Chapitre 3 : City-tripes à Telpir

Mikaïl aurait préféré attendre encore quelques jours avant d'aller repêcher le coffre repéré par Laeylan, histoire d'avoir récupéré la totalité de ses moyens physiques, mais l'impatience de ses compagnons provoqua l'expédition pour le soir même. Faisant contre fortune, bon cœur, le magicien avait tout de même obtenu une heure de délais afin de mémoriser un panel de sorts qu'il espérait suffisant pour faire face à l'imprévu.

L'important était de ne pas trop se disperser et d'accomplir les tâches, l'une après l'autre. Si la traque du mystérieux prédateur semblait bien plus attractive pour le devin, ce dernier était néanmoins assez lucide pour ne pas se lancer, seul, à la chasse aux indices, surtout de nuit. Aller jusqu'au port et surveiller, de loin, l'opération de renflouage restait dans le champ de compétences de Mikaïl qui tint compagnie à Atanathar pendant que les autres membres de l'équipe, plus costauds, se chargeaient du travail physique.

Avec la génasi sous l'eau et les deux guerriers dans la barque, l'opération semblait bien avancer, pour ce qu'en voyaient les deux magiciens. Calmement, Mikaïl attendait que l'embarcation se rapproche suffisamment et que ses occupants en débarquent pour, éventuellement, leur donner un coup de main - magique bien évidemment - pour hisser le coffre sur le quai.

Surpris de se voir apostropher par le poivron, le jeune noble pinça les lèvres de dégoût et s'apprêtait à le rabrouer sèchement lorsque son compagnon halfelin prit les devants avec bien plus de diplomatie que le Cormyrien n'en aurait été capable.

- Attention à ne pas vous avancer trop, l'ami, intervint-il à son tour. Il ne s'agirait pas que vous tombiez dans le port. Vous feriez effectivement mieux de rentrer chez vous, ce serait plus sûr.

L'homme ne semblait pas constituer une menace mais était une gêne certaine pour leur opération discrète. Il n'avait pas encore remarqué la barque qui s'approchait mais ce ne serait qu'une question de temps s'il restait ainsi planté au bout du quai.

Approuvant intérieurement Atanathar qui avait élevé la voix, juste assez pour mettre en garde leurs compagnons qui arrivaient et les insister à attendre un peu, Mikaïl lança un coup d'œil vers l'entrée du quai, cherchant à savoir si leur visiteur inattendu était seul ou s'il constituait l'avant-garde d'un groupe plus important. Ah, paranoïa, quand tu nous tiens...

Si la journée avait démarré par cette déplaisante rencontre avec Hammers, le reste fit voir des étoiles a la genasie. Tout affairée à retrouver les gens qui leurs devaient un petit service, elle pu trouver l’embarcation, vérifier que le coffre se trouvait toujours à sa place et ensuite attendit sagement sur le bord du quai que la nuit fasse son entrée. Elle n’attendait plus qu’elle, et ses compagnons, un peu. Bercée par les bruits du port s’endormant et les clapotis de l’eau sur la berge et les pilotis qui tenaient les quais, elle laissa son esprit vagabonder abondement, s’imaginant sa vie dans d’autres circonstances. Elle ressassa quelques infos sur les attaques récentes, n’ayant pas plus que ce que Hammers leurs avait donné le matin, elle imagina toute sorte de créature étranges avec des crocs et des griffes comme des lames. Une sorte de prédateur mi animal mi humain bavant d’entre toutes ses dents, encore rouges de ses dernières victimes. Elle s’imagina même le combattre seul, au clair de lune, agile comme elle rêverait de l’être, enchainant les estafilades et les entailles de sa rapière tout en évitant les coups avec une habileté hors du commun. Dans sa tête de rêveuse, ce ballet de lame et de crocs avait vraiment tout pour plaire.

Une fois le jour passé, elle accueillit ses compagnons près de la barque. Ils étaient prêts à aller pêcher le premier trésor enfouis de sa vie. Une autre chose a laquelle elle avait beaucoup rêvé dans son enfance et même récemment. Agile comme un poisson dans l’eau, harnacher le coffre pour que les terrestres puissent le hisser hors de sa vase fut assez simple. Ensuite le retour sur la terre ferme. De son coté, elle suivait le coffre sous l’eau, le guidant et tentant de le pousser un peu pour alléger le poids de la chose pour les guerriers. Elle ne remarqua pas une seul seconde le badaud aviné qui s’était invité à la fête. Pour elle la suite de la scène était déjà toute prête. Uns fois le coffre au sec, elle ferait tout pour l’ouvrir après avoir vérifié si d’éventuels pièges se trouvaient sur la serrure. Elle avait été blessée pas plus tard qu’il y a quelques jours de cette manière. Il s’agit ici de ne pas répéter les mêmes erreurs.

Le pisseux était bien imbibé, ce qui fit que même l'incantation ratée d'Atanathar passa inaperçue. Là où un humain alerte se serait rendu compte de la tentative d'enchantement, le soulard se contenta de rigoler en entendant les composantes verbales du sort:

– Muahaha toi aussi t'parles pas droit. T'en tiens une couche hein ? J'comprends rien à c'que tu dis. Moi j'habite par là, dans la rue. Enfin, je crois que c'est par là. Ma femme me disait toujours que…

Le reste de ses propos se perdit dans la distance tandis que le halfelin l'emmenait à l'écart. Il n'allait pas pouvoir le lâcher tout de suite, malheureusement, mais il avait clairement réussi à écarter un emmerdeur potentiel.

Hélas, ils n'eurent rien de maîtres des ombres, ces légendaires danseurs de l'obscurité, insaisissables et presque invisibles. Le débarquement fut difficile, et la caisse était considérablement lestée. Malgré les précautions de Mikaïl, ils furent complètement surpris quand une voix ferme les interpella:



Ils se détournèrent de la caisse que Laeylan n'avait pas encore réussi à ouvrir pour faire face à l'inconnu. L'elfe n'avait pas dû élever la voix pour se faire entendre dans la nuit plutôt calme. Sa haute silhouette était drapée dans une cape miteuse, mais la lumière des étoiles se reflétait dans ses cheveux d'argent. Il portait un bandeau qui lui barrait un œil, et en l'observant mieux, les aventuriers virent bien vite qu'il lui manquait un bras.

Lancers...

Pisseux - Jet de volonté : 18(d20)-2 = 16 vs DD14 ~ Réussite
Mikaïl - Jet de compétence : Perception : 7(d20) +0(deg) +1(Sag) +2 (vigilance familier) = 10

Baelsul qui donnait du cœur à l’ouvrage et sentait ses muscles chauffer puis brûler sous le poids de la caisse fut ravi de réussir à la hisser jusqu’à la barque. Sous le commandement de Laeylan, ils avaient réussi à récupérer le supposé précieux contenu. Pendant ce temps, les deux magiciens avaient fait brillamment le guet. Atanathar avait fait preuve de génie par un sort justement lancé sur un alcolo de passage souhaitant faire un concours douteux.

À l’arrivée, il félicita le jeune lanceur de sort pour sa ressource et pour avoir réussi à éloigner l’importun.

Une fois sur le quai, le groupe fut surpris par l’interruption douce et suave d’un elfe estropié. Le demi-elfe du groupe ne sut comment réagir. Sa situation raciale pouvait gêner certains elfes, mais il en était fier. Cependant, quant à savoir qui est Ecthelöwe, impossible.

Il s'autorisa seulement une brève salutation, joignant les mains et s'inclinant légèrement :

Afin de ne pas prendre de trop grand risque en répondant à côté, l’archer décida de se mettre en retrait. Une Laeylan avait bien plus de ressource pour ce genre de discussion ou négociation. D’ailleurs, le royaume de l’eau n’était-il pas sien ? Ce qui s’y trouvait n’était-il donc pas à elle ?

Heureux de sa trouvaille logique le lunargentais doutait néanmoins de sa robustesse. Néanmoins le demi-elfe s’en voulu de ne pas avoir couvert la caisse. Si jamais ils réchappaient à cet échange, il camouflerait la trouvaille de sa cape druidique.

Revenant au présent, si tout se passait bien, même s’il y croyait peux, il en profiterait pour questionner l’elfe sur sa connaissance de Zalaznar Crinios ou de Parlecèdre.

Le travail physique il n'y avait rien de tel, surtout repecher un coffre en plein milieu de la nuit alors qu'il aurait pu boire à soif en compagnie des donzelles. Mais il pouvait bien faire une exception pour une fois. Après tout, il y avait peut être quelque chose de fort intéressant dans ce coffre, comme de l'alcool, ou de l'or pour acheter de l'alcool.

Il ne dit rien sur son attente, mais ses yeux brillaient avidement. Ses compagnons participèrent tous à cette affaire, et l'halfelin évita à tous que le sang ne coule.

Mais pas le temps de niaiser. A peine un intrus était il mis de côté qu'un nouveau arrivait. Le guerrier ne pipa mot à cette langue qu'il avait rarement entendu. Mais elle ne semblait pas vraiment amicale.

Il regarda derrière voir si quelqu'un avait compris quelque chose à ce charabia, que déjà il avait mis les mains sur ses armes.

Mais il préféra déjà jeter un œil aux alentours. Peut être que le nouveau venu n'était pas seul. Autrement...

Jet de détection sur les alentours. Et si rien de détecté, je dégaine lentement mes armes.

Notre jeune magicien était content d'avoir convaincu le poivrot de quitter le quai. Chemin faisant, convaincu que son sort avait marché, Atanathar lui racontait combien lui, l'ancien apprenti du vieux Sarouf, et ses compagnons faisaient du bien à Telpir. Certains de ses camarades avaient fait fuir les Koalinths et récemment ils avaient détruit la gueunaude qui était une menace pour les habitants de la ville. Il ajouta qu'ils ne comptaient pas s'arrêter là, il incita son poivrot de compagnon à le raconter à ses connaissances et ses amis.

Un peu de publicité ne pouvait pas leur faire de mal. Atanathar pensait qu'il valait mieux avoir les gens du peuple de leur côté que contre eux, cela pouvait peut-être servir un jour. Et puis, lui et ses compagnons faisaient réellement de bonnes choses pour la communauté.

Dès son colis à destination, Atanathar revint au port, au si vite que possible, il espérait bien que les autres l'attendraient avant d'ouvrir le coffre. Il espérait secrètement, avec un pincement au coeur, pouvoir essayer de le crocheter, comme dans une vie passée. Il se souvenait de l'adrénaline de ces moments excitant et parfois effrayant, même si le reste de son existence d'alors était triste voire sordide. Il se souvenait qu'il avait encore son matériel pour crocheter dans ses affaires, il n'avait pas su s'en défaire, avec le secret espoir de pouvoir le réutiliser un jour. Le mieux se serait de ramener le coffre au Boucanier pour l'ouvrir en toute tranquillité.

Arrivé dans la dernière rue avant d'accéder au quai, Atanathar ralenti l'allure afin de reprendre un peu de souffle.

Revenu sur le quai, qu'elle ne fut pas la surprise d'Atanathar de constater qu'un autre personnage était présent.

¤ Décidément, le port est plus fréquenté la nuit que le jour!¤ se dit-il.

Espérant ne pas avoir été repérer par ce nouveau visiteur Atanathar restait en retrait, dans l'ombre, afin de voir comment allait évoluer la situation. En cas de grabuge il pourrait peut-être intervenir à distance.

Je fais un test de furtivité.


¤ On n'est jamais assez prudent!¤ estima-t-il. ¤ Nous avons déjà eu plus qu'assez de surprises ces derniers temps et pas toujours de bonnes surprises.¤

Mais qui pouvait bien être ce nouvel arrivant se demandait Atanathar.

¤ Encore un manchot, au moins celui-ci n'est pas un mort-vivant!¤ Ironisa-t-il intérieurement.

De ce qu'Atanathar pu cerner, il s'agissait d'un elfe ou demi-elfe à la chevelure grise, un elfe de lune cru-t-il se rappeler, malheureusement il ne comprenait pas son langage mais Baelsul si apparemment. Le coffre était toujours fermé remarqua-t-il aussi avec un certain soulagement.

De son point d'observation, Atanathar pu comprendre que Baelsul semblait privilégier le dialogue à une intervention musclée. Chose pour laquelle Atanathar ne lui tiendrait certainement pas rigueur mais il se tint quand même prêt à intervenir le cas échéant.

Cette jetée isolée semblait être plus fréquentée que la Maison des Plaisirs de Suzail, enfin à ce qu'il se disait sur cette établissement car Mikaïl n'avait pas vraiment de temps à perdre avec de telles frivolités.

Le premier importun à peine éloigné, voila qu'un deuxième trouble-fête pointait son nez et semblait, en dépit de son apparence physique, plus dangereux que le poivrot. Fronçant les sourcils, le jeune noble se tourna légèrement pour faire face à l'arrivant et esquissa un petit sourire à la réponse de Baelsul.

Posant négligemment la main sur celle de Merak pour l'enjoindre de laisser ses armes au fourreau, le devin retrouva rapidement un air hautain et toisa l'intrus avec morgue.

répliqua Mikaïl dans un elfique parfait quoiqu'un peu académique.

Voir que ce coffre avait un gardien pour veiller à sa sécurité le rendait d'autant plus mystérieux et incitait vraiment le magicien à en inspecter le contenu.

Laeylan était tellement accaparée par l'ouverture du coffre qu'elle mit plus de temps que les autres à réagir, mais elle n'avait plus envie qu'eux de partager le contenu de "son" trésor. Pourtant, même son esprit embrumé par la convoitise reconnut le potentiel dangereux de cet inconnu qui osait, seul et handicapé, interpeller un groupe armé en pleine nuit.

D'un œil vif et entraîné par de nombreux combats, Merak observa l'absence de renforts ou d'autres fauteurs de troubles, et dégaina à demi son arme, rejoint aussitôt par ses compagnons qui répliquèrent verbalement.

A la lueur tamisée de la nuit tombante, ils cernèrent peu à peu leur antagoniste. C'était un elfe de haute taille marqué par de nombreuses blessures de combat.

– Je suis Ecthelöwe, gardien de la septième porte du Mur, fléau des morkoths de la tranchée de Lopok. Je ne laisserai pas des fouille-la-boue voler mon héritage. Remettez cette caisse à l'eau !

Pour Laeylan notamment, ces mots révélèrent que l'inconnu était un habitué des profondeurs: le Mur était sans aucun doute le colossal mur sous-marin qui bloquait la majorité des sahuagins dans le sud-est de la mer des étoiles déchues. Elle savait de première main que Lopok était le nom que les locathats donnaient au kraken, et la tranchée de Lopok était une faille abyssale où dormaient supposément de mystérieux monstres et dieux, et qui insufflait des cauchemars à bien des enfants des profondeurs marines. Quant aux morkoths, ils étaient parfois appelés le peuple du kraken, mais rare étaient ceux qui auraient pu les décrire…

L'elfe mystérieux tourna sèchement la tête, visualisant de son œil valide Atanathar qui essayait de s'approcher discrètement, puis se retourna vers les aventuriers. Celui-là n'était pas un soûlard perdu sur les quais…

J'ai pas écrit en elfique pour faciliter la compréhension, car on peut considérer que l'un ou l'autre traduit à voix basse. Mais considérez qu'il continue à parler primairement l'elfique.

Lancers...

Merak - Jet de compétence : Perception : 18(d20) +0(deg) +0(Sag) +2(Racé) = 20
Atanathar Alcharyn - Jet de compétence : Furtivité : 12(d20) +1(deg) +4(Dex) +4(taille) +2(race) = 23
Echtelöwe - Jet de compétence : Perception : 15(d20) +13 = 28

L’elfe inconnu venait de se présenter et l’ensemble des titres était impressionnant. Qu’il ose, seul et estropié, ainsi demander calmement et dans le plus grand sang-froid à la compagnie de remettre la caisse démontrait un haut niveau d’assurance. La considération pour un combattant aguerrit et pour un confrère Tel-quessir dictait à Baelsul de respecter ses effets personnels. Il n’avait pas vraiment compris ce qu’avait marmonné Laeylan, mais s’il avait su, il aurait tout de suite présenté ses excuses. Intérieurement, il pensa qu’il s’agissait peut-être d’une forme de sépulture et prenant conscience qu’il l’avait peut-être bafoué il s’en sentit fort mal à l’aise.

*Ce n’est pas très malin de laisser une caisse d’une telle importance, son héritage, en plein milieu d’un port fréquenté et à l’abandon. *

Baelsul ne remonta pas plus le fil, même si le fait qu’ils aient été pris par surprise suggérait l’utilisation de magie. En tout cas un tel aplomb restait impressionnant. Usant de tout son charisme, le demi-elfe


Marquant une pause il reprit :


Le Cha'Tel'Quessir avait fait une offre qui n’engageait pour le moment que lui. Face à cet inconnu à l’aplomb bien proportionné et qu’il n’était pas prêt à combattre, il était prêt à troquer ce bien contre une rencontre voire une future relation partenariale comme celle avec le vieux Sarouf. L’appât du gain matériel ne faisait pas partie de ses motivations. C’était la curiosité et la richesse de l’aventure auxquels il avait goût.

Comme Mikaïl le rassura, Merak relâcha son emprise sur ses armes. Il observa la suite, et voyant que la discussion était lancé dans une langue qu'il ne comprenait pas, il se permit de faire un pas en arrière.

De plus il n'avait remarqué personne d'autres aux alentours, ce qui le laissa se concentrer sur l'individu en face de lui.

Il ne dit rien et observe l'évolution de la situation. L'homme en face d'eux n'était pas simple. Il le sentait, et il restait donc sur ses gardes, tendu comme un arc.