Chapitre 3 : City-tripes à Telpir

Si la fin de journée fut assez monotone pour la genasie d’eau, elle sentit tout de même une pointe de fierté, à la limite de l’arrogance peut être, à l’idée qu’on la reconnaisse, et d’autant plus pour ces exploits martiaux. Elle avait mal digéré l’échec face au lion, le retour triomphant avec la gueunaude lui faisait le plus grand bien. Elle resta malgré tout d’apparence humble ne relevant rien ni aucunes remarques, se contentant de marcher la tête haute un sourire aux lèvres.

Le passage chez le père Sarouf lui fit tiquer un peu quand il annonçait la somme qu’il allait encore leur demander. Cet homme serait bientôt richissime à ce rythme-là, et ses compagnons marquaient un point non négligeable, il fallait trouver un moyen de se remplir les poches.

Durant le diner avec ses compagnons, elle aborda le sujet succinctement. Puisque beaucoup d’entre eux allait être un peu diminués pendant les prochains jours, elle pourrait peut-être se trouver une occupation rémunératrice au port avec les marins. Sa capacité de respirer sous l’eau pouvait se monnayer à bon prix par rapport à sa vitesse de travail. Elle n’était pas encore un marin chevronné, pourtant, elle était loin d’être novice dans le sujet. Elle laissa les billes d’onyx à ses compagnons sans rechigner, tout en demandant si elle pouvait en garder une pour elle. Elle la vendrait peut-être un jour ou pas, tant que le souvenir de ce combat lui ferait naitre ce sourire de satisfaction, elle la garderait telle quelle s’ils acceptaient de lui laisser.

La proposition du semi-homme magicien, enfin l’appât à requin luminescent dans sa tête la fit bondir de sa chaise. S’il avait un truc à fêter, elle ne serait pas la dernière. Elle ne comprenait pas bien pourquoi il fêtait le fait de ne plus voir son maitre tous les jours mais si cela lui faisait plaisir et pouvait remplir sa tête d’alcool, alors pourquoi le refuser ?

La Laeylan éméchée était une tout autre personne. Comme beaucoup de monde en fait. Elle avait le sourire franc, le rire facile, elle passait également beaucoup de son temps à tenir les bras et les épaules de ses convives pour capter leur attention quand elle essayait de raconter des choses qui lui semblaient importantes pour son esprit embrumé. De grandes claques dans le dos de ceux qui racontait des histoires drôles, des bousculades amicales, on aurait pu croire qu’elle était finalement un peu sociable. Elle s’approcha même de Merak pour le féliciter de son aide contre la gueunaude et ne se priva pas de lui raconter la scène comme elle l’avait vue, alors que lui était à quelques pas d’elle à ce moment. Elle lui dit également qu’elle ne serait pas contre un petit peu plus d’action.

-Ha, on lui a bien défoncé la tronche à s’te grognasse, hein les mecs ? Si on pouvait casser des dents à d’autres boublet, blouets, bah, d’autres troufions comme elle j’dis pas non ! Ca nous fra passer l’temps pendant que les fragiles se remettent.

Enchainant sur un rire bien aviné, elle s’éloigna de Merak pour aller se resservir un verre.

Ce n’est qu’une fois tout le monde couché qu’elle se retrouva sur le bord de la fenêtre pour observer sa maison principale, la mer et les océans, regorgeant de trésors et de monstres épiques à traquer et tuer. Avant de dormir, sa dernière pensée se dirigea vers le trésor enfouis aux abords du port, et également vers cette barque que le beau frère lui avait proposée. Une vraiment belle journée qui s’achevait avec une bonne cuite, que demander de plus ?

Le mercenaire ne dit pas grand chose, comme à son habitude. Il n'était guère prolixe. Et surtout il était fatigué et malade. Il fit tout de même un effort pour rester courtois, et répondre à quelques questions d'une autre manière que "hum" ou "ouai", même si cela restait ses réponses les plus régulières... Les efforts payaient toujours, surtout lorsque l'on rejoint un groupe, même de manière temporaire.

Les mouettes n'avaient pas représenté grand chose, juste un moyen de gagner un bout. Ce groupe ci semblait différent. Pas de la petite frappe. Le demi-elfe et la femme bleue se déplaçaient avec la grâce et la souplesse de combattants rapides et mortels.

Il n'avait pas vraiment d'idée sur les deux autres, bien qu'il finit par découvrir que l'halfelin était désormais un mage aux yeux de son maitre.

En tout les cas, pour le moment, il rejoignit le groupe, et s'installa avec eux. Cela lui offrait la protection dont il avait besoin le temps de se requinquer. Il passa le temps qu'il eut à se reposer, et à entretenir son matériel et ses armes avec assiduité. Il allait en avoir besoin, mais tout restait à savoir quand.

Et surtout il avait envie de s'amuser, mais cela attendrait. D'abord se préparer à tout, régler ses comptes ensuite, et enfin s'amuser.

Mais pour le moment, il devenait curieux. Le groupe était hétéroclite, semblait formé récemment. Mais pourquoi et dans quel but ?

Lorsque l'halfelin fêta son passage, il but le vin avec plaisir et ses compagnons purent enfin voir l'ombre d'un sourire ! Il félicita Atanathar, et finit par demander:

- Qu'est ce que vous êtes venus chercher dans ce trou perdu ?

Puis la soirée s'avança, et il ne prit même pas ombrage du comportement de la guerrière. Il en aurait fait de même, voir pire, s'il avait pu. Mais cela viendrait ! Mais ses yeux brillèrent à la mention de l'action, et une idée commença à germer. Mais avait il assez confiance en eux pour leur demander de l'aide ? Mais cela pouvait bien être une solution. Pour lui, mais aussi pour eux... Une pierre deux coups, comme disait l'un ses vieux et rares amis.

Ca ne lui couterait pas grand chose de tenter le coup.

- Si tu aimes l'action, et que tu as besoin d'argent, j'ai peut être une solution.

Il ne devait pas avoir lâcher autant de mots d'affilés depuis un bon moment.

- Tu vois, y'a ce groupe qu'a essayer de m'embrocher... enfin... qui m'a embroché bel et bien. C'est de la verole, voleurs, tricheurs, assassins, le gratin d'la ville quoi. J'suis sûr qu'y'a moyen de concilier tout ça...

Il resta le reste en suspens, et se resservit en vin. Il attendit la ou les réactions.

Laeylan s’était lâchée ce soir-là, confirmant son goût pour la confrontation et la bataille. Malgré la sympathie voire l’affection que le Cha’Tel’Quessir éprouvait pour elle, il ne pouvait s’empêcher d’y mêler un étrange sentiment de méfiance. Bien que membre de la même confrérie que lui, qui savait si elle partageait réellement ses valeurs ? Qui savait dans quel prochain combat les entrainerait-elle ? En tout cas elle semblait heureuse et détendue et voilà qu’elle ne faisait plus ses remarques sur les ‘terrestres’. Elle commençait à prendre goût à la vie sur la terre ferme.

Quant à Merak qui questionnait la présence du groupe dans pareil bled, il laissa couler sans répondre. D’ailleurs Baelsul n’avait pas vraiment de réponse à apporter. Réfléchissant à sa proposition, il ne put s’empêcher une légère moue disgracieuse. Autant il avait eu à cœur de se battre jusqu’à la cité des Olizes, pour rétablir l’équilibre des forces en faerune, autant il ne se voyait pas régler des comptes….

Y réfléchissant une seconde fois, il se dit que régler des comptes avec des voleurs, assassins et surtout des personnes ayant visiblement attenté à la vie de Merak, qui lui avait risqué la sienne pour les sauver était une forme de retour à l’équilibre.

- Je suis partant pour t’aider à régler tes compte Merak, mais il me faut quelques preuves de ta bonne fois et surtout qu’on ne s’engage pas à les tuer si ce n’est pas nécessaire. Nous pourrions simplement les dépouiller ?

La conscience du demi-elfe continuait de le faire réfléchir. Si c'était pour redresser des tords, alors il fallait y aller. Si c'était pour éliminer des rivaux, là il n'y adhérait pas. Il demanderait conseil plus tard à sa déesse Khalreshaar qui saurait guider ses pas.

Telpir, Côte des dragons, journée du 1 Kythorn¹ 1373 CV

Après une nuit tranquille, les idées firent leur chemin. Les aventuriers recouvraient un peu de leurs forces, mais il faudrait bien des jours pour revenir à leur plein potentiel.² Même si le propriétaire du Boucanier enfumé semblait plein de ressources — et d'ambitions —, leur dortoir restait pour le moment un bouge exigu. Cela allait changer, paraissait-il. Mais la première surprise de la journée survint quand ils descendirent dans la salle commune pour déjeuner. On venait de déposer un courrier pour eux, signé d'une certaine connaissance:

Gorstal Hammers a écrit:

J'ai eu vent de votre récent succès, et vous ai sans doute mal jugés. Si vous souhaitez récupérer votre argent, et en gagner davantage, venez me retrouver demain au Hall du conseil. Je suis accaparé aujourd'hui, mais la ville et moi avons besoin de gens compétents et audacieux…

Le parchemin est signé de la rune du mage, et même si Atanathar ne la connaissait pas directement, il savait qu'une telle signature était impossible à répliquer, grâce à la triple malédiction de Mystra. Du reste, chacun avait ses occupations en vue:

Mikaïl passa la journée à l'intérieur, sur le petit bureau installé par Maître Morn. C'était là loin d'être une étude confortable d'un collège de magiciens, mais cela suffit pour qu'il décrypte la majorité du livre de la sorcière, grâce à un sort de Lecture de la magie. C'était là un ouvrage se rapportant aux enchantements et autres rituels nécromantiques dont elle avait été friande, et pourrait servir à tout arcaniste pour développer sa magie. Il devina aussi que les pierres semi-précieuses qu'ils avaient trouvées étaient destinés à devenir des composantes matérielles pour l'animation de cadavres.

Atanathar n'avait pas pu l'aider car — seul vaillant — il avait du parcourir l'ensemble de la ville pour trouver un acheteur intéressé par des morceaux de guenaude. Évidemment, passer du temps à dépiauter la bête aurait permis de revendre à la pièce — et peut-être découvrir eux-mêmes des propriétés intéressantes —, mais ils n'avaient ni le temps ni l'expertise pour faire la fine bouche. Et Sarouf ne serait pas heureux de voir sa maison devenir un lieu d'équarissage… Finalement, même si Hammers n'était pas joignable ce jour-là, le jeune mage parvient tout de même à arranger une transaction de vingt pièces de platine avec un alchimiste et vendeur de composantes. C'était une somme conséquente, sur laquelle ils pourraient vivre quelque temps, mais il était notable que certains composants rares se payaient tout autant.

Merak, Baelsul et Laeylan allèrent au chantier naval. Ils y retrouvèrent Eka, qui inspecta avec circonspection l'armure du mercenaire fraîchement réparée magiquement par Mikaïl. Comme bien des gondars, la forgeronne répugnait à utiliser la magie pour des tâches qui pouvaient être — mieux — faites à la main. Malgré cela, elle leur révéla quelques rumeurs:

Ekaterina

– On est pas les seuls à avoir eu affaire avec des koalinths. J'ai entendu qu'un navire de passage — il relie la Sembie et le Turmish mais fait toujours escale à Telpir — s'était fait attaquer après voir quitté le port; on ne l'a appris qu'à son retour de Sembie. Et il transportait des objets magiques venus du sud ! Le mage de bord a réussi à les repousser, mais c'est incroyable comme les koalinths choisissent leurs cibles… Mais même si on trouvait leur repère, il faudrait encore pouvoir nager et respirer sous l'eau comme toi, Laeylan. En tout cas, s'ils reviennent ici, ils me trouveront ! -------------------- Cette cormyrienne est une femme de bonne taille, aux épaules larges et aux bras puissants. Sa peau claire s'allie parfaitement à ses cheveux blonds et longs qui lui tombent aux épaules. Des tatouages parcourent ses bras. Ses yeux vifs, d'une couleur gris acier, ressemblent à un ciel d'hiver. Malgré une voix rauque et peu volubile, elle est une personne agréable en tout point.

Par ailleurs, après quelque discussions où un bon coup de gnôle aurait eu le mérite de rendre l'un et l'autre plus sympathiques, les deux compères furent assurés de trouver du travail sitôt qu'ils seraient rétablis³. Le chef de chantier apprécierait quelqu'un qui pourrait travailler sous l'eau indéfiniment, tandis que Merak pourrait travailler avec les bûcherons et charpentiers du quartier local, vu sa relative compétence en la matière. Le salaire n'était pas fameux, mais couvrirait à peu près leur hébergement…

L'après-midi, malgré leur relative faiblesse, ils aidèrent Maître Morn a aménager leur pièce commune puis s'y effondrèrent pour s'y reposer, pensant à toutes autres manières de gagner facilement un peu d'or.

¹: On a changé de mois. C'est émouvant…
²: Je vous ai rendu un point de force. Si vous ne faites rien de physique de la journée, vous en récupérerez un autre.
³: Il vous faut une force de 10 pour pas être plus faible au travail qu'un badau lambda.

Lancers...

Mikaïl - Jet de compétence : Linguistique : 7(d20) +4(deg) +4(Int) = 15
Mikaïl - Jet de compétence : Connaissance (mystères) : 4(d20) +5(deg) +4(Int) +2(don) = 15
Atanathar Alcharyn - Jet de compétence : Estimation : 2(d20) +0(deg) +3(Int) = 5

La nuit avait été tant attendue qu’elle fut vraiment reposante pour Baelsul. Malgré ceci il avait toujours la sensation d’une profonde fatigue, comme s’il aurait pu prolonger ce somme encore et encore.

La lettre était une vraie surprise, il s'attendait encore à un traquenard de la part de ce Hammer peu fréquentable. Il Laisserait les autres, notamment Mikaïl qui semblait avoir nouer des rapports plus cordiaux, juger de la suite.

De prime abord il aurait préféré rester avec Mikaïl au calme, mais quand Merak et Laeylan se décidèrent pour aller voir le chantier naval, il ne put refuser la proposition de se joindre à eux. Une fois sur place, ils firent la rencontre d’Eka, la barbare du nord qui fut un temps avait créché avec eux. Elle semblait avoir trouver sa place dans ces chantiers de construction où elle pouvait donner du cœur à l’ouvrage.

L’information d’Eka était intéressante et donnait lieu à de multiples réflexions à Baelsul…
- Telpir et les Koalinths sont le dénominateur commun… Qui à l’information de ce que transportent les bâteaux et de ce qui se trouvent dans les entrepôts ? Ça pourrait être un début de piste, quelqu’un à interroger non, proposa-t-‘il ?

S’adressant plus tard à Laeylan et Merak :
- Si vous bossez sur ces chantiers, peut-être pourriez-vous observer ce qu’il s’y passe et qui y vient régulièrement ? Si ce Hammer cherche des objets magiques il doit sûrement trainter ici…

Une fois la promenade-enquête sur les quais réalisée, il rejoignit la Taverne pour le déjeuner et avant de profiter de nouveau d’un sommeil réparateur. Un peu de lecture suivi d’une bonne sieste lui feraient du bien.

Demain, si les autres étaient d’accord ils iraient voir la capitainerie ou son équivalent voire le vieux Sarouf, il saurait sûrement qui a accès à ces informations.

La nuit, bien que reposante, avait été loin de rendre à Mikaïl la vigueur dont il aurait eu besoin pour pouvoir sortir de la chambre. Fort heureusement, les occupations prévues ne nécessitaient pas de gros efforts physiques et pourraient se dérouler sans trop de difficulté. Après tout, se traîner jusqu'à un bureau sommaire et tourner les pages d'un carnet racorni n'avaient rien de bien fatigant. Seul l'effort intellectuel serait important et n'impliquait pas un usage des muscles du magicien.

Le premier soin du devin avait été de mémoriser les sorts nécessaires à ses recherches, prenant quand même le temps d'apporter son aide à Merak en lui réparant son armure mise à mal par les oursins bleus. Encore trop faible pour descendre prendre son déjeuner dans la salle commune, Mikaïl se l'était fait porter dans la chambre, aménagement qui avait également le mérite de ne pas trop perturber son analyse du carnet de la guenaude.

La lettre de Hammers était également arrivée à point nommé pour envisager leur avenir à Telpir. Heureux de voir que l'enchanteur semblait maintenant les prendre au sérieux, Mikaïl ne manquerait pas l'occasion de se rendre à l'invitation du lendemain. Si les propositions de travail, à peine déguisées, était un motif suffisant, le jeune noble voyait également l'occasion d'échanger avec le marchand sur son expertise de la magie, comptant toujours obtenir des traités propres à accroître ses connaissances de la Toile.

Le repas expédié, Mikaïl s'était replongé dans l'étude du carnet, ne voyant pas les heures passer. Page après page, le document lui livrait progressivement ses secrets, en dépit des difficultés qu'avaient le devin à appréhender cette forme de magie. Au retour de ses compagnons, il s'autorisa à prendre un peu de repos, se promettant néanmoins d'achever rapidement son décryptage.

- Un traité essentiellement de nécromancie avec quelques notions d'enchantement, avait-il expliqué, d'un air dégoutté, à Atanathar. Je n'ai, pour ma part, aucune affinité avec cette première école de magie mais vous devriez en tirer profit. Je gage également qu'il intéressera fortement Hammers qui devrait nous en offrir un bon prix.

Il n'était néanmoins pas nécessaire de le proposer trop vite à l'odieux personnage. Recopier au préalable le contenu du carnet, tâche dont Mikaïl pourrait s'acquitter le lendemain, était indispensable pour qu'Atanathar n'en perde pas le bénéfice.

Les informations obtenues au chantier naval étaient également très intéressantes. Ainsi Telpir semblait être au cœur des disparitions des objets magiques. Savoir qui pouvait avoir els formations relatives aux cargaisons des navires était une bonne idée et Mikaïl approuva l'idée de se rendre à la capitainerie pour en apprendre davantage.

- La journée de demain va encore être chargée, conclut le mage.Je resterai encore ici pour faire rendre ses derniers secrets à ce carnet et en réaliser une copie. Venez me chercher avant d'aller voir Hammers, je tiens beaucoup à assister à l'entretien.

Atanathar s'était attelé à la tâche de trouver un acquéreur pour le corps de la guenaude et ce ne fût pas une mince affaire.

Entretemps, Atanathar avait aussi essayé de se trouver un remplaçant auprès du vieux Sarouf. Il avait pensé à un des enfants qu'il avait souvent amusé avec Eléanor quand il se rendait en ville pour son maître. Il s'agissait d'un jeune garçon orphelin et débrouillard, comme Atanathar, aussi pensait-il que ce serait un bon choix. Lorsqu'il le croisa en ville, il lui fit la proposition en lui disant que si cela l'intéressait de se présenter au vieux Sarouf avant la fin de l'après-midi, avec un peu de chance ils s'y croiseraient.

Plusieurs heures passèrent avant de trouver l'alchimiste intéressé mais cela en valait la peine avec ce qu'il ramènerait les compagnons tiendrait un moment sans trop se tracasser. Atanathar accompagna donc l'acheteur jusque chez son ancien maître afin de lui montrer la dépouille de la monstrueuse créature. Une fois la transaction conclue, Atanathar remercia encore son maître pour son aide et lui demanda s'il avait plus d'information à leurs fournir sur les articles qui lui avaient laisser étudier.

De retour au Boucanier, Atanathar déposa sur la table sa récolte du jour et les articles que le vieux Sarouf avait étudié.

- C'est que cette guenaude valait son pesant d'or! s'écria-t-il
- Que dis-je, son pesant de platine ! Je crois qu'avec cela nous tiendrons un moment!

Atanathar rapporta également les trouvailles que le vieux Sarouf avait fait par rapport aux articles qu'il devait étudier.

Plus tard dans la soirée il se pencha également sur le manuscrit que Mikaïl avait parcouru. Toujours curieux de découvrir de nouvelles choses, Atanathar se plongea dans la découverte de l'ouvrage dans l'espoir d'y dénicher de nouveaux sorts et de nouvelles connaissances.

Avant le coucher il passa également un moment à s'occuper d'Eléanor. La pauvre avait été trimbalée d'un coté à l'autre de la ville sans avoir de réel moment de divertissement, elle méritait bien un petit moment de câlins.

Merak avait passé, de manière assez surprenante, une bonne soirée. L'équipe semblait faites de bric et de broc mais sans que cela pose réellement de problèmes à qui que ce soit. Il ne savait toujours pas ce qu'ils faisaient ici, à moins qu'on lui ai expliqué, mais qu'il n'ai pas écouté... Ou qu'il était trop saoul. Il ne lui avait d'ailleurs pas fallut grand chose tellement la fatigue s'était accumulée.

Il avait néanmoins retenu que l'équipe manquait d'argent. Il en avait encore sur lui, mais il n'était pas prêt à faire aveuglement confiance à des personnes rencontrés la veille. Si il devait participer, il travaillerait comme les autres. Et les chantiers navals étaient parfait.

Il avait tout de même quelques appréhension à travailler à nouveau le bois. Il avait tout laissé derrière lui pour vivre de guerre et de sang... C'était une sensation particulière de se dire qu'il allait manier autre chose qu'une arme pour changer.

En tout cas, il ne se gêna pas pour reluquer la jeune femme qui les rencarda. Une femme grande et forte. Il était peut être encore un peu faible pour s'amuser et surtout pour la contenter. Mais il tenterai peut être sa chance dans les prochains jours.

Pour le reste, Merak fila un coup de mains aux uns et aux autres, se reposa, astiqua ses armes et remercia le magicien pour la réparation de sa chemise de maille.

Telpir, Côte des dragons, journée du 2 Kythorn 1373 CV

Après une journée et deux nuits de repos, la plupart des aventuriers avaient désormais regagné assez de force pour tenir aussi solidement sur leurs jambes que des péquenots quelconques. Sauf Mikaïl, qui lui, restait à peine capable de porter sa sacoche à composantes. Tout lui était un effort considérable, et il était heureux qu'il ait déjà senti une amélioration de son état. Dire que des créatures pouvaient aussi siphonner les facultés mentales de leurs proies… On comprenait mieux pourquoi les morts-vivants étaient universellement craints.

La matinée passa vite, dans l'anticipation de la rencontre avec Hammers. Le mage leur avait donné rendez-vous en centre-ville, non pas à sa demeure ou dans l'effervescence des quais, mais dans les bâtiments lourdement gardés du conseil marchand. Comme bien des cités-états de la mer intérieure, Telpir était née du commerce. Mieux fréquentée que Port-Ponant, elle était surtout destinée au transit des marchandises, plutôt qu'à leur revente. C'était la raison pour laquelle il y avait plus d'entrepôts que de magasins.

Devant le Hall du conseil, les miliciens masqués et lourdement armés montaient la garde. Baelsul et Laeylan avaient pu voir, après le raid des koalinths, que ce n'étaient pas des gais lurons prompts à plaisanter. Ils n'étaient pas omniprésents, mais quand ils intervenaient, c'était avec force. Et si chacun pouvait porter ses armes en ville, elles n'étaient pas autorisés dans les bâtiments publics où se réunissait le gratin politique de la ville. Gorstal Hammers, lui, était en train de discuter dans l'énorme antichambre¹ avec un gros bourgeois quand il les remarqua, ce qui évita des explications aux gardes. Ceux-ci semblaient connaître Hammers, et le laissèrent les accueillir sur les marches-mêmes du bâtiment.

Comme à son habitude, le magicien était élégamment habillé, et portait plusieurs petites sacoches à sa ceinture. A le regarder de plus près, il était difficile de dire s'il avait dépassé l'âge mûr, ou non. En tout cas, il prenait soin de lui et savait jouer de son charisme. Il balaya les protagonistes du regard, mais reconnut sans peine l'archer demi-elfe, et la genasi.

Gorstal Hammers

– Tiens donc, votre société s'est dispersée… Ou agrandie, c'est selon. Permettez-moi de vous féliciter pour votre prouesse face à cette guenaude. C'était un adversaire dangereux, et j'aurais parié que vous y seriez restés. J'avoue vous avoir mal jugés, après cette histoire sur les quais. Mais comprenez-moi: vous m'aviez fait perdre un chargement de valeur. Il balaya le souvenir de cet épisode d'un geste de la main, avant de poursuivre. – J'ai cependant en ligne de mire un tout autre gibier. Si vous pouvez me le capturer, vous regagnerez bien davantage que vos quelques gemmes…2 Qu'en pensez-vous ? On repart à zéro ? -------------------- Mâle et soigné, cet humain aux yeux intenses est aussi richement vêtu qu'il est dangereux. C'est un enchanteur reconnu dans la cité de Telpir. Les dames l'adorent, les monstres le craignent, et les aventuriers, eux, ne se sont pas encore décidés…

¹: En anglais, ça se dit lobby, et c'est l'endroit où on peut discuter avec les parlementaires avant ou après une séance. Le mot sert donc désormais pour désigner ce genre d'influence, ou tout groupe l'exerçant. On pourrait dire que c'est une base de la démocratie, mais en l'absence de transparence et de représentativité, c'est plutôt l'inverse.
²: Baelsul s'était fait voler 800po en gemmes diverses, après avoir été endormi par Hammers.

Les forces revenaient peu à peu à Mikaïl mais ce dernier était encore beaucoup trop faible pour espérer pouvoir vaquer normalement à des activités plus physique. Aussi poursuivit-il ses travaux plus intellectuels, ne mettant pas à contribution ses muscles. S'étant fixé comme objectif d'arracher ses derniers secrets au carnet trouvé chez la guenaude afin de pouvoir le recopier en toute tranquillité, le magicien avait passé un temps fou à examiner chaque page, croisant les différents symboles utilisés afin d'établir des correspondance, tout ça pour se résoudre à en différer le décryptage complet, l'entretien avec Hammers arrivant bien trop vite à son goût.

Il fallait dire également que l'esprit du devin avait amplement vagabondé, passant quasiment du coq à l'âne. Se plonger ainsi dans les notes maléfiques de la sorcière l'avait également amené à repenser à l'étrange malédiction qui l'avait frappé, le faisant analyser les différentes étapes de cet affaiblissement surnaturel. Pris d'une inspiration soudaine, Mikaïl avait délaissé quelques temps le carnet pour noircir plusieurs parchemins de son écriture nerveuse et serrée. À la fin, un petit sourire satisfait était finalement né sur les lèvres du devin alors qu'il parvenait à appréhender ce processus au point d'être certain de pouvoir le reproduire. Avec une légère altération dans la manipulation de la Toile, il serait maintenant en mesure d'ajouter cet effet néfaste à certains de ses sorts¹.

Malheureusement, cette étude s'était faite au détriment du recopiage du carnet, aussi Mikaïl ne serait pas encore en mesure de s'en servir comme monnaie d'échange auprès du riche enchanteur qui leur avait fixé un rendez-vous. S'étant rendu à l'entretien en dépit de sa faiblesse, le Cormyrien s'efforçait de ne rien laisser paraître, s'appuyant toutefois plus lourdement que nécessaire sur son bâton afin de reprendre son souffle.

Ne partageant pas les animosités de certains de ses compagnons envers leur interlocuteur, Mikaïl écoutait tranquillement ce qu'il avait à dire, heureux, au fond, que les relations se normalisent même s'il serait toujours difficile de traiter avec un tel personnage.

Connaissant le caractère impulsif de Laeylan, le jeune noble se hâta de répondre, parlant volontairement au nom de tous, afin de désamorcer un possible incident :

- Tout le mérite en revient à mes compagnons, reconnut-il en toute humilité. Mais pourquoi aviez-vous laissé une telle créature rôder à proximité de Telpir si vous en connaissiez l'existence ? Sa présence était vraiment une menace pour la sécurité des habitants.

Pure question de rhétorique ou volonté de connaître les motivations de Hammers ? Mikaïl n'en savait rien au fond, l'essentiel étant de poser un rapport de force.

- J'avoue cependant, messire, être intrigué et intéressé par votre proposition. Après quel gibier êtes-vous en chasse et que pourrions-nous faire pour vous ?

¹ : justification RP du don de métamagie "Affaiblissement funeste", pris au niveau 3.