[Chapitre I] Sur la piste du monstre

S’élevant vers la voute céleste si remarquable tout en observant, inutile, la venue de de ce qu’il serait possiblement sa fin, Xarss se confiait à Séluné. Silencieusement et intérieur, il avouait ses tares et remerciait le soleil de nuit de lui avoir donné jusqu’à ce jour depuis sa sortie à la surface, la force de volonté de réaliser sa condition et de pouvoir corrigée ainsi la suite pour une conscience éclairée. Il se sentait béni, libre et réalisait que peu importe ce qu’il lui arriverait, il avait réussi et qu’il n’était pas venu sur ce monde pour rien, non, il avait évolué et de cela il en était fier.
Il aurait aimé fermer les yeux avant l’impact pour se laisser aller dans les bras évanescents de Félicia, sa douce humaine qui l’avait initié à l’amour, a la lumière et à la liberté, mais il en était incapable, il lui fallait voir sa fin, savourer jusqu’au dernier instant sa vie, là était son devoir, ne jamais abandonner.

Son regard se portait sur l’Assimar qui couvait Cormac. L’évadé ne regrettait pas d’avoir refusé la protection du paladin et en était encore ému, c’était d’ailleurs un cadeau pour lui, une récompense ultime qu’un tel être puisse lui offrir, à lui, un fils des noirceurs, une protection. Il avait là la preuve qu’il avait réussi sur son sentier et qu’il méritait surement que Séluné le sauve, le graciant d’une suite le délivrant d’une mort précoce, lui encore trop jeune.

Puis le miracle se produisit, la sphère qui allait les supprimer ralentissait sa course. * Séluné, je te remercie de prendre soin de ton fils, je suis honoré par…* s’arrêtait-il dans sa piété quand il vit que la sphère se déposait au sol et voyant l’étrange spécimen ailé qui s’y détachait. * Non, mais qu’est-ce que?* Se demandait-il restant ébaubi devant un tel spectacle. Puis soudain il réalisait l’ampleur et la gravité de la situation, c’était possiblement, sinon la menace qu’ils recherchaient, celle pour lequel il avait été appeler à trouver. Profitant de sa discrétion des hauteurs, le faussement appelé Kryssyyor allait tiser dans la toile pour porter assistance à Élion et juste comme il allait le faire le paladin pliait le genou en guise de soumission.* Mais que fait-il, il va se faire dévorer tout cru? * Pensait-il doutant de l’état mental du guerrier divin. L’ex-sombre allait possiblement le regretter, mais il retardait de tisser dans la toile, trop curieux de voir la suite. Il ne connaissait pas le preux chevalier, mais il doutait que ce dernier s’offre en pâture et ce geste semblait trop officiel pour une soumission, ensuite le paladin se relevait et disposait de son épée puis la bête se mit à parler. N’y comprenant rien, le furtif décidait de rester en place, suspendu dans le vide observant la scène, la main gauche sur sa baguette d'électricité, parée au moindre changement hostile de la situation.

Riboulant de la suite, Xarss devait se rendre à l’évidence, ce n’était malheureusement pas la menace qu’ils poursuivaient, car Élion n’aurait jamais approché désarmer et tendre le bras devant une bête aussi… majestueusement imposante, il n’en était pas certain, mais ce devait être griffon, à bien y regarder, ce devait être un message que les supérieurs du paladin lui apportaient. Le drow se demandait si Élion allait les quitter pour une mission de plus grande importance, c’était souvent le cas des serviteurs divin, obéir et se rendre là où leur dieu en avait le plus besoin. Ce dernier parlait la même étrange langue que le griffon, cette langue sonnait toute en grâce, fluide aux sonorités cristallines aux accents dansants, Xarss en fut d’ailleurs inspiré, il s’imaginait des mouvements gracieux, amples, exquis rendant le tout vénuste… oui cette danse serait d’une beauté exemplaire.

Voyant que la menace était passée, il redescendit au sol, mais avant toute chose, avant de redescendre, il fit un tour d’horizon pour y percevoir une réelle menace potentielle qui aurait été attirée par cette inattendue présence descendue de la voute céleste. Une fois les deux pieds au sol, prudent, il approchait prenant un soin particulier à ne faire aucun mouvement brusque et se laissant parfaitement voir du griffon. Si cette bête semblait en accord avec le paladin, il ne fallait quand même pas qu’elle se serve de lui comme un encas de circonstance. Curieux et intrigué, suite à ce que le guerrier divin et la bête se reniflent, il ne put s’empêcher de demander…


-Élion, ça va? –

Demandait-il sur une teinte qui se voulait douce. L’interrogation se lisait sur son visage fin et naturellement mystérieux d’habitude. Il attendait, fureteur comme à son habitude, une réponse qui le détendrait.

Ina n’en croyait à peine ses yeux ni ses oreilles. Non seulement elle se retrouvait face à face avec une de ces créatures insaisissables mais de plus elle pouvait lui parler. Sans compter le fait que son sylvestre n’était visiblement pas aussi rouillé qu’elle le pensait ce qui lui procura un petit sentiment de fierté supplémentaire. Elle observait son interlocutrice avec attention, essayant de mémoriser le moindre détail de son anatomie assez vite pour lui éviter de se faire taxer de voyeuse. Elle devait compter sur sa vision périphérique pour le faire proprement. C’était assez incroyable. Un humanoïde fait de bois et de branches avec qui elle pourrait avoir une conversation qui dure moins longtemps qu’une demi-semaine comme avec un chêne. En son for intérieur, la fillette qui s’émerveille toujours des joyaux de la nature sautait partout en riant.



Formules de politesses posées, il fallait maintenant passer aux choses sérieuses.







Ina espérait secrètement que la fée de la forêt accepte au moins d’y songer et d’en parler à ses congénères voir aux elfes du coin. Elle ne savait pas tellement s’ils avaient des contacts entre races, mais ça ne pouvait pas faire de mal d’essayer. Et si finalement elle refusait tout et bien, cela sonnerait la fin de l’entreprise de l’humain. Cela n’empêcherait pas la femme de la confrérie de revenir pour continuer de tisser des liens entre la communauté humaine et forestière. Depuis qu’elle avait lu la missive de son chef de confrérie, elle s’était mise en tête de tenter de rapprocher les humains des autres races pour le futur bien commun. Quoi qu’il en fut dans son esprit, Ina avait assez parlé et laissa la suite a son interlocutrice.

Vingt-Quatrième jour du Mois de la Fonte, année des Dragons Renégats.
24 Mirtul 1373 (CV)
Lieu : 1 journée de voyage au Nord-Est de Cormaeryn
Moment : Crépuscule
Météo et températures : 7°C, ciel dégagé, légère brise

Ina:

Ina ne manqua pas le léger sourire qui fleurit sur le visage de la dryade quand elle commença à lui parler plaisamment et à la remercier. La fée écouta attentivement ce que lui disait l'humaine et elle sembla réfléchir profondément à la première partie de la déclaration de la druidesse. Elle ne souriait plus du tout quand Ina commença à approcher la deuxième raison de sa visite et l'humaine put deviner dans les mouvements de la dryade que cette dernière hésitait à disparaitre immédiatement ou peut-être même à appeler contre elle les forces de a forêt. Mais sa décision fut de rester là où elle se trouvait et de continuer la conversation. Ses premiers mots étaient âpres mais, une fois lancée, elle sembla revenir vers une humeur moins hostile.



La dryade se tut quelques instants pour laisser à Ina le temps de digérer ce qu'elle venait de lui dire et, consciente qu'elle s'était agitée et laissée emporter par ses sentiments, elle en profita aussi pour recentrer ses pensées sur l'autre menace dont parlait l'humaine.



Pendant qu'elle parlait, la dryade s'était lentement approchée d'Ina, quoiqu'en suivant un parcours plein de boucles et de zigzags, même si son regard avait tendance à être tourné dans toutes les directions sauf celle de l'humaine. Au point que la Damarienne fut certaine de voir une lueur de surprise dans le regard de son interlocutrice quand elle se tourna vers elle après avoir fini de parler et qu'elle se souvint qu'elle discutait avec une étrangère comme si elle était une dryade.

Xarss et Elion:

Cormac, qui n'était pas encore complètement convaincu que la fin de ses jours ne venait pas d'arriver dans une cascade de lumière bien plus impressionante que ce à quoi le commun des mortels pouvait s'attendre, n'avait toujours aucune idée de ce qui se passait autour de lui. L'archon lumineux éclairait suffisamment la scène pour voir que les réactions de ses compagnons, des chevaux de Cormaeryn qui ne semblaient pas vouloir réagir, à Xarss qui essayait de comprendre ce qui se passait sous ses yeux, à Elion d'Alusaire qui semblait en extase, couvraient une grande variété de possibilités. Comme il partageait le désavantage de l'elfe noir en ne comprenant pas un mot de ce que disait la boule lumineuse, et il n'était même pas certain que les sons harmonieux qu'il entendaient étaient véritablement des mots, il ne pouvait guère faire plus qu'attendre une explication.

De son côté, le griffon avait une bien meilleure compréhension de la situation. Il baissa la tête, les yeux clos, et vint placer le sommet de son front contre la paume tendue du paladin. Il resta dans cette position quiète pendant quelques souffles avant de pivoter de telle sorte que la main d'Elion lui caressa le cou, évitant le contact avec ses oreilles, avant de venir reposer sur son encolure. En se déplaçant ainsi, il se trouva aux côté de l'aasimar, faisant maintenant face à l'archon qui l'avait guidé. Ce dernier était resté silencieux et immobile, même si Xarss aurait pu jurer qu'il s'était tourné un peu dans sa diection suite à sa question ce dont il ne pouvait pas être certain vu que l'archon était une boule parfaite de lumière. Soudainement, il parla et, cette fois, même Cormac pouvait le comprendre.

-Il y a un voile sur Cormaeryn et sa région qui a attiré le regard du Vigilant. Votre entreprise a sa bénédiction, puissiez-vous vous en montrer digne.

Décidément le paladin n’en croyait pas son existence à rester là dans la pâmoison présente face à cette boule d’énergie, soit par ce griffon majestueux. Il est vrai que recevoir un tel être comme aide n’était pas banal et Vorn réagit de suite ressentant l’envie de son esclave. Ce qui fit rire le faussement appelé Kryssyyor.

L’ex-sombre ne pouvait enlever ses yeux de cette boule qui semblait-il, avait semblé réagir à sa voix, mais en était-il ainsi ou simplement une sensation erronée. Peu importait, car tout de suite après cette grandiose et surement divine chose leur parlait en commun ce qui saisit le drow dans son entier.

Le jeune drow avait pu voir la puissance de Loth de par sa génitrice et de ses garces de sœurs, mais jamais il n’en avait vu l’essence, ni même de Seluné qui depuis sa sortie était devenu sa déesse favorite, mais là, cette représentation du vigilant, celui qui ne dort jamais, Heaum, venait vraiment de leur parler… c’était véritable, il ne rêvait pas, il n’était pas dans un état second, non, il était en présence d’une essence suprême de Heaum et elle lui avait adressé la parole… Si Élion était en pâmoison, Xarss Symryvvin était en pleine allégresse.

Enfin, la plus grande preuve que le drow pouvait avoir, la voie qu’il avait choisie, était la bonne. Intérieurement il remerciait Félicia de lui avoir donné l’amour qu’il ne méritait pas, il remerciait la volonté qu’elle avait eue et la confiance qu’elle lui avait éprouvée. Tous les sacrifices qu’il avait dû surmonter étaient enfin récompensés, il avait la bénédiction de Heaum…

Sans mots, il restait là ouvrant les deux bras en guise d’acceptation, même Vorn devait l’admettre, son esclave avait réussi, il avait raison depuis le début, il n’y avait pas que le mal, il y avait toute une panoplie intéressante de choix et le sentier que Xarss avait choisi était le bon. Vorn était maintenant assis sur l’épaule droite de son esclave, il veillerait maintenant à sa sécurité, il ne se servirait pas que de lui, il tenterait de l’aider aussi, ils formaient maintenant, une équipe.

Xarss avait bien saisi la missive, si Heaum leur donnait sa bénédiction, ils devaient s’en montrer dignes et de cela, c’était le plus beau cadeau qu’il pouvait recevoir. Il eut une pensée pour son oncle Pharum, comment il aimerait lui faire parvenir cette opportunité qu’il venait de recevoir. Le jeune Symryvvin avait toujours su que son oncle était contre les intentions de son neveu, mais il l’avait toujours encouragé à aller au bout de sa volonté, si Xarss en était là aujourd’hui, il le devait à son oncle ainsi qu’à Félicia et aussi à lui-même, pour ne jamais avoir renoncé et de continuer à avancer parmi les méandres qui apparaissait au gré de sa descente du long et grand fleuve qu’était son existence.

Il osait prendre la parole devant l'archonte lumineux, représentant officiel d'Heaum, lui l'ex-sombre qu'il était.


-La confiance que Heaum nous porte ne sera pas en vain, il à toute ma gratitude, je servirai la cause avec mon plein potentiel, et ce, jusqu'à la mort si besoin est.-

Ce n'était pas juste une mission pour la main des mystère, c'était maintenant une mission pour lui, une épreuve qui ferait de lui son avenir, une preuve tangible de sa volonté, un acte désintéressé qui sellerait son choix.

Si la jeune femme jubilait intérieurement de pouvoir voir et parler avec une créature si rare pour les humains, elle n’en oubliait pas qu’elle devait rester concentrée pour suivre le fil de la conversation. D’autant plus dans une langue qu’elle n’utilisait pas si souvent que ça. Elle commença à faire la première partie de réponse.





Elle marqua une pause pour enchainer sur le sujet premier de sa visite.





Le fait de demander des permissions était souvent typiquement humanoïde. Et la notion de propriété était surtout humaine à bien y réfléchir, les autres communautés étant bien plus dans le partage qu’eux. Si Ina pouvait avoir un aperçu de ce qu’il convient de faire dans une forêt, elle pourrait en parler au chef de la ville voisine et apaiser des tensions bien âgées.

Tout en parlant elle observait son interlocutrice faire des tours et des détours pour finalement se retrouver à peine à une brasse d’elle. Elle avait de ce fait un point de vue imprenable sur l’anatomie de la fée. S’il ne faisait pas si sombre, elle pourrait probablement compter les nœuds dans le bois qui servait de peau a la Dryade. En son for intérieur, elle se maudissait un peu d’écouter trop à la lettre ce bon vieux Gostegotti et de n’avoir jamais mis les pieds dans la forêt des Dryades de Thüldae. Elle aurait pu en apprendre tellement plus sur elles et avoir un point de comparaison avec un autre endroit du continent. Il devait peut-être même avoir des accents différents en Sylvestre selon les régions et leurs traditions devait bien avoir quelques variantes aussi. Vraiment, sa courte vie d’humaine ne serait jamais assez longue pour faire tout ce qu’elle voulait en faire.

L’extase, c’était une bonne définition de ce que vivait actuellement Elion d’Alusaire. Il se sentait tellement intimidé que son dieu lui fasse tant d’honneur. Sans jamais faillir, et avec un zèle non feint, le paladin servait Heaum de tout son être et ce depuis ce jour qui fut à la fois le plus sombre et le plus lumineux de sa courte existence. Il servait sans limite. Servir la Sentinelle Eternelle était son unique raison d’exister sur cette terre. Elion avait été élevé, éduqué dans ce seul but. On avait fait de lui l’arme de son dieu. Pieu combattant, il était clairement ce que l’on pouvait, sans ce tromper, appeler un fanatique. Mais de là à ce que Heaum lui-même lui fasse un tel honneur, il y avait un gouffre que le humble chevalier des Yeux Vigilants n’avait jamais osé imaginer.

Par l’intermédiaire de l’archon lumineux, Heaum lui faisait un présent inimaginable. Le dieu lui offrait un compagnon d’arme, un frère d’arme. Jamais le paladin ne pourrait considérer le griffon céleste majestueux qui se tenait devant lui comme une monture. Non, il était bien plus que cela. Et même si le griffon avait dû recevoir l’ordre de servir avec cet aasimar, Elion voulait que l’acceptation soit totalement voulue. C’est pourquoi, il s’en était remis à la décision de la magnifique créature magique céleste. Il avait tendu sa main vers le griffon et avait patienté que ce dernier ne choisisse librement de venir au contact.

Un contact, et quel contact ! Lorsque le sommet du front de la créature magique le toucha, le paladin reçu comme une décharge. Non pas une décharge électrique douloureuse, mais une vague de puissance divine qui l’envahi tout entier. Fermant ses yeux au regard vide, l’aasimar accusa le coup. C’était une sensation inégalé par quoi que ce soit. L’aasimar n’avait jamais la caresse d’une femme, ni les émois de l’amour, il ne pouvait donc pas faire de comparaison. Ce qu’il ressentait actuellement était tout bonnement indescriptible.
Elion d’Alusaire se remplissait littéralement d’une force nouvelle. Gloar, puisque tel était le nom du griffon céleste n’était pas le seul présent que le dieu lui faisait. Sans savoir pourquoi, ni comment d’ailleurs, l’aasimar sut. Il sut instinctivement qu’il était en quelques secondes de ce contact devenu autre chose. Désormais, il était Sir Elion d’ALusaire, paladin de Heaum, Chevalier des Yeux Vigilants et Lame étincelante de Heaum. Il avait déjà souvent pensé l’être, mais cette fois, il pouvait revendiquer être le Bras Armé de Heaum. La lame protectrice de sa divinité chérie.

Il n’y eu pas un cri, pas un soupir, pas la moindre émotion à filtrer de l’aasimar. Mais dans son cœur, il en était tout différemment. L’extase et la félicité se mêlaient. Rarement, le paladin ne s’était senti aussi en paix avec lui-même, en paix avec le monde.

Lorsque Gloar se déplaça de façon à ce que le contact se prolonge en venant chercher la caresse du paladin et restant avec son énorme tête d’aigle aux plumes argentées posée sur la solide épaule du paladin, Elion su que seul la mort les séparerait… Et encore, il n’y avait rien de moins certain. Peut-être qu’un jour ces deux voleront sur les pentes de Merion. D’ici là, ils combattraient le Mal tous les deux au nom de Heaum le Protecteur.

L’archon lumineux délivra son message, un signe que leur aventure commune débutait maintenant. La Lame étincelante de Heaum prit le temps de savourer les paroles célestes avant de donner sa réponse. Le drow Kryssyyor fut le plus prompt à répondre. Le paladin entendit les mots et compris aussi le sens de la déclamation. L’elfe noir s’était-il emballé devant une telle manifestation de bonté ? Toujours était-il, que celui qui cachait encore son identité véritable venait de prononcer un serment que le paladin saurait lui rappeler le cas échéant. Mais pour l’heure, le drow venait de marquer des points vis-à-vis de l’aasimar.



En signe de respect, le paladin posa son poing droit sur son cœur alors que sa main ne quitta plus les douces plumes du griffon. La Lame Étincelante de Heaum inclina la tête en signe de soumission.

 

Vingt-Quatrième jour du Mois de la Fonte, année des Dragons Renégats.
24 Mirtul 1373 (CV)
Lieu : 1 journée de voyage au Nord-Est de Cormaeryn
Moment : Crépuscule
Météo et températures : 7°C, ciel dégagé, légère brise

Ina:

La dryade sembla considérer ce qu'Ina lui disait avec attention. Et, si l'humaine parvenait à lire les traits de la fée correctement, avec une certaine quantité de confusion. Ses réflexions semblaient nécessiter toutes ses énergies et elle était maintenant aussi fixe que l'arbre auprès duquel elle se trouvait, plus même car une légère brise et les mouvements de quelques animaux cachés causaient quelques mouvements parmis ses branches. La dryade finit par reprendre la parole doucement et après plus d'une minute.



Il était évident que, malgré le temps qu'elle avait passé à préparer sa réponse, la dryade n'était pas complètement satisfaite et qu'elle n'était pas certaine que son message soit clair. Heureusement, l'autre sujet, celui de la menace qui pesait non seulement sur Cormaeryn mais aussi sur la forêt était bien plus simple à aborder.



Une longue série d'arbres identifiés par des caractéristiques qu'Ina n'était pas certaine de pouvoir observer, comme la fluidité de la sève, le flexibilité d'un rameau, l'épaisseur de l'écorce ou la sensation du vent à travers le feuillage, suivi, heureusement, ponctuées de directions plus faciles à suivre comme relativement au soleil ou simplement droite et gauche. La druidesse ne pouvait pas être certaine sans essayer mais elle estimait qu'elle pourrait probablement se rendre à cet endroit depuis là où elle se trouvait. Le faire depuis l'extérieur de la forêt s'annonçait plus compliqué mais probablement dans ses cordes.



Xarss et Elion:

Pendant qu'Elion et son nouveau compagnon faisaient plus ample connaissance, la sphère lumineuse s'était tournée vers Xarss. Ou il avait l'impression qu'elle s'était tournée vers lui vu qu'elle n'avait aucun signe distinctif qu'il puisse identifier qui donnait une indice sur là où son attention se trouvait. Toujours était-il que c'était clairement à lui qu'elle s'addressait quand elle prit la parole.

-Votre dévotion, fils des ténèbres, est admirable. C'est avec gratitude que la Sentinelle reçoit votre support. Le chemin de la justice est pavé de dangers et de tentations, puisse la lumière de l'Eternellement Vigilant vous soutenir au travers de vos périples.

Tous les présents, y compris Cormac qui devait avouer qu'il se sentait bien au-delà de sa zone de confiance, sentirent que le reste de la conversation les concernait autant que le drow. Gloar lui-même tourna sa tête pour regarder dans la direction de l'archon.

-Malgré le voile qui couvre la région, peu de choses échappent au regard de Celui Qui Ne Connait Le Repos. L'aide matérielle qu'il peut vous offrir pour soutenir vos efforts est limitée par cette situation et mon temps sur le Plan Matériel approche de sa fin. Mais, peut-être, ses connaissances et sa sagesse peuvent vous guider vers le juste chemin. Je ne suis qu'un faible intermédiaire mais le peu de lumière que je peux jeter sur votre quête est à votre disposition.

La félicité s’emparait de l’ex-sombre, il sentait la lumière de Heaum l’envahir, le nettoyer de toute scorie négative. Pensant que cela en était terminé, la voix reprit vers lui. Xarss Symryvvin pensait que lorsqu’il avait parlé avec Kepesk, le Concordant elle-même, il pensait ne plus jamais pouvoir parler à une si haute instance, si le dalharuk de Merenwen en doutait encore, son choix de sentier était le bon. Heaum acceptait l’aide d’un fils des ténèbres et acceptait son support avec gratitude. C’était pour lui, le plus beau moment de son existence, une chance inouïe, une grâce divine se déposait sur ses épaules et profondément dans son esprit.

Il ne savait pas ce qui les attendait pour qu’une divinité envoie un messager vers eux, vers lui, mais il était certain qu’il tiendrait parole. La fierté qu’il éprouvait n’avait juste pas de mots, il avait osé se lever contre Lloth, contre sa génitrice, contre ses garces de sœurs, contre le mal lui-même, il s’était dépassé en tout point, avait accumulé les insultes, le mépris des autres, avait avalé de travers chaque reproche, mais il avait percé les ténèbres pour ressortir avec la lumière. De suite il comprit ce que lui avait dit le moine Thiefelin de l’Ordre du Corbeau que le seul temple qu’il trouverait au-dehors, à la surface, était le sien. Il avait cru à ce moment qu’il devait chercher un temple dédié à ce moine, mais il réalisait à l’instant que c’était son temple intérieur à lui-même qu’il devait trouver et il en prenait conscience à ce moment même. Il n'en voulait plus aux drows, il ne reniait plus sa race maudite, non, il l'acceptait car c'était grâce à eux, s'il avait réussi à être ce qu'il était aujourd'hui, Borig avait raison.

Il fut envahi d’un sentiment d’amour intense. Si bien sûr il pensait de suite à tous ceux qui l’avait soutenu il avait conscience que tout venait de lui, il avait enfin trouvé la Rose en son cœur, celle qu’il devrait maintenant entretenir avec la lumière qu’il recevait et celle qu’il ferait briller de ses bonnes actions désintéressées.

Son regard se portait sur Élion et comprenait qu’il aurait un juge auprès de lui et c’était plus que parfait pour solidifier les bases nouvelles du faussement nommé Kryssyyor. Allait-il vouloir maintenant porter fièrement son véritable nom au risque de se faire repérer et apporter la misère à ceux qui oeuvraient avec lui ou resterait-il avec le nom de Kryssyyor, nom qui était une mise de sécurité pour eux. Il ne pouvait y répondre sur l’instant, mais il savait que si jamais la question lui sera posée, il répondrait en toute vérité.

Non-chaland et empli d'alégresse il se mit à danser sur place, il créait ainsi une danse à la lumière, une danse libératrice qu'il utiliserait contre leurs prochains ennemie.

Ces moments étaient rares, très rares même, le paladin n’avait ressentit que deux fois dans son existence une telle proximité avec son dieu. La première fut lors de son illumination. Il n’était alors qu’un enfant à qui n’avait connu qu’une dizaine de printemps. La vie venait d’arracher tout ce qui faisait son monde dans une horreur extrême de cruauté, de malfaisance et de feu. Sa mère, son père avaient été assassinés et la ferme qu’il l’avait vu naître et grandir en proie au brasier. Heaum lui était alors apparu, bien qu’à cette époque l’enfant n’eut aucune idée de qui il pouvait bien être. Un grand guerrier en harnois complet sans visage lui avait donné une nouvelle destinée. Et pour le guider sur ce chemin, il lui avait donné un mentor : Hector. Ce paladin en avait fait son écuyer et il l’avait entraîné avec autant de rudesse qu’un gamin de dix ans pouvait le supporter. Plus il grandissait, plus il devenait fort et résistant et plus son entraînement se durcissait. Hector faisait de chaque jour un enfer. Il ne lui passait rien, l’exposant à toutes sortes de privassions.

L’enfant connu la faim, la soif, le froid et le chaud. Privé de presque toute forme d’affection, il s’était peu à peu endurci à tout point de vue. Passant le plus clair de son temps à courir derrière le destrier de son mentor, il n’avait le droit qu’au repos nécessaire pour pouvoir poursuivre son entraînement, renforcer sa musculature, et parfaire ses passes d’armes. Une éducation rigide et pieuse l’avait forgé pour devenir une arme presque parfaite au service de sa divinité. Depuis son plus jeune âge, Hector lui avait enseigné qu’il ne devait sa vie sauve qu’à Heaum. Lorsqu’Hector l’avait recueilli, il avait été son salut.
Seul à son âge, il aurait certainement connu une mort lente bercée par l’horreur et l’épouvante de les visions qu’il avait eu de son père, un ancien prêtre de Anhur décapité et laissé là. Celle de sa mère atrocement abusée et le regard terrifié de la pauvre Zaohra figé dans la mort ne l’aurait jamais quitté. Heaum dans sa grande bonté avait pris l’aasimar sous sa protection.

L’enfant n’oublierait jamais ce jour. Le choc psychologique lui avait fait oublier son nom. Mais toute sa vie durant, il se rappellerait ce jour. Mais alors que tout à chacun aurait pu fondre dans une dépression sans nom, lui en tirait une force d’âme à toute épreuve. Il était maintenant le Protecteur, celui qui se dresserait contre toute cette cruauté. Jamais, il n’oublierait. Heaum y avait veillé. Jamais il n’oublierait pourquoi il se battait. Pourquoi, il était prêt à offrir sa vie. L’enfant était déjà mort, et Elion d’Alusaire appartenait à son dieu. Ainsi, la mort ne lui faisait pas peur. Il ne l’appelait de ses vœux, car il voulait servir à protéger les plus humbles, les plus faibles, les plus vulnérables. Pourtant, il le savait. Un jour viendrait où Heaum lui offrirait le repos.
Alors l’unique espoir du jeune aasimar était d’avoir le temps de servir suffisamment longtemps pour que ce jour venu, il puisse faire la demande de continuer à servir en combattant dans les armées du Vigilant à la défense du Mont Céleste et celle de la Triade toute entière. Il lui faudrait se montrer digne d’un tel honneur, alors il servait de son mieux.

La seconde fois, ce fut lorsqu’il fut ordonné Chevalier des Yeux Vigilant à la forteresse de Hluthvar par le Haut-Prêtre Maurandyr en personne qui avait validé son passage d’écuyer au rang de paladin et Chevalier. Ce jour là, fut aussi celui où Hector lui remit le cimeterre qu’il avait trouvé dans décombres de la ferme natale de l’aasimar. Il avait appartenu à son père, Kelps prêtre de Anhur et portait la tête d’aigle en pommeau. Ignorant, Elion lui avait donné une toute autre signification et encore aujourd’hui c’était celle-ci qui prévalait.
Ce fut également en ce jour qui marquait, en quelque sorte, le passage à l’âge adulte de l’aasimar que son mentor le quitta… simplement. La dernière épreuve sans doute, celui qui avait remplacé son père avait simplement tourné les talons après lui avoir souhaité la bénédiction de Heaum.

Un paladin, un Chevalier des Yeux Vigilant, un Bras Armé de Heaum n’avait pas de famille, pas de femme, pas d’enfant, pas de compagnon et pas d’ami non plus. Il devait s’interdire toutes formes d’attaches pour ne pas avoir de faille à exploiter. Sa seule attache, son seul amour allait à son dieu. Ainsi, on ne pouvait le toucher par le biais de quelqu’un d’autre.
Il avait apprécié travailler aux côtés de Vëla la Folle-de-Torm, mais elle n’était pas son amie. Elle n’était pas faible et n’avait pas besoin de protection. Elle avait été le meilleur frère d’arme qu’il avait connu jusqu’ici. Mais, il n’avait pas hésité une seconde le jour où à trois contre vingt, on leur avait laissé le choix entre se rendre ou mourir l’arme à la main. Il avait chargé dans le tas, son cimeterre au clair, condamnant par la même ces compagnons d’arme. Il fallait l’avouer, la paladin de Torm l’avait immédiatement suivit dans cette charge suicidaire. Elle était comme lui. Elle n’avait pas hésité à le regarder mourir lorsqu’il avait défié en duel un trafiquant d’esclaves qui s’était caché comme un pleutre derrière ses hommes. Elion les avait laissé lui tirer dessus, ne s’en prenant qu’à celui qu’il avait défié, car il était le seul ayant réellement une âme noire. Vëla respectait ça. Elle s’était même dressée contre les autres compagnons d’arme de leur groupe qui avaient voulu s’en mêler. Il lui en était reconnaissant encore aujourd’hui. Elle était une noble âme et il espérait qu’un jour il pourrait recroiser sa route. Mais elle n’était pas une amie. Aussi lorsque leurs chemins s’étaient séparés, il n’avait rien ressentit.


Aujourd’hui, Heaum venait de lui faire l’honneur d’un frère d’arme hors norme. C’était une rencontre que la Lame étincelante de Heaum n’oublierait pas. Mais il savait qu’il faudrait ne pas s’attacher. Le griffon serait un outil, comme son cimeterre en était un. Tout comme il serait l’outil du griffon. Tous les deux serviraient de concert et veilleraient l’un sur l’autre, comme on veille sur une armure ou une arme pour qu’elle soient toujours prêtes à servir. Elion avait un lien fort avec chacune de ses choses, il en aurait probablement un aussi fort avec le griffon céleste, mais rien de plus. L’un et l’autre ne pouvait s’attacher s’ils désiraient garder leur inflexibilité fasse aux forces du Mal. Il en était ainsi, et il en serait ainsi pour que les plus humbles, les plus faibles puissent eux connaître l’amour d’une famille, celui d’un être cher et qu’ils sachent que les paladins de Heaum seraient là pour protéger ces liens précieux face au Mal. Ainsi, il serait toujours seul pour pouvoir accomplir son devoir.

La Lame Étincelante de Heaum se sentait exalté. Il était renforcé dans ses convictions profondes. Bercé par la lumière divine de l’archon, il ne perdait rien de ce qui se disait. Kryssyyor venait de prononcer un serment devant une entité divine au service de la Sentinelle Éternelle. Il lui appartenait de tenir sa parole, et le chevalier des Yeux Vigilants ferait de son mieux pour aider le drow dans cette voie. Il serait aussi celui qui veillerait au respect de la parole donnée. Le drow avait prononcé ces mots sans aucune contrainte, nul n’avait exercé la moindre pression sur lui. Aussi, en ce jour et de sa propre volonté, il venait de se dédier au service du Bien.

« -La confiance que Heaum nous porte ne sera pas en vain, il à toute ma gratitude, je servirai la cause avec mon plein potentiel, et ce, jusqu'à la mort si besoin est.- ».

L’elfe noir avait_il seulement conscience de ce à quoi, il venait de s’engager ? Et surtout, savait-il devant qui, il venait de le faire? Le Bras Armé de Heaum n’attendait pas de lui qu’il se montre aussi pieu que lui-même. Mais, il ne passerait rien au drow. Kryssyyor n’avait plus le choix. Il ne pourrait rompre son serment volontairement consentit sans qu’il n’y ait des conséquences. A contrario, cet engagement octroyait à l’elfe noir toute la protection d’Elion d’Alusaire et ce tant qu’il ne renierait pas son engagement. La vie d’Elion d’Alusaire avait changé en ce début de nuit avec l’arrivée de Gloar dans son existence. Celle de Kryssyyor avait également changé. Puisse Heaum l’aider à suivre sa voie. Lorsque ce dernier commença à danser, le paladin le connaissait maintenant assez pour savoir qu’il ne s’agissait pas d’un manque de respect, mais plutôt sa façon à lui de rendre les honneurs.

La dernière déclaration de l’archon lumineux fut presque un choc. L’aide matérielle que Heaum pourrait leur offrir ? Pour le paladin, il s’agissait quasiment d’un blasphème. Heaum était son dieu. Il servait le Dieu Qui Ne Connaît Le Repos et il n’attendait rien de lui. Il accueillait avec gratitude toute son aide, mais il ne l’attendait pas. Il devait une indéfectible dévotion à la Sentinelle Eternelle. Heaum ne lui devait rien. Il lui donnait quand, il estimait que son paladin l’avait mérité. Il le punirait lorsque son Bras Armé le méritait, mais la divinité ne lui devait absolument rien.

- Heaum le puissant ne nous doit rien. Son aide qu’elle soit matérielle ou spirituelle lui appartient et nous ne la méritons probablement pas, tant nous sommes faillibles. Humblement je reçois ses dons lorsqu’il estime que je les mérite. Tout comme je reçois avec piété son jugement sur mes actes. Je suis son débiteur et Heaum, que son nom soit glorifié, ne me doit rien. Je ne suis que son humble chevalier et le Bras Armés à son service. Puisse-t-il me trouver digne de le servir jusqu’à ce qu’il me rappelle à lui.

Le paladin ne demanderait rien. Si l’archon lumineux souhaitait les aider dans une forme ou une autre, il était le seul à en décider. Si Heaum lui-même où l’un de ses nombreux serviteurs souhaitaient leur apporter une aide quelle qu’elle soit, ils étaient libre de le faire. Mais lui, ne se sentait aucun droit d’exprimer quelques demandes que ce soit. En ce vingt-quatrième jour de la fonte de l’année des dragons, il s’estimait déjà récompensé au-delà de son humble mérite.
Frappant son plastron de mythral de son poing droit, il ajouta juste :

 

Ina écoutait attentivement les paroles de la Dryade. Apprendre sur la nature auprès d’une créature magique comme elle était un régal.

Pour ce qui était de la direction à prendre pour trouver la source de la contre nature de cet endroit, le jeu de piste serait une tout autre paire de manche. Elle avait une certaine notion d’où elle était et une certaine notion d’où elle devait aller, il serait peut-être judicieux de faire un tour en chouette pour observer tout ceci depuis le ciel. Avec un peu de chance elle pourrait s’élever assez haut pour pouvoir voir le camp de ses compagnons et la cible potentielle à atteindre.

Là où la chose faisait tiquer la druidesse, c’était la phrase sur les tréants…même eux évitent ces zones. Il serait peut-être peu judicieux de s’y aventurer du coup…Quoi qu’il en soit, elle en parlerait à ses compagnons et elle avait eu son compte de conversation et d’information pour la soirée.

Elle se leva doucement et se dégourdis les jambes en les frottant de ses deux mains





Laissant la Dryade lui répondre une dernière fois, elle s’inclina et se changea en chouette pour s’envoler au-dessus des arbres. Elle monta très haut pour espérer apercevoir le camp de ses compagnons et la zone décrite par la dryade. Après quelques instants en vol, Ina se dirigea vers le campement pour y trouver enfin le repos, sans savoir qu’elle allait pour la deuxième fois cette nuit découvrir une nouvelle créature magique.