De l'autre côté

TOUS

Les compagnons de visite féérique n’avaient jamais été aussi proches et sans doute ne le seraient-ils jamais plus autant. Si aucun n’avait changé fondamentalement sa façon de percevoir les autres, ils avaient tous compris l’avantage de faire cause commune et de cesser de se tirer dans les pattes ou de se menacer d’être pions, de concert, d’une puissance extérieure.

A l’énoncé à haute voix de l’archi-ennemie, Melkiot s’attira un regard noir de leur guide mais celui-ci se reprit aussitôt en secouant la tête, conscient que ça faisait là partie des choses à éviter dont ils ne pouvaient rien savoir :

Gardien féérique

- Nous évitons de la nommer pour ne pas attirer ses suivants. Non qu’elle s’en inquiète mais ils sont tous trop heureux de pouvoir lui faire preuve de leur allégeance. La Reine a une forte influence, partout, dans chaque terrier, à l’ombre de chaque rocher pourrait se tenir un Korrigan ou un groupe de … Nuglubs. Ils sont d’ailleurs fréquemment vus à quelques lieues plus loin au Nord, dans les rochers et un réseau de tunnels impossibles à nettoyer une fois pour toute. -------------------- A mi-chemin entre créature végétale et Satyre, gardien de Féérie.

Au fur et à mesure qu’ils s’écartaient de la Citadelle, le Gardien se faisait plus soucieux, alerte. La protection du LeShay de ses terres ne devait pas rendre impossible une incursion belliqueuse –sans quoi Serana en aurait déjà fait les frais.
Le Voltigeur retrouva sa place sur l’épaule d’Arakh, comme s’il avait toujours été là, occasionnant un surpoids si faible que la Hyène aurait pu le chasser comme une gêne sur son épaule, sans s’en rendre compte.
Les oreilles de Kaemon étaient dressées, son pas léger et pas seulement de ne pas avoir sa charge habituelle, Adhémar n’avait aucune raison de s’inquiéter pour son fidèle ami qui vivait l’instant avec … un certain plaisir.

Le décor était en place, une compagnie on ne peut plus hétéroclite traversait un territoire féérique traversé par une longue route bordée de bosquets, d’arbres auxquels étaient suspendus d’étranges et gigantesques nids, des passerelles entre certains, rares, des terriers assez grands que pour y accueillir une centaine d’occupants… De temps à autres, un être fée croisait leur route mais de ce qu’ils purent en juger, aucun ne les regarda directement. Ils saluaient pour la plupart le Gardien, quand ce n’était pas le contraire, mais rien ne vint gâcher leur traversée du territoire du LeShay. Les animaux jouaient sans crainte, les oiseaux chantaient en réponse au vent dans les feuilles de chênes millénaires.

Des pixies, une nymphe qui força les hommes à s’arrêter sans qu’ils puissent rien y faire, et un bosquet entier de Dryades qui permit à chacun l’ayant rencontrée de se rendre compte à quel point la petite Créature maudite du bois n’avait plus rien à voir avec cette race gracieuse à la chevelure de fines feuilles couvrant peu ou prou des corps parfaits qu’on aurait pu croire elfiques si leur peau ne présentait une texture végétale évidente et une teinte de liège clair.

La frontière se dessina bientôt devant eux. Sombre, sauvage et vide en comparaison de la luxuriance qu’ils quitteraient bientôt. Ils retrouveraient une forêt dont ils auraient douté qu’elle se trouve toujours en Féérie. A la limite de leur vision, ils se rendirent compte qu’entre les arbres se dressaient de temps en temps des éperons de roche, des rochers effleurant et déchirant la terre, et toujours, vers le Nord, une route bien tracée.

Les quatre comparses embarqués dans cette histoire improbable formaient décidément un drôle de groupe. Amis aujourd’hui ennemis demain ? Personne ne pouvait connaître le destin à part les devins mais une chose était sûre et certaine dans l’esprit du croisé : quand l’un d’eux mettrait la main sur cette soit disant graine aux pouvoirs immenses, la trahison ne serait pas loin.

Si cette graine avait tant de valeur que ça, nul doute que Melkiot ou Arakh essayeraient de là dérober pour ensuite s’en servir ou la revendre ! Nul doute que Serena tenterait de la garder pour exaucer ses souhaits ! Et nul doute encore que le croisé tenterait de la conserver également pour son ordre religieux ! Toujours est il qu’ils devaient faire équipe et rester soudés. Oui mais combien de temps ?

Le Gardien emmena donc le quatuor au-delà de la Citadelle jusqu’à la frontière qui semblait séparer le monde féerique du monde des ténèbres. Contemplant cette forêt gigantesque avec attention, Adhémar se demanda au même instant quels obstacles pourraient bien se mettre sur leur route et quelles aventures ils allaient bientôt vivres ?

Les bras sur les hanches, la hyène posait un regard défait sur le paysage qui leur faisait face

- " Mouais, ça fait pas rêver tout ça. "

sa main gauche empoigna sa hachette, tandis que sa main droite caressa un instant le pommeau de sa lame avant de la dégainer dans un tintement cristallin.

- " M'est avis qu'vous aurez plus besoin d'ça que d'ma louche " D'une rapide torsion du poignet il fît tournoyer sa hache - " T'es déjà venu dans le coin ma jolie ? " Son regard se posant sur la petite créature, qui toujours à ses côté, semblait particulièrement attentive dès lors qu'ils avaient atteint la frontière de son monde.

Son regard se posa sur chacun de ses compagnons avant de fixer Melkiot

- " Bon ma princesse, c'est ta faute si on est fourré içi, nan ? Maintenant va falloir te sortir les doigts du fion et nous emmenait récupérer cette satané graine "

La demie-dragonne restait désormais muette, concentrée sur ce qui lui faisait face. Lorsque les premières fées avaient surgies, elle avait senti leurs regards s'appesantir sur elle. Même la faiblesse des esprits de ses compagnons face à la nymphe ne lui avait pas arraché un sourire. A vrai dire, dans une terre d'illusions et d'enchantements, ce genre de faiblesses pourrait leur être fatal. Elle écouta ce que dit leur guide ce qui ajouta à ses ruminations.

Elle s'était plongée dans ses souvenirs. Les heures passées dans les bibliothèques de Lunargent, dans le Hall de l'Inspiration - avec l'autorisation des oghmites - parfois au Collège, pour enrichir sa connaissances des mondes extérieurs. Les interminables discussions avec les bardes de Padhiver sur la nature et l'histoire des dragons. Les conseils aussi excentriques que sages des savants du Lantan. Et les altercations brutales entre sa connaissance instinctive des desseins du Chevaucheur et les salmigondis cléricaux de ses collègues... Mais rien ne l'avait préparée à ça. Perdue au milieu de la Féérie, en compagnie d'un fanatique de la vengeance, d'un arcaniste douteux et d'un cuisinier apparemment aussi vulgaire que courageux... ou stupide, elle ne savait pas encore. Elle savait, et appréciait la puissance de l'union, mais la situation lui échappait. « Les carrefours mènent bien des êtres différents vers des buts convergents » disait Swan, l'un des rares prêtres avec qui elle s'était jamais réellement entendu.

Elle était sans conteste rendu à un carrefour. Et un autre viendrait lorsque la graine serait sous leur nez. Mais le chemin à suivre serait alors bien plus simple : soit elle pourrait utiliser cette graine pour mettre fin à la dracorage, soit elle s'arrangerait pour la détruire, quand bien même cela la condamnerait à rester ici. Hors de question qu'elle tombe entre les mains de l'un des trois autres, ou pire, d'un roi ou d'une reine des fée.

Lorsqu'ils arrivèrent en vue de la sombre forêt, elle sut ce quelle voie suivre pour le moment : collaborer avec les autres était la seule solution. Elle était généralement affable et diplomate, et elle pourrait sûrement l'être tant qu'ils n'éveilleraient pas sa colère. Elle écouta la remarque du cuisinier à l'attention de Melkiot, ce qui réussit à lui faire esquisser un léger sourire. Son ton et son parlé était celui des tavernes, ça lui rappelait Faerun.
Sans intervention supplémentaire, elle prit en main le pommeau de cuir et d'airain de son épée et la fit glisser de son fourreau. L'acier blanc luit d'une lumière glacée. Elle posa le plat de la lame sur son épaule.

- Qu'est ce que sont les nuglubs ? J'imagine qu'ils ne doivent guère être recommandables si ils servent la Reine, mais j'aimerais autant en savoir plus.

Melkiot répondit à la remarque d'Arakh.
"Ben à mon avis si t'es ici c'est un peu la tienne aussi, non ? Pis la princesse tu sais ce qu'elle te dit !"
Il aimait pas ces manières à celui là puis il regarda leur gardien qui semblait soucieux.
"Désolé mais j'ai pas peur du pouvoir des noms pis de toute façon si on veut aller plus loin on va forcément avoir à combattre donc, je..."
Il s'interrompit et s'arrêta quelques instants lorsqu'il vit une nymphe à quelques mètres d'eux.
*Comment une créature peut être aussi belle ?*
Ils croisèrent aussi un groupe de dryades qui les observaient, il les regarda tout en inclinant la tête à leur encontre.
*C'est bizarre comment la petite femme bleue peut être aussi différente qu'elles ?*
Il reprit sa route, rattrapant ses compagnons, ils étaient désormais arrivés vers un autre type de paysage qui tranchait largement avec ce qu'il quittait, tout était plus rocailleux et vide, il semblait que cette contrée n'annonçait rien de bon. Melkiot déglutit et continua à avancer.

La petite créature sur l’épaule d’Arakh se secoua de la tête au pied pour lui répondre que jamais elle n’avait franchi la frontière du territoire du LeShay. Elle n’avait pas l’air plus inquiète que nécessaire, balançant ses petites jambes, assise sur l’épaule du cuistot.

Son attitude changea du tout au tout quand Serana sortit sa lame du fourreau, elle se mit à cracher comme un chat, à la différence qu’aucun son ne sortait de son petit visage, ses mains minuscules accrochées à l’épaule de son ami, les ailes battant à toute vitesse, en proie à … la peur ?
Se remémorant les événements de la veille, la dragonne se souvint que les petites créatures étaient apparues alors qu’elle avait déjà remis sa lame au fourreau.

Gardien féérique

- C’est ta lame demi-dragonne. Les Voltigeurs peuvent reconnaitre les Fléaux des Fées quand elles les voient. Ta lame n’a rien d’une épée ordinaire, tu le savais n’est-ce pas ? Les Nuglubs sont des enfants de la nuit corrompus à l’extrême par la Nuit de leur Reine à leur ôter la raison, à tordre leurs corps et leur esprit. Ils étaient Gremlins avant. Depuis, ils détruisent de rage ce qu’ils ne peuvent plus construire de leurs doigts tordus, le métal en premier, par le feu et l’éclair de leur magie honnie. Le Gardien gardait une distance avec la frontière tangible, laissant les aventuriers s’en approcher pour découvrir ce qui les attendait. - Je vous souhaite bonne chance, vous en aurez besoin. Continuez vers le Nord, et écouter autour de vous. Cette Graine réveille mêmes des esprits endormis. Et n’écoutez pas les pleureuses, jamais, puisque la réussite de votre entreprise concerne les nôtres autant que les vôtres. -------------------- A mi-chemin entre créature végétale et Satyre, gardien de Féérie.

Après les avoir salué une dernière fois, il se fondit dans les arbres et disparut. Aucune trace ne laissait présagé qu'il avait jamais été là.

Serana haussa un sourcil et regarda sa lame. Ainsi son père avait deviné que ce genre d'ennemis pourraient un jour apparaître sur sa route. Voilà qui lui ressemblait bien ! Et bien, quand bien même c'était inattendu, elle n'allait pas cracher dessus. Une arme dite Fléau des Fées lui serait plus qu'utile pour sortir vivante de ce plan. Pourvu qu'elles puissent affronter ses ennemis à armes égales, bien entendu. Ses yeux s'adaptèrent rapidement à la pénombre de la forêt qui s'étendait devant eux. Les voilà seuls désormais, sans guide, ils allaient devoir trouver leur chemin. Elle aurait donner cher pour avoir emmené un rôdeur ou un éclaireur avec elle. Mais ils allaient s'en sortir tout de même.

- Bien, inutile d'attendre plus longtemps, je suis certaine que nous aurons tout le loisir de discuter stratégie en route. Allons y.

Sans attendre de répondre elle commença à avancer. Ils suivraient le Nord jusqu'à ce que quelqu'un ou quelque chose éveille leur intérêt. Marchant à un pas égal, elle ouvrit ses sens et appliqua le dernier conseil du gardien féérique. Si la Graine pouvait tout réveiller, alors il y avait de forte chance que le mal les attrapent sans tarder.

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Perception et Survie (+0 ) on sait jamais, sur un coup de dé chanceux !

Le chevalier n’avait pas du tout prêté attention à la petite fée posée sur l’épaule du cuistot. Il l’avait bien remarqué mais n’en avait que faire. Ce fut simplement lorsque Serena sortit son immense épée que cette petite créature commença à se faire remarquer par le croisé. ¤ Cette fée a peur de la lame de la demi-dragonne ¤ Pensa subitement le jeune homme. Et les paroles du gardien confirmèrent rapidement les pensées d’Adhémar. Cette arme était somme toute impressionnante mais pas ordinaire. ¤ Ce genre de lame pourra sans doute nous être utile ? ¤ Pensa le chevalier.

Puis suite à la déclaration de la jeune femme, et se doutant qu’ils allaient sans aucun doute croiser de nombreuses menaces sur leur chemin, le représentant d’Hoar déclara : - « Oui, en effet ! Il est temps de partir d’ici ! De toute façon je suis persuadé que cette lame servira tôt ou tard ? Compagnons ! En route ! »

La jeune femme avait déjà prit les devants. C’était plus sûr pour toute la petite troupe. Elle avait les sens bien plus affûtés que les trois autres membres du groupe. Qui plus est elle était bien plus forte qu’elle ne le laissait paraître. C’est donc avec Kaemon à ses côtés que le croisé s’engagea à la suite de Serena.

Melkiot vit leur gardien disparaître dans un arbre puis deux de ses compagnons prirent les devants, il se mit donc entre eux, laissant le rustre prendre l'arrière, au moins entre deux flancs il ne risquait pas de prendre un mauvais coup.
Il se mit en marche et réfléchit aux paroles que le gardien avait dit avant de s'en aller.
*Ne pas écouter les pleureuses ? Qu'est ce que ça peut être ? Pis ces enfants de la nuit ? Des éclairs, ben si j'ai pas d'éclairs moi ben ils vont goûter à la nécromancie.*
Il sourit, il était prêt à en découdre et nul doute qu'il aurait à utiliser sa magie tout le long de ce voyage.
"Bon, je reste vers l'arrière, pour pouvoir lancer mes sorts."
Ils étaient tous prêts, leur position semblait bien à Melkiot, les guerriers devant et lui derrière, de toute façon il était pas de taille à aller au contact.

MELKIOT, SERANA, ARAKH & ADHEMAR

Les aventuriers reprenaient la route derrière la demi-dragonne et son Fléau. Le Voltigeur tirait l’oreille d’Arakh à chaque fois qu’au hasard de leur marche le cuistot s’en approchait trop à son goût.

Adhémar la suivait directement, sa monture ne montrant aucun signe d’une telle répulsion et toujours ravie de l’absence de charge sur son dos. Pour les bras du représentant d’Hoar s’était autre chose, tant qu’il serait chargé de la sorte, il ne pourrait participer à … rien, et finirait par souffrir de cette surcharge s’ils gardaient le pas rapide qui convenait à leur mission. Déjà sentait-il ses biceps lui réclamer une trêve et il n’était pas rare qu’il doive changer de position pour éviter une crampe. Maintenant qu’ils quittaient le domaine du LeeShay, il était peut-être temps de se défaire de sa charge.

Melkiot suivait en queue, même si Arakh n’appréciait certainement pas tant que le Magicien –auquel il accordait une confiance ‘limitée’ soit dans son dos et que, de son expérience, la place de queue était celle qui prenait le plus vite une flèche par surprise quand l’embuscade se referme, celle qui devenait la cible des prédateurs qui cherchent à se saisir du plus faible d’un groupe. La Hyène connaissait autant qu’il comprenait l’ordre de marche des meutes de loups, il savait que la dernière place était celle de l’Alpha, le plus à même de survivre à une attaque et à même de s’assurer que le groupe ne s’étire pas.

Le Magicien était confiant, dans cet endroit c’était peut-être leur plus grande force, la peur leur plus grande ennemie. L’inconnu serait partout, tout le temps.

Il eut une pensée fugace par rapport aux Pleureuses de leur dernière mise en garde, plus une histoire pour faire peur aux enfants qu’autre chose, d’une femme hantant un ancien lavoir, un linceul ensanglanté dans les mains, drapée dans un manteau sombre, pleurant la mort prochaine de celui qui venait s’en inquiéter. Voilà ce qu’il devait craindre ici, que chacun des comptes prenne corps, que leurs peurs ancestrales et autres terreurs d’enfants se retrouvent sur leur chemin.

Tout à leurs réflexions, plus ou moins inquiets et attentifs, ils évoluaient dans une forêt qui se clairsemait pour devenir de plus en plus rocailleuse. Les croassements de corbeaux avaient remplacés les chants joyeux des bergeronnettes.

Devant eux, la route se scindait en deux, un chemin descendait lentement, sans doute pour rejoindre une rivière, quelque part en contrebas à leur droite, celui de gauche restait au même niveau sans plus être rectiligne comme si un obstacle aujourd’hui disparu avait forcé ceux qui avaient tracé la piste devenue route à changer de direction.