Chapitre 2 : Maman, "M" et les hors-la-loi

Parlant après Jafert et Falrin, Iskender posa naïvement une question à Jafert :

- Je n’ai pas bien compris : de quel Thanterim s’agit-il ? Le marchand ou son oncle le magicien ?

Puis il reprit en direction de Falrin :

- Je ne pense pas qu’il y ait quelque chose d’important dans la grotte des Taslois ou dans la crypte qui nous ait échappé, nous les avons quand même bien fouillées. D’autant plus de la grotte a dû être pillée, depuis, par les forestiers et leurs enfants. Ceci dit, chacun peut suivre sa piste et on mettra tous nos résultats en commun.

Personnellement, je vais retourner à l’entrepôt la nuit prochaine après m’être reposé cette nuit et la journée de demain, de façon à pouvoir veiller toute la nuit. Rien ne dit que cet entrepôt est lié à M, mais rien ne dit non plus qu’il ne l'est pas. Et de plus, nous savons que M fait de la contrebande…

Il n’est pas question d’y aller en armure. Personnellement, j’irai sans aucune affaire, ni aucun chien. Juste avec ma dague. Et une bouteille d’alcool : si on m’attrape, je me parfumerais les habits et l’haleine pour me faire passer pour un ivrogne.
Je suis aussi assez bon à la nage et je pourrais peut-être m’enfuir par la mer si je suis trop "pressé", à condition -bien sûr- que la barque ne soit pas dans les parages.

Je compte faire le tour de l’entrepôt et trouver, vers l’arrière, un petit poste d’observation me permettant à la fois d’avoir une vue possible sur l’intérieur du bâtiment à travers les lattes disjointes, s’il y a de la lumière comme la dernière fois, et aussi me permettre un repli facile en cas de problème.

Si tu veux venir, Falrin, ça serait bien puisque ta vision dans l’obscurité serait utile. Mais il faut venir sans armure bien sûr, et tu resterais caché assez loin, du côté de l’entrée, à la fois pour noter les horaires des changements de gardes, repérer le nain et distinguer les silhouettes que je n’ai pas bien vu la dernière fois.
Et peut-être aussi m’avertir en cas de danger pressant…

Puis, s’adressant à tous :

- Effectivement, je pense que suivre la piste de La Traque de Malar et de Bahri Jassar nous serait très utile. Mais qui le fait ?

@Koril : sans armure !

Les yeux d'opale du jeune Sossrim, sévères, farouches même, passaient de l'un à l'autre de ses collègues. Depuis le début de leur réunion, il affichait une mine morose et renfrognée sur laquelle se lisait de plus en plus distinctement son exaspération. Discuter, encore et toujours ! Débats et tergiversations n'auraient donc jamais de cesse ? Et à quoi bon, puisque le maître-chien n'en faisait finalement qu'à sa tête, comme à son habitude... Comme tout était plus simple et plus efficace sous la froide hiérarchie de l'Eglise froide, où l'on obéissait ou commandait suivant son rang !

- Soit ! s'emporta-t-il après la tirade d'Iskender. Que chacun aille où il lui plaira. Entrepôt, grotte, manoir... Et pourquoi pas dans les ruines de Sondar tant qu'à faire !

Il se leva, presque menaçant dans sa colère. Depuis le début, il était réticent à travailler pour la milice et attendait de se laisser convaincre par ses compagnons, plus enthousiastes. Leur amateurisme confinait ce soir à la plus complète désinvolture. Dans ces conditions, chercher M n'était plus seulement inutile mais dangereux.

- J'irai poser quelques questions du côté du port, pour vérifier s'il n'y a pas eu d'autres survivants que les taslois. Si personne n'avance alors bon vent, j'ai mieux à faire !

Sur cet accès d'humeur, il quitta la pièce pour regagner sa chambre. Les quelques rescapés du Culte du Froid vaudraient bien ses piètres associés, auxquels plus rien ne l'attachait désormais que le contrat qui les liait était soldé.

Alors que le Sossrim du froid glacial s’emportait tel une tempête hivernale, Falrin eut un léger sourire. Ce type d’emportement signifiait pour lui un grand manque de sang froid, ce qui était bien comique pour un serviteur d’une déesse glacée.

- Bon avant d'repartir vers la grotte ou l'manoir Tantherim, creusons les autres pistes au moins sur une journée comme ça a été suggéré. J'veux bien m'charger du bourgmestre Jos Knightson ou de Jakar Pyllam si personne ne s’en occupe. Il m'faudrait trouver les opposants politiques, soit en écoutant les racontars dans les tavernes, soit en traînant dans les administrations ou bien en demandant un coup de main à un confrère prêtre. Iskender ? Jafert ? Vous prenez quelle piste ?

Le nain attendait sagement la fin de leur entrevue pour demander à l’aubergiste de lui couler un bain chaud qui lui permettrait de se départir de cette odeur de pêcherie. Il mis un soin particulier pour être bien frais et présentable pour ses futures rencontres du lendemain. Il pris le temps de refaire ses belles tresses pour lécher sa présentation.

Il était difficile d'identifier et de dégager une piste claire dans leur recherche de M, tant Tulmene ressemblait à un véritable panier de crabes. Port fortifié, la bourgade avait dû composer avec les pirates des Îles Nélanthères qui, s'il laissaient relativement tranquille les pauvres barques des pêcheurs, prélevaient un lourd tribut sur le commerce maritime. Depuis l'avènement de la Reine Zaranda, ces forbans se montraient plus discrets, pourchassés par les vaisseaux du Comte Keelson, sans être totalement éliminés.

Outre cette menace, toujours présente, le hameau recelait également son quota de truands, affiliés ou non aux Voleurs de l'Ombre qui avaient des ramifications dans toutes les villes de la Côte des Epées. Si les opposants politiques faisaient encore profil bas, c'étaient qu'ils ne se sentaient pas encore assez en confiance pour se dévoiler au grand jour en raison de la ferveur populaire toujours favorable à Zaranda Étoile Rhindaun qui avait su ramener la paix après un quart de siècle de guerre civile.

Plongés dans ce contexte géopolitique complexe, les aventuriers peinaient dans leur enquête, la piste de M se perdant souvent dans le maquis des autres intrigues.

Connaître un peu mieux les personnalités en vue du port ne pouvant leur nuire, la compagnie des pas grands décida, sans vraiment décider d'ailleurs, restant en ça fidèle à sa stratégie habituelle, de passer une nouvelle journée en ville à écouter les rumeurs avant de se rendre, la nuit venue, à l'entrepôt en bord de mer.



Jafert fut reçu fort courtoisement par Grollar Zarmshield, ravi en apparence de rencontrer un compatriote. L'homme s'efforça d'afficher un masque d'impassibilité devant le recueil de drogues que le tavernier amnien lui montra mais ne put pas vraiment cacher sa surprise, tentant, en vain, de savoir d'où provenait cet ouvrage. La conversation dévia ensuite sur des banalités, l'ancien alchimiste semblant avoir abandonné cette activité pour le lucratif commerce de poissons.

Alors que Kald se rendait sur le port, Falrin allait traîner du côté du chantier naval. La piste de la Traque de Malar ne menait à rien. Le navire, appartenant bien au Consortium de Rundeen, était connu pour assurer la liaison entre le Tashalar et le tout jeune Muranndin. À la connaissance des pêcheurs de Tulmene, aucun survivant n'était apparu depuis le naufrage.

Le chantier Pyllam résonnait de bruits divers, signes de son activité. Prenant quelques minutes de pause, un charpentier put dire au nain tout le bien qu'il pensait de son employeur, homme honnête et courageux, au contraire de son fils qui était vraiment de la graine de voyou. Mais le gamin faisait davantage penser à un roquet qui aboie beaucoup, sans mordre, qu'à un véritable méchant.



S'étant reposé pendant la journée en prévision de sa virée nocturne, Iskender se sentait d'attaque pour retourner à l'entrepôt. À force d'insistance, il réussit à convaincre Jafert et Falrin de l'accompagner, Kald lui opposant toujours un refus dédaigneux.

Sous l'éclairage diffus de la lune, le bâtiment tout en longueur apparaissait dans l'ombre. Comme la nuit précédente, il était plongé dans l'obscurité et deux hommes se trouvaient encore postés devant la porte principale.

Laissant ses compagnons tapis derrière des rochers assez loin du hangar, le rôdeur se faufila dans l'ombre pour atteindre la porte latérale. Celle-ci était barrée de l'intérieur par un solide épar de bois et ne pouvait être ouverte. Par des planches disjointes, Iskender put néanmoins observer partiellement l'intérieur du bâtiment. À quelques mètres de la porte, une trappe ouverte dévoilait un escalier s'enfonçant en terre. Dispersées un peu partout, des caisses étaient empilées, formant plusieurs tas sans ordre apparent. Des sacs étaient également entassés contre un mur.

Alors qu'il allait rebrousser chemin, le rôdeur entendit des voix provenant de l'entrée principale. Déjà remarqué par Jafert et Falrin, un homme venait d'arriver devant l'entrepôt. Arrivant de la ville par voie de terre, ce dernier semblait assez important pour que les sentinelles lui manifestent du respect. Peu de temps après un bref appel, la lueur d'une torche apparut dans le hangar, gravissant les marches de l'escalier comme put le constater Iskender qui avait de nouveau collé son œil entre deux planches. Le nain à la peau grisâtre, déjà vu la veille, rejoignit l'entrée et engagea la conversation avec le nouveau venu.

De leur poste de vue, leurs silhouettes trapues pouvant presque les faire passer pour des frères, Jafert et Falrin pouvaient parfaitement voir ce qu'il se passait. Le nain étouffa un juron en réalisant que c'était un Duergar qui venait accueillir le visiteur. Voir ici cette maudite engeance ne présageait rien de bon. Jafert, quant à lui, écarquilla les yeux lorsque la torche éclaira brièvement le visage du dernier arrivé. Que faisait donc l'honorable Grollar Zarmshield en ces lieux, à une heure aussi avancée ?

Malheureusement, le bruit du ressac masquait partiellement les sons et seul un brouhaha indistinct parvenait aux oreilles des espions qu'ils soient tapis derrière leurs rochers ou, plus près, à proximité du hangar. À la gestuelle de Zarmshield, ce dernier semblait assez mécontent et donnait des consignes que le Duergar écoutait servilement. Après quelques minutes, l'Amien tourna les talons pour s'éloigner vers le port. Le nain gris fit de grands gestes à l'attention des sentinelles avant de les planter là pour entrer de nouveau dans l'entrepôt. Il disparut bien vite dans le sous-sol et le calme et l'obscurité reprirent bientôt possession des lieux.

Iskender les ayant rejoint, les "pas grands" restèrent encore quelques temps sur place sans que rien ne vienne troubler la routine qui s'était installée, personne ne venant relever les sentinelles.



De retour à la Crique Confortable, autour des choppes de bière que Falrin avaient pris le soin de prendre avant de rejoindre leurs chambres, les noctambules purent faire part de leurs observation à un Kald maussade mais néanmoins impatient d'en apprendre davantage.

Lancers...

Jafert - Jet de compétence : Social : 12(d20) +0(deg) +2(Cha) = 14
Falrin Grandtranchant - Jet de compétence : Social : 11(d20) +4(deg) +0(Cha) = 15
Kald - Jet de compétence : Social : 14(d20) +0(deg) +4(Cha) = 18
Iskender - Jet de compétence : Social : 14(d20) +0(deg) +0(Cha) = 14
Iskender - Jet de compétence : Perception : 1(d20) +4(deg) +2(Sag) = 7
Jafert - Jet de compétence : Perception : 18(d20) +0(deg) +1(Sag) +2(vigilance familier) = 21
Falrin Grandtranchant - Jet de compétence : Perception : 18(d20) +0(deg) +3(Sag) = 21

De retour dans la chambre avec ses compagnons (et des choppes de bière…), et après le récit de leur aventure, Iskender s’écria :

- Heureusement que tu es venu Jafert ! Ça nous a permis, sinon de nous rapprocher de M car il est encore trop tôt pour le dire, au moins de soulever une partie du masque de Grollar Zarmshield, ce patron pêcheur qui ne s’occupe pas seulement de pêche ! Sans toi, nous ne l’aurions pas reconnu.
Et c’était bien aussi que tu y sois, Falrin, tu as pu voir le nain qui semble diriger la bande dans l’entrepôt et ainsi t’apercevoir que c’est un malfaisant, ce que je n’avais pas su reconnaitre.
Pour la suite, il me semble indispensable d’aller voir ce qui se passe dans le (ou les) souterrain de l’entrepôt.
On pourrait faire appel à Finsire pour aller, avec la garde, « visiter » l’entrepôt, ou encore se débrouiller pour y aller par nous-mêmes. Cette dernière solution me semble plus risquée mais probablement plus prometteuse.
Mais avant cette visite, nous pourrions peut-être nous intéresser à Jakar Junior. Cet individu –quoique jeune- qui me semble assez malfaisant, ferait un bon complice de M, à moins qu’il ne soit M lui-même. Je propose donc qu’on le suive discrètement pendant quelques nuits, car je ne pense pas que cela soit utile de le faire de jour.

Ayant dit cela, Iskender regarda ses compagnons d’un air interrogateur...

Maussade, Kald l'était encore quand ses collègues poussèrent la porte de sa chambre pour lui raconter leur soirée. Loin de partager l'enthousiasme du Shou, il avait écouté en silence, un demi-sourire hautain au coin des lèvres.

- Comme le soupçonne fortement la milice, Grollar Zarmshield fait de la contrebande, rétorqua-t-il s'en s'émouvoir. Rien n'indique qu'il s'agisse de M.

L'enquête piétinait et leurs investigations, certes infructueuses, ne les mettaient pas moins en danger : aucun bandit n'appréciait qu'on mette le nez dans ses affaires... La colère de l'ancien alchimiste en témoignait peut-être. Avait-il deviné les véritables intentions du prétendu antiquaire ? Ou l'espion avait-il fait mouche ?

- Jafert, qu'est-ce que tu as dit à Zarmshield, au juste ? La mauvaise humeur de l'Amnien était une inquiétante coïncidence. Il fallait tirer cela au clair. C'est peut-être pas le carnet sur les drogues qui l'a mis en colère ? Es-tu allé jusqu'à parler du gaz du dragonnet ?

Ses craintes confirmées, l'ensorceleur prit quelques minutes pour réfléchir, essayant de faire abstraction des paroles oiseuses qui s'élevaient déjà pour planifier une descente dans l'entrepôt. Esprit logique, il lui paraissait que leur méthode n'était pas la bonne : il valait mieux partir des rares indices dont il disposait sur M que suivre les pistes de la milice qui, de son propre aveu, ne connaissait pas ce malfaiteur. Ce dernier venait peut-être de s'établir à Tulmène, après tout ? Ce scénario semblait d'autant plus vraisemblable que le mystérieux contrebandier pouvait être un rescapé du naufrage. Le Sossrim, se surprenant à retomber dans le jeu aussi vain qu'interminable des conjectures, leva les yeux au ciel.

- Quoi qu'il en soit, glissa-t-il dans un silence, l'entrepôt ne semble pas avoir de liens avec les Voleurs de l'Ombre. Ou alors cela vous a échappé ? Ses yeux vont à Jafert, qu'il savait particulièrement méfiant à l'égard de la guilde d'assassins. M traite avec eux, c'est même peut-être l'un des leurs... Il se redressa, sa broche floconneuse miroitant sur sa poitrine, avant d'ajouter en élevant un peu la voix pour devancer toute objection : Tout ça pour dire qu'il ne faudra pas compter sur moi pour infiltrer l'entrepôt, ou l'attaquer. Je parie que Zarmshield trafique plutôt avec les pirates, car ses bateaux sont épargnés et son commerce prospère... Mais je n'irai pas vérifier, c'est trop risqué ! Rechercher M, pourquoi pas. Nettoyer la ville de sa racaille pas question.

Le groupe avait certes appris de nouvelles choses concernant Grollar Zarmshield, son lien avec cet entrepôt abandonné et la présence de ce Duergar, mais dans le fond rien sur M ou ses marchandises. Flarin était bougon pour une fois, le groupe tournait en rond, Kald faisait des hypothèses qu’il poussait beaucoup trop loin à son goût et qui s’éloignaient de la réalité du terrain. Le prêtre nain lança un regard de jugement à Kald et rebondit sur l’idée d’Iskender.

- Très bien, j’crois qu’c’est la piste la plus chaude et comme tu dis Isk’ ça sent bon la malfaisance des nains gris puants. Alors moi c’que j’vous dit c’est qu’on va pas s’coucher tout’suite ! On file à l’entrepôt, Kimo va faire une p’tite diversion aux deux gardes. ‘Doivent pas être bien doués ni élevés dans l’échelle de leur p’tite contrebande. Là j’peux en faire dormir un grâce à la magie d’Haela et Iskender et Jafert vous attrapez l’aut’e. Une fois la voie ouverte, Iskender se faufile à l’intérieur de l’entrepôt pour une première reconnaissance. Nous on reste tout prêt à garder tes arrières. C’est toi l’plus agile et l’plus discret d’nous trois. Mais rassure toi on t’laissera pas tomber.

Regardant Jafert et Iskender, et ignorant Kald qui ne souhaitait pas participer, Falrin interrogea :

- Alors, on s’bouge les miches et on y va ?

Falrin se redressa, renfila son armure et profita du laps de temps de réflexion pour prier Haela et Verdagain, les deux divinités de la chance chez les nains. Un bon prêtre se prépare avant la bataille. Il pourrait utiliser ses sorts de sommeil et en cas de pépin faire un ‘noir’ pour récupérer Iskender et filer à la duergar.

Énervé par le tour que prenait la discussion, Iskender prit la parole :

- Falrin, pourquoi être si pressé. Je ne comprends pas ta hâte soudaine. On peut très bien le faire demain, pourquoi le faire maintenant alors qu’il est bien tard ?
En plus, ton plan d’attaque ne me plait pas : Si Jafert et moi nous nous occupons du deuxième garde, ce ne sera qu’en le tuant. Je m’étonne qu’un prêtre d’un dieu bon puisse envisager qu’on tue froidement un homme qui n’est probablement qu’un simple garde.
De plus, es-tu tellement sûr de réussir ton sort sur le premier garde ?
Et si toi ou nous, ratons notre coup, le garde appellera à l’aide et nous devrons fuir sans aucun bénéfice pour notre recherche et au contraire mettre en alerte les malfaiteurs.

J’ai proposé un plan plus « doux ». Droguer les gardes avec, par exemple, Jafert qui jouerait les ivrognes. Si ça échoue, on pourra toujours envisager autre chose.
De toute façon, si on arrive à rentrer dans l’entrepôt, il ne s’agira pas d’une « première reconnaissance » car nous n’aurons pas la possibilité d’en faire une autre.

Et toi, Kald, Bien sûr que tu peux te retirer de l’enquête. J’ai eu moi-même envie de le faire.
Mais si tu veux continuer avec nous, alors il faut proposer quelque chose et pas attendre que les indices nous tombent du ciel !
Rien ne dit que l’entrepôt est lié à M, certes, mais nous savons que M fait de la contrebande et qu’il y a de la contrebande dans l’entrepôt. La conclusion logique est d’aller farfouiller là-bas si on veut faire avancer l’enquête.
Cela ne veut pas dire qu’on va démanteler l’organisation de Grollar s’il n’a rien à voir avec M.

Pour mettre les points sur les i et puisqu’il faut dire les choses sans détours, je propose qu’on suive Junior deux ou trois nuits et avant toute action sur l’entrepôt. Cela ne pourra pas nous nuire si on fait ça correctement. Êtes-vous d’accord avec cela ?

Une fois encore, le groupe retombait dans ses mêmes travers...

Le Fils du Gel n'en voulut pas à Falrin de l'écarter de l'assaut, bien au contraire. Outre l'absence d'indices légitimant une telle entreprise, à l'origine des réticences qu'il venait d'exposer, il considérait comme suicidaire de pénétrer le repaire des bandits. Les duergars n'étaient pas seulement réputés pour leur fourberie et leur cruauté, mais aussi pour être de redoutables adversaires capables de décupler leur taille et de se rendre invisibles. Et qui savait combien de gardes officieux surgiraient de la cave une fois l'alerte donnée ?

Se satisfaisant d'un tel compromis - en s'étonnant néanmoins qu'on n'insiste pas pour l'enrôler dans la bataille ; il était après tout le couteau le plus aiguisé du tiroir - il s'apprêtait à demander à Jafert le carnet sur les drogues quand Iskender prit la parole. Un rictus ironique illumina la face blanchâtre du jeune Sossrim alors que le dresseur de chien, dans un flot interminable de paroles, envoyait promener le nain et changeait finalement de plan. Ce revirement était tout bonnement incompréhensible !

- Farfouillez donc, puisque votre logique vous y encourage répondit-il en s'efforçant de garder son sang-froid, la fatigue d'une journée qui n'avait que trop durer lui faisant trouver la situation presque comique. Et permettez-moi de suivre le chemin moins risqué que traceront mes déductions et...

La prudence retint in extremis sa langue, alors qu'il allait commettre l'affront d'évoquer une pensée rationnelle. L'homme des bois, manifestement fatigué par son expédition, pouvait perdre patience. Tous, à vrai dire, semblaient sur les nerfs. Ses lèvres s'étirèrent en un sourire froid.

- Si Jafert m'y autorise, je confronterai demain l'écriture du carnet à celle de documents signés par Grollar Zarmshield. La milice doit bien avoir une lettre de sa main ou une déposition, que sais-je...

Kald se rendra à la milice dans un premier temps, et demandera à être aiguillé (avec recommandation officielle si nécessaire) vers une autre institution si aucun document ne permet la vérification à la caserne. Il doit bien exister des actes de vente, des déclarations de marchandises ou des permis de circuler sur les côtes...

Falrin eut lui aussi un sourire à l’intervention d’Iskender. Quant à la position de Kald, elle ne le surprenait pas. L'interrogation sur la raison d'être de ce groupe lui revint fort en tête. Il ferait peut-être mieux de trouver des aventuriers plus enclins à l'aventure.

- Moi ? Pressé ? Ça fait des jours qu’on tourne en rond et deux jours que t’vas roder autour de c’t’entrepôt. Alors on y va oui ou non ? Et tu f’rais quoi d’une journée en plus ? Aujourd’hui ou d’main la magie c’est la magie, tout dépend de la résistance de la cible. Mais si la nuit est avancée le sommeil se fait d’jà r’ssentir pour eux. Concernant les gardes, c’est toi qui propose d’les tuer pas moi. J’ai seulement parler d’ler assommer, alors révise tes l’çons d’morale.

- Dans ta proposition comme dans la mienne y’a des incertitudes, Droguer les gardes ? j’y crois moyen. Qui boirait à la bouteille d’un soulard qu’il ne connaît pas ?

Bien échauffé par la conversation et après une pinte engloutie, le nain repris

- Suivre junior 3 jours ou 2 semaines, rien ne nous empêche de l’faire demain, mais j’sais qu’c’est pas moi qui sait faire ça.

Il regarda ses trois compères et les questionna de nouveaux, intégrant Kald cette fois-ci, pour compenser le refus d’Iskender, trop prudent pour sortir de son bois.

- Alors vous êtes ou pas ?