Chapître 3 : M maître, mille esclaves

L'Amnien devait avoir perdu la raison pour ainsi défier le Fils du Gel ! Était-il si peu versé dans l'Art pour ne pas reconnaître le dangereux sortilège qui nimbait la main de l'ensorceleur, et dont l'aura s'était faite plus menaçante alors qu'il approchait ? Ses rustres manières ne plaidaient pas en sa faveur, car elles appartenaient plus à un soudard qu'à un magicien. Aussi grossière fut-elle, la méthode avait l'avantage de surprendre...

Sans doute Jafert eut-il la vague impression, un instant, que l'ensorceleur allait abattre sur lui le froid nécromantique qui dansait autour de ses doigts d'albâtre. Sa main s'était levée, éclairant d'un éclat pâle son visage exsangue et ses yeux d'opale, aussi durs que la glace. Il avait reculé de deux pas sous la poussée, serrant le poing sans pour autant frapper ; il s'en était fallu de peu, néanmoins... La voix du Tormtar avait résonné au bon moment.

- Je t'avertis seulement, imprudent ami, rétorqua-t-il dans un lugubre rictus, le halo bleuté s'évanouissant. La Déesse est aussi sévère que le plus rigoureux des hivers.

Quelque chose d'indéfinissable, chez le charismatique Sossrim, avait changé. Certes sa physionomie avait toujours paru atypique, comme son étrange accent ou l'emphase de sa dévotion ; mais cette bizarrerie s'était parée d'un je-ne-sais-quoi qui, plus qu'il n'intriguait ou dérangeait, intimidait franchement¹. Le tavernier n'avait jamais été si vulgaire à ses yeux ; il le dévisagea longuement, une colère froide tapie au fond du regard. Puis il répondit à Murdock qui avait discouru alors que les jeteurs de sort s'observaient en chien de faïence (les paroles d'Iskender ne lui étaient pas parvenues, dans le tumulte de l'altercation) :

- La cabine ou les cales, c'est égal...

¹ Pour rappel, Kald a depuis notre récent passage de niveau un nouveau don : présence intimidante. Cela a sûrement des conséquences sur la perception que les autres en ont, même quand il n'utilise pas à proprement parler le pouvoir d'intimidation qui y est associé.

La magie d’Haela ne répondait plus, Falrin l’avait déçu, il n’avait plus de doute. Son sentiment de vide persistait malgré sa prise d’initiative rapide pour aller au contact avec les deux squelettes, entaillant côtes et os jusqu’à les réduire à l’inaction.

Alors qu’Iskender criait victoire, le prêtre-nain ne put s’empêcher de dépeindre un tableau noir en réponse :
- Nous sommes coincés ici, à la merci de leurs futurs assauts, qu’ils prépareront sûrement mieux ou en plus grand nombre. Nous sommes faiblement munis de vivre et ne savons pas quand les renforts arriveront. Ils maîtrisent la magie et sauront créer l’effet de surprise. Ils savent désormais qui nous sommes. Nous ne savons pas manœuvrer un tel navire. Notre seul atout est le temps et nous n’le maîtrisons pas. Le mieux est sûrement le sabotage : mât, voiles, cordage, feu. Tout est bon. Mais une fouille s’impose en effet avant ça. La proposition de Murdock m’va bien, former deux groupes, l’un pour fouiller et l’autre pour faire le guet. Et pis sait-on jamais y’a p’t-être des marins parmis les prisonniers potentiels.

Le nain ne fit nullement attention aux jérémiades des deux lanceurs de sort qu’il trouvait totalement déplacés. Sa seule envie était d’en prendre un pour taper l’autre, mais sa petite forme lui interdit.

Avant de passer à la fouille, Falrin adressa une longue prière pour demander pardon de ses offenses et surtout pour remercier Haela de l'avoir protégé jusqu'à maintenant.

Murdock inclina sa tête en constatant l'accord de l'ensemble des compagnons. Murdock réfléchissait rapidement et aux différentes possibilités qui s'offrait à lui. Il prenait rapidement sa décision.

- Iskender et Jafert, vous disposez d'attaque à distance. Surveillez le pont et inspectez le pour voir s'il y a des biens qui pourraient nous être utile. Récupérez éventuellement les armes et autres biens sur les marins morts. Qui sait, on pourrait faire des découvertes. Et voyez à soigner Kimo si possible. Il nous faut être au maximum de nos forces pour la suite.

Murdock se tourne vers Kald et Falrin

- Kald, Falrin, allez inspecter les cales du navire et voir si l'on peut y dénicher quelques choses d'utile. Si des esclaves ont déjà été embarqués sur le navire, vous pourrez les libérer s'ils veulent nous aider à combattre contre leur geôlier. Sinon, pour leur sécurité, laissez les dans les cales. Pour ma part, je vais inspecter la cabine du capitaine. Si j'ai un souci, j'appellerais Iskender et Jafert mais je doute d'y découvrir de mauvaises surprises. Je vais cependant tenter d'y trouver le journal de bord du navire. Celui ci pourrait nous fournir des informations précieuses.

Murdock était assez confiant dans la suite des opérations et, dans tous les cas, ils venaient de réussir à empêcher, du moins temporairement, l'embarquement des esclaves.

- Espérons que nous ayons assez de temps pour cela. Nous nous retrouvons sur le pont d'ici trente minutes à une heure maximum. Et on fera un point à ce moment là.

Les propositions d'Iskender sur le devenir du bâtiment dont ils venaient de se rendre maître ne reçut aucun écho de la part de ses compagnons qui n'en étaient pas encore à se projeter aussi loin, certains étant même principalement à régler un problème d'égo (le leur ou celui de la divinité qu'ils servaient). Sentant bien que, si personne ne prenait les choses en mains, la tendance naturelles des "Pas Grands" à s'éparpiller chacun dans son coin allait rapidement s'imposer, Murdock donna une poignée d'ordres, histoire d'occuper tout le monde et de gagner en efficacité.

Explorer le navire en séparant les arcanistes pour éviter que leur pugilat verbal ne se transforme en vraie rixe et se retrouver pour faire un point était déjà un bon départ. En fonction des informations récoltées, il leur certainement possible de convenir d'une suite à donner à leur expédition.

Iskender et Jafert entreprirent de mettre un peu d'ordre sur le pont, regroupant les marins décédés avant de passer les corps par dessus bord, non sans mis de côté leurs armes et leurs éventuelles possessions. Une fois ce macabre travail effectué, le rôdeur planta là son camarade, lui laissant la responsabilité de la surveillance de la grève, pour se précipiter auprès de Kimo, pansant du mieux possible ses blessures. Le pauvre animal était vraiment à bout de force et ne trouvait même plus la force de suivre son maître dans ses déplacements. Aucune plaie ne semblait fatale, nécessitant juste du temps avant un complet rétablissement, à moins qu'une magie curative ne vienne accélérer le processus. Hélas, le chien n'était pas le seul à avoir besoin d'une telle intervention et il faudrait, très certainement, faire des choix.

Cela était d'autant plus perceptible que Falrin ne recevait aucun écho à ses prières, Haela semblant le bouder, lui retirant ainsi son soutien. Il faudrait davantage que de simples paroles, même si le repentir était sincère, pour retrouver grâce aux yeux de la déesse.

Accompagné de Kald, le prêtre s'enfonça dans les entrailles du navire, descendant les échelles abrutes pour atteindre la cale, laissant à Murdock le soin d'explorer l'entrepont où se trouvaient les cabines des officiers. Une forte odeur de pourriture, air salin, humidité, moisissure et vomi mêlés, leur fit froncer le nez. Des chaînes reliées à des fers courraient le long de la coque et des gémissements s'élevaient. Une demi-douzaine de prisonniers, quatre humains et deux elfes, étaient ainsi enchaînés dans un tel état de faiblesse qu'ils réagirent à peine à l'arrivée des aventuriers.

De son côté, Murdock allait de cabine en cabine, trouvant, sans trop de peine, celle du capitaine sur laquelle il se concentra. Il serait bien temps, plus tard, de poursuivre cette fouille de façon plus approfondie, le logement du magicien pouvant receler des choses intéressantes.

Une couchette contre le mur orné d'un tableau marin représentant Umberlie jaillissant des vague, entourée de deux requins-garous, deux grands coffres fermés et un bureau constituaient le seul mobilier de la pièce. Vérifiant, du bout de sa dague, que les coffres étaient verrouillés, le paladin préféra se diriger directement vers le bureau où, comme il s'y attendait, se trouvait le livre de bord posé à côté d'un encrier. Le "Cœur de la Fureur" était un bâtiment pirate et le livre de bord retraçait les pillages et les captures de navires marchands jusqu'à un récent contrat passé avec l'Empire sythillisien pour le transport d'une marchandise particulière entre le Nord de la presqu'île de Velen et Murann. Sur les dernières pages du livre, figurait un sinistre décompte, listant le nombre de malheureux déportés, via la baie de Tarseth, jusqu'à la nouvelle capitale des Ogres-Mages.

Prudent, Murdock préféra ne pas pousser plus loin sa fouille, craignant, surement à juste titre, de se trouver face à un piège qu'il n'aurait pas détecté. Prenant le livre de bord avec lui, il remonta sur le pont, écoutant avec soin les différents comptes-rendus qui lui étaient faits.

Haela lui faisait tout bonnement la gueule, le nain avait compris son offense même s’il avait la sincère conviction que le prisonnier qui s’était rendu n’en était pas un. Mais l’heure n’était pas aux tergiversations et c’est par ses actes qu’il pourrait retrouver les ferveurs de sa déesse, dans son combat contre le mal sous toute ses formes et dans les glorieuses batailles. Il avait souffert et ne pouvait malheureusement plus faire appel à ses sorts de soins.

Accompagnés de Kald, ils descendirent les marches jusqu’à la cave. L’odeur était insoutenable et qui bon pouvait survivre là- dedans devait avoir passé un certain stade dans l’oubli de soi. A leur bonne surprise, six êtres avaient été fait prisonniers voire esclaves. Pas de quoi manoeuvrer le navire vu leur état de faiblesse mais de pauvres créatures arrivés là par malheur. Leur salut était peut-être arrivé, même si rien n’était gagné. Cherchant des clés pour libérer les bougres de leurs entraves Falrin faisait de l’apnée pour éviter la nauséabonde atmosphère. Il cherchait à en savoir plus ces nouvelles rencontres :

- J’m’appel Flarin et voici Kald. On vient d’mater vos geôliers sur le pont et un premier assaut. Mais d’autres viendront. Nous aussi on attend des renforts et nous devons tenir. Vous devez tenir avec nous. Quelle q’soit votre forme, j’vous invite à aller respirer l’air pur de la liberté sur le pont. Nous avons bien quelq’rations si vous avez faim. Si vous savez vous battre ça s’ra tant mieux, sinon nous s’rons là pour faire not’ max.

Le prêtre-nain prit le temps d'ausculter chacun des prisonniers. Il n’avait plus de magie à leur offrir mais un peu d’eau ou de nourriture et surtout cet espoir de liberté.

- Je sers Haela, et pour elle j’irais mourir. Pour vot’ liberté j’irais mourir. Faites corps avec les Pas Grands, c’es l’nom d’not’ compagnie et nous survivrons.

Après un moment il tenta d’en savoir plus :
- Si vous connaissez nos assaillants, leurs plans, leurs magie, leurs intentions, leurs troupe ou les secrets d’ce bâtiment ça s’ra bin d’une grande aide.

Pestant et marmonnant Jafert laissait Kald quitter le pont pour partir en exploration. Se retrouvant seul avec Iskender et un tas de cadavres sans vie, les deux compères s’affairaient à rendre le navire plus sain. L’un prenant les bras et l’autre les jambes, les esclavagistes étaient baladé par-dessus bord un à un.

¤ Et me voila à faire le sale boulot, je ne suis pas leur larbin ! ¤ Jafert n’était toujours pas calmé.

¤ Et lui aussi qui m’abandonne. ¤ Pensait-il quand le rodeur rejoignit son chien blessé.

- Il en reste encore un là-bas. Pointant du doigt une botte dépassant de sous une toile de jute.

Le magicien s’approcha et donna un coup de pied dans la chaussure qui était orpheline. Il s’accouda au bastingage, laissant son regard se perdre dans le brouillard. Son rythme cardiaque ralentissait enfin. Plissant les yeux, il portait sa main à l’arbalète sanglé à son dos.

¤ Ah, je vais regarder la mer pendant qu’eux, ils vont s’approprier les meilleures choses….
Surtout qu’avec le mage qu’ils ont, les marins, on ne verra rien venir si ce n’est qu’une brume. Ce ne sont pas des archers qu’il faut, mais des combattants de première ligne pour les empêcher d’envahir le pont !
Enfin, il faut bien que quelqu’un surveille et puisse donner l’alerte. ¤

- Eh, les gars ! Si vous trouvez une belle épée à deux mains ou un bel arc, gardez-le pour moi : j’en ai besoin !

¤ Ça m’étonnerait qu’ils le fassent, mais ça ne coute rien de demander. ¤

Tout en aidant Jaffert à débarrasser le pont des cadavres et en regardant s'il pouvait trouver une arme de qualité, et n'oubliant pas, aussi, de jeter des coups d’œil par-dessus le bastingage, il lança à Jaffert :

- Alors, est-ce que tu vois quelque chose ? En tout cas, moi, je ne vois rien : ils doivent quand même se réorganiser avant de lancer un nouvel assaut. Mais c’est sûr qu’ils reviendront : c’est le seul moyen qu’ils aient de partir d’ici en sécurité.
Tu as quand même failli d’ « expliquer » avec Kald. C’est vrai qu’il est énervant et qu’il ne pense qu’à lui-même. Il dépasse parfois les limites. Mais c’est un bon combattant et je pense que, sans lui, tu n’aurais pas pu repousser le capitaine.
Bon, puisque la mer est vide, je vais m’occuper de mon chien. Est-ce que tu aurais quelque chose pour le soigner ?

D'un enchantement mineur, l'ensorceleur fit luire l'extrémité métallique de son bâton d'une lumière blanche ; les contours boisés de l'étroit conduit s'enfonçant vers la cale apparurent alors, l'humidité les faisant luire légèrement. Si les enfants de Moradin s'accommodaient parfaitement de l'obscurité, la Dame de l'Hiver n'avait pas gratifié le Sossrim d'un tel don. Pas encore du moins. Mais qui savait quel nouveau pouvoir Elle lui confierait s'il continuait aussi pieusement à étendre Son règne !

Une odeur pestilentielle remontait des entrailles du navire, au fond duquel on semblait avoir oublié une charogne. Cela n'augurait rien de bon... Ils ne tardèrent pas à découvrir la geôle fétide dans laquelle gisait, plus morts que vifs, un misérable ramassis d'esclaves.

*Vaines paroles...* ne put-il s'empêcher de penser au vibrant discours de Falrin, le pâle éclat qu'il promenait sur les corps décharnés révélant une léthargie des plus inquiétantes.

- Ceux-là sont perdus. Les mots claquèrent dans le silence mortuaire de la cale, aussi incisifs que les rafales qui battaient le Grand Glacier un jour de blizzard. Trop faibles pour être débarqués avec les autres... Des malades, des mourants. Si ton intention est véritablement de les libérer, il vaut sûrement mieux mettre un terme à leur agonie.

Sans le moindre état d'âme, Kald rebroussa chemin. Il espérait que la fouille des cabines, noble besogne que s'était réservée le Tormtar, se fût révélée plus profitable.

Les nouveaux maîtres du navire se retrouvèrent bientôt sur le pont pour un rapide point sur la situation. Lorsque vint son tour de parler, le Fils du Gel apporta son expertise arcanique pour rassurer les esprits que le mage adverse avait inquiétés :

- Nous avons quelques heures de répit avant un nouvel assaut... Un magicien doit à nouveau préparer ses sortilèges après les avoir jetés. Il tourna son visage glabre vers le paladin, une idée lui traversant soudain l'esprit. Avec un peu de chance, il aura laissé son livre de sorts à bord. Avez-vous trouvé sa cabine, Murdock ? Puis ses yeux allèrent vers leurs vigies de fortune. L'un de vous a-t-il repéré notre barque ?

Murdock était revenu sur le pont avec le journal de bord du navire et il avait pris le temps de le lire assez rapidement pour se faire une idée de l’histoire du navire et de son équipage. Et, le peu qu’il avait pu voir, cela n’était pas un bon présage. Il était nécessaire d’agir vite et avec efficacité. Il laissa les autres faire le point de leurs actions jusqu’à ce que Kald l’interpella, réalisant qu’il n’avait pas fait part de ces découvertes.

Murdock sourit avant de répondre.

- Avant de répondre à ta question Kald, je vais vous dire ce que j’ai trouvé dans la cabine du capitaine.

Murdock sortait alors le livre de bord de sous son bras pour le montrer à ces compagnons.

- II s’agit du livre de bord du navire. Ce navire pirate s’appelle le « Coeur de la Fureur », cela pourrait dire quelques choses à l’un d’entre vous. En tout cas, il a laissé de côté ses activités de pirates il y a peu, engagé par l’empire sythillisien afin de transporter des esclaves d’ici à Murann. Le livre dispose d’un décompte macabre de cet odieux trafic. Pourquoi les Ogres Mages ont ils besoin d’autant d’esclaves est également une question intéressante à se poser.

Murdock prenait quelques temps pour poursuivre et rassembler ces idées.

- Le capitaine est visiblement un fidèle d’Umberlie d’après le décor de sa cabine. Et pour les plus mercantiles d’entre vous, il y a deux grands coffres fermés dans la cabine du capitaine et j’ai repéré la cabine du magicien. Craignant la présence de piège, notamment magique, j’ai jugé préférable de revenir vers vous avec uniquement le livre de bord. Nous pouvons retourner dans ces deux cabines pour une fouille plus complète de celle-ci et l’analyse plus approfondi du livre de bord pourrait permettre sûrement d’avoir d’autres renseignements.

Murdock était certains que l’aventure avec ces compagnons ne faisait que débuter et qu’une horrible machination d’ampleur menace la région.

- Quoiqu’il en soit, nous savons maintenant à qui est destiné ce trafic d’esclaves. Reste à savoir les raisons et qui réalise ce trafic, vu que ce navire n’est, en fait, qu’un navire engagé pour le voyage d’ici à la la capitale des Ogres Mages.

En dépit de l'attitude réfrigérante de Kald, les paroles de réconfort de Falrin amenèrent une lueur d'espoir dans le regard de presque tous les prisonniers. En effet, si les humains semblaient soulagés de se voir ainsi secourus, les deux elfes n'affichaient que mépris. Ces derniers étaient quasiment nus à l'exception d'un pagne grossier qui leur ceignait les reins et avaient la peau recouverte de tatouages complexes. Foudroyant du regard le nain qui venait de les libérer, ils refusèrent tout examen et sortirent bien vite de la cale en titubant par moment, signe visible de leur épuisement. Veillant à rester à distance de Kald lorsqu'ils progressaient dans les coursives, arrivés à l'air libre, ils s'écartèrent très vite du groupe qu'ils continuaient à observer du coin de l'œil, tout en devisant entre eux à voix basse dans un dialecte incompréhensible pour les aventuriers.

Heureusement pour le prêtre, les autres prisonniers manifestaient davantage de gratitude mais les renseignements qu'ils pouvaient fournir étaient bien fragmentaires. Ils étaient des pêcheurs originaires d'un village situé à deux jours de marche d'ici, seuls survivants de leur barque arraisonnée voilà une bonne chevauchée par le navire pirate sur lequel ils se trouvaient maintenant. Ce bâtiment avait, quelques jours plus tard, jeté l'ancre et les deux elfes les avaient rejoints à fond de cale. Plongés dans cette obscurité constante et ne recevant un maigre repas qu'une fois par jour, ils avaient fini par perdre toute notion de temps mais pouvaient néanmoins assurer qu'aucun nouvel esclave n'était arrivé dans les derniers jours.

Sur le pont, alors qu'Iskander finissait de panser son chien, ne pouvant faire que ça pour stabiliser son état, Kald pressait Murdock de questions, la perspective de mettre la main sur le grimoire du magicien de bord le faisant quelque peu sortir de sa placidité habituelle. Feignant de son côté de surveiller la côte, Jafert ne perdait pas une miette de la conversation, une lueur d'intérêt au fond du regard.

La présence de coffres chez le capitaine et la cabine du magicien nécessitaient vraiment une autre visite. Iskander, toujours poussé par l'appât du gain, allait-il délaisser Kimo quelques temps pour inspecter les malles à la recherche de richesses ? Jafert allait-il maintenir sa position de vigie et laisser l'opportunité à son rival de mettre la main sur des artefacts ou des ouvrages magiques ? Et, en l'absence de roublard, qui allait se risquer à crocheter ou forcer les différentes serrures ?

Bougonnant, Jafert indiqua que leur barque était toujours là, heurtant régulièrement la coque, arrimée qu'elle était par le nœud fait par Kald juste avant de grimper à bord.

Jafert, revenant avec les esclaves libérés, fut mis au courant des dernières trouvailles et des différentes possibilités qui s'offraient à eux pour l'avenir à court terme. Du côté de la terre ferme et du campement fortifié, la situation paraissait calme, la nappe de brume s'étant dissipée et les premières lueurs de l'aube montrant une plage vide de toute présence, à l'exception notable d'une silhouette laissée visiblement là en sentinelle.

Malheureusement, ce calme ne faisait que précéder une nouvelle tempête. Jafert, le premier, remarqua une agitation à l'extérieur de la palissade qui entourait le camp, la porte en bois venant de quasiment exploser, laissant la place à des rondins tordus. Ses compagnons, appelés à constater les faits, virent ce qui ressemblait fort à un assaut brutal. Des flèches s'abattaient sur le campement, certaines incendiant les cabanes sommaires. Des cris sauvages s'élevaient alors que des silhouettes, presque nues, passaient à l'attaque, certaines escaladant la palissade pendant que d'autre s'engouffraient par la porte, maintenant détruire.

Les plus observateurs des Pas Grands se rendirent compte que les assaillants étaient des elfes plutôt robustes, à la peau brune, ornée de tatouages tribaux ou peinte. Fronçant ses sourcils épais, Falrin tourna la tête pour tenter de repérer où se trouvaient les deux esclaves qui avaient refusé de se laisser examiner et l'avait abreuvé de leur mépris. En les voyant, près du bastingage à sept-huit mètres d'eux, il eut ainsi confirmation, tant leur apparence était semblable, qu'un lien certain existait entre eux et les attaquants du campement.

Lancers...

Falrin Grandtranchant - Jet de compétence : Perception : 20(d20) +0(deg) +3(Sag) = 23
Iskender - Jet de compétence : Perception : 10(d20) +6(deg) +2(Sag) = 18
Jafert - Jet de compétence : Perception : 15(d20) +0(deg) +1(Sag) +2(vigilance familier) = 18
Kald - Jet de compétence : Perception : 8(d20) +1(deg) +0(Sag) = 9
Murdock - Jet de compétence : Perception : 14(d20) +1(deg) +2(Sag) +2 (don) = 19