L'oeil des Sorcières, Aventure dans les Moonshae

Un large sourire était né sur le visage de Tijak devant le revirement de Marge qui cessait de les voir comme des ennemis et consentait à les aider. Tout n'était pas aussi paisible que l'aurait souhaité le mousse qui ressentait encore la tension palpable dans l'air mais le temps panserait ces plaies. Il leur faudrait également faire preuve de beaucoup de persuasion pour éteindre l'hostilité des habitants du hameau mais rien d'insurmontable, au yeux de l'incorrigible optimiste qui savait pouvoir compter sur l'aide de la jeune classe dans cette normalisation.

Ils avaient maintenant un but immédiat, retrouver l'équipent d'Hermine, visiblement très proche d'eux, et, par la même occasion maintenir la pression sur la deuxième sorcière du cercle. Légèrement inquiet tout de même, les yeux de Jakelm fixait Hermine alors qu'il demandait intérieurement à Cyric de relâcher son emprise sur la jeune femme afin de lui permettre de retrouver ses esprits.

Le rugissement assourdissant qui retentit soudain, les empêchant d'entendre la localisation de la dernière guenaude, provoqua une brève sensation de panique chez le gamin qui rentra instinctivement les épaules tout en tournant un regard inquiet vers le ciel. Voir le vol erratique du grand dragon qui crachait des torrents de feu de façon totalement aléatoire n'avait rien de rassurant. Que pouvaient-ils faire face à une telle créature prise de folie ?

Déglutissant avec difficulté, Tijak s'efforça d'imiter l'attitude de ses aînés, stoïques devant pareil phénomène. Respirant profondément pour calmer sa peur, le garçon se raccrocha aux paroles de Vëla, il fallait aller de l'avant et trouver la deuxième sorcière. Au moins, se plonger dans l'action lui éviterait de trop cogiter et de céder à la panique.

Afin de s'élancer pour, fidèle à son habitude, ouvrir la voie à ses compagnons, l'éclaireur prit encore le temps de demander :

- M'dame Marge, où s'trouve la dernière sœur ? Vous savez comment elles communiquaient entre elles ?

oujours les mains fourrées dans les poches du poncho qui recouvrait son armure, Hermine sentit, avant de les voir, les animaux apeurés qui fuyaient en avant, sans se soucier de leur rythme d'éveil ou des habituelles relations prédateur/proie. Biscotte elle-même, qui avait un instant barré la route de son amie, céda à sa nature profonde : toute créature magique et raisonnable qu'elle était, elle fila sa cacher sous la courte cape, oubliant la remarque acerbe qu'elle avait préparé pour une prudence bien plus instinctive.

Lorsque la horde les eut dépassés, la guerrière leva les yeux au ciel. Sa main gauche, sortie de sa poche, passa devant sa bouche. Tandis que la Terreur passait au dessus d'eux, ses lèvres s'entrouvrirent, et de la fumée en sortit. Ses yeux noirs se froncèrent et, comme si le dragon pouvait l'entendre :

- [ordaï] Te revoilà enfin ..., murmura t'elle d'un ton sans joie. Un frisson la parcourut. La Bête était si puissante, et son appel difficile à ignorer ...

Lorsque Sahadeva vint lui poser sa question, elle scrutait toujours dans la direction où la Fureur était partie, comme si son regard pouvait percer la cime des arbres. Après un moment, elle tourna le regard vers le maquar, et celui-ci put enfin mettre le doigt sur cette chose qui le turlupinait depuis quelques temps, à la lisière de sa conscience, sans qu'il eut pu mettre le doigt dessus. Ça n'était pas les mèches grisonnantes, ni la voix plus profonde, ni ses rides dont il ne se souvenait pas ...
Lorsqu'Hermine plongea son regard dans le sien, son regard n'était plus d'émeraude tel qu'il s'en souvenait : ses yeux étaient noirs comme l'obscurité qui séparait les îles de la Mer de Nuit.

Les yeux sans iris considérèrent un court moment le Durpari. Pouvait-elle lui dire ce qu'elle savait ?
La période dangereuse était passée. Il n'y avait plus qu'elle-même dans les Royaumes, sa jeunesse en était partie voici quelques jours. Elle avait tenté de retrouver ses anciens compagnonss, elle était tombé sur deux autres qu'elle n'avait pas prévu. Elle avait tenté de sauver au moins trois vies, et ils étaient toujours là, bien vivants. La mort de la guenaude était-elle normale ? La course du Destin avait-il divergé ? Avait-elle rompu sa promesse ? C'était difficile à dire –probablement impossible, même.
Non, elle était probablement libérée de ses contraintes. Probablement. Que Sahadeva ou Marge l'ignorent, que Marge lui en veuille ou non, cela en serait ainsi jusqu'à la fin. Mais en même temps, pouvait-elle en être sûre ?
Elle décida de rester prudente. Doucement, elle ferma les yeux.

- Ce que je sais a, je cяois, moins d'impoяtance que ce que je vois. Elle soupira, et son ton, déja lent, s'adoucit.
« Sahadeva, souviens-toi de nos leçons. Voiя est le plus impoяtant ; cela peяmet de viseя la bonne cible. Sois Nakula, ouvяe ton œil. N'as-tu pas vu d'où ce dяagon venait ? Et où il se diяigeait ? »

Visiblement, ses compagnons toléraient mal qu'elle leur dévoile ses propres conclusions, et qu'elle leur mette sous le nez leurs propres contradictions.
Allaient-ils sérieusement envisager de commettre un autre meurtre de vieille dame, alors qu'au moins une cité se trouvait sous le feu draconique ? Sirène les voyait déjà, non loin de là, des hommes qui brûlaient vif, des veuves, des orphelins, des bâtiments qui se consument, des cadavres qui jonchent les rues ...
N'était-ce pas le rôle d'aventuriers de sauver ce qui pouvait encore l'être ?

Hermine resta silencieuse. Les yeux toujours fermés, elle poussa un grand soupir. Sa main droite, toujours dans sa poche, croisait les doigts. Elle n'osait pas regarder son vieil ami, mais restait suspendue à sa réponse.
Celui-ci était le sens du devoir incarné. Si ses souvenirs étaient exacts, une société urbaine stable se rapprochait de son Idéal, métaphore terrestre de l'Ordre prôné par l'Adama. Non, il ne pouvait peut-être rien faire directement pour contrer la Fureur du Mintarn. Mais était-ce une raison suffisante pour laisser toute une population agoniser dans les flammes ?

Les propos d'Hermine avaient touché Sahadeva. Si la Fureur Rouge de Mintarn prenait la route de la capitale de l'archipel et se déchainait comme elle venait de le faire, les conséquences seraient catastrophiques. Certes, la ville disposait de défenseurs, mais il n'était pas certain que ceux-ci fassent le poids. Le Maquar repensa à Hallgrim Waaler en se demandant ce qu'il était en train de faire en ce moment et s'il le reverrait un jour. Mais d'un autre côté, il était perplexe.

¤ Devons-nous abandonner notre mission en ne sachant pas si le dragon a ou non dévasté la ville ? Et tout en sachant que nous arriverons trop tard ? ¤

Ils étaient au beau milieu de la forêt et sans montures. A moins que le dragon ne déchaîne sa fureur au même endroit pendant plusieurs jours, ils ne pourraient le rejoindre à temps... mais au moins pourraient-ils aider les survivants. Le choix à faire n'était pas facile.

Il regarda ses compagnons, puis répondit à Hermine.

- Tes paroles sont sages, Hermine. Ce que j'ai vu n'indique rien de rassurant. Mais ce que je ne vois pas m'inquiète encore plus. Je ne sais pas précisément où va ce dragon, ni s'il ne changera pas brusquement de direction. Son comportement semblait... étrange, désordonné. Toi qui sais voler, peux-tu nous en dire plus en survolant les arbres ?

Le guerrier ajouta avec un petit sourire :

- En restant prudente, cela va sans dire...

Dans l'esprit de Tijak, le dragon était bien trop haut dans le ciel et bien trop gros, de toute façon, pour qu'ils puissent faire quelque chose pour calmer sa fureur mais le comportement bizarre d'Hermine fit hésiter le gamin. Tout paraissait clair : il fallait aller de l'avant pour mettre définitivement le cercle de sorcière hors d'état de menaçant, une nouvelle fois, les habitants de la région. Mais la jeune femme semblait être d'un avis différent ou, du moins, ne pas avoir pas le même sens des priorités. Toute sa réflexion allait vers le monstre qui tournoyait au dessus de leurs têtes alors que, du point de vue du mousse, elle aurait dû se focaliser sur les sorcières.

Bien que déboussolé par cette attitude illogique qui faisait suite à la bouffée paranoïaque précédente, Tijak accordait toujours sa confiance à celle qui fut la navigatrice du Protecteur d'autant que Sahadeva avait l'air, lui-aussi d'abonder dans son sens.

À la demande du Maquar pour un rapide vol de reconnaissance, les yeux du garçons brillèrent soudain.

- M'dame Hermine, vous m'em'nez avec vous ? demanda-t-il d'une voix innocente. Quatr'yeux valent mieux qu'deux pour voir quelqu'chose. Et j'suis pas lourd, j'vous gên'rai pas.

Et, une fois en l'air, Tijak aurait peut-être l'occasion d'observer ce qu'il se passait au pied du chêne vénérable, celui qui était au bout du sentier indiqué par Marge.

orsque le maquar acheva sa réponse, Hermine soupira. Cependant, ça n'était cette fois ni un soupir de fatigue et d'inquiétude, mais de soulagement. Son vieil ami ne la decevait pas, et il lui montrait un peu du sens tactique qu'il était.
Losqu'il lui demanda son aide, elle ne put retenir elle non plus un petit sourire :

- Pяudence, c'est mon deuxième pяénom, répondit-elle en mettant sa main gantée sur l'épaule de Sahadeva.
« Fais gaffe toi aussi, auldboïhe. »

La prudence de la guerrière, était si grande qu'elle confinait à une méfiance maladive. Dans un monde où existaient illusions et masques, était-ce en faire trop que de mettre en doute ses propres sens ? Dans un monde où existaient enchantements et charmes, était-ce en faire trop que de mettre en doute la parole de ses propres amis ? Dans une vie d'aventures ou monstres et Mort survenaient à tout moment, était-ce en faire trop que de vouloir coûte que coûte protéger ses amis, y compris d'eux-mêmes ?
Oui, Hermine était ... "prudente". Et peut-être valait-il mieux que Sahadeva ignore, et qu'Hermine ne mesure pas toujours les implications, à quel point cela pouvait être un véritable Enfer.

Lorsque Jakelm demanda à l'accompagner, elle haussa les épaules et lui fit un clin d'œil :

- Si tu veux, mais ce que je fais, tu en seяais capable aussi, si seulement ... bah !

Mettant un genou à terre, elle attendit que le garçon grimpe sur son dos, avant de se relever et de se mettre à courir d'un pas vif et léger, d'abord horizontalement, puis autour d'un grand orme voisin. Elle prit rapidement de la hauteur, prenant appui sur des branches de plus en plus fines et fragile, sans pourtant les briser ni même les plier, alors même qu'elle portait Tijak ainsi que son propre havresac sur son dos.

- Au fait ..., murmura-t'elle à son jeune passager, « ... si on tяaîne tяop, on devяa яedescendяe à l'ancienne. Ces deяnieяs jouяs m'ont ... coûté. Je faiblis. »

Bien que son ancienne navigatrice tentât de le cacher, le jeune Téthyrien connaissait ce ton : elle était soucieuse. Sa foulée était pourtant toujours aussi rapide, elle se déplaçait avec grâce et avec force, et sa peau ne montrait que quelques égratignures dues aux griffes de la guenaude, qui semblaient déjà cicatriser. Approchait-elle de ses limites ? Difficile à dire, le tempérament de Sirène était de ne laisser rien paraître, mais, en raison du temps qu'ils avaient passé à naviguer ensemble, Jakelm était un des rares qui avait largement eu le temps de l'observer, et à qui elle semblait parfois se livrer.

Hermine: Furtivité.

Enfin, ils arrivèrent dans la canopée.
D'abord prudente, ne laissant que leurs têtes dépasser de la frondaison, Hermine fit encore quelques pas lorsqu'elle eut la confirmation que la Fureur s'éloignait. Tout en continuant à fouler de temps en temps l'air même du pied, elle se dressa plus haut que le plus haut arbre de la canopée, si légère qu'ils semblaient dériver au moindre souffle de vent. Elle avisa le dragon, sa trajectoire, sa destination apparente, l'endroit d'où il venait, ainsi que les terres environnantes.
Tout en portant son regard en direction de Caer Callidyrr, elle souffla à l'adresse de Tijak sans le regarder, comme s'ils étaient encore à bord du Protecteur à observer les flots du haut du grand mat, tandis qu'elle lui enseignait quelques ficelles de son métier :

- Aloяs, Monsieuя Fileyeuя, maintenant que vous y voyez mieux, ... Avons-nous un cap ?

Narration

Les Llewyr connaissaient les dragons mais Alaron les avait toujours protégés des errances de Hoondarrh, la Fureur Rouge de Mintarn au point qu'elle n'avait pas fait le lien avec que Sahadeva ne le nomme.
Par ailleurs, la question de Sylaruil était parfaitement légitime : la Capitale profitait de protections peut-être pas suffisantes pour contrer une telle créature mais bien assez conséquente pour l’inciter à choisir une cible plus facile … Ses nouveaux amis auraient pu alors lui partager l’information que la Reine n’était pas au palais et que personne n’avait vu les Druides en l’absence desquelles les Guenaudes avaient lancé leur entreprise.

Même Vëla qui ne connaissait pas la peur avait de quoi trembler. On racontait qu'un tel dragon rouge avait vaincu un dieu !

Marge répondit sans plus se retourner : « La Dernière ne vient que la nuit, aucune idée d’où elle se cache le jour. Encore deux lieues plus loin en suivant la rivière, il y a un lac. Mais si celui-là se déchaîne, tout cela risque bien d'être futile. »

Prenant de la hauteur, Hermine et Tijak purent obtenir une vue bien plus large que ce que la densité de la forêt leur permettait.
Le dragon venait de Mintarn et semblait vouloir y retourner. Son corps et son esprit luttant l’un contre l’autre tant ses mouvements ne suivaient aucune trajectoire logique, son coup se tordant, sa gueule expulsant des flammes sans qu’il soit évident que ce fut volontaire. Sa puissance était terrifiante, peut-être plus encore de sembler ne répondre à aucune logique... C’était pur hasard que rien ne s’embrase, l’humidité et la fraîcheur de l’air aidant surement. Les parcelles de volonté faisant le reste.

Tijak ne voyait rien. Ou plutôt ne voyait-il plus que le dragon vitrifiant la plage, coulant les navires et réduisant en cendre la belle capitale de Callidyrr. Comment pourraient-ils l’éviter ? Ils étaient … si petits et insignifiants à côté de la majesté du Tyran !
Hermine, voyait plus clair, le serpent argenté de la rivière menant à un lac d’un côté et le Chêne vénérable, dépassant allègrement la canopée avoisinante. Sans feuille ou presque, le décor n’avait rien d’enchanteur.

Il semblait que personne ne voulait profiter d’un transport reposant pour aller en finir avec la deuxième guenaude, Vëla dirigeaient donc à Abby le long de la rivière suite aux précisions de Marge qu’elle remerciait encore une fois avant que celle-ci parte vers Malo. La paladin voulant faire profiter de son aura de bravoure restait au meilleurs de sa tentative, à moins de trois mètres de ses compagnons.

Le chaos que les elfes avaient engendré il y avait de cela 25000 mille ans et qui avait engendré la rage des dragons n’avait rien à voir avec celle présente. Cette dernière rage revenait au malsain roi-sorcier Sammaster, dans son délire de puissance il avait engendré une vague destructrice sans pareil, une aberration sans nom qui se devait d’être avorté le plus rapidement possible. Elle savait de par les dirigeants des Marches d’Argents qu’il se tramait quelque chose en Damara et que plusieurs troupes devaient se rendre en place. l’Ordre du Corbeau lui avait fait parvenir un message l’invitant à s’y rendre, mais la jeune fille du moment avait voulu retrouver son paternel Valor supposé être en terre où elle se trouvait présentement et où elle avait dernièrement, accepté de neutraliser les guenaudes qui sévissaient.

La paladin avait une mission et ne s’en dérangeait pour rien au monde, même si la présence du pire wyrm au-dessus de sa tête lui pesait sur les épaules, car chacun devait apporter sa pierre à l’édifice et la sienne était les guenaudes, d’autres s’occuperaient de Sammaster et d’autre de pires maux encore. Sur Abby la jeune femme était imperturbable, rien ne la ferait faillir là où elle avait donné sa parole et c’est avec fierté qu’elle avançait le long de la rivière vers le lac que Marge leur avait précisé. Une fois sur place, il suffirait de récupérer les effets personnels d’Hermine puis de préparer la rencontre fatidique avec la deuxième guenaude qui devait arriver avec la tombée de la nuit. Ils devraient, s’ils en avaient les moyens, établir une défense, disposer des pièges et élaborer un plan pour combattre l’ennemi du moment. Une bataille avait été réalisée, une autre était sur le point de se préparer et d'autres viendraient.




Aura de bravoure. +4 au jet de sauvegarde contre les effets de la terreur pour les alliés à l'intérieur de 3 mètres.

Effaré, Tijak pointait du doigt la capitale mais le débit haché de sa voix et son ton effrayé montrait bien qu'il ne fixait aucunement le cap à suivre.

- Vous, vous voyez ça. M'dame Hermine. Le dragon, si près de Caer Callidyrr. Il va tout détruire.

Le gamin secoua la tête sans vraiment réaliser - comment d'ailleurs aurait-il pu visualiser tous les malheurs qui résulteraient d'un tel déchainement de violence ? Les corps calcinés dans les rues, les maisons incendiées ? La mort et la ruine dévastant ce qui aurait été, peu de temps auparavant, une ville resplendissante - avant de poursuivre :

- On peut rien faire, c'est trop tard. Une fêlure de désespoir et de découragement fut perceptible dans la voix du mousse qui se ressaisit et afficha un ton plus ferme et assuré. Faut qu'on continue ce qu'on a commencé. Vous voyez où qu'est l'arbre que nous a parlé m'dame Marge ? C'est là qu'il faut aller.

Pour le garçon, en effet, la catastrophe qui risquait de s'abattre sur Caer Callidyrr n'avait rien à voir avec les malédictions provoquées par les guenaudes et il convenait de régler les problèmes l'un après l'autre, dans la mesure de leurs possibilités. S'ils ne pouvaient rien faire pour secourir la ville, il n'était certainement pas trop tard pour traquer les sorcières et éradiquer la menace qu'elles représentaient.

a guerrière avait dévoré la scène des yeux. Durant quelques instants, elle admira –oui, admira– le spectacle du dragon, et le sillage de destruction qu'il devait derrière lui. Comment rester de marbre devant un tel spectacle ? Était-ce là ce dont était capable la puissance, la vraie, issue d'une magie capable de raser une cité ? Une telle puissance était-elle à la portée d'une simple humaine, d'une humaine, ... comme elle ? Il était heureux que Jakelm soit à ce moment perché sur son dos, car dans les yeux d'Hermine, comme dans les siens, dansaient les flammes –mais dans les pupilles de la sorcière, la peur le laissait à un autre sentiment, plus sombre, qui perdura quelques instants ...
Le premier choc passé, Hermine reporta son attention sur le dragon, et une vague moue flotta sur ses lèvres. Elle fronça les sourcils, avisa le reste du paysage –la rivière, le chêne vénérable– puis, après que Jakelm se fut exprimé, replongea avec son jeune « passager » dans la canopée. Leur descente fut bien plus rapide que leur ascension, et c'est assez brutalement que l'armure noire toucha le sol devant les compagnons restés à terre. Elle resta accroupie un instant dans une pose dramatique, puis se releva souplement et résuma rapidement la situation à celles et ceux qui désiraient l'entendre.
Elle termina ainsi, pointant successivement deux directions de sa main gantée de métal :

- Paя ici, la suite de votяe quête. Et paя là, Caeя Callidyяя en flammes. Dans son ton, pointait une tristesse certaine. Elle baissa les yeux : « C'est tяop taяd ... »
Elle croisa les bras, et passa la main sur son visage en soupirant. Après un silence, elle considéra pensivement ses compagnons un à un : « La cité bяûleяa. Elle seяa ceяtainement détяuite. Mais, je vous le demande ... Qu'est-ce qui constitue une communauté ? Ses bâtiments ... ou ses habitants ?
... Je vous l'ai décяit, le dяagon se déplace n'impoяte comment. Il n'a pяesque plus d'espяit, il détяuiяa sans яéfléchiя. Il ne semble pas vяaiment ... le vouloiя. »

Elle avait hésité sur cette dernière formule.
Elle avait failli avouer que la Terreur Rouge manquerait d'efficacité, mais cela aurait soit nié la réalité –même à cette distance, on pouvait se douter que peu de bâtiments resteraient debout–, soit la Nordique serait elle-même passée pour froide et dénuée de sentiment. Une chose était sûre, à ce moment-là, le dragon semblait dénué de l'intelligence qui caractérisait son espèce. Aux yeux d'Hermine, un génocidaire doté de millénaires d'expérience aurait eu une attitude plus ... systématique.

- Ce que je veux diяe, reprit-elle en soupirant une seconde fois, « c'est qu'il y a en ce moment, à Caeя Callidyяя, des gens en dangeя de moяt. Si le dяagon ne les tue pas, les flammes et la faim s'en chaяgeяont. Chaque minute gagnée, chaque paiяe de bяas supplémentaiяe peut faiяe la difféяence. Nous le pouvons.
Pendant ce temps, avant notяe яetouя, que peuvent faiяe ces vieilles femmes ? ... Déménageя ?
Qu'est-ce qui est le plus important, à vos yeux ? "Détяuiяe le Mal", ou sauveя bien des vies ? »

Le groupe était toujours divisé sur la marche à suivre.

Les nouvelles qu'Hermine et Tijak avaient apportées étaient catastrophiques : Caer Callidyrr semblait être sur le point d'être détruite, si ce n'était déjà le cas. L'attaque du dragon provoquerait des centaines, des milliers de morts peut-être et certainement un chaos indescriptible. Hermine semblait plus que jamais décidée à rebrousser chemin pour aider les victimes de l'attaque, tandis que Tijak voulait poursuivre les guenaudes... comme Vëla qui était déjà en marche.

Le Maquar était confus.

¤ Les sorcières représentent elles aussi un danger mortel, Hermine ne semble pas le percevoir. Evidemment, elle n'a pas vu ce qui s'était passé au village, les horreurs que nous avons dû y affronter, les malheureux reclus que nous y avons découverts et qui seraient morts sans notre intervention. Mais, d'un autre côté, nous sommes affaiblis, fatigués et sans oeil à briser, parviendrons-nous à vaincre la deuxième guenaude ? Ne serions-nous pas plus utiles à la capitale ? ¤

Grattant son menton avec perplexité, il finit par livrer sa pensée :

- Ces sorcières vont détruire des vies si nous les laissons faire. Je ne sais pas pourquoi elles agissent, mais elles semblent décidées à engendrer le chaos et la destruction. Le hameau était dans un triste état quand nous l'avons découvert, nous avons dû achever des villageois transformés en morts-vivants à cause de leur corruption et en sauver d'autres qui seraient morts de faim. Et tu as vu comme nous que celle que nous avons éliminée avait réuni une bande d'ogres à son service, ce n'était sans doute pas pour "faire gentiment le Mal dans son coin"...

Le Maquar avait immédiatement ajouté :

- Mais je pense qu'il faut agir où nous serons les plus utiles. Si certains d'entre nous décident d'aller porter secours à Caer Callidyrr, cela condamnera les autres à l'échec face à la guenaude. Même tous ensemble, nous ne sommes pas certains de pouvoir la vaincre, alors si nous sommes séparés les chances me semblent très minces. Secourir la ville est noble également, si nous optons pour cela, je pense que nous devrions le faire tous ensemble.

Sa raison le poussait à traquer la guenaude tant qu'elle était à portée, mais il comprenait les motivations d'Hermine. Il espérait que ses paroles portent leurs fruits pour qu'ils restent unis, ce qui était d'autant plus nécessaire après la mystérieuse disparition de Sail. Il se tourna vers leur compagne elfe :

- Sylaruil, qu'en penses-tu ? J'aimerais beaucoup avoir ton avis sur la question...