Les traces laissées par les ravisseurs étaient relativement visibles et Iskender n'avait aucun mal à suivre la piste. Empreintes un peu plus marquées au détour d'une flaque d'eau, plaque de mousse arrachée par un objet trainé dessus, éraflures contre l'écorce des arbres ou branches basses d'arbustes brisées, tout cela fournissait moult indices au rôdeur sur la nature de ceux qu'il pistait. Il estimait leur nombre à une dizaines d'individus, de petite taille, plus petits encore que Falrin, qui portaient - ou trainaient parfois - plusieurs paquets qui restreignaient quand même leurs mouvements.

Sa hache de bucheron fermement tenue en main, Peurinn sénior marchait à quelques pas derrière leur éclaireur, le visage crispé. La colère et la détermination se lisaient sur le visage de l'homme qui entendait bien avoir le fin mot de l'histoire. Des intrus dans sa forêt, et aussi près de la hutte dans laquelle il vivait avec sa famille, voila qui n'était pas acceptable pour le modeste forestier.

À proximité, Falrin et Jeanne se déplaçaient d'un pas plus lourd que celui des "hommes des bois" tout en scrutant les alentours pour éviter toute surprise. Maugréant toujours contre cette perte de temps qui les poussait à suivre les élucubrations d'un gamin, Kald et Jafert avançaient au milieu du groupe, veillant à bénéficier toujours de la sécurité relative que leur procuraient les combattants.

Au bout d'une petite demi-heure de marche au milieu des buissons, suivant des layons certainement tracés par des bêtes sauvages, Iskender s'immobilisa soudain, adressant un geste du bras vers l'arrière pour inviter ses compagnons à se cacher sans faire de bruit. Le rôdeur s'était tapi derrière des fourrés et laissa le reste du groupe se porter silencieusement à sa hauteur.

La piste qu'ils suivaient se prolongeait vers une paroi rocheuse, plus précisément vers une ouverture sombre qui se devinait à la base de cette petite falaise. Divers déchets - restes de nourriture, emballages déchirés, en papier ou en tissus, débris de caisses en bois - jonchaient le sol de ça, de là, comme abandonnés ou jetés par des utilisateurs indélicats. Un petit humanoïde, recouvert d'une fourrure vert sombre, se tenait devant, l'air complétement hagard. Il tenait gauchement, de la main droite, une épée courte dont la lame reposait sur son épaule. Son autre bras pendait le long de son corps, semblant peiner à supporter le poids de son bouclier.

Iskender étouffa un juron en identifiant le garde : un Tasloi¹, créature normalement originaire des forêt de Kara-Tur ! Voila pourquoi il n'avait pas reconnu leurs traces pourtant facilement identifiables lorsqu'on s'attend à tomber sur eux. Mais que faisaient ces êtres si loin à l'Ouest ?

Pendant que le rôdeur partageait ses observations à voix basse, le Tasloi se gratta maladroitement le dos avec son épée avant de faire demi-tour. Avançant à la façon des singes, jambes fléchies et dos cambré, il se dirigea vers l'ouverture pour entrer dans la falaise, semblant avoir quelques difficultés à conserver son équilibre.

Vous faisant signe de rester sur place, Iskender s'approcha alors pour voir de plus près. Le passage était étroit, juste assez grand pour permettre l'accès d'un humain adulte. Un trou, au fond duquel une lueur tremblotante était visible, en occupait toute la largeur. Une vulgaire planche de bois, jetée en travers, permettait de le franchir. De l'intérieur de la grotte masquée par la pénombre, provenaient plusieurs sons inarticulés.

Toujours silencieux, le rôdeur rebroussa chemin et rejoignit le reste du groupe.

¹ : voila à quoi ressemble un Tasloi :

tasloi

es traces intrigantes avaient à la fois convaincus Peurinn sénior et Falrin de poursuivre la piste. Les deux lanceurs de sorts profanes n’ayant pas eu bien le choix, les avaient suivis en trainant les pieds. Iskender, faisait un beau travail d’ouvreur et de reconnaissance, leur indiquant les informations qu’il connaissait, le nain ne put s’empêcher de commenter :

- En v’la un qu’a l’œil ! On n’dira pas qu’les rôdeurs ne tiennent pas leur réputation, le félicita-t-il ajoutant une tape sur l’épaule.

Flarin avait été titillé dans sa curiosité, mais c’était désormais un sentiment d’adrénaline qui l’envahissait. Une dizaine de créatures plus petites que lui ? Voilà qui flairait bon le gobelin ! Haela Brillehache serait ravi que leur esprit mauvais quitte cette terre.

Au signe d’Iskender, Falrin fit du mieux qu’il peut pour s’approcher en silence. Il avait bien conscience que ce n’était pas son fort mais prit le temps de s’appliquer. Ça aurait été trop bête d’être grillé si tôt. À la vue des humanoïdes, un sourire se dressa sur les lèvres du nain d’or. Voilà son premier présent à sa déesse, il mourrait désormais d’envie de se jeter dans la mêlée mais se retenait avant d’en savoir plus sur les forces en présence. Son bon sens paysan l’empêchait de foncer tête baissée.

Iskender s’en alla jeter un coup d’œil et les informations qu’il donna au groupe permettait d’envisager une attaque. Les gobelins n’étaient pas réputés pour être des créatures malines ni particulièrement dangereuse. Mais en grand nombre elles pouvaient faire des dégâts. Le prêtre proposa alors en chuchotant :

- Pourquoi n’leur tendons nous pas un piège. On s’cache tous et on fait du bordel, dès qu’ils débarquent on les attrape de tous les côtés avec l’effet de surprise. Ça vous tente ?

skender rejoignit le groupe silencieusement. Il parla un moment avec le bucheron, puis fit signe aux aventuriers de s’approcher et leur parla à voix basse, pendant que le bucheron faisait le guet :

- Ce sont des Taslois, des sortes de gobelins. Ils sont très probablement responsables des recrudescences des attaques de caravanes. Notre bucheron voudrait qu’on les élimine car il les considère comme une menace grave pour les forestiers et leur famille. Ce en quoi il n’a pas tort.
Cependant, il me semble que les attaquer dans la grotte serait très imprudent pour plusieurs raisons : d’abord la grotte que l’on voit est très grande, d’après Peurinn c’est plutôt une succession de grottes qu’une grotte toute seule. Et on ne connait pas la disposition intérieure. Ensuite, Jeanne et moi serions désavantagés de combattre dans les tunnels avec nos épées qui s’accrocheront partout. Enfin, les Taslois voient bien dans l’obscurité tandis que nous aurions beaucoup de mal à faire de la lumière dans les différentes grottes.
Ceci dit, j’ai l’impression que le groupe de Taslois a rencontré des problèmes, si j’en juge par le guetteur de l’entrée, et il me semble qu’aux traces qu’ils ont laissé, ils ne sont qu’une dizaine, mais il est possible que d’autres aient attendu dans la grotte.
Le plan de Falrin me semble possible à la condition que tous sortent presque en même temps. Si ce n’est pas le cas, on risque d’avoir des difficultés pour aller chercher les autres. Et il ne faut pas oublier qu’ils détiennent probablement Thoïl prisonnier
Je vous propose un plan alternatif à celui de Falrin :
D’abord on retire la planche qui permet de passer le trou près de l’entrée.
Ensuite on accumule, aussi silencieusement que possible, du bois près du trou et de l’entrée. Quand on en a suffisamment, on met le feu au bois et en même temps, Falrin, avec sa hache, et le bucheron abattent quelques arbres pour à la fois nous faire une barricade avec les troncs et bloquer l’entrée de la grotte, et aussi faire, avec les branches, des fagots dont on pourrait avoir besoin. Le feu empêchera les Taslois de sortir le temps que la barricade soit prête. Enfin, on défend la barricade qui empêchera les Taslois de se ravitailler et peut-être même de boire.
Par la suite, on pourra discuter avec les Taslois pour obtenir leur reddition. On ne les tuera pas, mais on leur imposera de repartir chez eux en laissant leur prisonnier et tout ce qu’ils ont volé…
Je vois 2 failles à ce plan : premièrement s’il y a une autre sortie, il ne fonctionnera pas, bien sûr. Mais le bucheron est raisonnablement sûr qu’il n’y a pas d’autre sortie ; deuxièmement s’il y a hors de la grotte un fort groupe de Taslois qui pourrait nous attaquer par derrière. D’après les bruits que j’entends, je pense que tous sont dans la grotte mais demain, au jour, je patrouillerai aux alentours pour voir si je trouve des traces indiquant d’autres Taslois ou s’il y a une autre sortie. C’est cette nuit qu’on courra le plus de danger.
Qu'en pensez-vous ?

- L’idée est pas mal Iskender, réagit immédiatement le nain, mais si nous f’sons du feu, nous dévoilons not’ présence et supprimons toute idée de surprise et leur laissons le temps de bien se préparer et de bien s’armer. Après ch’ais pas vous mais j’crois pas qu’ils se redditionnent comme ça, juste parce qu’on a fait une barricade avec deux troncs d’arbres. Va falloir en tuer un paquet avant que les derniers s’enfuient. Ces bêtes-là partent en courant plutôt que d’discutailler. Et j’sais pas vous, mais moi j’parle pas Tasloi, de là à négocier avec eux, j’vois pas bien comment tu veux t’y prendre.

Le nain était heureux qu’Iskender s’adresse directement au groupe et propose une action collective. Ça démontrait que malgré son caractère solitaire et son esprit un peu sauvage il reconnaissait la puissance du groupe et de ses compagnons directs. Cependant, Falrin voyait pas bien comment le plan pouvait marcher. Certes son propre plan n’était pas des plus fin, mais il avait le mérite d’être simple, de ne pas reposer sur des hypothèses trop hypothétiques <justement> et ne pariait pas sur une reddition de créatures maléfiques dont la simple existence était une plaie pour Faerûne.

- Alors j’maintiens mon plan, j’suis bien d’accord avec Pleurinn, c’est une grave menace. Faut pas trop s’poser d’questions dans ces cas-là. Faut éliminer le mal à la racine. Y’a qu’comme ça qu’il s’ra tranquille avec sa p’tite famille.

- Et puis si nous restons ici, Jaffert" Falrin ne roulait pas que les ‘r’, le nain tout comme le shou roulait les ‘f’ dans le prénom de Jafert, "J’te montre comment qu’on fait des belles tresses !" la proposition n’était pas tombée dans l’oreille d’un chauve, mais malheureusement ce n’étaient pas le moment de se faire beau.



Les deux arcanistes avaient trainé le pas pendant toute l’heure de recherche dans la forêt, d'ailleurs les pieds du magicien commençaient à devenir douloureux et enflammés. L'amnien était ronchon et ressasser les mêmes pensées encore et toujours.

¤ Aller au manoir c’était trop compliqué par contre marcher sans but dans les broussailles ça c’est utile, non mais qu’est ce qu’il faut pas faire ? Quelle perte de temps ! J’aurai mieux utilisé mon temps si on était resté à la ferme à étudier ou même à faire la sieste. ¤

Jafert essayait de faire passer le temps en se rapprochant de ensorceleur.
- Racontes moi quelles sensations tu as ressentis la première fois que tu as canalisé la toile, Kald ?
- Chuuuuuuuuuuute ! lança une voix du groupe de tête, Jafert n’arriva pas à distinguer qui l’avait coupé.




Quelques longues minutes plus tard, après un énième ‘chute’, le rôdeur avait finalement raison, le groupe s'immobilisa. Le magicien pris enfin conscience du danger imminent. Jafert et ses camarades se camouflèrent parmi les feuillages alors que le shou et le bucheron s’approchaient de la silhouette mystérieuse. Après de longues secondes, les éclaireurs revinrent avec des informations assez détaillés de leurs opposants.

Les aventuriers prenaient cette rencontre très au sérieux et les propositions tactiques redoublaient d’ingéniosité. Aucune stratégie n’était exsangue de danger et intervenir impliquait forcement de prendre des risques. La discussion allait bon train mais les protagonistes prenaient le grand soin de ne pas éveiller l’attention dans une forêt prête à laisser place au règne des créatures nocturne.

Peu désireux de garder le sale mioche à la maison, Kald s'était résigné à suivre ses compagnons à travers les arbres. S'il n'avait pas l'habitude de s'aventurer en forêt il évoluait néanmoins avec aisance, ses vêtements pratiques et légers ni son maigre barda n'entravant sa marche. La piste semblait facile, l'ennemi n'avait pris aucune précaution pour masquer les traces de son passage.

Taciturne, il promenait un regard moins vigilant que distrait sur les fougères et buissons qui bordaient l'étroite sente, confiant dans l'odorat du chien pour prévenir une éventuelle menace. Jeanne et Falrin, engoncés dans leurs armures, rivalisaient de maladresse dans un métallique tintamarre, auquel ne tarda pas à se joindre le bavardage de leur camarade amnien.

- Un froid glacial, chuchota-t-il au terme d'un long silence, moins par discrétion que par souci de ne pas être entendue par la servante de Siamorphe. Et de la peur. Une peur immense, violente, douloureuse même.

Les pouvoirs dont l'avait gratifié la Dame aux Lèvres de Glace, aussi redoutables que terrifiants, avaient longtemps plongé l'enfant dans des affres d'incompréhension et de crainte, tout en exerçant sur lui une puissante fascination. L'ensorceleur, à chaque fois qu'il convoquait la Toile, sentait le péril qu'il courait à canaliser les divins arcanes dont Saukuruk lui avait livré le secret ; une appréhension grisante ! Ses compagnons ne tarderaient pas à voir la force terrible de la Déesse et à ressentir sa glaciale étreinte. Alors, enfin, ils baisseraient un front tremblant devant lui... A ces douces pensées, un sourire mauvais avait étiré les lèvres pâles du jeune Sossrim.

*Abattez les brise-vent, percez les murs et les toits pour laisser entrer mon souffle,* récita-t-il muettement dans un élan de ferveur, en levant les yeux sur le dos cuirassé de la paladine. *Que le froid d'Aurile tue !*



Au pied de la falaise, face au pelucheux gobelinoïde qui montait la garde, Kald dut bien reconnaître que le petit Peurinn n'avait pas affabulé sur toute la ligne. Mais cela importait-il, au fond ? Le sort de la famille du bucheron, comme celui des caravanes dont il contemplait quelques débris épars, lui était indifférent. Il trouvait imprudent, pour ne pas dire stupide, de risquer sa vie pour une entreprise aussi futile que celle de débarrasser la région de ces "Taslois". Hélas, il savait que les autres ne partageraient pas son avis.

En retrait, le Fils du Froid écoutait d'une oreille ironique la tirade d'Iskender. Un siège ? Y pensait-il sérieusement ? Falrin, plus terre à terre, préconisait une approche rapide et frontale, tandis que Jafert, en bon cérébral, tentait d'échafauder une ingénieuse tactique. Jeanne, militaire experte, aurait de toute façon probablement le dernier mot.

- Il vaut mieux affronter ces créatures à découvert que dans leur caverne, risqua-t-il entre deux répliques, s'engouffrant dans le débat. Je ne prendrai pas de risques inutiles...

À l'exception des présentations, Jeanne était restée silencieuse. Ses compagnons avaient posé toutes les questions pertinentes et, à moins de vouloir tester la patience de Kald, il était inutile d'en rajouter. Elle n'eut pas besoin de signaler la fuite de Tipeur qu'Iskender avait déjà pris l'initiative de se lancer à sa poursuite et de le ramener. Le tout en faisant de nouvelles trouvailles.
À défaut d'être mauvaises, elles restaient inquiétantes d'après le rôdeur et Jeanne se fiait à son jugement. À quoi bon prendre un éclaireur si l'on remettait en cause chacune de ses trouvailles ? Leur arrivée sur les lieux avait de toute façon confirmé ses dires. Des créatures, ou plutôt une faction puisqu'elles étaient intelligentes, menaçaient le peuple de la jeune noble. Le manoir ne se sauverait pas et son devoir était plus important que son travail.

Cette fois, la paladine essaya de se faire relativement discrète en suivant les pas des hommes des bois. C'était peine perdue avec tout l'acier qu'elle porter et les grommellements des arcanistes. Une fois sur place, elle continua à faire confiance à Iskender et à suivre ses directives. Il identifia les ennemis comme étant des Taslois. Elle trouvait qu'ils ressemblaient beaucoup à des gobelins et les explications d'Iskender confirmèrent l'idée. Il s'agissait de race cousine, peut-être 'était-il même de la même espèce ? Après tout, il existe bien des humains noir et blanc. Il ne s'agit pas pour autant de deux races différentes.
La chevaleresse écouta les deux propositions. Elles étaient inventives, personne ne pouvait le nier, mais elles avaient toutes deux des failles importantes. Trop grandes au gout de Jeanne qui préférait une approche plus directe. Elle s'adressa d'abord à Falrin puis à Iskender.

- C'est trop risqué. Nous perdrions l'initiative ou ils pourraient choisir de se retrancher. Dans ce cas, nous nous serions épuisés pour rien. Il est aussi possible qu'il y ai plusieurs sorties et dans ce cas nous serions pris en tenaille.

Elle prit une petite pause avant de donner son avis concernant la tactique du rôdeur. Enfumer l’ennemi lui plaisait beaucoup. Cela les fatiguerait et sèmerait la confusion dans leurs rangs, si on peut parler d’organisation avec des gobelins. Elle sourit à l’idée, puis soupira. Il y avait bien trop de facteurs inconnus pour que le plan soit vraiment fiable. Elle se tourna vers Iskender pour donner son avis.

- " L’idée me plait vraiment et c’est sincère. Toutefois, il nous faudrait trop d'efforts et de matériels pour le mettre en œuvre. Pour commencer, la hache de Falrin est une arme de guerre. L’utiliser sur des arbres risque de fatiguer le manche et d’émousser les lames. Il nous sera également difficile de tirer les troncs pour en faire des barricades, sans parler du bruit provoqué par la chute de plusieurs arbres.
Et s'il refuse de sortir ... Nous pourrions nous retrouver dans une situation de siège et nous ne possédons ni les ressources nécessaires ni le temps pour ce genre d’engagement."

Cette hypothèse était très improbable, mais pas impossible. Elle écouta la proposition de l'ensorceleur d'argent et lui répondit avant de détailler son plan. Il était simple, mais certains détails ne lui plaisait guère.

- Il est peu probable qu'elle choisissent de rester à découvert. Je propose ceci: on pénètre dans la caverne et nous les nettoyons une par une. S'il y a plusieurs grottes d'occupées, nous auront le temps d'en nettoyer une avant qu'ils ne réagissent et de diminuer ainsi leur nombre.

Comme l'a signalé Iskender, l'étroitesse des tunnels risquent de nous gêner lors des affrontements. Dans ce cas, il faudra privilégier l'estoc plutôt que la taille. Toutefois, cela voudra également dire que l'ennemi perdra l'avantage du nombre et je ne pense pas qu'Iskender, Falrin ou moi-même ayons des difficultés lors d'un duel face à un gobelin, même s'il est un peu exotique. Je suis même sûr que nous pourrions tenir lors d'un deux contre un, surtout avec le soutient de mage et leur état second.
Les restrictions ne valent que pour les galeries. À l'intérieur des cavernes nous auront assez d'espace pour nous battre sans gêne et bruyant comme ils sont, ils ne distingueront pas notre approche avant le face à face. Cela nous laissera le temps de réduire leur nombre et de profiter de la confusion pour verser le premier sang.
Enfin, nous ne faisons pas face à des fanatiques mais à des bandits, drogués de surcroit. Ils est inutiles de vouloir tous les exterminer, ils chercheront à s'enfuir quand la situation leur sera défavorable surtout s'ils ignorent notre véritable nombre.

Elle reprit sa respiration avant de passer à l'ordre de marche.

- Si on va à l'intérieur, je propose la formation suivante si on ne peut faire qu'une ligne.

Falrin en tête, les nains sont réputés pour en partie voire dans l'obscurité et leur familiarité avec la pierre. Tu pourras plus facilement remarquer toute anormalité et si possible.
Puis viendra Iskender avec Kimo, leurs sens sont mieux entrainé que les nôtres et il vaut mieux être sûr que d'être désolé. Tu pourras également éliminer les menaces venant de possible hauteur.
Je prendrais la troisième place. Je serais assez prêt pour échanger de place avec Iskender si besoin et rejoindre la mêlée.

Vu le faciès de Jeanne lorsqu'elle énonça l'ordre de marche, Il était claire qu'elle aurait préférée être en tête, mais il fallait se montrer efficace et ne pas laisser une fierté mal placée diminué les chances de réussite.

- Jafert et Kald viendront ensuite. Si les ennemis sont nombreux, vous pourrez éclaircir leur rang ou leur embrouiller l'esprit avec vos sorts.
Plus tard, si nous avons la place pour manœuvrer, nous garderons le même ordre de marche, mais en binôme. Falrin et moi puis Iskender avec Kimo et pour finir le duo Jafert/Kald.

- Lorsque nous arriverons dans un lieu ouvert, Kald et Jafert ne devront pas rester trop près des sorties et chacun d'eux devra aller d'un côté différent. Cela évitera de perdre le soutient de nos deux mages simultanément s'il devait se retrouver dans la mêlée. Kimo ne participera pas à la mêlée sauf si cela est vraiment nécessaire, s'il pourrait plutôt contourner l’affrontement et s'en prendre par surprise aux lanceur de sort potentiel ou aux archers ce serait l'idéal.

Enfin, tout affrontement est risqué, mais il faut prendre en compte le temps, les ressources et les capacités disponibles et choisir la tactique la plus efficace afin de les limiter. Un siège nous est impossible. Un affrontement à distance ne nous permettra pas d'utiliser toutes nos capacités offensive tandis qu'il sera a couvert durant les échanges de tirs.

Je me répète, mais l'objectif n'est pas l'annihilation, mais la neutralisation de la menace. En éliminant certain d'entre eux et en dispersant les éventuels survivant nous obtiendront les mêmes résultats à moindre risque. La forêt se chargera des fuyards, surtout vu leur état.

L'approche était peut-être trop directe pour le groupe, mais il était claire pour la soldate que c'était la plus efficace. Bien sûr, avancer dans l'ombre ne sera pas forcément facile, mais même eux ont besoin de lumière. Dans le pire des cas, elle pourrait allumer sa lanterne.
Si le choix de l'assaut est choisit, il faudra que le bûcheron rejoigne sa famille. Il n'est pas impossible que les éventuels fuyards tombent plus ou moins par hasards sur son foyer et avec juste une femme et un enfant comme occupant la cible serait tentante.

Un consensus semblait enfin se dessiner quand Jeanne prit la parole, démontant les arguments de chacun pour proposer avec une hauteur toute nobiliaire la tactique qui lui semblait la plus opportune.

Le visage austère du Sossrim, dont les yeux sévères foudroyaient la paladine, en disait long sur le fond de sa pensée ; il ne l'interrompit pas pourtant. Leur dernier désaccord lui avait appris qu'il était inutile de se perdre en arguties avec cet esprit borné, qui avait à peine voilé ses menaces pour emporter la discussion. Son heure viendrait.

- J'ai dû mal m'exprimer, dame Fleurrouge, répondit-il quand elle eut fini de palabrer. Mes excuses. Quand je disais que je ne prendrai pas de risques inutiles, je voulais dire que je n'irai pas défier la chance dans cette caverne.

Sous-estimer les gobelins, créatures aussi rusées que vicieuses, était souvent fatal. Combien étaient ces taslois ? Etaient-ils menés par un chaman ou un gobelinoïde d'une engeance plus puissante ? Leurs nombreuses rapines avaient démontré qu'ils étaient de fins stratèges et, à en juger d'après le spécimen entraperçu, leur avaient également permis de bien s'équiper. Il serait bien plus difficile de les "nettoyer" que la naïve Thétyrienne le croyait...

- Nous avons trouvé le repaire des pillards, le plus sage serait de rebrousser chemin et de prévenir les autorités de Tulmene. Peurinn pourrait s'en charger et partir dès l'aube, avec femme et enfant si cela peut vous tranquilliser.

Certes, cela ne réglait pas le sort de Thoil... Mais ses compagnons étaient-ils vraiment prêts à risquer leur vie ce soir pour un papillon ? L'idée d'un affrontement, même à l'extérieur, lui semblait absurde.

La discussion avait été vive, quoique suivie à voix basse pour ne pas attirer l'attention des créatures qu'ils traquaient, et, finalement un pseudo-consensus sembla se dégager, découlant davantage du net refus de certains d'entrer dans la grotte que du sentiment de Jeanne qui aurait préféré un affrontement plus frontal, surtout face à des adversaires aussi insignifiants, du moins dans son esprit.

Peurinn était demeuré silencieux durant les débats, partagé entre l'envie d'en finir immédiatement pour éliminer une menace si proche de son domicile - ce n'était pas parce que les Taslois, bien que dans le secteur depuis plus d'une lune, ne s'en étaient pas encore pris à lui que ce jour n'arriverait pas - et la prudence qui recommandait de ne pas traquer une proie sur son propre terrain. Voir ainsi ceux qui avaient une expérience certaine des arts martiaux et des créatures malveillantes se diviser ainsi n'avait rien de rassurant pour la suite des événements.

Finalement, faisant contre mauvaise fortune, bon cœur, Jeanne disposa ses troupes en lisière de forêt, demandant à ceux qui disposaient d'armes de jet de se tenir prêts à attaquer sur son ordre. Quant à elle, considérant ce type d'action comme de la couardise, elle se tint bien droite, épée fermement tenue en main et écu levé devant elle, prête à encaisser la première charge, sachant pouvoir compter sur la hache de Falrin pour lui donner un coup de main, une fois qu'il aurait décocher le carreau de son arbalète.

Doutant toujours du bien fondé de s'en prendre à une menace qu'il jugeait secondaire, et surtout sans rapport aucun avec leur mission, Kald s'était mis à couvert derrière un arbre, attendant de voir avant d'user de sa magie. Falrin et Jafert encochèrent un carreau dans leur arbalète légère avant de l'épauler et Iskender banda son arc puis ordonna à Kimo d'aboyer le plus fort possible pour attirer les Taslois hors de leur grotte.

À se vacarme répondit seulement un léger remue-ménage provenant de l'antre. Rien d'autre ne semblait devoir se passer jusqu'à une succession de cris provenant d'un seul individu, "Brwuihit dvet'htorwa ! zallvet'z vtohir ! Ttohi, vet't ttohi zawuiwawahi ! watorthir himmvet'dhizatvet'mvet'nt !", le tout sans changement notable de la situation avant que des bruits sourds retentissent, suivis de cris de douleur et de la silhouette hésitante d'un Tasloi s'aventurant sur la planche de bois.

Chassé visiblement de sa tanière par plus fort que lui, le monstre s'avança, un de ses semblables sur les talons. Les deux créatures avaient un air blasé et jetaient un regard hagard autour d'elles, ne paraissant même pas remarquer Jeanne à moins de dix mètres d'eux. Comme à contrecœur, elles firent quelques pas en direction des aboiements mais elles semblaient bien seules, personne d'autre ne daignant sortir de la grotte.

Un temps d'hésitation se fit jour chez les aventuriers. Fallait-il attaquer maintenant et laisser la majorité des adversaires dans leur refuge ou attendre encore un peu, espérant pouvoir en surprendre davantage à l'extérieur ? Jeanne hésitait à donner le signal de l'attaque et Kimo s'échinait à aboyer en vain.

Ne possédant pas les qualités martiales de ses compagnons, Jafert et Kald étaient tendus et, à ce jeu, les nerfs de l'ensorceleur craquèrent les premiers. Pointant le doigt, il décocha un rayon de givre qui ne fit que frôler sa cible, lui arrachant un couinement de frayeur. Voyant que les hostilités étaient engagées, Jafert, Falrin et Iskender décochèrent leur trait, sans grand succès hélas. Seul le carreau du nain se figea dans l'épaule de la créature de droite, laquelle regarda d'un air stupide, le projectile enfoncé dans sa chair.

C'était bien trop tôt et il aurait encore fallu attendre un peu dans l'esprit de Jeanne mais, les dés étant jetés, elle s'élança à l'attaque, imitée par Peurinn et Kumi qui bondit sur le monstre visé (et loupé) par son maître. Dans la précipitation, l'épée de la paladin manqua sa cible mais les autres furent plus heureux. Un coup magistral de la cognée du bucheron coupa presque en deux son adversaire pendant que le chien déchiquetait la gorge du dernier Tasloi.

À l'entrée de la grotte apparut furtivement une tête verdâtre qui se retira aussitôt.

zalvet'rtvet' ! ton vet'wat zattzaqwuivet' ! totvet'z plzanchvet' !

Ces cris lancés d'une voix impérieuse ne parurent pas provoquer beaucoup d'effet à l'intérieur de la caverne. Jeanne et Peurinn, qui étaient les plus près, crurent néanmoins discerner de légers mouvements pendant que la planche frémissait comme si quelqu'un commençait à la tirer en arrière, mais sans conviction aucune. Le trou n'était pas large en soi, moins de deux mètres de diamètre, mais, sans passerelle, il serait certainement plus difficiles à franchir, surtout pour ceux revêtus d'une armure encombrante.

Allez, la baston est partie !!! Jeanne, Peurinn et Kumi sont à trois mètres du trou (et de l'entrée de la grotte), les autres sont, sous les arbres, à six ou sept mètres derrière.
Je ne tire pas encore les initiatives, considérant que vous avez toujours un round d'avance sur vos adversaires éventuels.

Le tavernier amnien s étonnait lui même de comprendre les piaillements émis depuis la grotte.
- deux gobelins vont sortir… murmurait il quelques secondes avant que les deux silhouettes rachitiques sortent de l’obscurité et ne traversent la planche.

Les sauvageons semblaient hagards et ne réagissaient pas comme on aurait put s’y attendre à la vue des cette race à la limite de l’animalité. Kimo aboyait toujours quand Kald ouvrit les hostilités en démêlant la toile pour lancer un éclat de givre en direction du premier Tasloi. Il était temps de les réduire au silence avant qu’ils n’ameute le reste de la tribut. Les doigts du magicien pressaient la gâchette pour libérer le carreau de bambou acéré. Manqué, la tige de bois rebondit mollement sur la solide falaise de granit mousseuse, tout comme les autres projectiles.

Alors que Jeanne et le bûcheron fondaient avec fureur et fracas sur les gobelins, un tasloi resté dans l’ombre donnait l’alerte vers l’intérieur de la grotte. Il fallut quelques importantes secondes au magicien pour traduire les mots employés, mais la signification des syllabes vint a lui.

- choppez la planche, ils veulent l’enlever. Brailla Jafert alors que la tranche de bois glissait péniblement vers l’arrière. Il préférait laisser ce travail physique à un gabarit plus important comme Falrin par exemple, d’autant plus que la situation piquait son amour propre : n’avait il pas proposer de retirer la planche au début de leur débat tactique. L’intelligence supérieur du magicien rationalisait néanmoins ce revers, d’ailleurs, la planche n’était pas encore hors d’atteinte. Jafert jetait un coup d'œil a sa droite puis à sa gauche, ses camarades encochaient une nouveau projectile.

Il n'y avait plus une seconde a perdre, le magicien sortait de son couvert végétal en direction de la grotte ou se livrait un combat au corps à corps avec les taslois, il avait laissait tombé son arbalète dans l'herbe. L'urbain Jafert se jetait à genoux dans la poussière pour saisir à deux mains la planche faisant office de pont-levis, chacun tirait la latte de son coté.