Chapitre 2 : Maman, "M" et les hors-la-loi

Le désir de discussion de Falrin pris un peu Iskender par surprise. Et les questions qu’il lui posait le rendaient un peu perplexe :

- Qu’est qui me fait lever le matin ? Eh bien, disons que c’est la Vie ! Un peu comme une plante pousse : elle n’a pas besoin de motivation, c’est la Vie !
Par contre, autre chose est de vouloir mourir ou de risquer la mort volontairement (dans notre cas) : il faut alors une motivation, et moi je ne la trouve pas dans notre quête actuelle.
Pourquoi s’attaquer à M, dont on ne connait rien de ses motivations, plutôt que de s’attacher –entre autres possibilités- à protéger des caravanes (et nous serions alors payé !) ?
Combattre le Mal ? Le Mal existe, c’est un fait ! Mais il faut faire attention à ce qu’on qualifie de Mal : un loup tue un faon. Pour la biche, c’est mal. Pour le loup, c’est bien : ça lui permet de vivre et de nourrir ses petits.
Faut-il éradiquer le Mal ? Volubilis, celle qui m’a tout appris sur le métier de Rôdeur, disait que le Bien ne saurait exister sans le Mal. Je n’ai pas bien compris car je ne suis allé à l’école que jusqu’à 15 ans mais elle disait que c’était de la même façon que le Jour ne saurait exister sans la Nuit…
Peut-être pourrais-tu expliquer et justifier ou contredire ce qu’elle disait.
Volubilis se battait pour que l’équilibre soit respecté. Je fais aussi la même chose : j’ai combattu les Taslois car ils représentaient un déséquilibre dans la forêt, pas pour éradiquer le Mal de la Terre. L’Équilibre est le maître-mot de ma pensée actuelle et c’est pour cela que je vénère, comme Volubilis, Maïlikki, une déesse subordonnée à Sylvanius ! Sylvanius qui, me disait Volubilis, était prêt à soutenir des actes sauvages, même malfaisants, lorsqu'ils visent à conserver l'équilibre entre la vie sauvage et la civilisation
Et permet moi de poser deux questions, à toi qui est prêtre et donc familier du domaine divin : pourquoi y a-t-il des dieux bons, neutres ou mauvais si ce n’est pour cet Équilibre dont je parle ? Et faut-il que les dieux neutres et mauvais disparaissent ?

On continue sur le fil que tu veux mais la philosophie et moi...
Pour la citation de Sylvanius, voir TdRO, onglet PANTHEON FAERUNIEN, Sylvanius

Kald avait exprimé son point de vue à voix haute. Iskender qui n’avait pas prononcé un mot mais on voyait à sa grimace et à son attitude qu’il n’avait aucune n’envie d’être là, enfin il ouvrit son cœur en réponse à Falrin. Jafert et Falrin étaient galvanisé par l’enchaînement des événements et une pointe d’avidité pour le tavernier qui imaginait un possible profit dans l’histoire.

- La situation donne à réfléchir en effet. Est-ce une si bonne affaire que de chercher des noises à ce M? Là nous n’avons plus à faire à des vulgaires Taslois mais à la guilde des Voleurs de l’Ombre.
- Pour sûr, on ne doit plus rien à Thanterim et ma vie vaut bien plus que 10%. Que le boiteux aille au Baator ! Jafert frappa la table de sa chope de bière.
- Les Ombres sont en ville, je vais pas risque ma couenne. Vélen sera bien plus vecteur d’opportunité pour nous… Vélen ou ailleurs.

Jafert lança un regard compatissant au nain d’écu… tout l'enthousiasme de ce dernier ne pouvait plus rien maintenant. S'en suivit une bonne grosse minute de silence...


Déconcerté Falrin aiguisait compulsivement ses carreaux face à son petit lit d’auberge. Est est ce de l'énervement, lui qui était toujours joyeux et positif?
Jafert sous les traits de Gunard Samson, se mit autant à l’écart qu’il était possible dans cette petite chambre pour s’entretenir avec Iskender et Kald.

- Ce M doit être riche vu les trafics qu’il a inscrit sur son carnet. Inutile d’aborder ce point avec Falrin mais ni le capitaine, ni Kelson, n’ira nous reprocher d’avoir volé un voleur. On élimine la vermine de la région et on garde le butin. Bonne affaire, on ira même réclamer un salaire de fonctionnaire pour ça.
Pour les Voleurs de l’Ombre, c’est une autre histoire. Reste à savoir si M est de mèche avec eux, si c’est pas le cas, on est tranquille, il n’y a pas de raison qu’ils réagissent.

- Falrin tu m’as convaincu ! Je ne sais pas ce que vont faire les autres mais allons prendre quelques chopines dans les bouges cités par Liras. Si ça ne donne rien, on en rediscutera. Jafert surprit le nain qui se retournait dans un mouvement de réflexe.

La discussion entre les aventuriers mit au jour nombre de frustration. Sentiments d'être mené en bateau pour une affaire qui n'en valait pas la peine, amertume en l'absence d'une rémunération effective, inquiétude de se frotter à un poisson bien trop gros pour eux, voila qui incitaient les membres du groupe à jeter l'éponge et à ne prendre aucun risque.

L'enthousiasme, un brin naïf, de Falrin réussit néanmoins à convaincre Jafert de l'accompagner dans une tournée "entre hommes", ou plutôt "entre nains" des tavernes mal famées. S'ils ne persuadèrent ni Kald, ni Iskender, de les suivre dans cette quête aux renseignements, ils parvinrent néanmoins à obtenir un délai, laissant les deux autres humains œuvrer de leur côté pour la journée.



De toute façon, le rôdeur aurait eu bien du mal à accompagner les enquêteurs. Le dressage de Luna se poursuivant, il tentait d'accoutumer ses chiens à l'ambiance tumultueuse de la ville. Si la dernière venue semblait vouloir obéir, la surprise vient de Kimo qui, profitant d'un instant d'inattention de son maître, échappa à sa vigilance, obligeant Iskender à passer de longues heures à le rechercher. Tout ça pour le retrouver dans l'arrière cour d'une charcuterie, un chapelet de saucisses dans la gueule et occupé à esquiver les coup de balai d'un commerçant furieux. Le Shou ne parvint à calmer la colère du brave homme qu'en mettant la main à la poche et en payant les dégâts causés par l'appétit de son chien.

Furieux de cette perte de temps (et de l'accros causé dans sa bourse), il retrouva le reste du groupe à la Crique Confortable de Starnar pour le point de situation quotidien. La mine renfrognée qu'il affichait alors montrait bien à chacun tout le mal qu'il pensait de la ville et sa hâte à retourner se perdre dans les bois.



De son côté, Kald, tout de blanc vêtu et arborant ostensiblement le flocon, symbole d'Aurile, arpenta les rues de Tulmène, errant un peu au hasard. Ce fut à proximité du temple de Valkur qu'il se vit aborder, discrètement mais avec les plus grandes marques de respect, par un individu au regard fuyant qui semblait constamment sur le qui vive.

- Fils du Gel ? Que la Déesse soit loué, vous avez survécu. Nous ne voulions pas croire en votre mort en dépit des découvertes des gardes. En quoi puis-je vous servir ?

S'il fut un court instant surpris, Kald se reprit rapidement et afficha rapidement l'impassibilité hautaine qui était la sienne. Si ce rustaud le prenait pour un prêtre d'Aurile, il n'allait pas le détromper. Irrité néanmoins par l'obséquiosité de l'homme, le Sossrim put se faire une idée sommaire de la situation.

Le Culte du Froid était bien toujours présent à Velen mais, plus qu'un véritable réseau, il s'agissait plutôt d'agents isolés ayant de très rares rapports les uns avec les autres, qui continuaient à vénérer la Déesse du Froid davantage par machinale habitude que par réelle conviction. L'homme n'avait pas vu personnellement la délégation religieuse mais assurait avoir été ému au plus haut point lorsque la nouvelle de l'embuscade lui était parvenu. Il était heureux de voir que le Fils du Gel avait échappé à la mort et se proposait de le mettre en contact avec le chef du réseau de Tulmène. Le cloisonnement extrême de leur organisation faisait qu'il ne le connaissait pas personnellement mais il se faisait fort, en utilisant le système de boîtes au lettres mortes qu'ils avaient mis sur pieds, d'arranger un entretien d'ici deux-trois jours au plus. D'ailleurs comment pourrait-il contacter le Fils du Gel pour lui communiquer les modalités de la rencontre ?

Oscillant entre jubilation de voir que Saukunik n'était pas complètement oubliée dans ces régions tempérées et irritation de voir le degré d'amateurisme de ses fidèles locaux, Kald retrouva la compagnie des Pas Grands à l'auberge pour le débriefing quotidien. L'esprit obnubilé par ses trouvailles du jour, il avait néanmoins bien du mal à se concentrer pour écouter le rapport de Jafert et de Falrin.



Pendant ce temps, les plus petits de la compagnie s'étaient rendus successivement à La Voile du Crépuscule et La Barrique de Helbuck, feignant de se rencontrer par hasard dans le premier établissement et, sympathisant, décidant de poursuivre la soirée ensemble.

Un verre en appelant un autre, les langues se déliaient et les rumeurs se propageaient à grande vitesse :

On racontait que si Jakar Pyllam, propriétaire du chantier naval portant son nom, était un homme parfaitement intègre, il n'en était pas de même de son fils, Jakar Junior, qui était le principal détracteur de la Reine Zaranda, détracteur discret quand même pour ne pas attirer l'attention de la garde.
Dans le même ordre d'idée, le puissant Grand Maître de la Guilde des Pêcheurs et des Poissonniers, Tormos Ollday, était, sous un verni de respectabilité, une des pires crapules de la ville qui freillait sans vergogne avec les pirates, les Voleurs de l'Ombre et même le Consortium du Rundeen.
Le bourgmestre, Jos Knightson, avait une attitude étrange depuis que sa fille était partie s'installer à Velen. Il se racontait que ce départ masquait, en fait, une histoire bien plus sordide, la belle aurait été enlevé lors d'une sortie en mer, ce que soupçonnerait Liras Finsire le commandant de la garde.
L'entrepôt, au bout des quais, reçoit régulièrement d'étranges visites nocturnes, des marchandises y transitant en dehors de toute voie officielle.
Les pirates des Îles Nélanthère continuent d'écumer les côtes, Jakar Pyllam Junior n'étant pas étranger aux renseignements précis dont semblaient s'inspirer les forbans.
Grollar Zarmshield, anciennement alchimiste à Murann, s'était installé à Tulmène une quarantaine d'années auparavant, écrasant tous ses concurrents de la ville en développant un fructueux commerce s'appuyant sur une flottille de bateaux de pêche expédiant son poissons dans les principales villes du royaumes. Mais un simple commerce de poissons pouvait-il justifier, à lui seul, une telle fortune ?
Il ne faut pas faire confiance à Ears, le demi-orque chauve, propriétaire des Cinq Dagues. C'est un mouchard au service de la garde de Tulmène.
Attention à ne pas se rendre, de nuit, sur les Docks de l'Homme Mort, le fantôme du chien noir de Murtaan y rôde et garde férocement l'épave du navire de son maître, célèbre pirate aujourd'hui disparu.

Voila, en résumé, les informations que le duo des "courts sur pattes" livraient à leur compagnons, une fois tous réunis dans une chambre de la Crique Confortable. Finalement, une fois le tri fait parmi toutes ces rumeurs, une piste pourrait peut-être se dégager. Malheureusement, personne n'avait fait la moindre allusion à un mystérieux "M", sévissant dans la région.

- Garder le butin ! Voilà une riche idée, Jafert !
Je pense que ça pourrait être tenté, même s'il n’y a aucune certitude.
Mais comme Falrin et toi semblez être prêts à vous engager à fond là-dedans, autant y aller en espérant tirer un bon profit de l’affaire.
Et puis nous pourrons peut-être vendre au comte les renseignements que nous pourrions avoir, car celui-là il ne faut pas l’oublier : les nobles sont si ingrats !
Je me demande si Falrin sera d’accord : voler un voleur, c’est Bien ou Mal ? Il faudra que je lui pose la question. Et peut-être récupérer sa part si ça peut soulager sa conscience !
Bon, enfin, espérons que je ne fais pas la bêtise de ma vie !

Puis s’adressant à tous, Iskender repris :

- Pour faire avancer les choses, je vous propose d’aller voir ce qui se passe la nuit à l’entrepôt, au bout des quais. Je compte y aller seul, sans mon armure, avec Kimo, car Luna n’est pas bien dressée.
Ça sera bien plus discret qu’à plusieurs.
Je ne compte absolument pas me battre et je fuirai à la moindre alerte. Kimo pouvant me prévenir des guetteurs cachés ou autres dangers que je n’aurais pu voir.
J’essayerai aussi, si c’est possible en même temps, de voir ce qu’il y a de vrai dans l’histoire du fantôme du chien sur les docks de l’Homme Mort : il est possible que cela cache autre chose. Mais j’y irai vraiment mollo…
Ça serait bien que pour m’aider, vous m’attentiez au début des quais, pour bloquer d’éventuels poursuivants si je dois m’enfuir rapidement.
Qu’en pensez-vous ?

Après des mois d'errance et d'incertitude, ses prières étaient enfin exaucées !

- La Déesse a de nombreuses Mains¹, répondit-il avec l'assurance hautaine d'un prêtre, la morgue au coin des lèvres. Et les murs ont des oreilles. Marchons par-là...

L'homme qui courbait obséquieusement l'échine devant lui n'était pas familier du culte de la Vierge de Glace, car serre-tête et hachette rituels faisaient défaut au déguisement du prétendu Fils du Gel. Peut-être s'était-il laissé tromper par le physique pour le moins atypique du Sossrim, dont la peau diaphane et la chevelure argentée rappelaient l'hiver ? Il n'y avait aucune raison de le détromper.

Le naïf se révéla bien renseigné et, au bout de quelques minutes, avait dressé un bilan peu réjouissant de la situation locale : peu d'ouailles subsistaient à Tulmène, leur foi semblait pour le moins vacillante et leur activité nulle.

- Adresse ton message à Gunard Samson, qui transmettra. Ce riche antiquaire loge à la Tour de Tulmène, expliqua-t-il avec hauteur. L'homme soutient l'Eglise Froide depuis longtemps. Il porta la main à sa broche, avant de plonger ses yeux d'opale dans ceux de son nouvel "ami". Je me nomme Kald. Accueille les vents et le froid à bras ouverts...

Il laissa sa phrase en suspens, de manière à appeler le nom de l'inconnu en réponse. Cette dernière information obtenue, chacun partirait de son côté.

De retour à la Crique Confortable, Kald écoutait d'une oreille quelque peu distraite le truculent récit de Jafert. L'Amnien n'avait pas son pareil pour rehausser en couleur récits et anecdotes, ce qui n'était pas déplaisant mais pouvait perdre un esprit inattentif. Fort heureusement Falrin, plus terre-à-terre, synthétisait ponctuellement.

- Errer la nuit dans le quartier le plus dangereux de la ville ? interrogea le jeune homme sur le ton de la plaisanterie avant de partir d'un grand rire. Oh... Iskender... vous étiez sérieux. Il ne paraissait nullement gêné. Et bien, peut-être pourrions-nous réfléchir à une approche plus prudente ?

L'ensorceleur se montrait toujours assez frileux à participer à une enquête dont il n'apercevait que les risques et les inconvénients, mais il semblait néanmoins prêt à offrir son aide. Et celle-ci, comme ne l'ignoraient plus ses collègues, était des plus précieuses : n'avait-il pas largement démontré sa valeur au combat ?

Profitant d'une pause dans la conversation, Kald glissa quelques mots à son acolyte magicien : on adresserait bientôt un message à maître Samson, message qui lui serait destiné. Il comptait bien sûr sur sa discrétion - regard complice vers Falrin et sa moralité encombrante.

¹ les prêtres et prêtresses d'Aurile sont généralement appelé.es "Fils et Filles du Gel" ou "Mains d'Aurile".

Heureusement Jafert avait volte-face, néanmoins les récents échanges avec la compagnie des Pas Grands faisaient ressortir une distance des liens qui n’était pas à toute épreuve. Falrin avait la volonté de poursuivre son aventure pour le goût de l’aventure et le sens qu’il donnait à combattre les monstres maléfiques sillonnant les forêt faeruniennes et souillant les tombes naines.

Iskender restait concentré sur les dressages de ses compagnons canins, sans grand intérêt pour la quête ni pour la découverte de cette ville. Il souhaitait un salaire. Kald restait discret et faisait ses propres recherches sans en dévoiler grand mot au reste du groupe. Falrin n’en prenait pas ombrage et trouvait normal que chacun puisse avoir ses propres désirs personnels. Il n’irait pas contre, mais en cas de dissolution des Pas Grands, il irait se trouver d’autres compagnons d’aventures.

Le temps passé dans les tavernes avec Jafert était du bon temps. Falrin aimait se trouver au chaud, une bière à la main, à écouter les ragots. Tous n’étaient pas d’un grand intérêt, néanmoins ils eurent un premier aperçu panoramique des intrigues et intrigants de la cité. Tormos Ollday était en tête de la liste pour ses relations avec les organisations mafieuses. Jakar Junior avait aussi les bras mouillés dans le grand banditisme. Deux noms à garder en tête.

Iskender avait finalement choisi de suivre le groupe, l'appât du gain l’ayant convaincu. Le prêtre nain ne se fit pas prier pour lui répondre :

- Et stopper un voleur ? Ça fait partie du bien ou du mal ? Et si sa fortune est mise à contribution pour stopper d’autres malfrats ?

Tout était toujours questions d’interprétation, mais Falrin était droit dans ses bottes et sûr de sa position soutenue par Haela. Il reprit :

- Bonne idée pour l’entrepôt, ça permettrait d’en savoir plus, mais tu dois être hyper discret si t’vas par là-bas… Pas sûr qu’un bonhomme de ta trempe plutôt habitué aux bois et qui plus est accompagné d’un animal réussisse. M’enfin j’suis prêt à t’faire confiance. Pour c’qui est des aut’es pistes on pourrait voir si y’a pas un ou deux poissonniers qui pourraient nous renseigner sur leur guilde non ? Ou ben suivre leur marchandises.

Sans un mot, Jafert sut faire comprendre à l’ensorceleur que son secret serait bien gardé. Si la curiosité le démangeait d’en apprendre plus, l’excitation de faire partie de la connivence était plus forte. Tous dans la pièce avaient conscience que l’unité du groupe était mise en danger à ce moment mais une force surnaturelle maintenait encore le lien. Comme l’avait dit Iskender : ¤ Espérons que cela ne soit pas la bêtise de notre vie. ¤

Iskender était prêt à se risquer dans une mission d’espionnage en solitaire, le jeune shou avait bien changé depuis qu’ils avaient quitté Athkatla quelques semaines plus tôt. La piste de l’entrepôt n’était pas forcement le premier choix de Jafert mais il se garda d’en parler, le magicien était bien content de garder sa couverture encore un peu.

- Pas de soucis, on t’attendra dans une des tavernes du coin. Lançant un regard entendu vers Falrin et Kald. Mais pas aux Cinq dagues.

- Pour ce qui est de se renseigner sur la Guilde des Poissonniers, tu pourrais facilement te faire passer pour un docker vu ton gabarit. Jafert flattait les biceps de Falrin comme un maquignon propose un cheval à la vente. L’amnien semblait incapable de mener une enquête sans tromperie et ni manigance, le résultat d’une vie entière à Athtkatla. Jafert gardait pour lui ses réflexions et analyses, à chaque jour suffisait sa peine.



Une fois rentré seul dans son auberge luxueuse, il ne fut pas d’humeur de descendre dans la salle commune. La magicien s’allongea sur le petit lit et céda à un de ses vieux péchés. Xyloth n’avait pas vu le jour depuis longtemps si ce n’était que quelques secondes pour se faire nourrir chaque jour d’une ou deux mouches.

Le tavernier commença par jouer un peu avec son crapaud de compagnie, le faisant passer d’une main à l’autre, puis le laissant sautiller sur son visage. La tête posée sur l’oreiller le batracien bondissait du font à la poitrine de Jafert, puis du menton au bras. Jafert le ramenait toujours sur lui en lui racontant les péripéties de ces derniers jours.

Alors que le crapaud Maztiquien s’apprêtait à sauter depuis le menton de Jafert, ce dernier saisit la minuscule pate de l’animal avec ses lèvres. Pas plus grand qu’un danter, Xyloth fut aspiré dans la bouche du magicien. L’animal se débattait sans bruit dans la cavité buccale, terrifié le crapaud secrétait sa substance hallucinogène, seule défense d’un aussi petit animal.

En un instant, la toxine atteignait le sang du magicien, abandonnant son corps stressé à une rêverie artificielle. La mâchoire s’ouvrit alors que ses paupières se fermaient pour laisser l’illusion prendre le pas. Le batracien en profitait alors pour se libérer et aller se cacher sous les draps pastels aux armoiries de la Tour de Tulmène.

Après un bref débriefing, les aventuriers décidèrent de se séparer pour explorer le maximum de piste, Falrin décidant de traîner sur les quais dans la journée pour bavarder avec les pêcheurs, Kald s'attablant tranquillement à la Crique Confortable pour tenter d'intercepter des ragots locaux et Jafert retournant au luxe de la Tour de Tulmène pour, officiellement, y apronfondir un peu plus sa couverture et, en réalité, pour passer quelques moments, en tête-à-tête avec son crapaud hallucinogène.

De son côté, Iskender profita de la journée pour consacrer un peu de temps au dressage de ses chiens, tenant Kimo d'un peu plus près qu'à l'habitude afin que l'animal ne lui rejoue pas le même tour que la veille. Le soir venu, le rôdeur laissa Luna enfermée dans sa chambre à l'auberge, se rendit en toute discrétion pour observer l'entrepôt isolé dont les activités suspectes leur avaient été rapportées.



Jouant sur sa bonhomie, Falrin abordait les pêcheurs avec jovialité, bavardant avec les hommes et tentant d'orienter la conversation comme il l'entendait. Le nain finit par être convaincu par la rustre honnêteté de ces marins, fidèles et reconnaissants à la reine Zaranda pour avoir ainsi éloigné la menace des pirates. Ils estimaient beaucoup Tormos Ollday, le Grand Maître de la Guilde qu'ils pensaient intègre. Néanmoins, si la filouterie de cet homme était avérée, il perdrait aussi le soutien des marins qui le destitueraient sans la moindre hésitation.

À la mention de Bahri Jassar et de la Traque de Malar, Falrin dût rapidement faire un pas de côté pour éviter le crachat de dégoût de son interlocuteur. Si le nain cherchait une crapule, en voilà une qui remplissait tous les critères mais, Valkur en soit loué, son navire a disparu corps et biens, avec tout son équipage, lors de la dernière grosse tempête qui avait frappé la côte.



La nuit tombée, sous le faible éclairage de la lune, Iskender put voir une longue bâtisse en bois en bord de mer. Un accès paraissait avoir été aménagé sur les rochers pour faciliter l'arrivée directe d'un navire de faible tonnage. Deux hommes, en vêtements sombres, étaient postés à l'entrée du bâtiment et paraissaient monter la garde.

Le rôdeur restait là, tapi derrière un rocher, et observait attentivement le hangar plongé dans l'obscurité. Outre la porte principale, assez grande pour laisser passer une charrette et devant laquelle se tenaient les ruffians, il put distinguer une ouverture plus étroite sur un des côtés et qui ne paraissait pas gardée. Convaincu d'avoir vu tout ce qu'il y avait d'intéressant à voir, Iskender s'apprêtait à rebrousser chemin lorsque l'arrivée d'une barque, un fanal lumineux brillant à sa proue, l'incita à rester encore un peu.

Alors que la barque accostait, la porte d'entrée de l'entrepôt s'ouvrit en grand tandis que des torches étaient allumées à l'intérieur. Venant aider les deux gardes et les marins, une demi-douzaine de silhouettes, parmi lesquelles se tenaient un nain à la peau terreuse, sortirent du bâtiment. Sous les ordres du nain, l'embarcation fut rapidement déchargée et son contenu transféré dans le hangar. Une fois tout cela terminé, les portes se refermèrent, laissant les deux gardes à l'extérieur. La barque reprit la mer et, au bout de quelques secondes, les lumières suintant par les lattes de bois disjointes s'éteignirent et l'entrepôt se trouva, de nouveau, plongé dans le noir.

Sentant qu'il s'engourdissait un peu, Iskender voulut changer de position pour soulager ses muscles endoloris. Ce faisant, il dût faire un léger bruit car les sentinelles s'étaient soudain immobilisées, regardant dans sa direction. Prudemment, le rôdeur jugea préférable de battre en retraite avant que les malfrats ne décident d'aller voir de plus près.

Avant de revenir à la Crique Confortable, Iskender fit un léger détour par les docks de l'Homme Mort. Alors qu'il faisait quelques pas sur ces quais, il aperçut soudain, face à lui, deux yeux rouges lumineux qui semblaient flotter dans l'air. Une bouche rougeoyante se forma dessous et commença à s'ouvrir, émettant un sourd grondement. N'attendant pas d'en apprendre davantage, Iskender fit promptement demi-tour, ne tenant pas particulièrement à se frotter à un fantôme dont l'existence était maintenant prouvée.



De sa journée à la Crique Confortable, Kald n'obtint pas de nouvelles informations. Il apprit néanmoins que le temple de Valkur, desservi par Ilmar N'Rys, gagnait en influence. Construit sur les ruines d'une chapelle consacrée à Umberlie brûlée lors d'un affrontement contre les pirates quelques années plus tôt, il correspondait bien mieux aux aspirations des honnêtes habitants de Tulmène qu'un culte rendu à la néfaste Reine Garce dont tout les fidèles semblaient avoir disparu.



Dans la nuit, tous se retrouvèrent, une nouvelle fois, dans une des chambres pour faire le point de leurs dernières découvertes. L'esprit encore embrumé, Jafert restait assis dans un coin, la bouche entrouverte et le regard dans le vague. Le magicien élaborait certainement des plans complexes à partir de ces observations et en ferait bientôt part à ses compagnons.

Très bonne observation de l'entrepôt pour Iskender. Par contre, pêche aux infos plus mitigée pour les autres qui n'ont appris que des généralités.
Le Chien Noir de Murtaan est un fantôme "habituel" de Tulmène et sa présence est avérée depuis moultes années. Il permet aux marins d'arrimer, dans la journée, leurs embarcations aux docks de l'Homme Mort, certains que celles-ci seront bien gardées pendant la nuit à venir.

Lancers...

Falrin Grandtranchant - Jet de compétence : Social : 6(d20) +4(deg) +0(Cha) = 10
Kald - Jet de compétence : Social : 7(d20) +0(deg) +4(Cha) = 11
Jafert - Jet de compétence : Tromperie : 16(d20) +2(deg) +2(Cha) +2(don regional) +2(don) = 24
Jafert - Jet de compétence : Social : 12(d20) +0(deg) +2(Cha) = 14
Iskender - Jet de compétence : Furtivité : 5(d20) +4(deg) +3(Dex) -2 (armure) = 10
Iskender - Jet de compétence : Perception : 20(d20) +4(deg) +2(Sag) = 26

C’est un Jafert agar qui joignait le groupe dans l’obscurité de la soirée. La petite chambre d’auberge se rafraichissait à peine alors que la fenêtre était grande ouverte depuis une heure. La journée avait été caniculaire pour un mois d’Éléasis, l’absence de vent marin n’aidait pas à purifier l’atmosphère. Le magicien avait les yeux rougit et chacun de ses compagnons pouvaient constater sa partielle absence.

Il était venu pour entendre les résultats des enquêtes de Falrin et Iskender mais fut encore déçut. Il n’y avait toujours pas d’indice concret impliquant la présence de M à Tulmène.
- Bonne affaire ! Lançait-il dans le vide alors que le silence s’était maintenu pendant plusieurs dizaines de secondes. Puis le silence revint.

-J’ai fait un rêve… Nous étions retournés dans la grotte des Taslois pour s’emparer de la totalité du butin laissé derrière nous. Nous y avions trouvé M sous les traits de Thanterim. Le combat tournait en notre faveur quand le filou s’échappa par un portail identique à celui trouvé dans la crypte…

Le silence revint, les aventuriers attendaient peut être une conclusion ou un analyse de ce rêve étrange mais Jafert n’en avait pas.

Falrin n’était pas de très bonne humeur, non seulement il avait perdu sa journée et aucune piste ne lui semblait crédible mais en plus, c’est comme si l’odeur de poisson était restée collée dans ses narines ou peut-être pire dans ses vêtements… Il avait passé une journée à tourner en rond et ce ralentissement dans l’action commençait à lui peser sévèrement !

Alors que le groupe s’était à nouveau réunit pour le point quotidien, Falrin était bougon.

- Iskender, on pourrait y r’tourner, mais si toi, un fin rôdeur s’est fait repérer, imagine toi le résultat qu’aurait un nain en armure grinçante comme moi. Bref, ils risquent d’être à l'affût en plus.

Par contre, la proposition de Jafert de retourner dans la caverne n’était pas dénuée d’intérêt. C’était là-bas qu’il avait une partie de ses forces et dans la maison Tantherim qu’étit a priori le quartier général, alors pourquoi ne pas y retourner ?

- J’suis bin d’accord avec le rêve de Jafert, si on trouve rien en ville, p’t’être qu’ce s’ra plus fructueux dans la forêt. On a a peine exploré la chapelle et sa crypte, on n’a pas jeté un coup d’oeil à la villa Tantherim. Doit bin y’avoir une piste non ?