Chap.1 L’ombre et la lance

ors du dernier lever de soleil qu'elle avait vu, Rhaugilath n'avait pas prédit que sa journée la verrait affronter une sorte de cauchemar canin. Elle allait devoir consacrer plus d'attention à ses études de divination ... ou les commencer. Cela voulait dire qu'elle n'avait pas énormément de resources à sa disposition pour affronter un tel adversaire.

Un rapide coup d'oeil était suffisant pour comprendre que la moitié de ses compagnons était terrorisé par la bête qui se dressait devant eux et, bien que cela ne soit pas sa définition d'une bonne idée, cela voulait dire qu'elle devait retenir le chien infernal jusqu'à ce qu'ils reprennent leurs esprits ou se trouvent en sécurité. Par chance, Beldran ne faisait pas partie de ceux qui avaient perdu leurs moyens et il était, probablement, le plus apte combattant à sa disposition.

Idéalement, elle aurait pris position derrière le molosse pour augmenter la probabilité que ses attaques, ou plus plausiblement celles de Beldran, atteignent leur cible mais elle n'aimait pas ses chances de se faufiler par-dessus ou dessous le chien sans devenir son prochain repas. Attirer l'attention du chien pour que le capitaine de la garde puisse l'embrocher semblait être une alternative possible mais Rhaugilath ne pensait pas que le chien était assez malin pour se faire avoir par ses feintes, ce qui ne lui laissait que peu d'options. Le fait que le molosse était capable de l'avaler d'un seul morceau était aussi en la défaveur de cette stratégie. Quelques uns des parchemins qu'elle avait "empruntés" au vieux pouvait peut-être être utile dans cette situation mais elle avait prévu de les copier dans son grimoire un jour et elle ne voulait pas les gaspiller tant que cela n'était pas strictement nécessaire. Le moment était donc probablement venu de jouer de patience.

-Je vais essayer de ralentir la bête, si vous avez un meilleur plan, je suis preneuse. Rapidement, si possible.

Cliquez ici pour dérouler le parchemin...

Rhaugilath fait une attaque sur la défensive et un pas de placement en retrait ensuite.

Tout était calme, puis la créature avait fait une apparition aussi soudaine qu'inattendue. Son cri inhumain avait totalement pris au dépourvu Tamasin, qui n'avait jamais rien vu ou entendu de semblable.

L'entraînement de la jeune femme, sa détermination à atteindre ses objectifs, tout cela lui semblait bien inutile à présent : estomaquée et terrifiée, elle ne pensait plus qu'à fuir le plus loin possible.

¤ Tant pis pour Beldran, tant pis pour tout ! Fuir, fuir pour ne plus souffrir... Fuir pour ne plus jamais entendre cela ! ¤

Une part d'elle-même ne comprenait pas sa propre réaction. Une forme de magie était-elle à l'oeuvre ? Elle savait au fond d'elle que c'était stupide et contreproductif, mais la terreur était plus forte, à l'image d'une vague qui déferle et recouvre tout ce qu'elle touche.

Paniquée et incapable de répondre à Rhaugilath CLXXIV, la lancière s'éloigna du molosse, tout en s'efforçant de reprendre le contrôle de ses émotions...

Le hurlement n'avait pas encore fini de retentir que l'Ilmate, tous les sens en alerte, avait saisi la matraque qui pendait à sa ceinture. Les dents serrés, se maudissant d'avoir laissé son bouclier sur son barda, il sondait les ténèbres souterraines qui leur faisaient face d'un regard farouche.

Comme les deux balafres qui striaient son visage le suggéraient, le prêtre n'était pas de ces blanches mains qui mènent une vie douce et tranquille entre les murs de leur temple. Enfant de la troupe ayant grandi dans une contrée ravagée par la guerre civile et les affres qu'elle engendre, il avait comme Beldran le cœur bien accroché. Aussi resta-t-il impassible lorsque la formidable silhouette de la bête se découpa dans la lumière des torches ; du moins en apparence, car le goût âcre de la bile lui était monté à la bouche. Il déglutit, comme pour renfoncer l'once de peur qui tentait de le saisir.

D'une voix mâle et claire, Randal entonna un hymne à la gloire d'Ilmater, le priant humblement de leur accorder ses faveurs. Ses mains décrivaient avec une rigueur de musicien des signes dans les airs, alors qu'une lumière tiède, aussi douce et rassurante que sa voix, semblait peu à peu nimber le symbole divin cousu sur son poitrail.

Randal lance bénédiction : bonus de +1 aux jets d'attaque et aux jets de sauvegarde contre la terreur. Le sort contre les effets d'imprécation.

Le chien infernal bondit avec une rapidité fulgurante, ses crocs dégoulinant d’une bave noire et visqueuse. Il visa le capitaine Beldran, l’ombre de sa masse gigantesque projetée par la lumière vacillante des torches.

Mais avant que la bête ne l’atteigne, Rhaugilath, le regard affûté et la rapière ferme en main, s’élança à l’attaque. D’un mouvement vif et précis, elle plongea sa lame vers le flanc du molosse. Son coup, pourtant habile, ricocha contre le cuir noir de la créature sans parvenir à la blesser. L’énorme tête du monstre pivota vers elle, ses yeux rouge cerise brûlant d’une lueur maléfique. Un frisson glacé parcourut Rhaugilath, qui se replia aussitôt d’un pas habile, prête à esquiver une éventuelle riposte.

Beldran, lui, n’avait pas cillé. Il analysait chaque mouvement du molosse, attendant le moment opportun. Lorsque la créature reporta son attention sur lui et bondit, il réagit en un éclair. D’un pas fluide, il esquiva sur le côté, laissant la bête se jeter dans le vide. Puis, d’un revers magistral, il leva sa lance et la planta droit dans la gorge du monstre.

Un hurlement spectral résonna dans la galerie souterraine. L’instant d’après, la créature se dissipa en volutes d’ombre, disparaissant comme si elle n’avait jamais existé.

Beldran abaissa son arme et balaya les environs d’un regard acéré avant de lâcher, d’un ton grave :

— Ce n’était qu’un leurre. Une diversion pour nous ralentir et laisser aux voleurs le temps de fuir…

Dans le silence qui suivit, le prêtre resté en arrière s’avança lentement, l’expression grave.

— Ce n’était pas une créature de ce monde… Une convocation, un appel venu d’ailleurs. Celui qui l’a invoquée savait ce qu’il faisait.

Son regard se posa sur son compagnon empoisonné, allongé sur le sol, respirant difficilement. Il s’agenouilla et entama une incantation. Une lumière pâle et apaisante enveloppa le corps meurtri du blessé.

— J’ai ralenti le poison, déclara-t-il à Randal. Cela nous donne un peu de temps… mais pas beaucoup.

Il marqua une pause avant d’ajouter :

— Il existe peut-être un remède. Une fleur rare, l’Asphodelle Pourpre, pousse dans les hauteurs de la Corne Sanglante, cette montagne escarpée au nord-est de la ville. Elle ne fleurit qu’à l’ombre des cavernes exposées aux vents glacés… et elle est souvent gardée par des créatures sauvages.

Un silence tendu s’installa. Deux choix s’offraient au groupe : poursuivre les voleurs à travers le passage souterrain avant que leur piste ne refroidisse, ou partir en quête du remède pour sauver un homme condamné. Chaque décision comportait son lot de risques.

Il fallait choisir… et vite.

Lancers...

Rhaugilath CLXXIV - Jet d'attaque au CaC : 4(d20) +0(bba) -1(For) = 3

La mulane était restée tétanisée par la peur. La peur elle l'avait connue, de nombreuses fois. On punissait rarement les esclaves en Mulhorandi, mais les son du fouet suffisait pourtant à la faire encore déglutir. Elle avait été protégée par sa maîtresse, ce n'avait pas été le cas d'autres.

Mais cette peur là, aussi primale qu'artificielle, elle ne l'avait tout simplement jamais ressenti. Lorsque la bête disparue et que la terreur s'évapora, elle se rendit compte qu'elle avait regardée la scène comme si elle en avait été absente, comme un spectre regardant les vivants.

Et cette constatation - suivi du logique raisonnement qui la poussait à croire que si le capitaine n'avait pas fait rempart, elle serait probablement morte - la terrorisa peut-être plus encore. Elle pris encore quelques instants pour reprendre ses esprits... les paroles de Randal arrivèrent comme un écho lointain, et mirent du temps à faire leur chemin jusqu'à son esprit. Rares étaient les exceptions géographiques à être nommé avec de tels noms sans raison. On avait souvent moins de chance de se faire tuer sur la Colline du Bonheur que sur la Corne Sanglante.

Mais pouvait on vraiment atteindre la liberté, la vraie, sans que les autres ne la connaissent. Et quel était son intérêt si il fallait en profiter seule ?

Elle avait quelque chose a se prouver à elle même. Et peut-être a prouver quelques choses à ces prêtres qui réduisait leur peuple à un état de servilité faussement bienveillante en s'appuyant sur les dieux. Elle n'avait jamais compris comment Thot pouvait admettre cet état de fait...

- Passons par la bibliothèque. Il serait absurde de ne pas mettre toutes les chances de notre côté en profitant d'être dans le temple d'un dieu docte. Rejoignons nous dans une demie-heure devant le Temple. Et j'imagine qu'il faudrait trouver des manteaux, et des rations.

Elle se retourna sans un mot et pénétra à nouveau dans le temple. Dès qu'elle eut trouver un prêtre, elle l'apostropha :

- Nous avons besoin d'Asphodelle Pourpre. Aidez moi à trouver tout ce qui pourrait nous aider dans notre cueillette.

Tamasin avait difficilement repris ses esprits. Le hurlement de la bête la hantait toujours et elle tremblait encore un peu. La psalmodie de Randal lui avait offert un certain réconfort, mais sans l'assurance de Beldran, que leur serait-il arrivé ? La tentative manquée de Rhaugilath CLXXIV et la panique générée par la créature avaient mis en évidence leurs limites, alors même que l'ennemi n'était qu'un leurre.

C'est une guerrière un peu découragée qui écouta les propos du prêtre qui apportait des nouvelles du blessé. Le choix restait le même, sinon qu'il était plus pressant que jamais. Mais, dans l'esprit de la jeune femme, les données avaient changé.

Elle approuva la proposition de Ioueseni :

- En effet, je ne pense pas que nous soyons prêts à nous lancer dans la poursuite. Ils sont forts, déterminés et savent parfaitement ce qu'ils font. Nous sommes, quant à nous, dans l'obscurité complète. Le combat n'est pas égal et nous le perderons probablement dans les conditions actuelles. Autant prendre le temps de s'informer...

Tamasin ajouta :

- S'il reste une chance de sauver le blessé, cela vaut la peine d'être tenté. Et cela donnera peut-être le temps aux prêtres d'enfin nous dire ce qui a été volé, comment, par qui et pourquoi.

Elle chercha du regard un signe d'approbation de Beldran, puis poursuivit :

- Mais, si nous devons partir à la recherche d'une plante rare, il nous faudra l'aide d'un herboriste ou d'un livre décrivant très précisément la plante. Sinon, autant chercher une aiguille dans une botte de foin, sans parler du risque de revenir avec le mauvais végétal. A moins, bien sûr, que l'un d'entre vous ne soit spécialiste en la matière ?

Elle jaugea brièvement ses compagnons, peu convaincue de leurs talents de botanistes.

Sous son air pensif, Randal dissimulait tant bien que mal sa perplexité. Il n'était encore qu'un novice en matière de magie et peinait à s'expliquer la nature précise du molosse. Une illusion pouvait-elle ainsi transir d'effroi ceux qui entendaient son cri ? Et les invocations se dissipaient-elles toujours en volutes de fumée, sans que le sang ne coule ? Sa formation, presque exclusivement centrée sur les soins et les bénédictions, demeurait bien incomplète... Quoi qu'il en fût, le jeteur de sorts qui était à l'origine de cette prodigieuse apparition était puissant. Comme l'était le fier lancier qui, d'un seul et unique coup, avait terrassé cette menace.

L'Ilmate approuva sans la moindre hésitation la proposition de Iouseni : le serment qu'il avait prêté au Dieu Brisé l'engageait à tout faire pour secourir le prêtre empoisonné. Il ne se déroberait pas devant ce devoir sacré. Mais alors qu'il suivait la jeune femme entre les étagères de la bibliothèque, un soupçon le gagna : pourquoi l'érudit n'avait-il pas évoqué de suite l'existence de ce remède, peu coûteux et tout proche ? Cherchait-il à les éloigner ? Pour l'heure, les Oghmites n'avaient livré aucune réponse à leurs questions, que ce fut à propos de l'attaque, de leurs agresseurs ou d'un éventuel pillage...

*Celui qui l'a invoqué savait ce qu'il faisait...* se souvint-il soudain, effaré par la vitesse à laquelle la suspicion se saisissait du moindre élément de cette énigme. Les avait-on dissuadés de percer les secrets du Temple ? A bien y réfléchir, n'était-il pas curieux qu'un tel bâtiment, peu susceptible d'être assiégé, possède un accès dérobé ? Ne pouvait-il pas s'agir plutôt d'une cachette où abriter quelques précieuses reliques ? *Non...tenta-t-il de se rassurer, Oghma n'est pas de ceux qui trompent et dissimulent.*

Visiblement troublé par ses atermoiements intérieurs, le Valien demanda à consulter une carte des environs afin d'y repérer le trajet jusqu'à la Corne Sanglante. Il ne manquerait pas de poser des questions au prêtre qui l'assisterait dans ses recherches, afin d'en apprendre plus sur le souterrain.

Au regard de son background, Randal connaît-il l'Asphodèle Pourpre ? Il est de la région et a été élevé par des guérisseurs (jet de premiers secours ? Je tente...).
Puis-je avoir un jet de psychologie pour essayer d'évaluer la sincérité du prêtre ?

Lancers...

Randal - Jet de compétence : Psychologie : 15(d20) +0(deg) +4(Sag) = 19

l n'avait pas fallu beaucoup plus de quelques secondes pour que la réalité de la différence en terme de capacité martiale entre Rhaugilath et le molosse ne devienne évidente. Il n'avait pas fallu beaucoup plus longtemps pour que cela ne soit pas un problème. Le molosse n'était qu'une créature invoquée et étant donnée le peu de temps durant lequel elle avait participé au combat, celui qui l'avait invoquée n'était soit pas très compétent, soit un bien piètre stratège. La créature n'avait dû leur faire perdre qu'une minute, au grand maximum, dans leur poursuite et n'avait causé aucun dommage. Il était évident que leur groupe était largement plus compétent que les voleurs qu'ils poursuivaient, ce qui était rassurant.

Sauf que, très clairement, le reste de ses compagnon ne partageait pas son avis. Pas le moins du monde. Stupéfiée par les réactions du reste du groupe, Rhaugilath resta coite pendant quelques secondes, le temps pour son cerveau de rassembler les informations qu'elle ne parvenait pas à comprendre. Ioueseni avait déjà eu le temps de faire demi-tour avant que la magicienne n'ait pu commencer son plaidoyer.

-Pardon! Vous voulez cesser la poursuite parce que l'un des voleurs est un invocateur débutant. Vous ne pouvez pas être sérieux! Votre plan est vraiment d'aller cueillir des fleurs et de laisser les voleurs s'enfuir! Je suis d'accord que ce serait triste si ce pauvre prêtre en venait à perdre la vie pour avoir essayé de protéger les biens de ce temple mais, si nous cessons la poursuite, nous rendons son choix, et possible sacrifice, gratuit.

Rhaugilath voyait bien qu'elle avait perdu cette bataille mais elle avait du mal à contenir sa rage devant cet abandon de leur devoir et de leur mission. Elle avait envie d'ignorer les choix de ses compagnons et de continuer la poursuite, de prouver qu'ils n'étaient pas aussi veules et couards que les voleurs, mais elle savait qu'elle ne pourrait pas y arriver seule. Son seul espoir était que Beldran lui appore son appui. La magicienne était certaine que cela forcerait aussi la main de Tamasin et que les autres verraient alors la raison. Mais, pour l'instant au moins, elle ne pouvait rien faire de plus que ravaler sa colère et suivre le mouvement.

L’air du temple était chargé d’encens et d’inquiétude contenue. Les flammes vacillantes des cierges dessinaient des ombres dansantes sur les murs de pierre. Le prêtre d’Oghma, après avoir neutralisé le poison, s’adressa à Randal et aux autres :

— Je ne vous aurais pas appelés ici si je doutais de la nécessité de cette quête. Il y a un espoir, ténu, mais réel. Mon jeune novice, Taric, pourra vous accompagner. Il connaît mieux que quiconque la flore des Vaux et saura reconnaître l’Asphodèle Pourpre.

Il fit un signe à l’un des acolytes restés en retrait. Peu après, un jeune homme entra dans la salle, jetant des regards hésitants aux figures rassemblées.

Taric était un gaillard d’une vingtaine d’années, aux cheveux bruns ébouriffés et aux traits robustes, forgés par une vie difficile. Orphelin natif d’Hautelune, il avait grandi sous la tutelle du temple d’Oghma. Sous son apparente timidité, ses mains calleuses et son regard déterminé trahissaient une habitude du travail en extérieur.

— C’est un excellent botaniste, poursuivit le prêtre. Il sait où chercher et comment cueillir la plante sans altérer ses propriétés.

Randal, bien qu’il n’intervienne pas directement, écoutait attentivement. La fleur qu’ils recherchaient, l’Asphodèle Pourpre, était rare et dangereuse à trouver. Il en avait entendu parler. On disait qu’elle ne poussait qu’à l’ombre des cavernes dans les hauteurs de la Corne Sanglante, une région escarpée et marquée par des vents glacés. Mais ce n’était pas tout. Il y avait également des rumeurs d’une dragonne rouge dans les parages, une créature nommée Thraxata, qui aurait pris ses quartiers dans les montagnes proches. Si cette dragonne était toujours présente, cela compliquerait grandement leur mission.

Beldran, observant le jeune novice, acquiesça.

— Bien, elle existe donc bel et bien. Et nous avons quelqu’un qui sait où la chercher.

Il croisa les bras et, à la surprise générale, poursuivit :

— Nous allons privilégier la voie du sauvetage. Nous ne nous précipiterons pas vers une attaque inconsidérée.

Un murmure parcourut l’assemblée.

— Toutefois… ajouta-t-il en sortant un morceau de tissu, je vais faire venir des pisteurs avec des chiens renifleurs. Cela nous permettra peut-être de retrouver ceux qui ont fui. Mais pour être franc, j’ai peu d’espoir en cette méthode.

Il allait ajouter autre chose lorsqu’un milicien pénétra dans la pièce, l’air grave. Il s’approcha du capitaine et lui tendit un rouleau de parchemin.

— Capitaine, nous avons terminé l’inventaire de la bibliothèque. Plusieurs ouvrages ont été volés.

Beldran prit la liste et la parcourut rapidement.

— Des livres d’histoire des Vaux… Rien d’étonnant… Mais aussi un ancien grimoire sur Moandre.

Son expression se ferma aussitôt.

— Moandre ? répéta Rhaugilath, pensif.

Le capitaine leva les yeux vers elle, puis vers Randal et le prêtre d’Oghma.

— J’ai entendu parler d’une secte naissante dans la région.

Un silence pesant s’installa. Le vent qui s’engouffrait par l’ouverture du temple semblait soudain glacial.Beldran expira lentement, puis fit un signe discret à Rhaugilath.

— Un mot, en privé.

Il la guida à l’écart, dans une alcôve du temple, s’assurant que personne ne prêtait attention à leur conversation. Sa voix, pourtant basse, était empreinte d’une gravité qui n’échappa pas à la jeune femme.

— Je sens que vous etes la plus impatiente de partir à leur poursuite, et je veux retrouver ces fuyards aussi vite que possible. Mais il y a autre chose qui m’inquiète.

Son regard glissa vers Taric, puis il poursuivit :

— Ce novice… il a grandi ici, il a été formé par les prêtres d’Oghma. Il sait peut-être des choses sur ce qu’il se passe réellement dans la bibliothèque.

Beldran croisa les bras, marquant une pause avant de reprendre :

— Il y a quelques mois, un des bibliothécaires a été exclu. Son nom était Veldran Ithorin. Un vétéran qui servait ici depuis plus de trente ans. Puis, du jour au lendemain, il a été mis dehors. Pas de procès, pas de scandale… juste un silence pesant.

Il plissa les yeux, pesant ses mots.

— J’ai posé des questions, mais personne ne veut en parler. Maintenant qu’on sait que plusieurs ouvrages ont été volés… et qu’un des livres concernait Moandre, je ne peux m’empêcher de voir un lien.

Il posa une main sur l’épaule de Rhaugilath.

— Si, au cours du voyage, vous pouvez tirer quelque chose de Taric sur ce qu’il se passe dans cette bibliothèque… faites-le. Discrètement.

Un silence s’installa, puis le capitaine relâcha la tension de ses épaules et se tourna vers le reste du groupe.

— Nous avons ce qu’il nous faut pour le moment. La nuit est bien avancée, et nous aurons besoin de toutes nos forces demain.

Il balaya l’assemblée du regard, s’arrêtant un instant sur chacun d’eux.

— Je vous propose de retourner à la Choppe Écumante pour vous reposer. Profitez-en, car nous partons à l’aube.

D’un signe de tête, il invita les autres à le suivre hors du temple. L’air nocturne était vif, chargé de la promesse d’un voyage incertain.

Tamasin avait été surprise par la virulence des propos de Rhaugilath CLXXIV.

¤ Cette étrangère ne manque pas de cran ! Mais peut-être de jugeote... A moins que nous ne laissions en effet passer une bonne occasion... L'avenir nous le dira... ¤

Toutefois, le débat était clos, Beldran ayant approuvé le choix de la majorité. Un jeune botaniste nommé Taric les avait rejoint, rassurant la guerrière quant aux difficultés qu'ils auraient pu rencontrer pour identifier la plante recherchée. Les informations avaient ensuite afflué, éclairant l'affaire sous un jour nouveau.

¤ Des livres d'histoire et un autre sur Moandre... Le nom me dit vaguement quelque chose. Ce n'est pas ce dieu qui avait été réveillé, il y a une dizaine d'années ? Ce serait une sorte de secte réunissant des fous avides de pouvoir ?¤

Curieuse et inquiète, la lancière s'en alla trouver Randal et Raugilath et leur murmura :

- C'est qui encore ce Moandre ? C'est un dieu ancien, si je me souviens bien... Vous en savez plus à son sujet ?

Elle s'adressa ensuite à Beldran et aux prêtres du temple qui connaissaient bien la région :

- Vous avez parlé de créatures sauvages... Que risquons-nous de croiser lors de notre expédition ? Autant partir avec toutes les cartes en main...

Une fois qu'elle aurait obtenu des réponses à ses questions, Tamasin se dirigerait vers l'auberge afin de se reposer en vue de l'expédition du lendemain.