Chapitre II : La route vers le Fort, Chapitre II : La route vers le Fort

Alors que l'ensorceleuse eflique admirait la chorégraphie des flammes lécher le bois, le braillement de la mule la tira de son repos rêveur. Tout le monde semblait sur le qui-vive, lui procurant un certain sentiment de sécurité. La question était maintenant simple : qui ou quoi venait perturber leur repos ? Si c'était un ennemi, il aurait probablement profité d'un effet de surprise. Peut être qu'il ne s'agissait que d'un simple rôdeur qui voulait qu'on partage la chaleur de leur feu avec lui ? Ou alors le feu avait arrêté la progression d'une attaque car nombreuses créatures avaient une peur naturelle envers cet élément. Elle se dressa sur ses pieds pour se préparer à toute éventualité. La moniale avait pris les devants pour s'enquérir sur l'identité de la silhouette étrange. Elle la laissa faire, approuvant sa réaction car si elle était prête à déclencher toute sa magie sur un agresseur, elle s'interdisait de leur faire sur un innocent ou une créature sylvestre.

¤ Une peau verte, silhouette courbée....ça ne peut pas être un troll...¤

Le front de la belle lunaire se plissa. Elle venait d'envisager une éventualité qui ne lui plaisait guère et espéra d'être dans le faux sinon tous encourraient un grave danger. Elle se baissa pour ramasser un morceau de bois partiellement enflammé, pour s'en servir comme une torche. Elle hésita à activer immédiatement un sort défensif mais se retint pour garder intact toutes ses ressources. Son compagnon divin serait la protéger de toute façon en ultime secours.

S'il s'avère qu'on rentre dans un combat, elle active la protection de son compagnon divin avec un bonus de CA de +4

Parcourir les Royaumes sans qu’aucune rencontre ne vienne la colorer était une ineptie sur laquelle aucun des aventuriers, quelque fut son expérience, ne comptait jamais. Les rencontres donc en faisaient partie intégrante autant que les lieues parcourues et les lunes nécessaires à atteindre un objectif. Et puis l’autre. Jusqu’au suivant.

Là où les avis et positions divergeaient en fonction de l’expérience ou de la santé d’esprit des aventuriers en question, c’était lorsqu’il était question de la nature souhaitée de ces rencontres. Prudence criait de considérer chacun comme un adversaire probable alors que bien souvent, elle l’était par trop et une agression systématique se révélait quelque fois une erreur de taille.

La compagnie regroupée sous le couvert de la bergerie restait à l’écoute, derrière un Maquar protecteur et une Moniale qui préférait prendre les devants par la parole plutôt que de profiter d’un effet de surprise dans un assaut martial.

Braz’ah As’Hyars.

- Etranges les étrangers qui profitent de mon bois et me demandent si je suis égaré. Je suis Braz’ah As’Hyars. Et vous étrangers ? Vous cherchez un abri pour la nuit et un peu de chaleur ? -------------------- Juste une ombre dans la nuit

L’humanoïde avait gardé une distance de convenance. Rien dans son attitude –à part peut-être de paraphraser strictement Célestia- ne pouvait être considéré comme une marque d’agressivité. Ceux d’entre eux qui avait déjà eu l’occasion de croiser un membre du peuple homme-lézard sur leur route pouvait en reconnaitre l’accent reptilien sans peine, ceux qui parlait la langue des dragons y reconnaitre certaines intonations.

Braz’ah As’Hyars.

- La nuit tombe vite en cette saison, vous avez raison, mais moins vite que cette pluie froide … quelqu’un a du fâcher un dieu. Vous êtes armés je vois. Je ne cherche pas le combat mais laissez-moi m’abriter … chez moi. Nous pourrons parler. Si vous voulez. -------------------- Juste une ombre dans la nuit

L'elfe de lune écouta la conversion avec attention. La situation lui parut des plus étranges. Elle se méfiait des hommes lézards, réputés pour être des prédateurs cruels et sauvages, même si les réputations étaient parfois infondées. Au moins, il ne s'agissait pas d'un troll...

Elle prit la décision de prendre les devants. Elle avait ce petit quelque chose en elle qui rendait les discussions plus douces et apaisantes.

- Je vous en prie, rentrez, faîtes comme chez vous...Nous sommes désolés d'avoir emprunté cet endroit sans votre autorisation mais nous pensions l'endroit abandonné. La violence de la pluie nous a surpris. Nous attendons le moment propice pour reprendre notre chemin. Veuillez excuser cet accueil "armé" mais la prudence dans des terres sauvages et inconnus est toujours de mise.

Elle jeta un regard à ses compagnons, en faisant également un signe de main d'apaisement pour qu'ils se détendent et n'envoient pas aux quatre enfers le pauvre homme lézard.

- Je me présente également : mon nom est Azur'ael Ombrelune.

Sahadeva se détendit quelque peu en entendant les propos de la créature qui tentait de s'approcher de leur feu : l'histoire lui semblait crédible et pouvait parfaitement expliquer le comportement de l'ombre mystérieuse.

¤ S'il dit vrai, il est dans bon son droit et nous sommes les intrus qui nous sommes imposés dans son repaire. Heureusement que nous n'avons pas fait preuve de précipitation excessive... La prudence est mère de toutes les vertus.¤

C'est avec plaisir que le Durpari entendit qu'Azur'ael accueillait la créature auprès du feu car cette attitude lui semblait à la fois juste et sensée.

Le Maquar était cependant d'un naturel circonspect : bien que cela soit peu probable, il pouvait s'agir d'un nouveau piège qu'on leur tendait. Reculant de quelques pas pour se placer à hauteur de ses compagnons, il baissa son arme et son bouclier en signe de bonne volonté, tout en les gardant cependant bien en main. D'un ton qu'il espérait conciliant, il déclara :

- Quant à moi, je suis Sahadeva, fils de Bûna. Nous ne vous voulons en effet aucun mal. Si c'est là votre bois, veuillez excuser notre intrusion et venez donc vous réchauffer auprès du feu...

Célestia salua l'homme à la manière du monastère, les mains jointes, doigts emmêlés et appuyées contre le sternum. Elle s'inclina légèrement et se présenta à son tour.

-Mes excuses noble voyageur. Vous nous voyez ravis de vous avoir en notre compagnie. Je me nomme Célestia. Je ne sais pas si la pluie est due à une colère divine mais en tout cas elle est survenue soudainement et nous avons du parer au plus pressé. J'imagine qu'il est difficile de progresser sous cette averse sur les routes. Mais peut-être connaissez-vous bien mieux la région que nous autres ? Et bien entendu nous remettrons votre logis dans le même état que nous l'avons trouvé.

La moniale était hésitante sur cette homme. De la région d'où elle venait, si quelqu'un s'était introduit chez vous, il ne fallait pas attendre longtemps avant qu'une bagarre n'éclate. Ici peut-être que la différence de nombre en sa défaveur avait calmé les ardeurs du voyageur. Ce qui l'intriguait quand même était l'absence de signes distinctifs sur l'abri en question. Elle resta prudente dans son attitude avec ce dernier ne sachant pas vraiment s'il était digne de confiance ou non. Dans le doute elle le laissa parler avant de se faire une idée définitive sur lui. Elle reprit sa place près du feu tout en gardant un œil sur cet homme venu de nul part.

-Mais dites nous en plus sur vous. Comment vous êtes vous fait surprendre par cette pluie torrentielle et inattendue ? Auriez-vous le privilège d'entendre la voix des dieux ?

Tout le monde réagit rapidement à l’annonce de l’homme-lézard. Le sang bouillonnant déjà dans les veines du barde, il dut se concentrer pour reprendre ses esprits. Bien qu’il soit heureux de ne pas devoir combattre dans un temps pareil, une partie de lui est toujours prête à en découdre.


Ses compagnons ayant déjà invité l’homme-lézard à les joindre, il reprit sa place auprès du feu, prenant une branche pour attiser les flammes. D’ailleurs, il lui passa à l’esprit à savoir pourquoi n’y avait-il aucune trace d’habitation?

¤Nous avons toujours l'avantage s'il s'agit d'un mensonge pour s'approcher de nous...Je crois que les autres ne baisseront pas leur garde aussi facilement¤

Se félicitant d'avoir déjà confiance en son nouveau groupe, Vieltal se dit qu'il n’avait jamais eu affaire à un homme-lézard de près ou de loin… Il savait qu’ils étaient dans la région mais ne doutait pas en voir un en cette journée. Ces êtres n'étaient pas d'un naturel jovial et sympathique...Du moins c'est ce qu'il en savait. Peut-être son opinion changerait-elle après une discussion avec celui qui s’avançait.

Braz’ah As’Hyars fendit le rideau de pluie froide comme une buche emportée par le courant, glissant de manière fluide au travers des gouttes sur la clairière herbeuse. Il allait vite, préférant s’abriter avant de répondre aux aventuriers qui s’étaient montrés d’une diplomatie sans faille, par réserve comme pour Vieltal, ou même de se confondre en excuse dans une attitude pleine de respect comme pour Célestia qui faisait honneur à son rôle d’ambassadrice pour le Monastère.

La mule semblait rassurée que l’ombre verte se soit identifiée et qu’elle s’approche dans une démarche naturelle, comme si les éléments déchainés n’avaient pas d’impact sur elle.

Franchissant la dernière épaisseur de rideau de pluie qui le séparait des aventuriers, l’homme-lézard abaissa sa capuche, secoua ses épaules et sa puissante queue reptilienne en évitant de tremper ces « invités ». Il était aussi musculeux que les individus les plus puissants de sa race mais semblait fatigué, affecté par le froid plutôt que la pluie comme le comprenaient les aventuriers sachant qu’il partageait le sang froid de ces cousins animaux.

Braz’ah As’Hyars.

- Je n’entends pas les dieux, Célestia, ni les Esprits même si parfois ils me guident. J’attendais cette pluie, les nuages sont bavards quand on sait les entendre, mais pas que vous soyez là, de ça ils ne parlent pas. Oui, je connais la région. D’ici au marais. Et les abris que personne ne trouve jamais … sauf Célestia, Sahadeva fils de Bûna, Azur'ael Ombrelune et leur ami. -------------------- Juste une ombre dans la nuit

Ce qui suivit devait ressembler à un rire, difficile à identifier. Il se réchauffait les mains, bras tendus vers le feu dont il admira la taille et la forme peu gourmande en combustible.

Braz’ah As’Hyars.

- La pluie s’arrêtera avant que la nuit ne passe mais si vous attendez ce temps-là, vous ne trouverez pas de halte d’humain avant qu’il ne fasse trop noir pour votre mule. Vous devriez vous mettre à l’aise. -------------------- Juste une ombre dans la nuit

Aucun n’était vraiment doué en la matière mais il leur semblait à tous qu’à défaut d’être franchement amical ou sympathique, le reptilien était franc et partageait une certitude, sans arrière-pensée évidente.

-Nous l'étions déjà.

La moniale se demandait comment un homme, si on pouvait encore parler d'homme, pouvait voyager seul et de nuit dans les marches d'argent. Elle se rappela ses premiers temps hors du monastère et son voyage jusqu'à la ville de Sundabar. Il en avait coulé de l'eau sous le ponts depuis ce temps là. Elle avait perdu beaucoup de compagnons et fait encore plus de rencontres étranges dans ces contrées qui ne demandaient qu'à être explorées. Elle se rappelait son enfance et le choix qu'elle avait fait de partir loin, très loin, de chez elle. Elle ne regrettait rien et était même presque heureuse de l'avoir fait. Un jour peut-être elle reviendrait dans sa région revoir sa famille. Cela serait un autre combat d'une certaine manière. Peut-être même le plus terrible des combats qu'elle devrait mener. Cependant, il y avait quelque chose de sûre qu'elle savait. Personne n'osait s'aventurer seul dans les régions isolées la nuit, même si c'était sur une route connue et fréquentée. Personne sauf les fous, les bandits, les créatures nocturnes, les ermites et ceux qui avaient une bonne raison pour qu'ils restent isolés et tranquilles. Célestia se demandait à quelle catégorie pouvait bien appartenir cet invité de dernière minute.

-Puisque nous en sommes à faire connaissance et puisque la géographie de la région n'a aucun secret pour vous, il faut avoir beaucoup de courage ou alors d'excellentes raisons pour se promener seul dans un endroit aussi isolé. N'est-ce pas un peu risqué de votre part ? Surtout par ce temps là.

Elle n'ajouta pas inconscient en plus car après tout, bien des créatures habitantes des marches d'argent pouvaient être qualifiées de dangereuses et non pas d'inconscientes quand on les rencontrait sur ces terres. Elle avait remarqué toutefois que le mot humain prenait une tout autre signification dans la bouche de cet homme. Elle ne saurait dire s'il les craignait, les dégoûtait ou bien s'il y mettait une toute autre signification mais elle trouvait cela très spécial.

Sahadeva observa avec curiosité l'homme-lézard tandis qu'il s'approchait puis qu'il s'installait parmi eux. Le Durpari n'avait jamais eu l'occasion de fréquenter ce genre de créature et ne savait pratiquement rien à leur sujet. Mis à part quelques halfelins venus de Luiren et bien évidemment des humains, il n'avait en effet pratiquement pas été en contact avec les autres races d'humanoïdes de Féérune.

Le guerrier était donc intrigué et n'avait donc aucune idée préconçue au sujet de leur nouveau compagnon. Il s'interrogeait sur l'attitude à adopter à son égard : relâcher sa garde ou continuer à se montrer prudent et méfiant ? Dans le doute, il décida de faire preuve d'une attitude intermédiaire. Déposant son bouclier et s'asseyant auprès du feu mais conservant son cimeterre dégainé, Sahadeva souhaitait pouvoir se saisir immédiatement de son arme, qu'il s'était contenté de poser à même le sol.

Calme, il laissa Célestia engager la conversation avec la créature et se contenta d'observer la scène, prêt à agir en cas de problème.

¤ Il y a bien longtemps que je ne me suis plus totalement "mis à l'aise" et ce n'est pas dans un endroit tel que celui-ci que je le ferai... ¤ pensa-t-il tout en regardant l'homme-lézard.

L'elfe de lune laissa son regard émeraude se perdre dans les flammes. Elle écouta la conversation, songeuse. Elle se méfiait en effet des écailleux comme la peste. Elle cherchait dans les mots de l'homme lézard des petits indices qui auraient pu révéler ses mauvaises intentions. Mais pour l'instant, elle ne pouvait que constater le néant. Pourtant son sixième sens lui disait qu'elle avait laissé le loup entré dans la bergerie. Ce qu'elle ne comprenait pas, c'était comment cette créature s'était retrouvée seule dans ces marais. Son espèce menait plutôt une vie tribale. Serait-il un paria ? Aurait-il commis un crime grave qui l'aurait exclu de son clan ? Ou alors c'était simplement un éclaireur venu espionner leur force et leur nombre...

Elle lâcha un léger soupir comme pour chasser ses pensées noires. Peut être qu'il fallait trouver dans cette rencontre une opportunité à saisir. Il disait connaître la région et les abris que personne ne connaît. C'est vrai que s'ils avaient un excellent guide pour les mener au cœur du marais, cela augmenterait leur chance de réussite. Elle se retint de sourire lorsqu'elle entendit la question de Celestia qu'elle trouva fort juste. Elle n'était pas la seule à partager ses doutes et interrogations. Elle opta pour une approche franche et directe.

- en effet, vous n'appartenez pas à un clan ou à une tribu ? Comment se fait-il que vous retrouviez seul ici ?