Chapitre III : Des airs de hibou...

C'était un Daphnis inquiet qui s'était endormi ce soir-là.

La découverte de la figurine indiquait qu'il y avait tout lieu de croire qu'on les avait une nouvelle fois guidés sur une piste en tentant de les duper. Ils en étaient sortis vivants la première fois, mais les choses auraient pu mal tourner à plus d'une reprise.

Le village en ruine ne lui inspirait guère confiance non plus. En tant que caravanier, il aurait tout fait pour trouver un autre endroit où passer la nuit. Ses compagnons lui avaient expliqué à quel point le lieu était étrange. Mais avaient-ils seulement le choix ? Il était tard et ils n'avaient aucune connaissance de la région dans laquelle ils avaient été transportés.

Le jeune élu divin avait toutefois fait contre mauvaise fortune bon coeur et installé tant bien mal son matériel pour la nuit, gardant son épée à portée de main en cas de danger. Plus silencieux que d'habitude, il s'était contenté de gratifier ses compagnons d'un simple "bonne nuit" et adressé un sourire à la petite Elvira.

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Ayant sombré dans un sommeil sans rêves, Daphnis fut réveillé par les pleurs de l'enfant d'habitude si calme. Dans un premier temps, il avait cru à un cauchemar et ne s'était que lentement relevé pour voir si tout allait bien. Haleena lui ayant indiqué que sa fille l'aimait bien, il se disait qu'il pourrait peut-être la distraire et l'aider à retrouver le sommeil.

Lorsqu'il sortit de l'abri, accompagné par Eliza et Phénix, il découvrit un bien étrange spectacle. La petite semblait hurler de peur et Haleena semblait... "différente". Son attitude, ses gestes semblaient ne pas être les siens. Daphnis ne la connaissait pas depuis très longtemps, mais ils avaient vécu suffisamment de choses ensemble pour qu'il remarque que quelque chose ne tournait pas rond.

Il demanda à la jeune maman :


- Tout va bien ? Que se passe-t-il ?

Il attendait d'entendre sa réponse pour décider de la suite. Peut-être Haleena était-elle simplement perturbée par la terreur nocturne de sa fille ? Mais peut-être s'agissait-il d'une nouvelle illusion, d'une métamorphose, d'un sort de domination ou d'autre chose encore. Si tel était le cas, il espérait que les intonations d'Haleena ainsi que son lexique permettraient de mettre en lumière le stratagème.

Perturbée par le sentiment désagréable que lui procurait le village, la semi-fiélonne n'avait pas bien dormi. Elle s'était tournée plusieurs fois sur elle-même et en ce matin frais, elle ressentait une gêne au niveau de l'épaule. Alors que l'élu divin se réveillait, elle s'étirait, la tête dans le brouillard, depuis plus de dix minutes. Telle mère, telle fille aurait dit son maître.

Ce n'est qu'en constatant les soupçons et le doute sur le visage de l'élu qu'elle compris que le comportement d'Haleena n'était pas celui que l'on pouvait attendre d'elle. Et d'ailleurs, les loups ne hurlent pas quand ils sont sous leurs mères.

La uthgartd ne lui était pas particulièrement antipathique, mais elle savait aussi qu'elle était en l'état la plus à même de prendre une décision difficile si il le fallait. Alors que Daphnis tentait une approche optimiste, elle encocha une pessimiste flèche dans son arc avant de jeter un œil à Phénix. Il était trop tard pour sortir par derrière et avoir l'avantage de la surprise.

Elle ne mis pas son arc en joue, c'était trop tôt, mais elle s'apprêtait à le faire à la moindre menace.

Eliza prépare une attaque à distance. Elle tirera au moindre signe d'agressivité et si toutes les autres possibilités ont échoué.

Le tour de garde d’Haleena avait débuté depuis de longues minutes, le pale rayonnement de la lune éclairé péniblement la plaine. A l’opposé, les contreforts de l’épine dorsale reflétaient difficilement la lumière et un courant d’air mordant. Le souffle augmentait à en devenir surnaturelle alors que la jeune mère prenait conscience de ne plus sentir ses propres membres.

Comme spectatrice de son propre corps, elle se vit poser main à terre et se lever. Ses pas n’avaient pas de consistance sous ses pieds et elle ne percevait plus le bruit du vent. Elle était comme ensevelis sous la neige, le froid serrait ses poignets et elle n’entendit aucun son sortir de la bouche d’Elvira qui avait visiblement la bouche ouverte. Elle berçait maintenant sa fille mais ce n’était pas vraiment elle.

- Tout va bien ? Que se passe-t-il ? Les questions étaient lointaines et les sons étouffés.
¤ Non pas du tout ! ¤ aurait-elle voulu crier. Mais elle ne s’était même pas retournée à l’appel de Daphnis.

Elle regrettait de ne même pouvoir faire signe à ses amis. L’Haleena de glace, contre toute attente, se retourna vers les élus de Kokta, révélant un regard vitreux et une moue placide. La chansonnette continuer de sortir de sa bouche alors qu’elle faisait face aux 3 aventuriers.

Non, décidément, quelque chose ne tournait pas rond. Le béguin que Daphnis éprouvait pour Haleena l'avait incité à l'observer de temps à autres, à la dérobée. Il connaissait ses gestes quotidiens, sa manière de se tenir et de s'occuper de son enfant. Les circonstances de l'aventure et son intérêt pour la barbare l'avaient également poussé à discuter avec elle dès qu'il en avait l'occasion : c'était une bonne opportunité d'en apprendre plus sur elle ainsi que sur le peuple au sein duquel l'élu divin était amené à évoluer.

Tout cela rendait évident le fait que la barbare n'était plus elle-même, incapable de répondre à une question aussi simple. Une Haleena normale aurait répondu dans son commun hésitant, doucement ou abruptement, mais elle aurait répondu. Le regard vitreux qu'affichait son visage fit tressaillir Daphnis qui fut, l'espace d'un instant, pris de panique.

Il jeta un coup d'oeil désespéré en direction d'Eliza et de Phénix et constata que la tieffeline était prête à intervenir en cas d'agression. Daphnis espérait qu'ils n'en arriveraient pas là. Le dialogue étant inutile, il tenta une autre approche et se mit à psalmodier quelques formules rituelles tout en effectuant une gestuelle qu'il connaissait par coeur.

¤ Cela permettra peut-être d'en savoir un peu plus... ¤

Le jeune caravanier tenta de déceler toute forme de magie qui affecterait sa compagne de route. C'était la toute première étape d'un diagnostique qui pourrait se révéler long et difficile.

¤ Espérons que ce ne soit rien de trop grave... Trouver des guerisseurs chevronnés alors que nous sommes au milieu de nulle part, tout en ne sachant même pas où exactement... Ce serait une mission presque impossible à réaliser ! Tymora, puisses-tu nous aider ! ¤

Lance "détection de la magie" en direction d'Haleena et prend le temps nécessaire pour étudier les auras éventuelles.

La jeune mère semblait trop absorbée par les soins qu'elle offrait à sa progéniture pour remarquer ses compagnons sortir de leur refuge, mais elle releva la tête à la voix de Daphnis. Ses grands yeux bleus - vides de toute expression - se reportèrent aussitôt sur la petite Elvira, qu'elle pressa un peu plus fort contre elle. Avait-elle vu la tieffelin armer son arc ? Si tel était le cas, elle n'en avait cure...

La berceuse interrompue, seuls les pleurs hantaient l'obscurité de leurs douloureux éclats.

- Chhh... Chhh... souffla-t-elle pour apaiser l'enfant, avant de tendre son index vers la bouche braillarde de l'enfant. uv gvlg fv fnfn wncn gvgx xncl fvjmlg flvg ukgzxvojg, onlg jvmxvxcv xvxvcngxm gkg fklzx ?

Si seule Eliza comprit les paroles d'Haleena, tous reconnurent à sa mélodie bien différente du dialecte tribal l'Illuskan, langue des peuples du nord des royaumes. Une langue que l'Uthgardte parlait, certes, mais jamais à sa fille...

- Chhh... Chhh...

La petite avait rejeté la singulière tétine qui lui était proposée, avant de brailler de plus belle. Daphnis, qui avait invoqué les grâces de la Déesse pour percevoir un éventuel envoûtement ou maléfice, ne décela à sa surprise aucune trace de magie. Il était pourtant devenu assez évident que leur amie n'était plus elle-même... Ses gestes lents et presque mécaniques faisaient froid dans le dos. Phénix, à son tour, avait bandé la corde de son arc.

Un soupir à fendre le cœur s'échappa des lèvres d'Haleena, qui avait délicatement déposée sa protégée sur le sol pour aussitôt s'effondrer sur elle-même, tel un pantin dont on aurait coupé les ficelles. Alors apparut au-dessus du corps inanimé de la barbare, flottant dans la nuit, la silhouette évanescente d'une vieillarde enrobée dans un grand châle. Qui n'avait jamais vu de fantôme dut penser que les contours du spectre, d'un bleu pâle et translucide, étaient étrangement nets.

L'apparition, aussi miraculeuse qu'effroyable, dévisageait les aventuriers d'un regard morne et fixe.

Baba Yara

- xm gv jvmq ovov jng juvmcvc, onmflxv ! se désola-t-elle poignante, son corps frêle agité de spasmes. onlg svmqun gkgx vg dlv... lug jkmcckgx gmcvovgx xnlfvc ! -------------------- Le spectre de cette femme âgée, légèrement voûtée par les ans, tremble étrangement dans son grand châle. Ses yeux ternes sont grand écarquillés, tandis que de fines traces de sang brunissent ses narines et ses lèvres desséchées.

Haleena, transie de froid de pied en cap, accablée d'une torpeur surnaturelle, reprenait douloureusement conscience.

Et toujours ces pleurs étranglés par la peur.

Il paraîtrait logique qu'Eliza réponde en premier, mais c'est comme vous voulez. J'ai volontairement utilisé les balises de langue pour que vos personnages aient une juste appréciation de la situation. J'espère ne pas m'être trompé en excluant les fantômes des créatures magiques (Phin' ?) ; je modifierai au besoin pour corriger.

Un spectre ! La tieffeline déglutit difficilement, et eu un pas de recul. Elle mit quelques instants pour se remettre. Au fond, elle n'était qu'une enfant, ses parents puis son maître avait toujours été là pour la protéger, sans parler de la ville elle-même. Si Silys l'avait toujours mise en garde contre les morts-vivants, elle avait toujours jugé qu'il lui fallait vivre son enfance avant d'apprendre à les affronter… hélas.

Cela étant, et alors que sa raison reprenait le dessus, elle se rendit compte de deux choses : l'apparition n'était pas particulièrement pas agressive... et elle semblait être la seule à connaître l'illuskien. Du moins, à l'exception probable d'Haleena mais elle était présentement à peine sortie des pommes. Resalivant sa bouche sèche, elle se força à regarder le visage translucide :

- hmvuuv nlfv sevcsevb dkmg, fnfn wncn, le nom lui rappelait quelque chose, une comptine peut-être, mais c'était lointain et flou,kg on xkmrkmcg njjclg hmlu anuunlx gv ovalvc fvg angxkovg, gmcxkmx svmq hml jcvggvgx jkggvgglkg fm skcjg fvg dldngxg, onlg jmlghmv dkmg undvb ulfvcvv, gkmg jkmdkgg dkmg vskmxvc... vx jvmxvxcv gndvb dkmg sv hmlu gvgx jnggv lsl.

La rôdeuse restait sur ses gardes, mais quelque part, elle doutait que ses flèches aient le moindre impact sur ce genre de créature.

Décidemment les nuits tranquilles ne faisaient pas parties du lot destinés aux quatre acolytes.

Cette une Haleena différente que les compagnons découvrirent sous une froideur toute aussi étrange. Une froideur qui donnait froid dans le dos et qui glaçait jusqu'aux os du grand rôdeur, enfin s'il pouvait s'exprimer ainsi.

Ne sachant pas comment réagir le jeune humain imita leur nouvelle compagne et banda son arc, ils faisaient face à quelque chose que le rôdeur n'avait encore jamais rencontré et il devait ici se fier à ses compagnons, peut-être que eux savaient.

- Mais qu'est-ce que cela?

Murmura-t-il pour lui et ses compagnons lorsqu'ils découvrirent comme un fantôme s'échappant d'Haleena.

Phénix était comme pétrifié devant cette apparition, il ne savait pas ce qu'il devait faire. Devait il aller aider Haleena et Elvira à s'écarter de ce fantôme? Devait il rester en place de peur que ses mouvements ne soient perçu comme une attaque? Toutes ces questions se bousculaient dans son esprit quand Eliza répondit à l'apparition.

- Que se passe-t-il? Que dit-elle?

Demanda-t-il un peu plus fort qu'il ne l'aurait voulu? Serait-ce la peur qui l'avait fait parler plus fort que le murmure qu'il aurait souhaité emmètre? Il n'en savait rien mais il était certains qu'il n'était pas à l'aise dans cette situation. Et comme il ne savait pas quoi faire, il préféra rester là, figé dans l'attente d'une instruction, sur ses gardes, prêt à intervenir dès qu'il le faudrait.

Haleena reprenait connaissance peu à peu. Elle était face contre terre, une terre poussiéreuse et froide. Et Elvira qui pleurait à en fendre le cœur d’un orque. Le froid la tétanisait, une brume brouillait son champs de vision.

Les membres toujours engourdit, la barbare se trainait difficilement au sol jusqu’à son enfant, a à peine un pas.
¤ Je suis là, je suis là.¤

Elle reprenait enfin le contrôle de ses bras et de ses jambes. Elle s’agenouillait et portait Elvira contre son cœur. Elle avait été tellement impactée par la possession que, cette fois, son corps était à la même température que celle de la nuit. C’était Elvira qui lui apportait quelques bribes de chaleur. Haleena la serrait encore plus fort sur son cœur.

Daphnis avait tressailli, puis fait trois pas en arrière lorsque l'apparition avait émergé et libéré Haleena de son emprise.

Le jeune élu divin était loin d'être rassuré et avait du lutter pour ne pas tourner le dos au danger. D'une part, car il n'avait jamais croisé la route d'une telle créature capable de peupler les cauchemars de n'importe quel enfant. D'autre part, parce qu'il se sentait bien démuni : bien qu'on le prenne souvent pour un prêtre, il ne possédait pas leur talent pour repousser les morts-vivants. Il doutait de pouvoir prendre le dessus en cas d'affrontement...

Le jeune homme ne comprit pas un mot des paroles de l'apparition. Son ton n'était cependant pas particulièrement hostile, ce qui avait quelque chose de rassurant et Eliza entama une discussion avec le spectre, ce qui l'était tout autant. Il aurait voulu demander à la tieffeline quelle était la teneur de la discussion, mais Phénix s'en était déjà chargé. Il se tut donc. Il ne dégaina pas non plus son épée, de crainte qu'un tel geste soit mal perçu. Toute la situation dépendait désormais de l'évolution de la discussion entre Eliza et l'apparition.

Le caravanier jeta un coup d'oeil en direction d'Haleena et d'Elvira. Il fut rassuré de constater qu'elles semblaient aller relativement bien toutes les deux : même si Haleena semblait très fortement engourdie, son regard était à nouveau le sien. Il avait fortement envie d'aller prendre de ses nouvelles et de l'aider à saisir son enfant, mais il craignait les réactions du spectre et resta pour l'heure sur place.

Les yeux mornes de l'apparition fixèrent Eliza aussi longtemps qu'elle parlât, puis sautèrent brièvement vers Phénix avant de retourner à la tieffelin. Plus la moindre émotion n'habitait le visage de la morte dont la voix seule, lancinante, exprimait la douleur.

Baba Yara

- rv gnlg xkmx, lâcha-t-elle en vomissant le dernier mot, comme s'il était insupportable. ovg cvjkggvg kgx mg jclq... Le spectre flotta lentement en direction des aventuriers, qui purent sentir l'air autour d'eux se rafraîchir. Il s'arrêta à quelques pas, s'inclina légèrement puis chuchota d'un ton conspirateur : nccnsevb okg dlvmq skcjg fv gn jclgkg fv zunsv, vx rv dkmg cnskgxvcnl... xkmx. -------------------- Le spectre de cette femme âgée, légèrement voûtée par les ans, tremble étrangement dans son grand châle. Ses yeux ternes sont grand écarquillés, tandis que de fines traces de sang brunissent ses narines et ses lèvres desséchées.

Sur ces mystérieuses paroles Baba Yara fit volte-face et, sans soulever un souffle d'air ni émettre le moindre bruit, vola jusqu'à l'édifice en ruine avant de s'enfoncer dans le sol et de disparaître. Les secondes s'écoulèrent, longues et énigmatiques, sans que rien ne vienne plus troubler la nuit.

Haleena était toujours aussi pâle qu'un linge, mais son enfant commençait à s'apaiser : ses pleurs s'étaient mus en des sanglots presque bénins. Le soleil ne se lèverait pas avant plusieurs heures. Que faire ?