Chapitre II : Le pavé de l'ours

Le combat s'était achevé à l'avantage des aventuriers. Plus que jamais, Daphnis était persuadé d'être l'élu de Tymora, un aventurier destiné à accomplir des hauts faits. Tout lui avait souri : il avait béni ses compagnons, occis l'un des gobelours et constaté qu'il n'y avait pas d'autres poursuivants.

¤ Etrange, mais tant mieux. Nous pouvions en contenir trois et nous en débarasser, mais ç'aurait été autre chose avec vingt ou trente d'entre eux. ¤

Le jeune homme était étonné et s'interrogeait à ce sujet, mais ses doutes étaient concurrencés par l'effet galvanisant de la victoire : ils avaient réussi. Avant de se remettre en route, il avait aidé à panser les blessés, puis s'était enquis de son arbalète et de son carreau perdu qu'il était aller rechercher. Les trouvailles faites sur les gobelours ne leur apprenaient pas beaucoup de choses, le flocon étant sans doute lié à la déesse du froid. L'état de Yusam était plus inquiétant, mais il était en vie.

¤ Pourvu qu'il tienne jusqu'au village... et qu'aucun autre groupe ne soit à nos trousses... ¤

Le soir était arrivé sans qu'aucun incident facheux ne se produise, mais Yusam s'affaiblissait d'heure en heure. Haleena évoqua "le méchant répit" et les paroles de réconfort qui suivirent annonçaient clairement la couleur : l'ermite agonisait et ne passerait pas la nuit. Il répondit en ce sens à Kalam.

- C'est la fin, Yusam est sur le point de nous quitter.

Tandis qu'Haleena s'éloignait pour s'entretenir avec Skelli, Daphnis réajusta soignement la couverture de l'ermite, s'efforçant de rendre ses derniers instants les moins pénibles possibles. Il lui demanda d'une voix douce :

- Pouvons-nous faire quelque chose pour vous au Puits ou transmettre un message à quelqu'un de votre part ? Si nous le pouvons, nous le ferons...

C'était une manière élégante de lui demander s'il avait une dernière volonté.

Le jeune rôdeur se sentait vraiment inutile, il ne fût pas d'une grande aide pour ses compagnons lors des évènements qu'ils vinrent de traverser. Ce sentiment d'impuissance plus que tout autre chose le mettait en rogne, pas contre les autres mais contre lui même. Il ne fût même pas capable de tirer correctement avec son arc.

Néanmoins il sublima cette colère pour ce défaire finalement de l'enchevêtrement végétal.

Par chance, Skelli avait pu intercepter le dernier gobelours avant que celui-ci n'atteigne Yusam, probablement aussi grâce à l'aide de Kalam, dont les tirs furent plus aboutis.

- Mais qu'ont-ils après ce vieux druide, ils m'ont donné l'impression de vouloir l'éliminer à tout prix?

S'interrogea-t-il à voix haute pour également partagé le fond de sa pensée avec ses compagnons.

Il semblait clair au rôdeur du Grand-Val que Yusam était leur objectif et non pas d'éliminer ou de faire prisonniers les Elus de l'aigle.

¤ Mais pourquoi? ¤

Perdu dans ses pensées, son attention fut attirée par le haussement de ton d'Haleena qui discutait ou se disputait avec leur guide Skelli.

- Haleena, Skelli, qu'est-ce qui se passe ?

Attendant une réponse il les dévisageait toutes les deux et tentait de déchiffrer l'expression de leur visage.

Le combat s'était achevé par la victoire du groupe choisi par Kotka. Toutefois, l'état dans lequel se trouvait le paladin était loin de refléter cette victoire... Pas encore rétabli de ses blessures de la veille, il venait d'en subir une nouvelle, et plutôt sévère...

A peine sa hache retirée des chaires sanguinolentes de son ennemi, il se retourna pour tenter de se diriger vers Yusam. Alors qu'un Gobelours gisait à ses pieds et un second un peu plus loin, il constata avec soulagement que Kalam et Skelli s'étaient occupés du dernier sans qu'il n'ait pu atteindre le druide.

S'assurant qu'il n'y avait plus d'ennemi visible, il contourna la zone de végétation enchantée tout en remettant son arme au fourreau. Il ne disait rien et pas un son ne sortait de sa bouche, mais la légère grimace sur son visage, son pas boiteux et son bras pendant en disaient long sur l'état du fils de la pierre... Heureusement, Moradin avait façonné ses enfants durs comme la roche de laquelle ils étaient entourés depuis leur naissance.

Constatant que leur protégé était encore vivant, comme ses compagnons il se mit en route pour s'éloigner le plus possible et ramener l'homme vivant, enfin il l'espérait, au village Uthgardt.

Il hocha la tête en signe d'accord aux propos de Kalam sur le pendentif.

- En effet, il s'agit bien du symbole de cette déesse. Il faut que nous parvenions à comprendre ce que fait cette sorcière et comment elle est parvenue à enrôler ce genre de créatures. L'argent pourrait aider, mais le fait que ces Gobelours portent sur eux le symbole sacré d'une divinité étrangère ne me semble pas normal. Serait-il possible que le culte de cette déesse soit en train de prendre une ampleur telle que même des créatures comme celles que nous venons d'affronter le rejoigne ?

Cette idée semblait lui poser problème et le nain sembla s'enfoncer dans une intense réflexion.

Le chemin du retour, bien que plus facile de part le sens de la pente, n'en fut pas moins un calvaire pour le nain d'écu qui, blessé, fatigué au bord de l'épuisement et boiteux n'avançait finalement en grande partie que grâce à sa volonté.

Il fut donc soulagé quand fut prise la décision de s'arrêter pour camper. Il espérait vraiment qu'ils n'avaient pas été suivis et qu'ils pourraient donc se reposer un minimum, même s'il y avait fort à parier que le repos serait compliqué pour chacun d'entre eux.

Son soulagement fut toutefois de courte durée lorsqu'il comprit que Yusam vivait certainement, en leur compagnie, ses derniers instants. Il ne pouvait se résoudre à cela et la fatigue et la peine aidant, Khelrod d'habitude prolixe, était présent muet. Il se contentait de veiller de son mieux au bien être du vieil homme mourant. Il proposa sa propre couverture pour tenter d'apporter un peu de chaleur au druide. Il acquiesça aux propos de Daphnis cherchant à recueillir les dernières volontés du mourant, adressant un signe de tête à ce dernier et posant une main sur son épaule qui se voulait à la fois réconfortante et amicale.

Il mourrait d'envie d'avoir certains éclaircissements, mais ses compagnons avaient posé plusieurs questions pertinentes et il ne voulait pas accabler le vieillard de toutes sortes de questions... L'éclat de voix d'Haleena toutefois attira son attention, suivi de la question de Phénix.

¤ Nous en parlerons plus tard. Pour l'heure nous avons bien plus importante occupation... ¤

Il reporta alors son attention sur Yusam. Son but était clair : dans la mesure de tout ce qu'il serait capable de faire, il aiderait le vieil homme dans ses derniers instants.

Il gardait toutefois une oreille du côté de Kalam, Phénix et Haleena, les questions posées par Kalam et Phénix étant parmis celles qu'il avait en tête...

L’emportement d’Haleena avait ruiné toute discrétion et avait attiré l’attention de Phénix, le rôdeur. La jeune femme ne savait pas vraiment si elle devait partager cette légende Uthgarde avec les étrangers qui étaient avec elle. Ils partageaient son aventure et ils avaient affrontés les gobelours coude à coude jusqu’à la victoire, Khelrod l’avait payé cher. Elle lançait un regard à Skelli, représentant l’autorité du Puit de Beorunna. La guerrière rasé, eu un instant de réflexion avant de donner son assentiment, toujours avare de mot. Haleena allait devoir expliquer la situation avec son faible vocabulaire commun.

- Il existe vielle histoire que skalds Uthgards transmettent génération à génération. Il y a milliers de lunes, quand hommes du sud avaient peur venir épine dorsale, un jour, quelques druides venir de la foret. Druides vouloir dominer tous les peuples Uthgards, mais tribus trop fortes pour eux. Haleena dit ça avec fierté.

- Comme par hasard, maladie arriver en même temps, druides utiliser magie sale pour tuer Uthgards. Malades plus pouvoir respirer, cracher sang, peau devenir noir… Haleena crachait au sol.

- Certains clans perdre tellement d’homme et femme que rester 10 ou 15 personnes. C’était terrible.

- Druides donner une ceinture de leur dieu à chaque tribu. Ceinture magique mais protège contre maladie donc Uthgards garder. Ceinture porter le nom de Repentir des druides.
Yusam avoir une ceinture… avait… maintenant sorcière avoir ceinture.
Plus personne avoir ceinture, première fois entendre quelqu’un avec Repentir des druides.

Une branche craqua discrètement au dessus de leurs têtes.

- Vous comprendre ? Ceinture puissante, pas laisser ça sur hanches de sorcière.

- hmvuuv ungzmv skojuvqv hmngf ovov ! Ajoutait elle à qui voulait bien l'entendre... ou la comprendre.

Jusqu'alors distante vis-à-vis vieillard, Vanetir, agenouillée à son chevet, veillait sur ses dernières heures. Il n'était nul besoin d'être un fin psychologue pour lire sur le visage de la barbare que son esprit était rongé par les remords. Les autres Uthgardes s'étant éloignées, c'est elle qui prit en charge la traduction des dernières paroles du druide. L'exercice lui était bien moins familier qu'à Haleena, qui semblait par ailleurs avoir l'esprit plus vif.

- Mauvaise chance, répondit-elle à la question de Kalam, traduisant le sifflement rocailleux qu'avait exhalé son aîné.

Ce dernier gardait les yeux clos. S'il souffrait, il n'en laissait rien paraître. La jeune femme lui adressa dans leur antique dialecte la généreuse proposition de Daphnis. Un pesant silence suivit, à peine troublé par la voix d'Haleena, dont les explications parvenaient par bribes à qui tendait l'oreille. Enfin le grommellement rauque de Yusam s'éleva à nouveau ; vibrant de l'énergie tremblante de la colère.

- Yusam parler à Lions noirs, les tous. Dire : aller vers Uthgar, le Père... et.. laisser forêt ? sa voix s'était faite dubitative, ce n'était manifestement pas la traduction qui était en cause, mais bien les derniers mots du druide qui lui semblaient énigmatique. Elle répéta, d'un ton interrogateur, mais le répit offert au brave était terminé : les lèvres encore entrouvertes, il était retombé dans une profonde léthargie.

Skelli, après avoir vigoureusement acquiescé aux propos d'Haleena, la laissa répondre aux questions de Phénix : les confidences de l'Uthgarde avait à la fois éveillé la curiosité et le dépit chez le natif du Grand Val, dont la quête se confrontait à un obstacle plus grand qu'il ne l'avait sans doute imaginé. Elle retira de son barda les fruits de pouceboisiers cueillis la veille, sélectionna trois des plus filiformes puis en entailla l'extrémité. A l'aide d'un briquet à amadou - un cadeau, sans doute, d'étrangers de passage - elle alluma ces bougies impromptues. L'une des propriétés de ce fruit était de se consumer particulièrement lentement, dans un mince filet de fumée blanche et aussi inodore que la chair était insipide. Trois flammèches tremblotantes auréolaient la tête du mourant, accompagnant son voyage dans la Longue Nuit.

Au matin, Yusam n'était plus.

Cette terrible nouvelle réussit à faire passer inaperçue, pour quelques minutes, la disparition de Vanetir. Tout laissait penser que la barbare avait pris la fuite, car il n'y avait nulle trace de lutte sur le camp et alentours. Pour le peu qu'Haleena en savait, la jeune femme n'était pas bien vue au sein de la tribu, notamment par les hommes de la garde contre lesquels elle nourrissait beaucoup de rancœur. Ses compagnons eux-mêmes lui reprocheraient-ils sa lâcheté ?

Skelli, l'âme en peine, avait remonté la couverture sur le visage du mort. Elle n'avait pas eu un mot pour sa consœur - peut-être avait-elle deviné ses intentions, ou été prévenue ?

- Yusam appartenir à forêt, déclara-t-elle abruptement.

Les révélations d'Haleena avaient troublé Daphnis. C'était comme si elle avait ajouté une pièce à un puzzle : l'intérêt porté à Yusam devenait tout d'un coup plus compréhensible. Mais beaucoup d'autres questions restaient sans réponse et les derniers propos de l'ermite demeuraient pour le moins énigmatiques.

S'approchant de ses compagnons, le jeune élu divin avait fini par prendre la parole lors d'un moment durant lequel le silence s'était installé :

- Je dois dire que les derniers événements m'ont beaucoup donné à réfléchir, surtout la présence de cet oiseau qui semblait nous suivre. Je l'ai déjà observé la nuit dernière. Et j'ai aperçu un oiseau étrage... en rêve... La nuit qui a précédé notre départ, j'ai fait un rêve bien pour le moins inhabituel. D'habitude, je n'accorde pas particulièrement d'importance à ce genre d'événement, et ce n'était peut-être qu'un hasard, le fruit d'un cerveau endormi... Mais c'était tout de même fort différent de mes rêves habituels, trop net, trop étrange.

Il résuma les grands traits de son songe :

- Il y avait une louve blanche qui courait en poursuivant un grand hibou blanc, lui aussi, mais dont le plumage était constellé de noir. Le hibou se posa sur un immense rocher, près d'un espace dégagé, et la louve se plaça au centre de celui-ci. Des ours bruns faméliques aux grands croc s'approchèrent. Un cri strident interrompit la scène, la louve retroussant ses babines et les ours abaissant leur gueule jusque dans la neige, comme en signe de soumission.

Le jeune élu divin s'était confié avec sincérité. Une fois n'est pas coutume, une forme de gravité était apparue sur son visage.

- Je ne sais pas si tout ceci a un sens pour vous, mais cela n'en a aucun pour moi. Quoiqu'il en soit, j'ai trouvé étrange que cela se produise juste avant que Kotka ou quelle que soit la créature que ç'ait été vienne nous chercher...

Pensif, il avait attendu d'éventuelles réaction de ses compagnons avant qu'il ne soit temps que certains ne se couchent tandis que d'autres commencent leur tour de garde.

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Le jour s'était levé et avec lui de tristes nouvelles étaient arrivées : la mort de Yusam et la disparition de Vanetir. Daphnis ne connaissait pas vraiment bien la barbare et elle semblait avoir disparu volontairement.

¤ Se pourrait-il qu'elle ait rejoint nos ennemis ? Peu probable vu comme elle s'est battue à nos côtés... Elle doit avoir ses raisons, qu'elles quelles soient. ¤

Il pensait que chacun avait le droit de faire ce qu'il estimait juste, utile et nécessaire, tant que cela ne nuisait à persone. La mort de Yusam était une autre affaire : tous les efforts de l'élu de Tymora avaient été vains, le vieillard était décédé. Même s'il avait compris la veille que c'était inéluctable, le jeune homme avait conservé un mince espoir qu'un miracle se produise. C'était une belle leçon d'humilité.

¤ Pauvre Yusam, j'aurai fait tout ce que j'ai pu... et ce ne fut visiblement pas suffisant. Puisse Tymora m'aider à devenir plus puissant, pour mieux servir encore ses desseins. Repose en paix, Yusam, puissent les dieux t'accueillir comme tu le mérites. ¤

Après avoir effectué cette prière silencieuse, Daphnis avait accueilli avec étonnement la proposition de Skelli, mais s'était gardé de faire le moindre commentaire. L'épisode du loup qu'il avait occis et les regards obtenus en retour lui avaient servi de leçon. Il aurait offert une sépulture au vieil ermite mais, en réfléchissant davantage à la question, il se dit qu'un feu aurait pu attrirer des ennemis vers eux et qu'ils n'étaient pas équipés pour creuser dans un sol gelé. Porter le cadavre semblait difficile et peut-être contraire aux croyances des barbares du nord. La solution de Skelli avait l'avantage d'être pragmatique.

- J'imagine que plus rien ne nous retient ici. Allons faire notre rapport au Puits, peut-être qu'ils auront aussi eu des nouvelles de leur côté.

Il s'approcha d'Haleena et ajouta à voix plus basse :

- Et j'imagine que tu seras heureuse d'y retrouver ta fille. Je t'admire d'avoir réussi à la laisser derrière toi et de t'être battue comme tu l'as fait. Je suis sûr qu'elle va bien.

Il ne savait pas très bien ce qu'il avait incité à prononcer ces paroles, ni comment elles seraient perçues, mais il avait laissé parler librement son coeur et son instinct.

Ainsi était la vie dans le nord, les enfants naissaient et les vieillards mourraient. Yusam avait été un homme fort et sage et il avait peut-être la chance de ne pas être témoin des futurs événements. La situation semblait peu engageante pour les habitants des tribus Uthgards.

Haleena fut d’abord déconcerté par cette déclaration aussi bien familière que compatissante. Depuis son arrivé dans la tribu des lions Noirs c’était la première fois que quelqu’un lui exprimé de l’amitié. Non pas que ses camarades de route lui furent inamicaux mais leurs relations se limitaient à des échanges professionnels. Daphnis semblait plus sensible, Haleena l’avait remarqué depuis leur rencontre autour de l’oiseau Kokta.

- Merci. Il me tarde la retrouver. Si j’étais blessé ou pire morte, terrible pour elle. Je pas savoir si retourner dans foret après ça.
S’en suivit un silence et un sourire crispé apparu sur le visage juvénile d’Haleena.

Heleena était déterminé comme ses camarades à rentrer au puits au plus tôt. La rebelle Vanetir avait disparu mais la jeune mère qui l’avait côtoyé un peu avant les autres avait bien discerné son tempérament rude et solitaire.
¤ Je ne sais pas si elle est allée relever ses pièges ou si elle a décidé de nous devancer mais je ne me fais pas beaucoup de soucis pour elle. ¤

Les confessions de Daphnis concernant son rêve et le rapace ne rencontrait que peu de compréhension de la part de Phénix, il ne savait pas bien quoi en penser et quoi en retirer comme leçon, d'autres étaient probablement plus qualifié que lui à ce niveau. Que comprendre du loup, des ours affamés et du rapace, ainsi que le rocher et l'espace dégagé, le rôdeur n'y voyait rien de significatif, à moins que cela n'ait un rapport avec le dieu Uthgard et ses différentes représentations mais il n'était pas certains que le loup et l'ours en fasse partie.

Néanmoins, il était devenu plus vigilant et alerte qu'avant et jetait régulièrement un œil au ciel afin de voir si ce satané rapace ne les suivait plus, il est certain qu'à la première réapparition, le vigoureux rôdeur tenterait de lui planter une flèche dans le plumage et ce malgré tout le respect et l'affection qu'il avait pour la nature et les animaux. Mais ce rapace là avait été jusqu'à maintenant un agent du mal et ça Phénix ne pouvait l'admettre.

Phénix partagea sa paillasse et sa couverture lors de son tour de garde, Daphnis ayant sacrifié la sienne afin de permettre à Yusam de rester au chaud pendant la nuit.

Triste mais inéluctable était la conclusion de cette nuit froide. Phénix n'avait malheureusement pas pu faire plus pour le vieux druide à l'instar de ses compagnons il avait ses limites et était encore fort inexpérimenté dans cette matière. Il semblerait que Yusam serait rendu à la forêt sans autre forme de cérémonie, cela était un peu brusque pour le jeune humain mais il n'allait pas protester, il ne connaissait pas encore les coutumes locales et ne souhaitait pas s'aliéner Skelli, celle-ci leur était bien trop importante.

La mort de Yusam apportait surtout un grand désarroi dans le cœur de Phénix, c'est que le rôdeur du Grand Val avait fortement compté sur le druide et espérait que ce dernier aurait pu l'aider dans sa recherche pour aider sa contrée natale. Il lui fallait maintenant digérer l'information et analyser la situation car on comptait sur lui et de sa réussite dépendait toute une région.

Vanetir avait également disparu, était-ce les remords de se sentir responsable de la mort du druide ou était-ce sa nature indépendante qui avait repris le dessus, nul ne le saurait tant qu'ils ne l'auraient pas revue. Cependant, cela ne semblait pas fort affecter le groupe.

Après avoir écouté les réponses du vieux druide, Kalam ne sentait pas plus avancé dans leur quête.

- Mauvais chance… voilà qui ne nous avance pas beaucoup. Et ce qu’il raconte sur les Lions noirs…

Étant retombé dans une profonde léthargie, Yusam semblait vivre ces derniers instants. Ce qui ne semblait pas bouleversé le roublard plus que ça. Il se prépara donc à passer une nouvelle nuit sous le froid de la forêt.

Il écouta le récit de Haleena concernant les clans et cette fameuse ceinture.

- Est-ce que cela signifie que nous devons tenter de retrouver ce Repentir des Druides ? Et est-ce que cela signifie également que ces druides sont de retour dans la Région ? Cela expliquerait aussi la présence d’Auril. Ceux sont peut-être eux qui l’ont amené ici. Non ?

Lorsque Daphnis leur fit ses révélations, Kalam tendit l’oreille et tenta d’en donner une explication :

- Le loup et l’ours ne sont-ils pas des animaux totems des barba… Il s’arrêta pour ne pas choquer dans ses propos, - des personnes vivant dans la région ? Et si la chouette est le volatile qu’utilise Auril pour nous espionner, ne peut-on pas supposer que dans le rêve, elle représente la Déesse du Froid ? Dans ce cas, cela pourrait vouloir dire que les membres des Tribus des Loups et des Ours se sont, ou doivent se soumettre à la volonté d’Auril.
Après ce n’est juste qu’une supposition.

Il hésita à leur parler de son entrevue avec l’un de ses pères adoptifs mais préféra le garder pour lui.
Il prépara ensuite sa paillasse et prit son tour de garde dans la nuit.

Au petit matin, l’annonce de la mort de Yusam ne l’émeut pas plus davantage que la disparition de Vanetir. On ne pouvait pas dire qu’il avait créé de profonds liens avec la barbare.
Il s’attela à défaire le campement et attendit de savoir ce que ses compagnons allaient faire du cadavre.
Pour lui, cela n’avait aucune importance. Il pouvait aussi bien laisser le corps à la nature, il serait certainement dévoré par les loups ou laisser leur guide le transporter. Dans les deux cas, il n’avait pas à s’en soucier.

Alors qu'il veillait le druide aux côtés de Daphnis, sans pouvoir rien faire pour le vieil homme, pas même apaiser sa douleur, Khelrod écouta les uns et les autres. Epuisé par la journée et les combats et souhaitant apaiser au mieux les derniers instants que semblaient vivre Yusam, il demeurait silencieux, ne souhaitant pas ajouter ses doutes ou ses questionnements aux sentiments indescriptibles que devait ressentir le druide alors qu'il se sentait certainement partir.

Comme ses camarades toutefois, il ne sembla pas comprendre les propos de l'homme, pas plus qu'il ne sembla comprendre la signification du rêve que Daphnis, à cœur ouvert, leur avait raconté. Il acquiesça toutefois d'un signe de tête alors que Kalam tentait de leur expliquer ce qu'il avait compris, comme si le paladin trouvait une certaine logique dans les propos du jeune humain lui semblaient une explication possible.

Et alors qu'ils enchainaient les tours de garde, il ne pouvait s'empêcher de penser à l'homme mourant, non loin de lui. Même si le nain de connaissait pas cet homme, celui-ci lui avait fait forte impression, notamment la sérénité qu'il avait dégagé face à sa propre disparition, imminente. En cela il avait semblé au nain d'écu que l'humain était bien plus proche des nains que des représentants de sa propre race.

Cette nuit-là, le paladin ne parvint pas à se reposer. Il flottait autour d'eux une atmosphère particulière et peu propice au repos : la fatigue intense, les blessures, l'état du druide, l'aura maléfique qu'il ressentait de nouveau à chaque fois que sa peau effleurait l'arme ancestrale qu'il avait en sa possession...

Et bien qu'il ait fini par trouver le sommeil, comme ses compagnons, il n'était nullement reposé... Comme tout un chacun, il prit connaissance, à son réveil, de la triste nouvelle : Yusam était parti rejoindre ses ancêtres pendant la nuit.

¤ Repose en paix druide. A présent tu vas pouvoir accéder à une nouvelle vie. Profite de ta nouvelle existence. ¤

Il s'agissait là d'une réflexion toute naine, preuve s'il en était que malgré toutes ces années passées à la surface, Khelrod était encore profondément marqué par les coutumes de son peuple. Ne souhaitant pas contrarier Vanetir, Haleena et Skelli en leur imposant un rite funéraire qui ne serait pas le leur, il leur demanda ce qu'elles souhaitaient faire.

- Comment honore-t-on les défunts chez vous ? Pouvons-nous vous aider d'une quelconque manière à alléger votre peine et honorer Yusam ?

Lorsqu'il avait parlé de peine, il s'était adressé plus particulièrement à Skelli. C'est d'ailleurs à l'occasion de ces quelques mots qu'il se rendit compte de la disparition de Vanetir. Il l'avait cherchée du regard pour s'adresser à elle, mais il n'avait trouvé que le vide, là où il s'attendait à la voir... Par ailleurs, alors qu'il prononçait ces quelques mots, Khelrod semblait avoir pris une bonne trentaine d'années... Certainement la fatigue et les blessures. Il ajouta encore quelques mots, cette fois-ci au sujet de Vanetir.

- Vanetir est-elle partie annoncer la triste nouvelle ?

En effet, même si le sujet ne semblait pas vraiment questionner ses compagnons, le nain décida tout de même de l'aborder, se refusant inconsciemment à croire que la barbare ait pu les abandonner dans une telle situation.

L'atmosphère particulière de la veille s'était encore alourdie et le paladin, certainement affaibli par ses blessures et la fatigue, n'était pas forcément des plus perspicaces dans ces conditions... Quoi qu'il en soit, il suivrait les décisions de Skelli et Haleena en ce qui concernait Yusam, et proposerait qu'ils rentrent tous au village pour rendre compte au chef de la situation et se préparer pour la suite des évènements.