Chap.1 L’ombre et la lance

- Seule une faute grave entraînerait une telle punition, murmura le Valien en jetant un œil en arrière, inutilement inquiété par le nain qui les rejoignait à petites foulées. Trahison ou vengeance, cette attaque n'a en effet rien d'une coïncidence...

La mystérieuse déchéance d'un Oghmite n'augurait rien de bon, mais l'heure n'était pas à se répandre en conjectures. Déjà les portes fracassées du Temple s'offraient à sa vue et un prêtre au pas encore quelque peu fébrile se portait à leur rencontre. Il eut tôt fait de les conduire au chevet d'un de ses frères, dont le visage blême et les bandages sanguinolents annonçaient un état critique.

- Ecartez-vous, vous autres... ordonna l'Ilmate d'un ton étonnamment impérieux, faisant glisser son sac de ses épaules pour officier plus à son aise.

Le visage grave, il salua d'un hochement de tête le veilleur puis s'agenouilla aussitôt au chevet du blessé. Les yeux clos, celui-ci haletait faiblement.

- N'aie plus de crainte, mon ami, lui souffla-t-il à l'oreille en se saisissant avec douceur de sa main. Celui qui Pleure veille désormais sur toi. Que sa divine compassion apaise tes douleurs !

Il resserra légèrement son étreinte, convaincu que sa chaleur lui apporterait du réconfort. Les doigts du malheureux, glacés, tremblaient et sa respiration était laborieuse : selon toute apparence, il n'en avait plus pour longtemps. Dans un râle, il déglutit quelques paroles des plus lugubres avant que sa tête ne roule sur son épaule. Mort ? Non ; son pouls, faible, était encore perceptible.

- Il a perdu connaissance, rassura-t-il la petite assemblée qui attendait son verdict dans un silence angoissé. Mais sa vie ne tient qu'à un fil, des plus minces... Allez mener l'enquête, quant à moi je vais faire de mon mieux ici.

Un bref échange avec le prêtre confirma les craintes de Randal : l'homme avait perdu beaucoup de sang et son état, en dépit des soins déjà prodigués, n'avait cessé d'empirer. Que la magie curative ne soit pas parvenue à endiguer le mal était particulièrement inquiétant !

- Une toxine, conclut-il froidement, alors que "l'ombre" évoquée par le mourant prenait déjà dans son esprit le visage anguleux d'un drow. Ces assassins n'étaient-ils pas maîtres des ténèbres et des poisons ? Eclairez-moi, je voudrais examiner plus attentivement ses blessures.

De gestes sûrs et précis, il souleva les bandages et autres cataplasmes pour observer les plaies. Les nombreuses contusions étaient pour ainsi dire anecdotiques. En revanche, une tâche noirâtre maculait l'entaille qu'avait laissée sur le torse du prêtre la morsure d'une lame : un symptôme cutané typique des empoisonnements... Un cantique à la gloire d'Ilmater lui permettrait sûrement d'en savoir plus. Ce lieu consacré par le Seigneur du Savoir, espérait-il, favoriserait son entreprise. Décrivant de l'index d'invisibles symboles dans les airs, il chanta d'une voix chaude l'incantation idoine avant de reporter son attention sur le mourant.

Au loin, trois coups résonnèrent.

Randal lance "détection du poison". Un jet de sagesse (DD20) permet de savoir quel type de poison a été utilisé. En cas d'échec, et si ce premier sort ne lui permet pas de déterminer si l'empoisonnement est de nature magique, il lancera "détection de la magie" pour le vérifier. Si, après ces vérifications, il juge que l'antidote qu'il possède est apte à neutraliser ce mal, il l'administre au prêtre.

Tamasin avait cheminé aux côtés de Beldran. Si elle n'avait jamais participé à une enquête et qu'elle n'avait pas la moindre idée quant à la procédure à suivre, elle avait profité de l'occasion pour lui poser quelques questions afin de planter le contexte du vol.

¤ Pas de suspects, mais des querelles internes au sein du temple et un vol qui semble avoir été bien préparé. Voilà qui laisse à penser à la présence de complices travaillant ou ayant travaillé dans le sanctuaire. Une affaire complexe où la parole de chaque témoin peut et doit être mise en doute... ¤

L'affaire lui semblait en effet bien complexe, dépassant sans doute les capacités de la guerrière qu'elle était. Mais la lancière n'était pas dénuée d'intelligence et entendait en tirer profit pour faire avancer les choses et gagner l'estime de son mentor potentiel.

A son arrivée au temple, Tamasin découvrit progressivement un spectacle de dévastation qui illustrait la violence de l'attaque et la détermination des assaillants. Elle en fut plus choquée qu'elle ne l'aurait pensé: à ses yeux, les sanctuaires étaient par définition des lieux où trouver paix et réconfort. L'usage de la magie ne faisait guère de doute.

Elle aperçut également le blessé qu'avait évoqué le messager et laissa Randal s'occuper de lui. La guerrière ne put que réfléchir aux paroles mystérieuses de la victime en poursuivant son chemin.

¤ Une Ombre ? Et qui sont ce "ils" et que "savaient"-ils ? Les prêtres du temple doivent en savoir plus. Cela doit avoir un rapport avec l'histoire du sanctuaire, du culte ou des fonds de leur bibliothèque... ¤

La guerrière allait demander à Beldran à qui ils pourraient s'adresser pour trouver des réponses à ces questions lorsque le groupe arriva à proximité d'un vieil érudit et que trois puissants retentirent des profondeurs du sanctuaire.

Surprise, elle s'adressa directement à l'érudit sans autre forme de politesse :

- C'était quoi ce bruit ?

Se reprenant, la lancière ajouta :

- Je suis Tamsin et je travaille avec le Capitaine Beldran. Nous avons immédiatement besoin de toutes les informations que vous pourrez nous fournir sur le vol et sur ces coups...

Son ton était impératif mais poli.


Au besoin, jet de social pour convaincre l'érudit de leur répondre et jet de psychologie pour savoir si on peut faire confiance à ses propos.

Prudemment, la mulan entra dans le temple a la suite de l'illmate. Elle constatait la barbarie des occidentaux aujourd'hui. On attaquait pas un temple de Thot sans craindre la vindicte en Mulhorande... ici, les portes fracassées lui rappellait ce que les soldats racontaiekt, apres leur retour de la conquête d'Unther.

Elle se ravisa.

¤Profiter de la mort de leur dieu pour les défaire, n'a rien de très holorable non plus...¤

Ioueseni marchait silencieusement, a pas calculés, ne souhaitant rien d'autre qu'acquérir subitement un pouvoir d'invisibilité. Elle observait tout en passant dans les couloirs, espérant trouver ci ou là un indice. L'unique indice qu'elle avait néanmoins, lui semblait trop gros pour ne pas etre significatif. Et Randal avait beau vivre sa foi avec une véhemence toute démonstrative, elle était encline a le suivre : sans aucun doute, on ne congédiait pas un prêtre d'un temple majeur sans bonnes raisons.

Néanmoins, elle s'abstiendrait, pour le moment, de poser la question. Après tout rien ne disait que le prêtre qui venait a leur rencontre n'était pas un ami du bannl. Ou même, lui-même, sous une déguisement quelconque.

Elle pris son temps pour examiner les alentours, et arriva dans la chambre où reposait le prêtre blessé alors que Randal s'affairait déjà. La femme en armure interrogeait déjà leur guide. La tempérance et la diplomatie ne semblait pas leur fort. Elle vint a ses côtés et inclina la tete.

- Meshru nefer, mes salutations. Si je puis me permettre, et quoique le coupable doive effectivement être trouvé, je crois que la potentielle survie de votre camarade devrait être notre priorité. Nous sommes dans un temple du Savoir, n'y a t'il pas un endroit qui pourrait nous en dire plus sur son mal ici ? Je doute que notre ami puisse accorder la grâce du Boiteux pendant des heures.

Perception sur le chemin pour repérer quoique ce soit d'importance (marque, sang, éventuellement des portes ouvertes qui n'ont pas raison de l'être, des objets cassés, etc...) éventuelle Social pour améliorer l'inclination du prêtre a son égard.

raverser une ville de nuit n'était pas la manière idéale pour en apprendre plus sur sa position sur une carte. A moins que ce ne soit juste que Rhaugilath manquait de talent pour cette tâche, une possibilité qu'elle ne voulait pas contempler. Après tout, c'était la seconde fois en autant de tentatives qu'une téléportation la menait au centre d'une enquête, un signe évident qu'un dieu quelque part pensait qu'elle avait un talent pour ce genre de choses. Peut-être même s'agissait-il du dieu que célébrait le temple dont elle admirait maintenant les portes. Ces dernières semblaient être de fort bonne facture, mais Rhaugilath était prête à admettre que cela sortait un peu de son domaine d'expertise, si ce n'était qu'elles n'étaient plus en état de servir leur rôle.

Pendant qu'elle suivait le reste du groupe, elle parvint à une conclusion concernant la première question qu'elle se posait: quel type de temple était les "Feuilles de la Connaissance"? Elle devait avouer que son éducation en matière d'affaires divines était insuffisante. Elle savait que les deux seuls dieux qui avaient le droit d'être vénérées à Halruaa étaient Mystra et Azouth et que les crintis vénéraient d'autres dieux mais elle ne pensait pas qu'il s'agissait du dieu honoré céans. Par contre, elle avait acquis la certitude que les "Feuilles" étaient de parchemins et non celles des arbres. Une information qui lui semblait importante mais elle n'avait pas l'impression que les autres avaient eu le moindre doute à ce propos et elle préféra garder cette information pour elle-même. Au moins pour l'instant.

Comme Randal semblait plus que capable de s'occuper de la victime, et qu'elle n'avait aucune intention de tâcher ses vêtements de son sang, elle choisit de suivre Tamasin quand elle se dirigea vers le vieil érudit mais de la laisser mener l'interrogatoire. Il ne semblait pas être un coupable évident et, comme il n'était pas blessé, il n'était probablement pas un témoin mais il fallait bien commencer quelque part. Rhaugilath se retint de hurler "Entrez!" quand quelqu'un frappa violemment sur une porte mais elle se dirigea dans cette direction.

Alors que le silence tendu s’installait après les trois coups résonnant dans les profondeurs du temple, Randal, le front plissé, achevait son incantation. Une lueur pâle parcourut les blessures du prêtre inconscient, révélant sans l’ombre d’un doute que du poison était en cause. Pourtant, malgré son savoir et sa foi, l’Ilmate ne put en identifier la nature exacte.

— Un poison... mais lequel ? murmura-t-il, la mâchoire serrée.

Le prêtre en charge du temple, inquiet, échangea un regard grave avec l’un de ses confrères, un érudit aux cheveux blancs dont la robe portait des broderies dorées signalant son rang. Ce dernier s’avança lentement, posant un regard perçant sur les plaies du mourant.

— Un instant. Laissez-moi voir.

D’un geste délicat, il souleva un pan de la tunique imbibée de sang, observant la tache noirâtre qui s’étendait autour de l’entaille. Ses doigts parcoururent les bords de la plaie, puis il prit une profonde inspiration, comme s’il cherchait dans sa mémoire un souvenir lointain.

— Par la Sagesse d’Oghma... finit-il par souffler, un frisson dans la voix. Ce poison n’a rien d’ordinaire. Il est fait d’ombre et de malice, une concoction qu’on ne trouve que dans les profondeurs de la terre... ou chez ceux qui savent s’en procurer.

Il tourna un regard inquiet vers Beldran.

— Nous avons affaire à du Leth’dhiri, annonça-t-il finalement, une toxine subtile, élaborée par les alchimistes drows. Elle paralyse peu à peu l’esprit et le corps, et finit par plonger la victime dans une mort lente et douloureuse.

Une tension palpable s’abattit sur l’assemblée. Les drows... Ce mot portait en lui des ombres anciennes et des menaces enfouies.

— Et il n’existe pas d’antidote connu ? demanda Randal d’un ton dur.

— Il y en a un, mais il est rare et difficile à produire. Un mélange d’argentite pure et de baies de lumithil... des ingrédients que nous ne possédons pas ici.

Pendant ce temps, Ioueseni, qui était restée silencieuse en arrière, laissa son regard glisser sur les alentours. Elle n’avait cessé d’être attentive aux détails sur le chemin menant ici, notant la position des traces de pas, les éclats de bois aux abords des portes fracturées, et même une traînée de sang séché qui s’effilochait jusqu’à un recoin du couloir.

Elle profita du moment de tension pour s’approcher du prêtre responsable du temple, choisissant soigneusement ses mots.

— Seigneur des Archives, permettez-moi une question. Vous devez connaître ces lieux mieux que personne. Cette attaque… elle n’a pas été menée au hasard, n’est-ce pas ?

Son ton n’était ni accusateur ni pressant, mais empreint d’un respect calculé, une nuance que le vieil érudit ne manqua pas de remarquer. Il hésita, jaugeant la femme étrangère d’un regard pensif, puis acquiesça lentement.

— Non, en effet... finit-il par admettre. Ils savaient ce qu’ils cherchaient. Les archives ont été saccagées, mais certains documents ont été pris avec une précision troublante.

Il jeta un regard vers l’Aile des Archives, où le chaos régnait toujours.

— Il faudra examiner ce qui manque… et ce qui a été laissé.


À cet instant, les trois coups retentirent à nouveau, plus insistants cette fois, résonnant dans les couloirs du temple.

Quelque chose, ou quelqu’un, était encore là.

Trois coups, lourds, métalliques.

L’alerte fut immédiatement donnée, et le groupe se précipita à la recherche de l’origine du son.

Ioueseni, faisant preuve d’une grande vigilance, observa attentivement les environs en traversant les couloirs du monastère. Elle remarqua rapidement des détails troublants : une étagère déplacée dans la bibliothèque, un sol légèrement marqué de poussière déplacée… Quelqu’un était passé ici récemment, et avec précipitation.

Après quelques efforts, le mécanisme fut activé, révélant une trappe menant à un passage souterrain.

Les coups métalliques résonnaient plus distinctement à présent. En s’engouffrant dans le tunnel exigu, le groupe parvint à une grille de fer, déformée sous l’impact répété d’un marteau.

Mais il était trop tard : les assaillants avaient forcé le passage et s’étaient déjà enfoncés dans les ténèbres des galeries souterraines.

Rhaugilath remarqua quelque chose accroché à l’un des barreaux tordus : un morceau d’étoffe déchiré.

Elle l’arracha avec précaution et l’observa sous la lueur vacillante des torches. Le tissu, d’un bleu profond orné de broderies dorées, n’avait rien d’anodin.

C’était un fragment de robe d’érudit.

Les moines du temple portaient des habits similaires, signe de leur appartenance au sanctuaire du savoir. Si ce tissu provenait bien de l’une de leurs robes, cela signifiait que l’un des fuyards était—ou s’était fait passer pour—un érudit ou un prêtre du temple.

L’identité des assaillants devenait plus incertaine encore.

Les événements s'étaient enchaînés avec une remarquable rapidité. Contre toute attente, les voleurs n'avaient semble-t-il pas encore fui les lieux avant leur arrivée et une poursuite s'était engagée. Tamasin avait suivi le reste du groupe et découvert, comme ses compagnons, le passage emprunté et le morceau de tissu arraché. Laconique, elle déclara à ses compagnons :

- Cela confirme que le coup a été très bien préparé, sans doute avec la présence d'un complice vivant ou ayant vécu dans le temple... L'implication directe ou indirecte des drows semble aussi acquise, même si... On ne sait jamais, ce pourrait être une fausse piste.

Elle ajouta :

- J'imagine que personne ne sait où mènent ce passage souterrain... Nous avons donc deux options. Tenter de les rattraper en espérant que ces galeries ne forment pas un labyrinthe rempli d'embranchements et de pièges. Ou rebrousser chemin et demander plus d'informations à l'archiviste.

La guerrière n'avait pas de préférence. Elle avait envie de se dérouiller un peu et d'empoigner sa lance en poursuivant l'ennemi, mais quelque chose lui disait qu'il était peut-être plus prudent de recueillir des données supplémentaires avant de s'engager dans de sinistres souterrains.

- J'en sais peu des elfes noirs.

Commença la mulane avec une pragmatique humilité. Elle attendit que les esprits guerriers ne s'apaisent un peu, même si elle savait aussi que certains pouvaient être frustrés par l'attente.

- Mais du peu que j'en ai entendu, il me semble aussi suicidaire de s'engager dans le noir à la recherche d'elfes noirs, que d'aller affronter un thayen dans un cimetière, non ?

Elle regardait ses compagnons de fortune avec un regard terriblement détaché.

- Ou tout du moins n'est il peut être pas utile d'aller tous en avant. Peut-être que je pourrais, avec quelqu'un de plus docte éventuellement, aller faire l'inventaire des archives avec les prêtres. Trouver la raison de leur venue est certainement l'une des meilleures pistes possible.

Elle les regarda.

- Et nous pourrons surveiller l'état du blessé. Je ne tiens pas, personnellement, à mourir quelques mois après avoir pris ma liberté, pour être honnête.

*Du Leth'dhiri* répéta plusieurs fois dans sa tête le guérisseur, avide d'en apprendre plus sur le terrible poison drow. Une fois le calme revenu au Temple, il ne manquerait pas d'interroger le vieil érudit et de consigner tout ce qu'il pourrait lui apprendre. Mais face à l'urgence, une seule question s'imposait :

- Et il n'existe pas d'antidote connu ?

Comme beaucoup de toxines de synthèse, celle-ci avait pour remède l'alliance subtile de produits très spécifiques et, bien entendu, rares. La fiole que l'Ilmate avait sous la main, dans sa sacoche à potions, n'était pas de taille à lutter... Le visage grave, il replaça d'une main experte les bandages du malheureux puis remonta sa couverture, d'un dérisoire réconfort, avant de le contempler quelques secondes d'un regard empli de compassion.

*Ô Ilmater, puisses-tu accompagner cet homme dans son martyr*.

- Combien de temps a-t-il ? interrogea-t-il celui qui avait identifié le poison. Allez-vous dépêcher l'un des vôtres pour réunir les ingrédients nécessaires ou est-il condamné ?

Trois coups lourds résonnèrent à nouveau, plus forts, sonnant ironiquement le glas du blessé. Serrant les dents, Randal quitta le chevet du prêtre pour rejoindre les autres du côté de la bibliothèque, puis les suivre dans ce qui avait tout l'air d'un passage secret. Peu à peu les éléments de l'énigme s'accumulaient, attisant la curiosité de l'une et soulevant les craintes de l'autre.

- La prudence s'impose, en effet... enchaîna-t-il après la Mulane, se rangeant à son avis sans tergiverser. Le poison de l'ennemi est mortel et nous ne pouvons le soigner.

entement, mais sûrement, Rhaugilath commençait à comprendre pourquoi Azouth, et elle commençait à sérieusement croire que le vieux magicien qui l'avait téléporté à Hautelune ne pouvait que le Premier Magistère, avait choisi de l'envoyer en ce lieu. Non pas que l'étude et l'inventaire des parchemins et autres tomes poussiéreux soit son idée d'une heure, ou d'un siècle si le temple était aussi bien fourni qu'il semblait l'être, idéalement utilisée. La magicienne était plus de l'opinion de suivre le plan de Tamasin, ou ce qu'elle pensait que le plan de Tamasin était, et de se mettre à la poursuite des drows. Comme tous les halruans, elle savait que la source première de tous les maux était leur sombre engeance, ou un ensorceleur, les deux n'étant pas exclusifs, et elle avait assez clairement été choisie pour leur faire payer leur crime.

Certes, elle n'avait jamais, personellement, affronté un drow, survécu à une de leurs attaques ou même rencontré un vrai drow, mais cela était de l'ordre du détail. Et elle avait vu l'éxécution d'une crintie qui avait été suffisament sotte pour succomber à un symbole de sommeil, ce qui était presque la même chose. Son expertise lui disait que les drows auraient l'avantage dans les souterrains qui se trouvaient de l'autre côté de la grille mais, parfois, un peu de témérité était la voie du succès.

-Il me semble évident, vu, ou entendu, le peu de discrétion de la fuite du ou des voleurs, qu'ils craignent une poursuite. Il est certain que cela n'est pas sans danger, même si je ne suis pas certaine de savoir ce qu'est un thayen, mais c'est la première régle de tout conflit que faire ce que l'opposant craint est un avantage. Agitant le morceau de tissu qu'elle avait trouvé, elle continua. Il semblerait aussi, et cela est le modus operandi habituel des drows, que la ruse soit leur point fort. Nous ne sommes pas tous obligés de donner la chasse et il n'est pas clair en ce moment si notre objectif devrait être d'identifier, et arrêter, les voleurs ou de découvrir leur origine et motivations en attendant que le capitaine puisse lancer une opération de plus grand envergure. Toujours est-il que je ne compte pas les laisser s'échapper aussi facilement et que laisser leur piste refroidir ne nous aidera aucunement. Qui est avec moi?

lors que le groupe débat encore de la meilleure marche à suivre, un silence pesant s’installe dans le souterrain. L’écho des derniers coups sur les barreaux s’estompe, laissant place à une atmosphère oppressante. Puis, un bruit sourd se fait entendre au loin, comme un grondement guttural montant des profondeurs.

Un aboiement terrifiant brise soudain le silence. Il ne s’agit pas du cri d’un simple chien, mais d’un hurlement sinistre, inhumain, qui transperce les ténèbres avec une puissance surnaturelle. Une onde de terreur primale se répand dans l’air, s’insinuant dans l’esprit de ceux qui l’entendent.

Tamasin et Ioueseni ressentent immédiatement son effet : un frisson glacial court le long de leur échine, leur souffle se bloque, et une panique incontrôlable s’empare d’elles. Leur instinct leur hurle de fuir, de s’éloigner le plus possible de la source de ce son maudit.

Dans la lueur vacillante des torches, une silhouette monstrueuse émerge du tunnel. Un molosse immense se tient là, sa fourrure noire comme la suie semblant absorber la lumière. Ses yeux écarlates luisent d’une lueur malveillante, et sa respiration rauque emplit l’air d’une menace palpable. Il mesure près d’un mètre cinquante au garrot et pèse sûrement plus de deux cents kilos, chaque muscle tendu comme un arc prêt à frapper.

Beldran, rompu aux batailles et aux pièges de la peur, ne cille pas. Il s’arme d’un geste fluide, levant sa lance dans une prise assurée. Son regard acéré ne quitte pas la bête, analysant ses mouvements, cherchant une faille. Contrairement à ses compagnons frappés d’effroi, il reste ancré, prêt au combat.