Chapitre II : La route vers le Fort, Chapitre II : La route vers le Fort

Les quatre compagnons et leur mule s’approchaient de la bergerie. A moins de cent mètres, elle devenait totalement invisible derrière une bande de sous-bois touffus. Aucun sentier ne semblait y mener, laissant supposer qu’il devait autrefois en exister un autre la reliant à une route parallèle ou que celle-ci était plus ancienne encore que la route de commerce pour que la nature l’ait fait totalement disparaitre, même de près.

Tous leurs sens aux aguets comme si le moindre abri devait être le repère d’un ennemi, ils arrivèrent à ce qu’ils pouvaient estimer être son niveau. Aucun nœud de la Toile n’était visible à Azur’ael, aucun son, aucune odeur suspecte, rien qui puisse leur laisser penser que la présence de cet abri tenait d’autre chose que de la providence.

Se faufilant entre les branches basses, au travers des buissons trempés dont leurs bottes les protégeaient efficacement. Ils durent tirer l’animal qui ne semblaient pas apprécier l’idée de s’enfoncer de la sorte. La pluie les avait retrouvés tandis qu’ils découvraient le mur, à moitié effondré, que la moniale avait repéré. Le contournant, il découvrirent un abri formé de guère plus que deux murs en angle recouverts d’un vestige de toit qui les protégerait mieux que les arbres de la pluie qui tombait soudain dru. Face à l’ouverture, la végétation était moins dense et moins haute, presque dégagée sur près de dix mètres en une sorte de clairière.

De lourdes gouttes d’eau glacée se faufilaient au travers du toit de pierre, nourrissant une petite flaque qui prenait corps au milieu d’eux. Deux grosses branches, probablement arrachées par le vent, profitaient de leur abri et pourrait leur servir à faire du feu s’ils le souhaitaient. Face à eux, les branches des arbres se secouaient avec une puissance grandissante. Il tombait des cordes, d’une averse qui les aurait trempé, protégés ou pas. La distance ne leur permettait pas d’avoir la moindre perception de la route mais chacun pouvait imaginer comme les derniers marchands croisés devaient maudire le mauvaise fortune.

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L’abri fait 4m/3m, le toit en couvre les 3/4. Le plan c’est juste en test, considérant que le quadrillage fait 50cm/50cm. La route est au-dessus, 50m plus loin. L’ouverture est vers le bas, vers cette espèce de clairière.
Les conditions météos sont telles que vous souffrez d’un malus de -4 aux jets de Détection, Fouille et Perception auditive, idem pour les attaques à distance. La visibilité est réduite de moitié (sans effet ou presque, il fait jour).

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Le climat se dégradait de plus en plus et le Maquar commençait à avoir du mal à distinguer ce qui se passait dans les environs. Observant la nature déchaînée, il se dit que la pluie et le vent violent laissaient présager une tempête et qu'il valait mieux s'arrêter en attendant que les conditions climatiques s'améliorent. C'était certes une perte de temps mais il semblait plus sage de marquer un arrêt : ils n'avanceraient de toute manière que lentement dans ces conditions et ne pourraient se reposer tranquillement la nuit venue si leurs effets étaient trempés.

L'endroit semblant relativement sûr, Sahadeva raccrocha son chakram à sa ceinture et proposa à ses compagnons:

- Je pense qu'il vaut mieux s'arrêter un instant, le temps que l'averse se calme. Nous n'avancerons pas bien vite dans ces conditions, autant faire une courte étape ici.

Le guerrier attendit la réponse de ses compagnons. A la vue des banches, il songea à faire un feu (il avait le matériel nécessaire dans son sac). Prudent, peut-être à l'excès, il se dit que tout feu était un allié à double tranchant : il réchauffe les aventuriers et écarte les bêtes sauvages mais il a également tendance à attirer l'attention, en particulier celle des gens mal intentionnés. Le Durpari préférait endurer le froid que de prendre ce risque, aussi s'abstint-il d'en parler au groupe.

La pluie torrentielle réduisait les sens du barde. D’ailleurs, il dû s’approcher de son compagnon Sahadeva pour bien entendre son commentaire.

Aussitôt, il se mit à l’abri de cette pluie et inventa les compagnons à le rejoindre. Visiblement, ils ne pourraient pas continuer aujourd’hui et le groupe devait s’installer ici. Le barde prit même soin de déposer son sac et balaya la poussière et les résidus qui couvraient le sol pour s’y asseoir. Il lança alors :

- Nous devrions faire un feu… Par un temps pareil, il faudrait être plutôt téméraire pour oser s’en prendre à nous. Personne ne peut nous embusquer d’ici, aussi bien profiter d’un peu de répit. Nous pouvons même remplir nos gourdes!

Comme pour appuyer ses dires, le barde s’étira sans se lever, tendit sa gourde sous le trou d’où s’égouttait l’eau afin d’en recueillir. Une fois son récipient à nouveau plein, il en prit une gorgée puis raccrocha la gourde à son sac. Il s’appuya au mur de fortune, les mains derrière la tête.

Il était trempé de la tête aux pieds...mais en prenant une grande respiration, il ne pu que sourire. Ça sentait l'aventure, et c'était une odeur qu'il affectionnait particulièrement.

Sahadeva écouta attentivement les paroles de Vieltal qui proposait d'allumer un feu pour les réchauffer, une option qu'il avait déjà mentalement écartée. Tout en s'asseyant aux côtés du barde, il se permit de lui répondre :

- Je ne pense pas qu'allumer un feu soit une si bonne idée. Cela ne manquera pas d'attirer l'attention, surtout par ce temps... La pluie nous dissimule partiellement tandis qu'un feu permettra non seulement de nous repérer mais aussi de plus facilement nous viser, le cas échéant.

Le Maquar crut bon d'ajouter :

- Il est exact qu'il faudrait être audacieux pour nous attaquer dans ces conditions... mais nous avons déjà pu constater que nos adversaires, quels qu'ils soient, ne manquaient pas de témérité pour lancer un assassin en plein jour et en pleine ville contre un groupe de quatre aventuriers.

Sahadeva se dit qu'il était peut-être devenu excessivement prudent. Les chances qu'ils aient été suivis ou fassent une mauvaise rencontre étaient faibles. Mais il s'était fait surprendre à plusieurs reprises au cours des derniers jours, d'abord lors du spectacle de danse et ensuite lors de la tentative d'assassinat visant Célestia. Ces expériences, heureusement sans conséquences, l'avaient rendu plus vigilant et peut-être un peu trop précautionneux...

Assis, le Durpari se mit à attendre l'opinion de la moniale et de son employeuse sur la question.

Il fallait se faire une raison : aucun autre choix ne s'offrait à eux que celui de camper dans ce petit refuge de fortune. L'elfe de lune scruta tout de même le reste du toit avec circonspection. Elle préféra demander une expertise à ses compagnons car si elle savait déchaîner des orbes d'électricité, elle était loin de maîtriser des compétences en bâtisse et en architecture.

- Je me demande si ce n'est pas la Reine Garce qui déchaîne toutes les eaux contre nous... ou peut être que c'est un nain qui s'est improvisé chanteur ménestrel...

Elle esquissa un sourire, heureuse de son trait d'humour. A ses yeux, il était important de maintenir un esprit de convivialité dans le groupe même si elle tombait parfois dans une certaine nostalgie de sa Haute Forêt et de son sauvageon parti lui aussi en mission.

- Il faudrait tout de même s'assurer que le toit, ou plutôt ce qu'il en reste, ne va pas s'écrouler avec le vent ou le poids de la pluie. Concernant le feu, c'est une bonne idée. Il faut gérer chaque problème à la fois. Notre éventuel ennemi n'aura pas grand effort à faire si nous mourons tous de maladie et du froid. Et puis la pluie est si violente qu'elle forme un rideau qu'il cachera la fumée. Et puis il faudrait déjà réussir à allumer un feu...

Célestia avait commencé son examen des murs et du toit. Être à l'abri était une bonne chose mais encore fallait-il le rester. Elle s'assura de la solidité de l'ensemble n'hésitant pas à pousser légèrement les murs ici et là.

-Faire du feu avec ce temps ? Qui va arriver à trouver du bois sec de toute manière ? Entre la boue et le manque de visibilité, la pluie sera déjà finie que nous n'aurons toujours pas allumé le feu, du moins d'une manière conventionnelle. Quant à la lumière cela n'est pas gênant. Si nos ennemis doivent se montrer autant le faire tout de suite pour être tranquille après. Je n'aime pas trop cette partie de traqueur traqué, surtout quand on joue le rôle du traqué. En attendant restons au sec ça sera déjà ça de gagné et s'il le faut on se serrera, la chaleur humaine c'est aussi un bon moyen de ne pas avoir froid.

La moniale cherchait le côté fonctionnel des choses. Si un feu n'était pas possible, il fallait trouver autre chose. Il y avait bien la magie mais elle n'était pas une adepte de cet art et quand bien même elle avait appris à éviter de se fier exclusivement aux sortilèges. Si la magie était puissante, il n'en restait pas moins qu'elle était dangereuse et surtout sujette à son plus puissant maître. Elle était maître de son destin et de son âme. Même si elle sentait quelque chose au fond d'elle même. Quelque chose de l'ordre de la magie et de l'esprit, mais qu'elle arrivait à contrôler désormais. Était-ce pour cela qu'on les traquait ? Elle en doutait fortement, n'ayant pratiquement jamais fait usage de ce pouvoir. Mais on ne savait jamais. Maître Kolimar ne disait pas tout à propos de ce pouvoir. Un secret de plus à garder, mais un secret bien lourd.

-Attendons que la pluie s'arrête et nous repartirons ensuite. En attendant, nous pouvons toujours discuter entre nous.

C'était la blague du jour de Célestia, elle qui n'aimait pas parler. Surtout pour ne rien dire.

Joinon – ou l’un de ses confrères Barde Vigoureux- y est-il plus pour quelque chose que la Reine Garce dans le déchainement des éléments dont les aventuriers avaient à souffrir ? Il eut été difficile de le dire. Ce qui était sûr, en tous cas, c’est que les vannes du ciel étaient grandes ouvertes et que la pluie glacée qui leur tombait dessus aurait eu raison d’eux avant quelque ennemi que ce fut.

La question du feu fit débat peu de temps. Du bois sec résistait aussi bien que les vestiges de mur qui les entouraient, le morceau de toit leur semblant figé par le temps. Fort du consentement de l’Elfe, de ce qu’il prenait pour un défi de la part de la moniale et quitte à contrarier le Maquar, Vieltal eut vite fait de faire naître une belle flambée d’un feu contrôlé de près d’un mètre de diamètre. La flaque au milieu d’eux avait fait naitre une petite rivière qui s’écoulait vers la clairière. Leur mule se mit contre le mur, réconfortée par l’abri mais visiblement inquiète par autre chose …

Ses oreilles se dressèrent et ses yeux roulèrent dans ses orbites…

Était-ce une ombre qui s’approchait d’eux en lisière de l’espace herbeux ou un jeu d’illusion d’optique causé par le vent et le rideau de pluie ? Difficile à dire jusqu’à ce que l’animal ne se mette à braire et qu’aussitôt l’ombre –qui était visiblement plus que ça- s’immobilise.

Ce devait être un humanoïde, vouté. Difficile à dire s’il était vêtu ou pas à cause de la pluie mais il arborait une couleur vert profond qui lui accordait un camouflage presque parfait si la pluie n’en découpait le contour.

Contrairement aux recommandations de Sahadeva, ses compagnons avaient allumé un feu pour s'éclairer et se réchauffer. Le Maquar n'était pas quelqu'un de vindicatif ou de rancunier, aussi s'était-il contenté d'adapter son comportement à la situation : craignant que le feu ne leur attire des ennemis, il avait décidé de redoubler de vigilance...

Si le guerrier s'était assis pour reposer ses jambes, il conservait en permanence sa main sur le manche de son cimeterre, prêt à le dégainer en cas de problème. De même, il avait placé son bouclier à côté de lui de manière à pouvoir l'empoigner d'un seul geste. Concentré, il n'avait pas dit un mot depuis que le feu avait été allumé, préférant être aux aguets du moindre bruit suspect.

C'était alors que la mule s'était agitée et qu'il avait discerné la forme voûtée qui s'avançait vers eux.

¤ Cette démarche est hautement suspecte, jamais un voyageur en quête d'un peu de chaleur ne s'approcherait de la sorte. On dirait que les ennuis vont commencer...¤

Sahadeva désigna l'ombre du doigt à ses compagnons mais il constata qu'eux aussi l'avait remarquée. Peut-être qu'Azur'ael, capable de mieux voir dans le noir que les humains, la discernait mieux que lui mais il n'avait pas le temps de l'interroger à ce sujet...

Sans attendre, le Durpari tira Nakula de son fourreau, empoigna son bouclier et se redressa. Il plaça son écu de manière à être protégé aux mieux puis il fit un pas en avant : il espérait ainsi couvrir ses compagnons qui ne bénéficiaient pas d'armures aussi lourdes que la sienne et, peut-être, mieux distinguer la créature qui s'approchait d'eux.

Sahadeva s'avance autant que possible et se met en défense totale.

C’est sans malice aucune que Vieltal entreprit de faire le feu. Il avait eu l’approbation d’Azur’ael et c’était amplement suffisant pour lui. D’ailleurs, il préférait s’occuper et s’appliqua à la tâche avec une certaine réussite. Il se frotta les mains ensemble en contemplant son fait. Le ton sarcastique de la moniale l’avait légèrement secoué, se moquait-elle de lui? Pour le skald, désireux de se faire apprécier de tous, c’était un nouveau défi. Les compagnons semblaient imperturbables. Autant ils dégageaient tous des auras très forts, pourtant, ils étaient tous caparaçonnés et il était pour l’instant bien difficile d’avoir des conversations de plus de deux phrases, et oublions tout de suite les sujets hors contexte!

Soupirant, Vieltal s’aperçut de l’approche de la silhouette. Finalement, peut-être ce périple forgerait-il le caractère du barde. Cette aventure le forcerait à endurcir son mental… Cela impliquait-il d’avoir des faces d’enterrements comme les autres? Il n’avait heureusement pas le temps d’y penser.

Il prit son épée et se dirigea vers le bord de l’abri, à côté de Sahadeva. Laissant un espace entre les deux pour permettre aux autres d’agir. Il serait difficile pour eux de se battre sous la pluie…

Célestia était épatée. Faire du feu par un temps pareil sans aucun soucis. Elle appréciait l'exploit sans mot dire. Elle resta assise à côté des autres écoutant et observant. Il essayait de jauger chaque personne devant elle. Elle voulait savoir à quoi elle pouvait s'attendre de leur part et essayait de deviner comment ils se comporteraient lors de coup dur. Le cri de la mule la sortit de ses réflexions et elle se leva d'un bond cherchant ce qui pourrait déranger la bête. L'apparition fantomatique la prit par surprise car elle ne l'avait pas ni vu ni entendu venir. Elle se targuait d'avoir des sens aiguisés et ceux-ci étaient très rarement mis en défaut. Celui ou celle qui se dressait devant eux avait toute l'attention de la moniale. Par instinct, elle regarda tout de même autour d'elle si jamais quelqu'un d'autre du même acabit que leur visiteur tentait de se faufiler en douce. Le silence des mots était pesant et même la pluie accentuait la tension.
Célestia garda son calme. Il fallait connaître les intentions de celui qui se trouvait en face d'eux. Elle se décida à agir dans un premier temps le plus calmement possible. D'un simple geste elle invita tout le monde au calme, dans pour autant leur dire de rengainer leurs armes. On n'était jamais trop prudent.

¤Si c'est un assassin, soit il n'est pas doué, soit il est très sûr de lui.¤

-Bonne rencontre voyageur. Vous êtes égaré peut-être ? À moins que vous ne cherchiez un abri pour la nuit et un peu de chaleur. Pouvons-nous savoir à qui nous avons affaire ?

La question rituelle était posée. Restait à savoir ce que l'inconnu allait répondre.