Chap.1 L’ombre et la lance

L'Ilmate avait accueilli la tirade vindicative de Raughilath avec le sourire paisible et un rien condescendant de l'homme sage face à la bouillante jeunesse. Sans doute aurait-il partagé ses élans téméraires et indignés une vingtaine d'année auparavant, mais le temps lui avait appris que la précipitation menait bien souvent à l'erreur.

- Ne soyez pas naïve, rétorqua-t-il alors que la lancière, en apparence à peine plus âgée, feignait de l'ignorer. Nos adversaires n'ont rien de novices... Et nous serons bien heureux d'avoir un antidote contre leur poison lorsque nous les affronterons.

Les paroles de l'Oghmite, d'une évidente bonne foi, rassurèrent Randal sans pour autant lui faire abandonner tout soupçon. Un voile de mystère, impalpable encore, recouvrait cette ténébreuse affaire. Si le choc de l'attaque et ses douloureuses conséquences avaient dû faire oublier au vieil homme l'existence du remède naturel, pouvait-il ignorer aussi celle de Thraxata ? Il valait mieux conclure de son silence que la rumeur était infondée, ou alors que la dragonne avait quitté la région.

*Nous verrons bien assez tôt... Un dragon rouge ne saurait passer inaperçu...*

Le jeune Taric, vigoureux et humble, lui plut aussitôt. Il lui adressa un sourire aussi franc que chaleureux et allait l'accueillir d'une poignée de main quand un milicien vint au rapport. Les nouvelles qu'il apportait donnaient un tour encore plus sinistre à l'enquête.

- Moandre n'est plus, répondit-il à Tamasin, tout à coup moins jovial. Et c'est une bénédiction pour les Royaumes... Cette charogne ambulante corrompait et détruisait tout sur son passage, jusqu'à l'air qu'elle étouffait de ses miasmes. Mon Seigneur Ilmater le tenait parmi ses plus grands ennemis ! Si quiconque essayait de rappeler ce dieu maudit, il est de mon devoir le plus sacré de l'en empêcher.

Le prêtre interrogea aussitôt Beldran, puis le maître du Temple.

- Que savez-vous de cette secte ? Et vous, que savez-vous de ce grimoire ?

La mulane haussa les épaules. Ce, ou cette, Moandre, lui était inconnue. Visiblement il s'agissait d'une divinité maléfique, peut-être comme Seth. Mais elle doutait de la complète objectivité d'un prélat d'Illamter sur le sujet, ceci étant.

Quant à l'ire de l'étrange magicienne, ou autre arcaniste, elle ne savait guère, elle lui passait complètement au dessus. Elle se méfierait cependant de son peu d'appétit pour l'instinct de survie.

- Sommes nous vraiment utile, capitaine Beldran ? Je veux dire, des renifleurs, des pisteurs. Tout ces gens sont certainement plus compétents que nous. Ils seraient peut-être utile d'en envoyer en montagne aussi, non ?

Elle ne rechignait pas à la tâche, mais elle restait pragmatique.

- Mais j'imagine que la ville manque de moyens. Sans quoi le quartier serait déjà bouclé par la garde non ? Oghma est un dieu particulièrement important ici si je ne m'abuse. Ou alors, il y a de gros disfonctionnement. Ou des intérêts politiques. Qu'il faudrait nous donner, avant que nous ne tombions nez à nez avec leurs conséquences.

Elle regardait Beldran sans animosité.

- Je viens de Sultim. Je sais que la corruption est un système qui utilise les innocents pour l'avancement de coupables. Et qu'il est difficile de se battre contre la toile. Et son asservissement volontaire. Mais vous me semblez trop honnête pour ignorer d'éventuels problèmes du genre.

l avait fallut que Rhaugilath CLXXIV rassemble toute ses facultés de controler ses émotions pour ne pas exploser quand Randal l'accusa d'être naïve. Et cela avait bien failli ne pas suffire. La magicienne avait du mal à décider s'il était stupide, aveugle ou un couard. Elle avait envie de lui expliquer, calmement si possible mais elle doutait d'en avoir la capacité, la situation qu'il ne parvenait visiblement pas à cerner. Elle n'était pas certaine de savoir si c'était son manque d'expérience concernant l'Art ou les drows qui faisait qu'il avait peur, littéralement, d'une ombre et cette distinction était importante pour ses explications.

Elle était encore en train de réfléchir à comment construire le cursus pour combler les manques évidents de connaissance de ses compagnons, une tâche qu'elle n'avait jamais vraiment eu à réaliser même quand elle avait eu à enseigner à l'université, quand elle interjecta "Moandre?" Les autres semblèrent penser qu'il s'agissait plus d'une expression de surprise qu'une marque d'ignorance, ce dont Rhaugilath ne comptait pas se plaindre. D'autant plus que Randal, qui n'était clairement pas ignorant dans tous les domaines, expliqua, plus ou moins, de quoi il s'agissait. La magicienne n'avait pas très bien compris s'il s'agissait d'une sorte de monstre mais Moandre ne semblait pas sympathique, quoi qu'il en soit.

Plus que la mention d'une créature dont elle n'avait jamais entendu parler, le choix de Beldran de lui confier une mission, et quelques secrets, la surprit mais elle hocha la tête sans dire mot. L'halruanne avait vaguement l'impression que le capitaine venait de lui demander de lire les pensées du jeune prêtre mais elle n'avait pas accès à ce genre de pouvoir. Une autre solution, relativement évidente, était d'avoir recourt à un peu de torture, juste un peu, mais Rhaugilath ne pensait que c'était ce que le capitaine avait à l'esprit. Ou, au moins, elle espérait que ce n'était pas le cas. Il lui restait donc seulement quelques méthodes plus anodines. Et il était donc temps de se mettre à la tâche. Elle se dirigea donc vers Taric et lui tendit la main.

-Enchantée, Taric. Je suis Rhaugilath. Votre aide et votre courage sont appréciés.

Ce n'était pas très courtois de se moquer de Randal ainsi mais Rhaugilath n'avait jamais dit que l'étiquette était son fort. Et il était suffisamment malin pour comprendre que c'était une blague. Probablement.

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Rhaugilath essaye d'utiliser Social pour rendre Taric plus amical.