Chapitre 2 : Où gîte une coquille de noix

Si extérieurement, Laeylan semblait calme, a l’intérieur, elle avait son âme d’enfant qui prenait le dessus et pas qu’un peu. Elle venait de parler à un dragon tortu et en plus elle lui avait rendu service. Il est vrai que cette statuette était jolie. Ce n’était qu’une breloque un peu chère finalement. Rien de palpitant pour elle. L’exploration du bateau s’était faite assez bien, si ce n’était le piège qui venait de rouvrir ses quelques blessures. Visiblement, ses dieux ne voulaient pas qu’elle puisse dormir paisiblement pendant encore un bon moment. Quoi qu’il en fût, malgré la douleur, l’eau salée et le sable qui venait titiller ses plaies ne pouvaient entacher cet instant de plaisir d’explorer une épave oubliée, de nager dans l’eau de mer, de sentir cette liberté si évidente pour elle que l’eau était son élément et plus encore. Elle qui n’avait pas vraiment plongé depuis quelques jours se défit de toutes les odeurs tenaces de la ville portuaire.

A leurs retours sur la terre ferme, elle découvrit Kerri qui visiblement se serait bien laissée tenté par la statuette en or qu’ils ont donné à Nephropis. Une petite fortune, dans la bouche de cette Sunite voulait probablement dire une immense richesse ! Laeylan laissa entendre en montrant l’état déplorable de son corps actuellement que si elle souhaitait récupérer la statuette, elle ne serait pas de la partie ! Elle s’estimait déjà assez heureuse que la Tortue ait daigné leurs parler et les laisser partir. De plus, elle rechignait à demander de l’aide à Kerri pour un soin magique, redoutant qu’elle s’y prenne aussi mal que l’autre grande au marteau. Elle irait elle-même voir un temple au retour en ville pour voir ce qui lui serait proposé.

Pour le reste, elle garda une oreille distraite sur la suite et les soins de Baelsul tout en se prélassant au soleil a flotter entre deux eaux proches de la plage. Elle se dit bien à elle-même que ce Baelsul n’avait absolument aucun talent pour la négociation, mais que ce talent s’apprenait à mesure qu’on se faisait avoir par les meilleurs.

-Et sinon ? On en parle du fait que ce bateau est bien trop endommagé pour être coulé la semaine dernière ? On ne parlera pas du fait qu’il n’y a pas assez d’eau ici pour l’engloutir donc comment ses algues se retrouvent au sommet des mats ? Si on n’a pas trouvé grand-chose à part ce papier mouillé c’est peut-être qu’il a été déplacé non ? Enfin, je me fais peut-être des illusions… en tout cas, peu de trace concluante sur un passage de Koalinth ici et je serais surprise qu’ils n’aient pas pu trouver la statuette avec leur perle là…

En parlant de la perle, elle sortie de l’eau pour la récupérer et utiliser le mot de pouvoir qu’on lui avait donné. C’était une occasion comme une autre de tester cette chose. Une fois activée, elle retourne un peu sur le bateau pour voir si quelque chose changeait.

Avec l'assentiment de Baelsul, à qui sa mère n'avait peut-être pas assez conseillé de se méfier des belles roses, Dame Talindras se retira pour invoquer Sunie. Contrairement aux ensorceleurs qui ressourçaient leur potentiel magique chaque jour, les prêtres véritables en appelaient à leur divinité pour recevoir une fraction de Pouvoir Divin.¹ Beaucoup d'adeptes étaient dépourvus de tels dons, et servaient plus simplement et de manière moins extraordinaire. La sunite consacra aussi un temps à inspecter et purifier les restes carbonisés du nécrophage.

Pendant ce temps, le groupe eut tout le loisir de discuter des remarques de Laeylan et de faire sécher les parchemins récupérés. Hélas, pas plus avec sa perle que Baelsul avec son sort, la genasi ne trouva-t-elle de traces de magie dans l'épave. Le contenu des parchemins, écrit en Chondathan², s'avéra plus instructif. C'était là le journal de bord du capitaine du Zéphyr débout, un vaisseau pirate appartenant à la flotte du grand roi pirate Immurk. Les entrées étaient datés de loin en loin, et remontait à la fin du douzième siècle du calendrier des Vaux, soit presque deux cents ans auparavant. Les nombreux passages mirent plusieurs heures à sécher et être déchiffrés, et la plupart décrivaient des missions de piratage et les butins obtenus. Mais d'autres évoquaient des réflexions plus personnelles, et un antagonisme grandissant entre son auteur et le roi pirate qui prélevait une partie des gains.

Le capitaine du Zéphyr debout a écrit

(…) Immurk s'est encore vanté de la taille de son trésor personnel, qui sera remis à son successeur. Lequel sera légitimé car il détiendra les cadeaux qu'Immurl a lui-même reçus. Il est plus prévoyant que je ne l'imaginais. (…)

(…) Trois emplacements secrets, au moins. Un plus important. Mais où ? (…)

Immurk se prend pour le roi des mers, alors qu'il ne mène plus ses combats lui-même. (…)

A plusieurs reprises, l'auteur listait ou évoquait des noms. Des témoignages de jeux politiques au sein des pirates d'antan, et la certitude qu'il considérait de plus en plus son roi comme une grossière canaille qui aurait déjà du passer la main.

"Le capitaine du Zéphyr debout a écrit"

(…) Le secret se trouve dans la statuette. Dire qu'il la conserve au vu et su de tous ! (…)

Après la description d'un départ de l'île du Dragon en direction du Cormyr, la dernière entrée concluait:

"Le capitaine du Zéphyr debout a écrit"

(…) Un vaisseau nous rattrape et se prépare à nous éperonner. Il arbore l'étendard d'Immurk. C'est lui qui les envoie, j'en suis sûr. Je crains que mon vol ait été découvert. J'espère que je ne nous ai pas tous menés à notre perte.

Une fois la nuit tombée, Terri vint vers Baelsul et lui conseilla de se détendre, lui montrant quelques exercices de méditation. Puis elle se releva et dégrafa sa cape³ pour l'en recouvrir —elle était de toute évidence porteuse d'enchantements— avant de lui prendre la tête entre ses mains. Alors qu'elle psalmodiait, le symbole divin qui battait sa poitrine oscillait devant les yeux de l'elfe, imprimant le visage de Sunie Cheveux-de-feu sur sa rétine. Le texte sacré qu'elle récitait était doucement en train de se consumer et de libérer une odeur étrange qui saturait les sens et piquait doucement les yeux.

Le demi-elfe n'était plus sur la Côte des dragons, agenouillé devant la sunite. Il faisait face à une femme d'une éclatante beauté, dont la chevelure rousse voletait et dont les atours de soie diaphane évoluèrent en une seyante armure de cuir. D'après ses compagnons, Terri n'avait incanté que quelques instants, mais quant Baelsul cligna des paupières, il avait l'impression d'avoir contemplé et écouté les paroles d'encouragement de l'apparition pendant des heures. Son corps était engourdi, mais la douleur qui habitait son bras avait disparu. Il n'en garderait pas de séquelles, et se sentait gagné d'une force neuve, comme un jeune chiot resté enfermé trop longtemps. La prêtresse, elle, s'étira comme une chatte, récupéra sa cape et décréta qu'elle avait faim.

¹: Dans ce cas-ci, je considère que Terri complète ses sorts préparés car elle n'avait pas requis la totalité de ses sorts possibles le matin. Cela permet une certaine flexibilité.
²: Je vous l'écris sans balises, mais vous devez considérer que c'est Atanathar qui vous fait la traduction, car il est le seul à maîtriser ce langage local.
³: Hé ho ! Qu'est-ce que t'espères ?

Lancers...

Baelsul - Jet de vigueur : 19(d20) +3(base) +2(CON) +3(Force d'âme) +1 (résistance) +2 (moral) = 30 ~ Réussite

Les découvertes et enseignements du parchemin étaient plus qu’intéressants ! Voilà à quoi donc servait cette statuette ! Si elle n’était pas magique elle servait à protéger ou de clé pour accéder à un trésor. Comme il s’était douté, cette breloque n’en était pas une. Ce qui surpris le plus l’archer-ensorceleur c’est l’ancienneté du bateau. Deux cents ans ce n’est pas rien et il se demanda pourquoi il n’avait jamais été retrouvé auparavant ou bien pourquoi il avait décidé de réapparaître si récemment ?

Cheminant dans ses pensées, il partagea à ses compagnons ses interrogations et essaya de trouver un lien avec les koalinths récemment aperçu :
« Est-ce que cette histoire de trésors aurait avoir à faire avec les attaques en villes ? Est-ce que ces objets magiques sont destinés à garnir ce trésor ou à une guerre ? »

Sa réflexion n’alla pas plus loin, n’étant pas le plus fin penseur des royaumes, c’était déjà par mal.

Sans arrières-pensées lubriques, le demi-elfe se laissa faire. Il avait confiance et malgré l’attirance qu’il éprouvait pour sa congénère, il n’était pas présomptueux au point de croire qu’une aventure avec elle était réaliste. Neanmoins, il éprouva une grande reconnaissance vis-à-vis de K/Terri et de sa divinité Sunie. Cette nouvelle expérience, cette communion avec une nouvelle divinité, bien que différente dans la forme et dans l’objectif que la dernière fois, l’apaisa. Il se senti gratifié et chanceux. Il remercia Kerri sans s’étaler et profita que ses compagnons et Kerri se repussent pour adresser une prière à Sunie, la remerciant pour ses bons soins, sa beauté et pour lui avoir envoyer Kerri.

S’approchant de nouveau du groupe, il proposa à Kerri une ration et du lembas, bien maigre contrepartie à ce qu’il avait reçu ce soir. Autour du feu, il entonna un chant de remerciement elfique à destination de Sunie et indirectement de Kerri. Il utilisait normalement sa voix pour propulser ses sorts mais trouvait à propos ce soir de l’adresser à ses sauveuses, espérant ne pas les offusquer par la moyenneté de sa voix n’étant pas un chanteur reconnu.

Sans s’éterniser le lunargentais irait se coucher à l’écart du feu pour trouver un repos bien mérité et surtout retrouver une vraie forme le lendemain.

Les compagnons prirent le temps de faire sécher les différents parchemins pendant que la Sunite priait sa déesse en vue de soigner Baelsul.
Atanathar fut surpris de constater que ceux-ci étaient écrit en Chondathan et qu'il était le seul à savoir lire ces documents.
Atanathar parcourut les parchemins et partagea ses trouvailles au fur et à mesure de sa lecture
- Il semblerait que ce soit une sorte de carnet de bord du Capitaine du Zéphyr debout. Ces parchemins sont très anciens, ils ont quelques deux cents ans. Dommage que tout ne soit plus lisible.
- Il semble que notre Capitaine n'était plus d'accord avec son chef, il ne semble pas porter Immurk dans son coeur en tout cas. Apparemment la statuette que notre cher dragon-tortue nous a fait chercher représente plus que nous ne le pensions. Vous voyez, ici le capitaine parle de

, et ici un peu plus loin

.
- Toujours est-il que ce cher capitaine a volé la statuette et c'est fait rattraper.
Malheureusement les parchemins étaient trop vieux ou restés trop longtemps dans l'eau pour pouvoir en déchiffrer plus.
- Je crains malheureusement qu'il n'y ait pas plus à en tirer.
C'est à ce moment que la prêtresse revint vers Baelsul. Il était déjà tard et Atanathar était affamé, malgré cela il pris quand même le temps d'aller chercher un peu de bois pour le feu, ainsi il ne dérangerait pas la Sunite et Baelsul pendant qu'elle essaie de le soigner.
¤ Pourvu que cela marche¤
A son retour ils prirent un repas assez sommaire et se préparèrent à aller dormir
- Si cela va pour vous je prendrais le premier tour de garde! Qui prends le second?
Se préparant pour la garde, assis près du feu, Atanathar arma son arbalète et la posa en travers de ses genoux avec l'espoir que la nuit soit calme.

Une fois les rations du soir avalées —demain matin, il faudrait rentrer sous peine de tomber à court—, le groupe discuta quelque peu au coin du feu, avant de se retirer pour la nuit. Face aux interrogations de Baelsul, la prêtresse suggéra une intervention divine: Sunie aurait tout à fait pu faire ressurgir cette caravelle naufragée pour préserver la beauté qu'elle contenait. Dame Talindras accorda aussi son attention aux blessures de Laeylan qui, bien que méfiante, ne pouvait qu'espérer un prompt rétablissement si elle pouvait passer une nuit entière de repos. On pouvait d'ailleurs espérer une nuit plus calme que la veille, mais Atanathar, échaudé par la précédente apparition nocturne, avait toutes les raisons d'ouvrir l'œil.

Mais il ne se passa rien, et il se réveilla un peu plus tard, afin de récupérer du stress de la veille et de son tour de garde. Laeylan allait un peu mieux, et la sunite était en train de prier. Les plus attentifs purent remarquer qu'elle et Hemurelh avaient installé leur couche côte à côte. Le coquin semblait compter fleurette…

Quand tout le monde fut prêt, et comme il était avéré qu'il n'y avait plus rien à trouver dans l'épave, le petit groupe prit le chemin du retour. Après quelqeus heures, ils croisèrent en chemin un groupe à l'allure un peu louche —sans doute étaient-ce d'autres aventuriers—, qui longeaient consciencieusement la côte plutôt que de suivre le chemin. Et enfin, ils arrivèrent à Telpir, l'estomac dans les talons.

Telpir, Côte des dragons, début d'après-midi 29 Mirtul 1373 CV
Climat: 18°C, ciel nuageux
Sol: route de terre battue ou pavés
Sons: Brouahah urbain

Ils avaient eu bien de la chance lors de cette première expédition. Ils étaient tous vivants, pourraient se vanter d'avoir côtoyé des monstres extraordinaires, et le climat avait été clément. Cela aurait été bien plus pénible sous la pluie, à porter des tentes. Bref, de quoi ravir tout le monde, sauf la prêtresse, qui avait fait le trajet pour rien. Et même s'ils revenaient les mains vides, ils pouvaient maintenant couler un peu de bon temps, sur le dos de leurs économies et du faible loyer de Maître Morn, en attendant de décider de la suite…

Kerri Talindras

–Je vais poursuivre mon enquête auprès de mes contacts. J'aimerais récupérer l'artefact qui nous a été volé, mais encore faut-il savoir où il a été emporté… -------------------- Kerri ressemblait à une elfe de la lune élancée, avec une peau pâle, des cheveux sombres aux reflets d'argent, et des yeux bleus mouchetés d'or. Elle était menue et attrayante, même si certains auraient été davantage séduits par son charme qu'une réelle beauté. Elle s'habillait de manière recherchée et flamboyante, et sa cape rouge enchantée pouvait changer d'apparence pour s'accorder à sa tenue.

Hemurelh se proposa aussitôt d'accompagner la prêtresse et de revenir vers ses compagnons dès qu'il apprendrait quelque chose. Ils finiraient bien par trouver une piste qui les mèneraient aux koalinths…

Laeylan récupère 6PV. Moment fainéant où je ne vous emmène pas très loin en termes de narration, mais où je vous demande de décider ce que vous allez faire ensuite. N'hésitez pas à consulter le journal de quête, ou à errer pour en dénicher de nouvelles.

Le groupe avait fait bon voyage et la nuit, bien que dans des conditions de bivouac avait été réparatrice pour tous ! Laeylan était plus fraiche et Baelsul enfin remit. C’est Relh qui semblait le mieux s’en tirer puisqu’il semblait avoir tapé dans l’œil de la prêtresse. Un brin de jalousie dans les yeux, l’archer de lunargent essaya de l’enfouir au plus profond de lui et décida de prendre un peu plus de distance. Voilà qui devrait rassurer Laeylan et Atanathar.

Une fois arrivés chez Maître Morn, Relh et Kerri repartis, il proposa à ses camarades de s’attabler leurs ventres vides et leurs pieds engourdis réclamant une pause de des glucides. Il commanda une bonne bière, riche et sucrée pour se réhydrater et se rafraichir de sa longue marche. En attendant la commande et perdu dans ses pensées il songea :

*Cet Atanathar est de très bonne compagnie ! Il est volontaire même si encore très jeune dans son apprentissage de la magie il a de l’astuce en plus d’être fort sympathique. *

Ses pensées s’attardèrent ensuite sur Relh, il regrettait que ce compagnon avec qui il avait cru un temps donné avoir une relation presque fraternelle s’en aille. Il n’était cependant pas rancunier qu’il soit parti avec la belle Kerri, conscient que de toute façon le courant n’était pas passé.[/I]

*Puisse cette aventure m’amener d’autres belles rencontres !*

Enfin s’adressant à ses compagnons il proposa :

« Peut-être pourrions-nous aller voir ton maitre Atanathar pour lui raconter nos découvertes, cette histoire de statuette ainsi que d’Immurk. Peut-être en a-t-il déjà entendu parler ? Ensuite je souhaiterais retourner voir Iulia. Son mari et son fils on disparut, qui sait si les Koalinths ou Immurk ou je ne sais quelle autre force marine ne sont pas liés à ça ? Je pense que la piste est intéressante à explorer. En tout cas cet événement converge en termes de date et de lieux avec les attaques des Koalinth et la réapparition du vaisseau. »

Pendant la visite à Sarouf, Baelsul en profiterait pour l’interroger sur Zalaznar Crinios et Parlecèdre, peut-être aurait-il quelques informations pour l’aider à le retrouver.

Malgré un corps un peu fatigué, Laeylan se sentait bien mieux en arrivant dans la ville après cette petite escapade à la plage. Finalement pour eux cette sortie ne fut que de bien piètre intérêt. Pas d’indices sur les voleurs d’objets, le dragon tortue était partit avec un objet qui pourrait intéresser Kerri et eux se retrouvaient avec quelques écrits et récits d’un marin mort il y a plusieurs années.

Ce récit avait au moins l’intérêt de raconter l’histoire d’un homme à qui il est arrivé quelques aventures. En tout cas, la situation n’avait pas avancé pour eux.

-C’était sympa cette petite sortie de ville à la plage mais on est pas plus avancé qu’avant !

Un estomac qui se remplis est plus apte à la réflexion ! Et une réflexion elle en avait une à faire ! Puisque la recherche terrestre avait été un échec, pourquoi ne pas aller voir un peu de l’autre côté s’il y avait des choses à voir ? Sous l’eau par exemple. Il devrait bien y avoir si non pas des traces des Koalinths, peut être des aquatiques aux yeux observateurs. Restait à savoir si les autres auraient la possibilité de la suivre, sinon elle irait seul, mais un peu de compagnie et de soutien surtout dans son état ne ferait pas de tors.

Elle avait suivi Baelsul à la bière fraiche, en attendant son plat du jour. Pourtant le plan proposé la contrariait un peu dans sa réflexion.

-Et bien pendant que tu vas voir Iulia, je vais plonger une tête dans le port. Après tout c’est par là qu’ils sont partis. La mer sait brouiller les pistes, mais les témoins sont nombreux.

Lorsque Morn arriverait avec son plat, elle lui demanderait s’il avait connaissance d’une tribu ou n’importe quel regroupement habituel d’aquatiques dans les environs de la ville. S’il ne savait pas, les marins seraient probablement plus bavards que le tavernier moyennant un peu de picole comme à leur habitude.

In fine, le petit groupe dîna sommairement. Si le gîte était assez misérable au Boucanier enfumé, le couvert est convenable, et Maître Morn un hôte attentif. On leur servit le plat du jour: un ragoût de légumes agrémenté de poissons. Ils traversèrent ensuite la ville pour retourner auprès du vieux Père Sarouf.

Celui-ci était en train de recevoir un client quand ils arrivèrent. Dans la bicoque surchargée de livres et de collections, il discutait avec un mince jeune homme impeccablement vêtu. Atanathar introduisit ses compagnons à l'intérieur, ce qui leur permit de suivre la fin de la conversation, en Chondathan:

– … taol juåd syl téfatudjpulyl, wylf lazl muåfy wpyb syl mdåomyl my yadsywymdy kåy vuål fduåvydyb vufdy cuzpyåd. Ap, Afazafpad !

Sarouf présenta son client comme étant le seigneur de Saillac, du Cormyr, venu le consulter sur des traités de divination. Il l'invita à rester pour écouter le récit de leurs aventures, ce qui allait certainement l'intéresser. Le vieux mage fut très heureux de leur découverte —Atanathar en narra la plus grande partie— et leur racheta le livre de bord du Zéphyr debout pour une vingtaine de pièces d'or. La perte de la statuette était tragique, et anéantissait certainement toute chance de mettre le doigt sur le trésor d'Immurk, mais le vieil homme ne critiqua pas leur instinct de survie face à un dragon tortue.

– Maintenant que j'y pense, Messire de Saillac, Gorstal Hammers est un spécialiste des enchantements. Il habite la ville et a eu affaire avec ces jeunes gens. Il aura certainement des ouvrages qui vous intéresseront… Atanathar, tu voudras bien guider le jeune sire.

Le mentor de l'halfelin conclut l'entretien, ayant renseigné et fourni son client, et obtenu de quoi se plonger plusieurs jours dans le passé des îles pirates. Il promit tout de même de les renseigner de toute nouvelle information sur les koalinths, et se plongea aussitôt dans l'antique livre de bord. Peut-être pourrait-il y trouver quelques pépites d'histoire croustillantes.

En sortant de la bicoque et de la jetée, le groupe et le cormyrien se retrouvèrent proches d'un attroupement devant un magasin d'ébénisterie. Le propriétaire semblait faire à la foule une présentation de ses créations, tellement lisses et parfaites.

Mikaïl ne pouvait que se frotter les mains de satisfaction, son déplacement dans ce port de la Côte des Dragons n'étant décidemment pas une perte de temps. Si le jeune noble avait tout d'abord manifesté une certaine incrédulité en apprenant qu'un devin aussi réputé que Sarouf avait élu domicile à Telpir, bourgade charmante, certes, mais qui ne possédait pas l'attrait d'une métropole plus importante comme Suzail, Eauprofonde ou même Port-Ponant, il avait été enchanté de rencontrer le vieil homme. Sous un aspect quelque peu négligé, ce dernier s'était révélé une vraie mine d'informations et un puit de savoir - s'écoutant volontiers parler avec une certaine tendance au radotage - sur tout ce qui touchait à l'Art de percevoir les choses et d'anticiper les événements. Se trouver face au célèbre auteur de "L'eau : miroir ou reflet ?", ouvrage quasiment mythique que les plus grandes bibliothèques s'arrachaient, avait quelque chose d'impressionnant pour un magicien encore novice. En outre, le fait de réussir à acquérir un exemplaire de ce traité justifiait, à lui seul, le voyage entrepris.

L'arrivée du petit groupe venu relater ses aventures amena un certain intérêt chez Mikaïl. Le nom d'Immurk restait associé, pour le jeune homme, à celui d'un enchantement, créé spécialement pour lui par un mage de Procampur¹. Si le trésor caché du pirate devait regorger d'or et de pierres précieuses, il devait également comporter de nombreux artefacts magiques et, peut-être même également, des notes permettant de reconstituer ce fameux sortilège.

- Il est certain que cette statuette aurait été très utile, commenta Mikaïl, abandonnant pour l'occasion le Chondathan pour le Commun afin d'être compris de tous.Mais, en effet, il aurait été suicidaire de se battre contre un dragon tortue. Enfin, tout n'est peut-être pas perdu...

Se pinçant les lèvres, le jeune mage sembla se plonger quelques secondes dans ses pensées avant de s'adresser au vieux devin :

- Maître Sarouf, n'auriez-vous pas, parmi tous vos documents, des renseignements sur ce monstre ? Un marin n'aurait-il pas rapporté le terrain de chasse du dragon, voire la localisation de son repaire ?

Voila de quoi donner des heures de travail au vieil homme s'il lui prenait l'envie d'éplucher les nombreux ouvrages de sa bibliothèque. Néanmoins, s'il serait certainement aisé de persuader un riche armateur à financer une telle expédition, il devait être plus difficile de trouver des aventuriers assez suicidaires pour la réaliser.

Gudlfas Hattydl, syl mdåomyl my Padsywymdy, récapitula le jeune noble en prenant congé de son hôte. Jy vuål dytydwoy atjsytyzf my vufdy aomy. Ly fdaofy kåy vuål tavyb wymy ylf åzy vydofacsy tydvyossy.

Une fois dehors, Mikaïl fit quelques pas avec le groupe, attendant patiemment qu'Atanathar veuille bien le guider vers la demeure de l'enchanteur. Plongé dans ses pensées, réfléchissant déjà à l'entretien qui se profilait, il ne jeta qu'un regard distrait aux créations de bois de l'ébéniste.

¹: La Distraction d'Immurk, enchantement créé par le mage Selden de Procampur afin de distraire un individu pour l'empêcher de trouver un objet caché. Source : Pirates of the Fallen Stars de Curtis Scott.

Décidemment, les visites chez le vieux Sarouf étaient toujours aussi riches en découvertes qu’en rencontres ! En trois visites, trois rencontres : Sarouf lui-même, Atanathar ce nouvel et précieux aventurier et ce seigneur de Saillac du Cormyr. Ce puit de sciences et d’art n’avait pas fini d’intéresser le demi-elfe.

Concernant la statue, bien qu’il en ait saisi sa valeur qu’après, Baelsul ne regrettait pas d’avoir pris cette décision. Comment auraient-ils pu faire face à ce monstre tout en étant fourbus et même bléssés de la veille ? Malgré tout, il trouvait dommage que la piste du trésor d’Immurk se soit éloigné pour cette mésaventure. Il avait désormais soif d’en savoir plus et de la creuser lui aussi. D’ailleurs le questionnement concernant les traces écrites du dragon-tortue pourrait permettre de la rouvrir.

À la mention de Gorstal Hammers, le lunargentais ne resta pas silencieux :

« Gorstal ? C’est un imprudent qui laisse s’échapper des animaux dangereux pour un trafic qui j’imagine doit l’enrichir. Cet homme a failli entraîner la mort de Laeylan, sans compter qu’il s’est bien remboursé sur sa perte de profits… »

Baelsul ne lui en voulait pas tellement pour la bourse, mais plus pour son incivilité et le danger qu’il avait fait courir au groupe.

« Vous devriez vous tenir sur vos gardes si vous allez voir cet homme, dit-il s’adressant au cormyrien. »

Une fois à l’extérieur, l’archer de l’art proposa à Atanathar de jeter un coup d'oeil à l'attroupement puis de l’accompagner voir Iulia. Il précisa que cette femme avait perdu récemment deux proches en mer et que peut-être leur disparition était liée aux phénomènes récemment observés en ville.