L'épreuve des convictions, RP

Alors que la sépulture du lointain cousin du rôdeur prenait forme, une pensée parasite effleura son esprit. Un murmure, un souffle de vent caressant ses pensées aussi léger qu’une brise matinale. Installant sa nouvelle broche a coté de celle des gardiens Sylvestres, il se piqua le doigt en voulant la refermer. Si la douleur était largement supportable, se piquer avec une pointe de rose faisant bien plus mal que cela, la goutte de sang qui perla et fut absorbée par la pointe qu’il repliait derrière l’accroche. Il ne le vit pas, étant emmitouflé dans les replis de sa cape.

Sur le chemin du retour pourtant son esprit sentit une pression magique bien plus importante que celle qu’il avait pu ressentir lorsqu’il prit la brioche sur le corps du défunt. Le murmure du début s’était transformé en paroles indistinctes. Au milieu de la cacophonie de la ville se relevant de ses cendres, difficile de faire le lien.

Tout le monde vaquait à ses occupations, déblayant de ci de la les décombres fumants pour trouver de quoi survivre dans la forêt pendant quelques temps. Évidement les chasseurs feraient leur office en apportant la nourriture. C’était plus du matériel de survie qu’il fallait emporter. Couvertures, vêtements, tentes, abris improvisés. Tout ferait l’affaire.

En quelques heures de recherche le butin trouvé par les habitants était impressionnant. Petra et d’autres organisaient le tri pour ne garder que l’essentiel. Les sacs se remplissaient à grande vitesse, séparant les éléments par catégories et se faisant déjà distribuer a ceux qui pourraient porter les affaires. Il ne restait malheureusement pas de chariot ni de bêtes pour les tirer de toute façon. Tout se ferait à dos d’homme.

Charsi malgré cette découverte du manque de moyen de transport pris le temps de confectionner des litières à roues avec les moyens du bord pour pouvoir porter les plus gravement blessés. Elles tiendraient ce qu’elles tiendraient avait elle annoncé après avoir terminé la dernière. Ça sera toujours ça qu’on aura gagné avait dit un autre qui lui prêtait main forte.

Des paroles sans grand intérêt qui ne trompait personne mais qui donnait un sentiment de travail accomplis et de se transporter avec plus de facilité.

Pendant que les derniers préparatifs se terminaient, Petra s’approcha de vous. L’heure du départ approchait à grand pas, le soleil se réfléchissant sur les flaques d’eau, presque à son zénith. L’endroit faisait le bruit d’un marché lugubre, sans les harangues et invectives des uns et des autres. Naturellement, lorsque chacun fut prêt, ils se placèrent en fil serpentant sur la grande place. Les chasseurs n’étant pas réquisitionné pour porter ou supporter les blessés furent envoyé en éclaireurs pour trouver un chemin le plus praticable possible et désamorcer les pièges s’y trouvant s’il en restait. Les derniers retardataires finissaient de se rassembler sur la grande place quand Petra s’adressa à vous.

Dame Petra

-Gardiens, je ne peux décemment ni vous en demander plus, ni vous remercier assez. Elle resserra sa main autour de celle de son enfant, lui arrachant une grimace à mi-chemin entre la gêne et la douleur tellement elle le serrait fort. -Nous allons partir sous peu. Les éclaireurs ont commencé à préparer un sentier qui leur semble praticable en direction du sud-est puis nous nous laisseront porter par la forêt pour trouver notre nouveau foyer. Nous sommes partit pour faire au moins une semaine de marche avant de déterminer un nouvel endroit. Il ne faudrait pas que ce lieu ne soit trop proche de notre nouvelle localisation. -Pourriez-vous, s’il vous plait, faire revenir ceux qui sont à votre ville ? Ils y sont certes en sécurité mais les nôtres sont mieux ensemble quand nous transhumons ainsi…mais… -------------------- Cette changeling à la tenue simple voir débraillée ne manque pas de port de tête. Son visage expressif respire l’intelligence et la vivacité d’esprit.

Elle semblait un peu gênée elle aussi et tournait visiblement autour du pot.

Son fils prit la suite avec l’aplomb que vous auriez pu avoir venant de son père disparu.


-Ma mère aimerait que vous nous accompagniez encore pendant un petit moment. Une heure de marche ou deux avant de les ramener, simplement pour que les enfants ne voient pas la ville dans cet état.

Il reçut pour cette occasion un coup de coude dans les côtes et un regard insistant de sa mère qui visiblement ne pensait pas l’avoir éduqué à être aussi franc du collier avec les gens qui venaient de leur offrir leur sang et leur aide sans rien demander en retour. Son visage un instant furieux fut rattrapé par la douceur et la tristesse qui l’habitait depuis le matin. Elle n’osait maintenant rien dire de plus.

Ce que Charsi ne manqua pas de voir, elle prit donc la relève. Elle assena une claque derrière la tête du jeune changelin avant d’ajouter :

Charsy

-Si ta mère n’ose pas te reprendre, ne pense pas que j’hésiterais ! Rien n’a changé, je veux toujours du oui madame et de la discipline chez mes apprentis. Maintenant prends un marteau et va vérifier les accroches et les essieux des litières avant qu’on ne parte, s’il y en a une qui lâche c’est toi qui portes la personne dessus ! A la fois surpris et soulagé du ton anodin de la réprimande en contraste avec le chaos général, il prit le marteau de lui tendait la forgeronne et fila en boitant exécuter sa besogne, pas sans avoir dit un oui madame avant de partir. Le regard de Petra mit la forgeronne sur la défensive. -Quoi ? Il prenait ses aises ! Un peu de travail manuel lui remettra les idées en place, tu verras. Il va encaisser, il a toujours été plus solide que v…tu ne le penses ! Les deux amies, après un regard entendu et lourd de sens pour ignorer ce début de lapsus, se tournaient maintenant vers vous, attendant la réponse à la demande du jeune. -Alors, les gardiens, on peut encore vous avoir avec nous pour un moment ? -------------------- Cette changeling se tiens devant vous avec dans les yeux une lueurs de malice. D'une musculature assez puissante pour une femme, elle arbore son attirail de forgeron avec fierté .

zur’ael écouta Petra avec attention, notant le ton empreint de responsabilité et de résignation de la cheffe du village. Lorsqu’elle aborda la question du retour des enfants, elle se redressa légèrement, son expression marquée par une fatigue qu’elle s’efforçait de dissimuler. Ses pupilles, d’un vert intense, trahissaient cependant l’épuisement qui gagnait son corps après l’ample déploiement de sa magie. Elle inclina doucement la tête en signe de respect avant de répondre d’une voix calme et posée :

- Je comprends votre inquiétude, Petra, et je partage votre désir de réunir tout votre peuple. Mais les efforts que j’ai fournis pour protéger ce lieu et les vôtres m’ont demandé bien plus d’énergie que je ne l’aurais imaginé. Je dois me reposer quelques heures avant de pouvoir user à nouveau de ma magie pour ramener les enfants en toute sécurité. Cependant, soyez assurée que cela sera ma priorité dès que mes forces me le permettront.

Elle marqua une pause, ses yeux se tournant vers ses frères Gardiens. Le regard qu’elle leur lança était empreint de confiance, mais aussi d’une demande silencieuse. Elle voulait être certaine de leur soutien pour escorter la tribu dans cette transhumance qui, elle en était persuadée, marquait une chance de renouveau pour ces âmes meurtries.

Un léger sourire effleura ses lèvres avant qu’elle ne reprenne :

- Mes compagnons et moi vous accompagnerons pour les premières étapes de votre voyage. Nous ne laisserons pas votre peuple face aux incertitudes de la forêt et veillerons à ce que vous puissiez avancer vers un avenir plus sûr.

Son ton s’assombrit légèrement alors qu’elle poursuivait, ses pensées se détournant vers les questions qui la hantaient :

- Toutefois, il y a une autre question qui mérite réflexion. Votre sécurité dépend également de ce qui reste derrière nous. Le campement des Eldreths, leur organisation, leurs forces... tout cela doit être évalué. Leur chef est mort, mais ses disciples, eux, demeurent peut-être. S’ils apprennent ce qui s’est passé ici, ils pourraient chercher à se venger. Les fanatiques comme eux n’abandonnent pas si facilement leurs croisades.

Elle soupira doucement, son regard fixé sur un point lointain, comme si elle entrevoyait les menaces invisibles qui pesaient encore sur ce groupe :

- Une fois votre groupe en sécurité, nous devrons envisager d’examiner leurs forces et leurs intentions. Il est impératif de savoir si le danger plane toujours sur vous ou s’ils sont trop désorganisés pour représenter une menace immédiate.

Azur’ael se redressa enfin, s’accordant un instant pour contempler la tribu qui s’affairait à organiser son départ. Elle adressa un dernier regard à Petra, empreint de détermination :

- Prenez le temps de guider les vôtres. Je ferai de même avec mes forces et ma magie. Nous trouverons une solution, ensemble.

Intérieurement, Azur’ael se préparait déjà à la suite, consciente que cette bataille n’était qu’une partie d’un conflit plus vaste.

La nature, dans son étrangeté parfois désarmante, dans son chaos constant, a une manière unique de mêler douleur et émerveillement, de superposer des moments d’adieu et des débuts inattendus.

La présence de Venali dans la vie du grugach avait toujours été inconnue, un peu floue, sa famille Starym avait été depuis ses débuts, une tourmente qu’il avait tenté d’apaiser. Pourtant, cette perte, bien qu’atténuée par l’ignorance de la présence antérieure de son lointain cousin, portait en elle un écho de fragilité émotive. La mort, même lorsqu’elle s’invite discrètement, rappelle brutalement la précarité de nos existences et les liens, aussi ténus soient-ils, qui nous unit.

Les lieux ravagés, le mausolée sobre et modeste semblait retenir leurs souffles, comme s’ils respectaient la gravité de l’instant. Les visages familiers de ses compagnons et des étrangers se mêlaient dans un silence chargé d'émotions, chacun portant son propre souvenir de ceux qu’ils venaient de perdre. Pour certains qui n’avaient pas encore eu le temps de les honorer, ils étaient déjà à se préparer à partir plus loin, laissant derrière eux des pertes et des souvenirs douloureux.

L’étrangeté de ces rencontres qui naissent dans les ombres de la perte, laisse comme un rayon de soleil perçant un ciel d’orage, envahir les âmes profondément et laisse, indélébile, une trace qui ne s’efface jamais. Charsy avait quelque chose en elle qui lui semblait hors du temps, comme si elle portait une sérénité que le tumulte de l’existence ne pouvait ébranler. Leurs regards, encore une fois, se sont croisés, et il y avait dans le sien une douceur, un mélange d'empathie et de curiosité, qui fit vaciller, un instant, l’un des plus vaillants et solides guerriers des gardiens sylvestres.

Paradoxalement, au milieu de cette atmosphère empreinte de tristesse, Yvae se sentit vivant. La douleur des pertes s’atténuait sous l’éclat de cette rencontre et le rustre sauvageon, se surpris à sourire, à rire même, devant la chaleur de l’esprit et la profondeur de ses réflexions de la forgeronne qui rayonnait devant lui.

Cette journée resterait gravée en lui, non pas uniquement comme un jour d’adieu, mais aussi comme un jour de rencontre merveilleuse. Charsy lui apprenait que même dans les moments les plus sombres, la nature trouve des moyens de fleurir. La perte d’un proche rappelle, la fragilité et la brièveté des vies et cette rencontre inattendue offrait une autre leçon : celle de la beauté des instants imprévus, où l’espoir se glisse silencieusement dans la douleur pour nous offrir une nouvelle lumière.

Ils n’avaient pas terminé avec eux, et ce, même si l’état d’esprit du jeune nouveau Starym était dans un monde de douceur, d’émerveillement avec un regard languide, son esprit restait conscient et présent. Ce fut avec un signe de tête qu’il confirmait rester avec eux pour les protéger. À la suite des dires d’Azur’Ael il ajoutait…- Je vous accompagnerai pour vous aider à reconstruire votre nouveau village, nous avons en partie détruit l’ancien, l’équilibre exige un renouveau et j’en serai. -

Ce n’était pas du tout ce qu’il voulait exprimer, mais sa maladresse sociale légendaire s’était exécutée. Son corps excusait sa maladresse et il ajoutait en tentant de se reprendre…- Comme l’a mentionné notre sœur, il va falloir que nous éli… ané… sup…occ… que nous nous occupions du campement des Eldreths pour… éviter une vengeance… je serai la sentinelle d’ici là. -

Visiblement il aurait dû se taire et sa maladresse ne l’avantagerait pas au regard de Charsy. Yvae détestait de plus en plus sa rusticité, du moins, il prenait conscience que plus il s’efforçait d’avoir du raffinement, plus il s’enfonçait. Il expirait son mécontentement et entendit en lui un rire sarcastique accompagné de dire indistinct, un bourdonnement dans son esprit semblait présent depuis peu. Son regard devint interrogateur puis il regardait la piqure qu’il s’était infligée en apposant la broche des Staryms, comme s’il y avait un lien. Il soupirait cette saugrenue pensée et se mit à aider pour le transport des biens restants des villageois.

Instinctivement, il veillait derrière son dos et demandait à Ozalee d'être sur ses gardes. Il eu une tristesse lorsqu'il cherchait du regard Floyr pour qu'il puisse faire une tournée de vigilance, mais se reprit aussitôt, faisant lui -même le guets. S'il le fallait et le jugeait bon, il prendrait la forme d'un aigle et s'envolerait faire la sentinelle.


Perception.

Cette journée mémorable avait été longue, très longue et épuisante. Les effets de la potion de restauration qu’avait ingurgité l’hybride lui permettait, au moins pour un temps, de passer outre la fatigue qu’il aurait normalement dû subir. Sa proposition de faire gagner un endroit sûr et sous protection des Gardiens Sylvestres pour l’établissement d’un nouveau village changelins resta lettre morte.
Le Gardien des Mystères en fut quelque peu déçu, mais il ne s’en ombragea guère. Azur’Aël savait ce qu’elle faisait et elle avait ses raisons. Comme il s’y était attendu, les Gardiens Sylvestres accompagneraient les changelins assurant une partie de leur protection. Eux qui se croyaient sans défense lors de l’arrivée des membres de la Confrérie dans leur village, avaient maintenant une preuve tangible qu’ensemble ils étaient loin d’être sans défense valable. Toutefois, avoir à disposition une force de frappe comme l’Incantatrixe ou Yvae avait de quoi rassurer. Et en ces moments difficiles, ça pouvait avoir son importance.

Dinenda vit le Grugach incliner la tête en signe d’assentiment à la proposition de la Première Dame des Mystères. Quant à lui, il servait la Confrérie sous les ordres de sa Ly’Aegisir. Plus par courtoisie que s’il avait réellement un choix à faire, il inclina également la tête.
Il avait été, bien malgré lui, et pendant un court temps, le Général Dragon. Il n’allait pas les abandonner à leur sort maintenant. Par contre, l’innatho se garderait bien de reprendre le devant de la scène. Il avait accepté son rôle dans cette affaire, mais l’expérience avait été quelque peu traumatisante. Diriger un groupe de Gardiens volontaires n’avait rien de comparable avec celui d’amener à la guerre des individus qui n’avaient rien demandé. Aussi, alors que les préparatifs battaient leur plein, Dinenda s’occupa-t-il de ses affaires.

Et, ses « affaires » passait par un certain dragon rouge qui gisait non loin. Devant l’énorme bête, Dinenda pris le temps de choisir les meilleures pièces. Son objectif, était de récupérer certaines écailles et un peu de peau pour la conception d’une nouvelle armure, ou d’un quelconque objet, voir une arme. Il n’avait pas encore vraiment choisi ce qu’il ferait de ce trophée, mais l’occasion était trop belle pour la laisser passer. Il récupéra également un petit croc et deux grosses griffes. Il avait une idée en tête pour se remémorer cette bataille épique.

Sa sale besogne achevée, il se dirigea vers la rivière qui poursuivait son cours paisible et immuable. Il se glissa dans l’eau tout habillé pour s’y laver. Son passage dans l’estomac du rouge avait laissé des traces particulièrement immondes. Sans parler de l’odeur de miasmes mêlées de sang qui devenait insoutenable. Une fois rincé, il se choisi un petit coin à l’écart de l’agitation ambiante, mais qui lui permettait de garder un œil sur les restes du village traumatisé. Comble du paradox, l’ensorceleur alluma un petit feu et étendit ses vêtements pour qu’ils puissent sécher un peu. Dharasha ne l’avait pas quitté d’un pouce. Comme si elle était devenue son ombre, elle le suivit partout en silence. Les deux compères se satisfaisaient de la présence l’un de l’autre. Une présence silencieuse et pourtant au combien réconfortante, autant pour la Cooshee que l’elfe-dragon.
Dharasha se lova contre lui pour apporter sa chaleur corporelle à son maître. Dinenda n’en avait pas vraiment besoin, mais son simple contact était réconfortant. Dans un silence de cathédrale à peine voilé par les échos des changelins se préparant à l’exode, Il prit sur lui de s’occuper d’une tâche qui lui tenait à cœur. Il sortit le croc de dragon et entrepris de commencer par le nettoyer. Ensuite, Dinenda fouilla dans sa ceinture à munition pour en sortir sa trousse d’entretien pour son armure. Il récupéra un petit outil pointu et entrepris de creuser un trou dans la partie supérieure du croc. Il lui faudrait encore du temps, mais ils n’étaient pas encore près de rentrer à la maison. A chacune des hâlte, il reprendrait son ouvrage jusqu’à obtenir un trou assez large pour y passer un fin lacet de cuir fait avec le morceau de peau de dragon qu’il avait récupéré. Ce collier souvenir n’était pas pour lui, et avait d’autant plus à cœur de prendre son temps et faire du beau travail. Ce qu’il avait pu apprendre auprès de son forgeron de père lui était ici très utile.


L’heure du départ étant imminente, Dinenda et sa « fille » retrouvèrent leurs compagnons au centre des ruines carbonisées. Le Gardien des Mystères ne serait pas mécontent de mettre de la distance entre eux et cet endroit où l’odeur de brûlé étant omniprésente.
Lorsqu’il aperçut la Première Dame des Mystères, il se dirigea vers elle. L’informant qu’il était prêt pour le départ. Le mage-dragon se porta volontaire pour être en tête de colonne, mais affirma également qu’il prendrait la place que sa Ly’Aegisir lui confierait. Laissant bien volontiers la mission d’éclaireur à Yvae et Darasha.

La grande colonne peuplée d’humanoïdes aux yeux laiteux se mit en branle pour une nouvelle destination que personne ne connaissait encore. Les groupes d’éclaireurs composés de quatre membres chaque prenaient de l’avance sur un vaste demi-cercle précédant les réfugiés pour s’assurer qu’aucune embuche sérieuse ne les attendaient et trouvaient même bien souvent des passages plutôt praticables. Pour ce qui était de la discrétion ou des traces laissées, évidement camoufler autant de voyageurs relevait du miracle et personne ne s’y attacha sérieusement. Le sillon de pas et de passage de roues ne laissait aucun doute si ce n’était l’armement de la colonne.

Les plus vaillants, encore debout et énergiques prirent le devant aux coté de Dinenda d’abord dans un silence mêlant respect et peur. Ils avaient pu le voir à l’œuvre et au calme, sa présence suffisait à faire le reste. Ils ne purent lui parler ouvertement qu’au bout de quelques jours de marche. Quelques questions sur ses origines et ses talents, rien qui ne sortait de l’ordinaire.

Petra et ses disciples magiciens s’étaient répartis un peu partout dans la colonne pour user de magie en cas de besoin. Charsy comme prévu dirigeait avec le fils de Petra les quelques litières roulantes de fortune, aidant avec deux trois autres à faire passer les obstacles de la forêt. La première demi-journée ne permit pas de laisser une avance confortable au gout des dirigeant avec la ville en ruine.

Sans encombre, les réfugiés avançaient doucement mais surement dans cette forêt aux milles merveilles. En quelques jours à peine, les langues se déliaient, en particulier autour des feux de camps le soir. Les enfants avaient été rapatriés le lendemain et avaient retrouvé leurs familles pour une bonne majorité. Ils étaient les plus content de cette aventure, ne voyant qu’a travers leurs yeux enfantins, se hasardaient même à prendre la forme des héros ou des gens qu’ils avaient croisé a Thüldae en version miniature. Ce n’était pas rare d’ailleurs qu’un mini Dinenda courait après un mini dragon rouge aux proportions surprenantes le long de la colonne, hurlant son envie d’en découdre entremêlés de rires cristallins.

Chaque midi et soir, les plus charismatiques des changeling et les héros volontaires se réunissaient pour faire le point sur la situation et les objectifs des prochains jours. Décider du chemin, de la marche à suivre, faire le point sur les blessés et les vivres, l’état du matériel, tout y passait. Cela permettait également à tous de se reposer pleinement avant de reprendre la route.

Le groupe de gardiens avait également pu faire un tour en téléportation au camp des Eldreths avec les instructions d’Yvae pour le trouver. Si ce n’était la structure, ils n’y trouvèrent rien d’intéressant. Aucun plan, aucun contact avec d’autres entités de l’organisation. Tout avait été méticuleusement nettoyé, tout comme les traces pour un éventuel pistage. Si des survivants ou des gens laissés pour garder le fort étaient partit, il était impossible d’en distinguer les traces. Ne restait que le prisonnier de la première bataille de la soirée fatidique qui suivait la colonne sous le regard attentif de quelques gardes. Son sort n’étant pas encore décidé.

Le temps clément laissait maintenant avancer tout ce petit monde sans encombre et si les courbatures des premiers jours se faisaient de moins en moins ressentir de part cette randonnée forcée, il était difficile de garder le moral des troupes au beau fixe. Les enfants jouaient de moins en moins. Les adultes s’impatientaient. Les réserves de vivre tenaient le rythme grâce à l’efficacité de la chasse des éclaireurs.

Les gardiens, lors d’un petit passage à Thüldae pour rendre compte de la situation à Isórion, purent lui toucher un mot sur le projet de leur donner asile dans une terre non loin de la confrérie. Cette décision était depuis lors débattue en conseil exceptionnel selon les coutumes de la confrérie. Cela prendrait du temps a n’en pas douter.

Pendant tout ce temps, un des compagnons n’était plus seul avec ses propres pensées. Yvae, entendait de plus en plus de choses l’entourant. Sa petite blessure au doigt lorsqu’il avait passé la broche du Starym sur sa cape ne s’étaient toujours pas soignée. Elle ne saignait plus, comme si la goutte de sang, toute petite, refusait de couler ou de tomber. Elle était juste là.

Au début, le murmure pouvait se fondre dans le brouhaha général. C’est le matin du troisième jour qu’enfin, la voix se fait plus distincte et claire dans son esprit. Si claire qu’elle le sortît de sa rêverie en sursaut avec une exclamation de victoire teinté d’agacement.

-Ah, ENFIN !!! il était temps que tu t’occupe un peu de moi non ? C’est bien beau de courir la forgeronne sans forge et d’aider les autres, mais ça fait un paquet de temps que je m’échine à te parler et c’est la première fois que tu s’emble m’entendre…ton prédécesseur n’était pas aussi récalcitrant. S’il m’avait écouté d’ailleurs, il n’aurait pas fini ainsi.

La voix intérieure changea de tonalité. Prenant des accents plus rauques et profonds.

-Peut-être faudrait-il encore qu’il soit capable de définir ses priorités. Ce n’est pas en baguenaudant dans les bois qu’il fera avancer la cause.

L’autre personnalité de la broche repris le dessus. Sa voix était plus agréable, plus neutre avec quelques intonations et accents de noblesse. Comme s’il était de la haute.

-Soyons patient ! Nous le connaissons à peine.

Un petit silence s’installa avant que la première voix ne reprenne.

-Et bien présente toi ! alors ! il faut tout faire à ta place ?

Après encore quelques jours de marche ralentissante, il fallait se rendre à l’évidence, trouver un endroit serait chose moins aisé que prévu. La clairière de la ville précédente offrait tout ce qui était nécessaire. Depuis, ils n’étaient tombés que sur des zones a peines praticables, ou nécessitant des mois de travaux avant de pouvoir construire le premier bâtiment. Marécages, collines rocheuses, lac et points d’eau habité par des créatures dont il vaut mieux se méfier. Sans parler de cette ville fantôme que vous aviez trouvé quelques temps plus tôt lors de votre première rencontre avec le Starym qui était non loin. A peine deux jours de marche a cette vitesse. Si elle n’était pas sous l’emprise de la magie néfaste que vous connaissez bien, elle aurait été très bien pour recommencer. Les éclaireurs d’ailleurs avaient déjà trouvé la limite de la zone sans vie et refusaient d’y entrer plus avant, faisant infléchir la marche vers une autre destination.

Au matin du neuvième jour de voyage, un oisillon de brindilles se présenta aux trois gardiens encore présents, les autres étant retournés à leurs occupations premières quand ils eurent le sentiment de ne plus être qu’une bouche à nourrir de plus pour le groupe. Le message était le même pour tous les trois.

Isórion et d’autres membres du conseil souhaitaient s’entretenir avec celles et ceux qui était les leaders du groupe de changelin en présence des gardiens qui souhaitaient y participer évidement et demandent spécifiquement à Azur’ael de les leur amener quand elle en aurait la possibilité sans mettre les autres en danger. Agath’s qui s’avait pris d’amitié pour certains Changelin durant l’exode resterait évidement sur place pour continuer de les protéger. L’entretiens ne durerait pas longtemps selon le messager naturel.

La petite troupe se retrouva donc avec Petra et Charsy autour du feu principal le matin même pour en parler avec elles.

e feu crépitait doucement tandis qu’Azur’ael, drapée dans sa cape sylvestre aux broderies d’argent, écoutait le message porté par l’oisillon de brindilles. Dans l’éclat des flammes, les fils moirés de sa tunique bleu saphir reflétaient de subtiles lueurs, accentuant son aura envoûtante. Son regard émeraude se perdit un instant dans la danse des flammes alors que ses pensées s’organisaient avec méthode.

Une convocation du conseil, un échange crucial. Mais aussi un risque. Quitter la colonne en emmenant les leaders changelins signifiait priver le groupe de figures influentes, tandis que la route restait incertaine.

Mais avant de se préparer au départ, Azur’ael consacra un moment à ceux dont les espoirs reposaient sur la magie et les contes : les enfants et les jeunes adolescents qui suivaient la colonne avec un mélange d’émerveillement et d’incertitude. Rassemblés sous un vieux chêne tordu aux branches protectrices, ils l’écoutaient avec fascination. Avec quelques gestes élégants, elle fit danser devant eux des lumières irisées en forme de créatures fantastiques, de dragons miniatures et de loups argentés qui semblaient presque réels.

Puis, sa voix douce et envoûtante raconta des histoires anciennes, des légendes des Gardiens Sylvestres, des secrets de la lune et du vent, des mystères enfouis dans l’ombre des bois millénaires. Ses paroles étaient autant une distraction qu’un appel, car elle savait détecter, parmi eux, les âmes nées pour la magie. Elle posa sur ces jeunes ensorceleurs un regard complice, glissant subtilement des allusions aux Gardiens des Mystères, éveillant en eux l’envie d’en savoir plus, de suivre un jour ce chemin.

Enfin, après un dernier éclat de lumière dissipé dans la brise nocturne, elle les laissa à leurs rêves, le cœur un peu plus léger.

Au matin, elle retrouva Petra, Charsy et les autres autour du feu principal. D’un pas mesuré, elle s’avança, ses manches de soie ébène épousant la finesse de ses gestes.


— Le Haut Armanthor Isórion et le conseil demandent notre présence. Cette audience pourrait sceller notre avenir et celui des réfugiés… mais nous devons agir avec prudence.

Son regard glissa alors vers Dinenda, le Gardien des Mystères, celui en qui elle avait la plus grande confiance. Avec une fluidité naturelle, elle sortit le bâton magique et le tendit vers lui, le bois ancien captant la lueur du matin.

— Ce bâton détient un pouvoir rare, Dinenda. Il peut nous mener où nous le souhaitons… mais chaque usage doit être pesé avec soin. Je te le confie. Si un danger trop grand menace la colonne ou notre mission, use-en avec sagesse.

Elle attendit un instant, ses prunelles perçant celles de Dinenda pour s’assurer qu’il comprenait la gravité de sa charge. Puis, se tournant vers Petra et Charsy :

— Je mènerai les changelins à leur audience. Nous partirons discrètement et reviendrons au plus vite. Agath’s restera pour veiller sur ceux qui restent.

Elle inspira lentement, laissant le silence peser une fraction de seconde avant de poursuivre d’une voix plus douce, mais empreinte d’une autorité indiscutable :

— Si quoi que ce soit venait à menacer le groupe… Dinenda saura quoi faire.

D’un geste élégant, elle ajusta la broche du loup argenté sur son cœur, rappel silencieux du devoir qui pesait sur ses épaules. Puis, relevant son capuchon, elle laissa son visage s’ombrer d’un voile de mystère avant d’ajouter, avec une pointe d’ironie douce :

— Espérons simplement que le destin ait la sagesse de ne pas nous mettre à l’épreuve… trop tôt.

Elle dissimula un soupir en détournant le regard. Car au-delà du devoir, une pensée plus intime lui serrait le cœur.

Lahmëe.

L’elfe sauvage, conteur naturel des Gardiens Sylvestres, celui dont les mots avaient su effleurer son âme avec une douceur insoupçonnée. Son absence était un vide qu’aucun mystère ne pouvait combler. Il était parti en mission, comme elle, mais ses nouvelles s’étaient taries avec le temps. Était-il seulement en vie ?

Un mince espoir lui soufflait qu’à Thüldae, elle entendrait enfin son nom. Qu’une voix, un signe, lui dirait qu’il marchait encore quelque part sous le même ciel.

Et si ce n’était pas le cas… elle finirait par le retrouver.