur est arrivé. Cela me permettra de compléter mon rapport pour le commandant Finsire.

Murdock attendait la réponse de la personne en charge de l'accueil du temple.


HRP / Pendant le trajet Murdock fait aussi discrètement que possible attention pour voir s'il n'est pas surveillé ou suivi.

En fin d’apres midi alors que chacun vaquait à ses occupations, Jafert sous les traits de l’antiquaire Amnien fit un détour en direction de la boutique de l’alchimiste avant de rentrer à son auberge luxueuse. Il trouva l’homme, derrière son guichet avec toujours le sourire vaniteux et puant qu’il avait proposé à Murdock et Falrin lors de l’interrogatoire.

- Heureux de vous voir disponible à présent. J’espère que vous n’avez pas eu trop de problème avec ces gredins. Jamais là quand on a besoin d’eux mais toujours là pour vous taxer, ces Tormtars ne m’inspirent pas confiance! Il tentait d’amadouer le gibier.

- Je désespère de trouver des antiquités qui valent vraiment le coup ici. Je pensais que Vélen était un pays de cocagne. J’avais espéré pouvoir trouver des artefacts anciens de Maztica ici, peut-être à des prix plus intéressant qu’à Athkatla.

- Peut-être connaîtriez-vous quelqu’un en ville, un résident ou quelqu’un de passage qui pourrait m’obtenir des pièces rares ? J’ai entendu dire que les Muranndins ont ce genre de choses. Peut-être le Consortium de Rundeen en aurait aussi, qui sait ?

- Bien sûr, toute aide concluante serait récompensée. Finit-il pour intéresser commerçant.

Les aventuriers avaient décidé de se séparer afin d'être plus efficaces dans leurs différentes démarches, à moins que cela ne traduise, plus simplement, une absence totale de cohésion qui pourrait les faire avances, de conserve, vers une même direction.



Zarmshield accueillit Jafert avec toute l'attention qu'on était en droit d'attendre d'un commerçant. Rien dans son attitude ne laissait transparaître la moindre méfiance, laissant supposer que l'homme n'avait fait aucun lien entre le magicien et les enquêteurs qui étaient venus l'importuner la veille.

L'étrange requête de l'antiquaire parut attirer l'attention de l'alchimiste dont les yeux se plissèrent, affichant un air rusé. La boutique étant vide de tout client, Zarmshield hocha la tête d'un air entendu.

- Nico, peux-tu venir me remplacer, le temps que je traite une affaire confidentielle ?

- Bien maître, répondit une voix juvénile que Jafert reconnut pour être celle déjà entendu dans l'entrepôt.

L'adolescent, vu la veille quittant rapidement l'échoppe par derrière en compagnie de la Duergar, apparut et vint prendre place derrière le comptoir pendant que l'alchimiste invitait Jafert à monter jusqu'à son bureau.

- Quelles sont exactement vos recherches ? S'enquit l'homme après s'être installé. Les objets en provenance de Maztica sont rares et il est vrai que leurs prix ont flambé à Athkatla. Mais j'ai entendu dire qu'effectivement de nombreux joyaux ont été saisis à Murann lors de la chute de la ville. Par chance, je possède quelques contacts avec leur guilde des alchimistes qui bénéficie de la protection de l'empire Sythilisien.



De son bref entretien avec Finrise, Iskender avait retenu deux éléments importants. D'une part, le commandant de la garde était persuadé de la culpabilité de Zarmshield mais, en absence de preuves formelles, ne pouvait mettre l'homme hors d'état de nuire ; tout au plus, pouvait-il le garder à l'œil pour étouffer dans l'œuf toute velléité de remettre sur pieds son activité criminelle. D'autre part, le paladin leur apporterait toute l'aide souhaitée pour leur enquête, dans les limites de la légalité néanmoins, et ne voyait aucune objection à les laisser fureté un peu dans l'entrepôt.

C'est muni d'un laissez-passer en bonne et due forme que le rôdeur se présenta au petit détachement du guet occupé à investiguer l'endroit. Après avoir jeté un rapide coup d'oeil au document, le sergent autorisa Iskender à entrer, à condition qu'il n'interfère pas avec les hommes d'arme sur place. Alors que les miliciens se concentraient plus particulièrement sur les souterrains où étaient enfermés les prisonniers, le Shou s'attacha à passer au peigne fin le premier sous-sol. Si la quasi-totalité des documents avaient déjà été emportés par les soldats, Iskender découvrit néanmoins, dans le temple de Gargauth, une tunique manifestement oubliée dans un coin et ornée, au niveau du cœur, d'éclairs disposés en faisceaux.



Un blason représentant un dauphin signalait l'entrée du temple de Valkur. Mordock et Falrin y furent accueillis par une vieille femme qui les conduisit auprès d'Ilmar N'Rys. Ce prêtre du Capitaine des Flots put les rassurer sur l'état de santé des anciens prisonniers qui lui avaient été confiés. Ceux-ci se remettaient lentement et certains seraient très certainement en mesure de répondre à quelques questions. Jusqu'à présent, leurs discours restaient assez incohérents, parlant d'attaques nocturnes et de transport par barques jusqu'au lieu de leur captivité. Au ton qu'employait N'Rys, on sentait bien qu'il soupçonnait la patte d'Umberlie derrière tout cela et, s'il brulait d'envie de se mettre en travers du chemin de la Reine Garce, le sort des vulgaires terriens ne lui importait pas plus que ça. D'ailleurs, le temple était assez petit et les survivants prenaient bien de la place ; il serait bien de trouver une autre solution pour leur logement, Valkur encourageant ceux qui savent se prendre en main tout seul.



Après quelques recherches en ville, Kald avait fini par trouver, dans une petite échoppe qui ne payait pas de mine, une Halfeline, toute ridée, qui semblait posséder quelques notions dans la pratique de l'art magique. L'alternative aurait été d'aller trouver Zarmshield, certainement bien plus compétent, mais le Sossrim préférait ne pas envisager cette solution. Les tarifs étaient un peu élevés mais la femme assurait être en mesure d'arracher leurs secrets aux artefacts présentés.

Comme le pressentait Kald, la broche améliorait la résistance de son porteur, augmentant sa vigueur et ses réflexes et lui offrant ainsi de meilleures chances de résister à une attaque magique. Le bandeau, quant à lui, était l'outil idéal pour un espion ou pour quelqu'un désirant opérer incognito, lui permettant de modifier ses traits et d'opérer ainsi sous l'apparence de quelqu'un d'autre

En fin d'après-midi, l'ensorceleur arpenta discrètement les environs du temple de Valkur, notant au passage que ses compagnons se trouvaient encore sur place. Ne décelant aucun piège flagrant, il se dirigea vers le lieu de rendez-vous, affichant pour l'occasion toute la morgue qu'on pouvait attendre de la part d'un servant de la Vierge de Glace.

- Fis du Gel ?

Se tournant lentement vers l'auteur de ses mots, Kald pinça les lèvres en reconnaissant l'homme qui l'avait déjà abordé quelques jours plus tôt. Devant le regard glacial, le pauvre hère se décomposa encore plus et se mit à bafouiller :

- Je... Si vous voulez bien me suivre... C'est que... C'est le chef... Il est très prudent.

Devant l'embarras de ce crétin, le Sossrim eut un geste désinvolte de la main, l'homme ne valant même pas la peine de son courroux, en l'invitant à lui montrer le chemin. Après quelques minutes de marche dans des ruelles sinueuses, ils parvinrent devant une porte banale amenant un rictus amusé sur le visage de Kald. Cet itinéraire tarabiscoté n'avait eu pour objectif que de lui faire, vainement, perdre ses repères et venait de le conduire à l'arrière de la maison où il avait été précédemment abordé.

Introduit dans une pièce obscure, l'ensorceleur fut mis en présence d'une silhouette malingre, affluée d'un masque noir.

- Fils du Gel, avez-vous vraiment échappé à la mort ? Quel danger a-t-il bien pu vous faire perdre votre hachette ?

La voix était hésitante mais de la méfiance était nettement perceptible. Visiblement, l'homme doutait de la véritable identité de Kald mais n'osait pas le montrer de façon trop agressive. Après tout, si le Sossrim était vraiment celui qu'il prétendait être, la colère de la Déesse risquait de s'abattre sur l'incrédule.