Ophiuchus - Chapitre II, Arrivée à Hlondeth - Jour 1

es deux ennemis gisaient sur le sol, leur sang se mêlant à la pluie et formant un ruisseau entre les pavés. L’averse s’était apaisée. Kilidryc éternua, il avait enlevé et laissé sa cape trempée par sa précédente sortie à l’intérieur de l’auberge, la laissant, à son impression, presque nu au milieu des eaux.

¤Il ne faudrait pas tarder à rentrer sinon je vais attraper la crève moi ici.¤

Le signe de Moira était clair, qui sait ce qui se logeait encore dans le coin de ces rues ? Dans son esprit persécuté par la mauvaise fortune, le demi-elfe se voyait soulagé de voir ces deux gaillards morts... Toutefois, était-ce bien les mêmes bonhommes qu’auparavant ? Peu de temps s’était écoulé entre les deux événements, et cela le forçait à croire que ce n’était pas les mêmes personnes. Bien qu’il soit possible que les deux gaillards aient laissé le corps non loin d’ici pour se débarrasser de celui qui les avait suivi... Quoi qu’il en soit, ils étaient morts.

Restant aux aguets pendant que les vieux amis s’échangeaient quelques sympathies et politesses, le roublard sortit un autre dard de sa ceinture dans un reniflement assez bruyant, tenant le projectile avec autant de précaution que le précédent : le malheur rôde toujours.

Il regarda au loin le nain le saluer et hocha la tête en retour. D’après les quelques mots échangés, Kilidryc comprit qu’il s’agissait d’un autre mercenaire s’ajoutant à la troupe envoyée d’Arrabar pour aider Gramloth. Il n’en pensait rien pour l’instant, il fallait peut-être demander aux cartes ce qu’elles en pensaient. Le tirage précédent ne disait rien à son sujet, peut-être devait-il reposer la question une seconde fois ?

Voyant Moira fouiller les corps, il s’approcha de la scène pour les inspecter à sa façon ; les truands et autres malfrats ont souvent de drôles d’habitude de rangements... Il prit le dard que lui tendait la guerrière et vint à la rencontre du nain, celui-ci lui envoya une réplique d’un visage tordu par le mal qu’il endurait silencieusement, une réplique qui fit sourire le demi-elfe.

- Vous êtes bien drôle, nain. Je pensais que ces lieux n’existaient que dans les contes pour les petits... Il prit une pause insistante avant de terminer sa phrase, enfants, et reprit plus sérieusement, certains elfes trouvent le monde des humains attirant, je suis le résultat d’une telle curiosité, si vous voyez ce que je veux dire...

Un bandage traînait quelque part dans sa sacoche, mais il ne savait pas encore si le nain méritait son aide. De toute manière, la potion de Moira devrait faire effet sur son piteux état.

Jet de fouille, si c'est pas déjà fait

Zelkior

elkior avait su être convainquant, et le marchand ne rechigna qu'un peu lorsqu'il lui céda les quelques habits qu'il lui avait demandé. Une chemise et des braies n'étaient pas grand chose.
Ainsi vêtu, Zelkior passerait totalement inaperçu dans les ruelles de Hlondeth -du moins de jour-.

Lorsqu'il poussa la porte pour sortir, les deux gardes qui l'avaient emmené dans la cave débarquèrent dans la salle commune. Ils regardèrent le monial partir, surpris de ne pas le voir monter dormir vu les malheurs qu'il venait de subir.

- Et bien, vous ne montez pas vous reposez, vous préférer courir dès maintenant vous faire guérir ? Vous voulez une escorte ? Je sais où se trouvent les temples.

Zelkior refusa, et après avoir un peu insisté, le garde finit par abandonner. Après tout, si Zelkior se faisait prendre maintenant par quelques rôdeur de nuit, cela lui simplifierait bien la vie.


Après une marche de nuit et mille et une précautions, le monial arriva enfin en face de ce qui semblait être le temple de Talona. Seul un triangle violet tâché de trois gouttes d'or indiquait son entrée, bloquée par une lourde porte de bois. Zelkior frappa. Une fois, deux fois... trois fois, et la porte s'ouvrir enfin, lentement.

- Entrez, mon enfant. La Dame de tous les malheurs vous attend. Entrez, là. Siffla une voix à quelques mètres du moine de la sombre lune. La pénombre rendait difficile la vision des détails ; on voyait tout de même que la personne était encapuchonnée. Une dague à sa taille reflétait le peu de lumière ambiante. Il compris alors qu'il avait devant lui un prêtre de Talona, réputés pour leur utilisation de dagues dont la lame a été empoisonnée.
La porte se referma derrière le monial, qui n'avait que peu d'autre choix que de suivre son hôte, dans plusieurs couloirs obscurs, jusqu'à traverser une tenture et arriver sur ce qui semblait être une cour intérieure.

Quelques colonnes était visibles autour d'un espace où un puis était creusé, bordé par de l'herbe. Un passage faisait le tour de la cour ; plusieurs tentures étaient visibles sur les mûrs, menant probablement vers d'autres couloirs ou pièces. Le prêtre s'arrêta alors et se retourna pour mieux voir Zelkior.

- La Dame de tous les malheurs vous écoute. Déclara-t-il en joignant ses mains sur son ventre, les yeux rivés dans ceux de Zelkior.

Son visage était hideux, usé par l'âge d'une part, mais aussi par des lacérations sur les joues et le front et autres points de piqure. Son sourire était une grimace découvrant une rangée de dents incomplète et noircie.


Kilidryc, Moira, Horthaïr

e nain avala la potion de Moira, et il se sentit très rapidement mieux. Les mécanismes de ce genre d'alchimie étaient peu connus du commun des mortels, mais les bienfaits étaient quasi instantanés : le sang coagulait, la douleur s'atténuait, la peau de part et d'autre d'une coupure semblait se réduire pour venir fermer la plaie.

Pendant que le nain savourait son breuvage sous la bruine, Moira et Kilidryc faisaient les poches de leurs assaillants. De bien belles choses il y avait. Pièces d'or et pierres précieuses étaient au rendez-vous, tout autant qu'armes de d'excellente qualité. Pour sûr ces deux énergumènes n'étaient pas à leur coup d'essai, bien que leur histoire s'arrête là. Il purent tous voir le visage du hin et de l'homme : ce n'était pas les deux personnes qu'ils avaient vu plus tôt dans l'auberge, les mêmes qu'avait suivi Kilidryc pendant un moment. Au vu des faits et des allures, ces deux personnes n'étaient que des voleurs de rue.

Tout ce qui devait être récupéré le fut, et les trois compagnons ne trainèrent pas dans la rue bien plus longtemps. Le loquet de la taverne soigneusement tiré, comme l'avait fait le patron quelques temps auparavant avant de monter dans ses quartiers, ils s'installèrent devant ce qu'il restait du feu. Les flammes avaient disparu, mais les braisent qui demeuraient n'en étaient pas moins brûlantes. Kilidryc était le plus mouillé, à être sorti pendant le gros de l'averse ; Horthaïr et Moira étaient tout juste humides.

Il n'y avait pas un bruit dans l'auberge, personne n'avait été réveillé par l'action qui venait de se dérouler. Seules deux petites bougies projetaient une lumière diffuse autour des trois compagnons, en plus du rougeoiement de l'Âtre.
Mishtru leur avait indiqué leurs chambres avant de disparaitre. L'auberge ne semblait pas pleine la veille. Aussi Horthaïr pourrait trouver un matelas sans trop de difficulté. Le seul risque pour lui était d'entrer dans une chambre déjà occupée et en réveiller le dormeur.

Cliquez ici pour dérouler le parchemin...

Moira perd un potion de soin léger
Horthaïr gagne 5(d8) PV -> 6PV au total

Jet de fouille Moira : 16(1d20) + 3(comp) = 19
Jet de fouille Kilidryc : 8(1d20) + 5(comp) = 13
Moira et Kilidryc trouvent :
2* Cuir clouté maître
2* Arba légère maître
2* Dague maître

Sur le hin :
170po en pièces
Quartz laiteux : Moira estime -, Kilidryc estime 50po
Grenat rouge : Moira estime 88po, Kilidryc estime 110po

Sur l'humain :
Epée longue de maître
Corde en soie
50 po en pièces
Spinelle rouge : Moira estime 70po, Kilidryc estime 100po

Moira gagne une épée longue de maître

Moira jeta un oeil par dessus son épaule quand Horthaïr ne pu s'empêcher d'asticoter Kilidryc, comme l'avait fait Jon peu de temps avant. A croire qu'il y avait quelque chose chez le cormyrien qui donnait envie de lui rentrer dedans. La nonchalance du nain était presque insultante ; ils ne lui demandaient certes pas de se confondre en remerciements, mais leur épargner ce genre de commentaires désobligeants était un minimum. Par ailleurs, la "pisse de gobelin" coûtait une petite bagatelle de cinquante brillantes au marché, et Moira nota de bien le lui rappeler la prochaine fois qu'il pisserait du sang par tout les orifices. Ils se débarrassèrent des corps dans une ruelle un peu plus loin, juste assez pour ne pas effrayer les premiers clients du matin et attirer une attention indue. Une fois revenue à l'intérieur, Moira s'empara d'un tisonnier et réveilla le feu, puis tira un siège près de l'âtre pour se sécher un peu. Elle invita le nain à faire de même.

Retirant un gant, elle passa la main dans ses cheveux humides, cherchant par quel élément de l'histoire commencer. De sa voix basse, presque murmurée, elle démarra par la visite chez Gramloth, et s'assura que le marchand avait bien donné la même version de ses problèmes au nain. Sait-on jamais, dans cette ville de fous. Elle indiqua qu'ils étaient venu à l'Atre Irisé car c'était ici que le plus d'incidents avaient eu lieu, et en effet, le soir même ils en avaient été témoins. Elle précisa la nature des fameuses baies, aigres mais pas vraiment dangereuses, ainsi que celle des clients qui s'étaient plaint : plutôt louches. Puis la présence d'un agent yuan-ti, dont on ne sait encore s'il était là à dessein ou par coïncidence, et le stock de la cuisine, qui était bien gâté. Ils en étaient arrivés à la conclusion provisoire qu'il y avait forcément deux types de complices : dans le personnel et dans les clients, et que le seul mobile logique apparent pour cette étrange mascarade était que quelqu'un cherchait à pousser les restaurateurs du quartier comme Mishtru à changer de fournisseur. Moira expliqua ensuite à Horthaïr le plan qu'ils avaient devisé tout à l'heure pour prendre un des complices la main dans le sac et espérer lui faire cracher un nom. Hirsuth était le suspect principal. Elle termina par un élément controversé et non des moindres : Khemed. Même si personne ne l'avait revu, il était peut-être encore impliqué. La guerrière évoqua les origines extrêmement floues de l'homme, les cafouillages de Miriel, et son renvoi anticipé qui s'était avéré une bonne chose à posteriori lorsque Gramloth révéla après que personne ne savait rien de lui, ni même qui était son employeur réel.

-Eksh orou nedum... J'ignore quelle folie a bien pu prendre Miriel avec ce type. Qui sait s'il n'est pas en fait un agent de l'ennemi?

La guerrière s'arrêta un moment, fixant le feu, pensive. Puis elle posa les yeux sur le matériel récupéré. Belle récolte. Difficile de croire envoyant cela que ces deux guignols n'étaient que des tire-laines ordinaires.

-Vous savez à quoi vous en tenir à présent. Sous son aspect ridicule, cette "conspiration" semble impliquer beaucoup de monde.

Horthaïr écoutait attentivement la grande damarienne. Après tout ce tumulte, ils étaient enfin rentrer au sein de l’Atre Irisé. Sur invitation de Moira, le nain avait prit place au coin du feu en compagnie de sa collègue et de Kilidryc. Un rapide coup d’oeil vers ce dernier rappela au Noblécrin la réplique qu’il adressa à son encontre, et qu’il avait finalement choisi d’ignorer, l’heure, le lieux et le temps n’étant pas vraiment propices aux joutes verbales.

¤ Un demi-elfe, hein? Héhé... Plus à plaindre qu’autre chose ce pauvre bougre. ¤

Le goût du breuvage de Moira chatouillant encore le palais du nain, celui-ci sortit sa pipe et un peu de tabac puis, après l’avoir bourré et allumé grâce au tisonnier encore brûlant, tira rapidement quelques bouffée dans l’espoir de dégager la désagréable odeur qui hantait sa bouche.
Horthaïr due par maintes fois se pencher vers la damarienne afin de déchiffrer ses murmures mais l’ensemble lui fut compréhensible. Il hochait de temps en temps la tête pour signifier qu’il détenait en effet les même informations que ses deux compagnons, notamment concernant celles que Gramloth avait préalablement fournit.
le nain tiqua à la mention du terme de yuan-ti. Il avait vaguement entendu parler de ces drôles d’humains à l’apparence serpentine, certains d’entre eux se rapprochant d’ailleurs plus du reptile à peau écailleuse que d’un humanoïde. De telles abominations ne pouvaient qu’être louches à ses yeux, et le Noblécrin s’en souviendrait en temps voulu.
La damarienne semblait bien perplexe face à cette affaire, et notamment devant la question « Khemed». Une fois que Moira eut terminé, Horthaïr retira son capuchon mouillé afin de laisser sécher sa longue chevelure de jais qui offrait un contraste prononcé avec son regard argenté contemplant l’âtre.

-Cela fait en effet beaucoup de suspects dans cette affaire! Dit-il en jetant un regard soupçonneux à l’égard de Kilidryc. Le demi-elfe n’avait toujours pas trouvé grâce aux yeux du nain, persuadé qu’un individu extérieur au Saphir Noir n’apporterai que des ennuis. Puis de toute façon, les traîtres finissent toujours débusqués dans ce genre d’affaire, d’une manière ou d’une autre. Après une bouffée de sa pipe, il reprit:

-Votre plan semble tenir, mais l’un de nous devrait s’infiltrer dans les cuisines en tant que commis afin de s’assurer, d’une part que l’aubergiste exécute son contrôle, puis d’une autre surveiller chaque faits et gestes des cuisiniers présents tandis que les deux autres surveillent la clientèle. Il fit une pause pour reprendre une bouffée puis reprit à voix basse:

-Mon arrivée ici, bien que fracassante, ne semble pas avoir dérangé plus que ça et à part le tenancier, personne ne semble au courant de ma présence dans l’établissement; pas même ce Hirsuth.

Horthaïr fit à nouveau une pause, mais d’hésitation cette fois-ci. «-Hum... Bon, non pas que je rechigne à jouer l’apprenti espion, mais un nain aux cuisines n’a pas l’air d’être choses courantes dans les environs, cela paraîtrait encore plus louche que ma simple présence en ces lieux. Nous devrions en toucher deux mots au propriétaire et vérifier en cuisine si il s’y trouve des tabliers à ma...» Le nain fixa Kilidryc, se souvenant que celui-ci avait émit quelques commentaires tantôt concernant sa taille,-" oui bon vous avez saisi la problématique je pense."

L’idée de faire le mariole en cuisine affublé d’une toque et d’un tablier trop grand pour lui ne l’enchantait guère, mais le nain était le seul inconnu au sein de l’Atre Irisé; un atout inestimable dans ce genre de mission.


J'use un peu de mon tabac

Moira se redressa dans son fauteuil, touchant son médaillon d'un air absent du bout des doigts. A la rigueur, Horthaïr pourrait se faire passer pour un charpentier venu refaire des aménagements, ce serait un peu plus dans ses compétences. Mais cela ne paraissait vraiment pas une bonne idée, la présence subite d'un inconnu serait suspecte, les gens ici se méfient facilement. Non, il ne leur restait vraiment que la patience à ce stade.

-Il y a peu de nains cuisiniers, oui, et j'ai vu peu de nains tout court dans cette ville. Quand bien même, sans vouloir vous vexer, je doute que vous fassiez illusion très longtemps. Je ne pense pas que cela soit nécessaire de toute façon, on peut raisonnablement faire confiance à Mishtru pour surveiller lui-même ses ouailles en cuisine, et à trop vouloir en faire on va effrayer notre proie.

La cuisine n'était pas très grande, et le placard facile à surveiller. Mishtru devrait quand même pouvoir s'en sortir, même s'il ne semblait pas toujours très dégourdis. La guerrière se tourna vers Kilidryc : le cormyrien n'avait pas tout à fait fini ce qu'il avait à dire avant l'arrivée du nain. Peut-être pas grand chose, mais sait-on jamais, avec le recul cela pourrait prendre du sens.

-Vous aviez réussi à trouver quelqu'un, tout à l'heure?

e quittant pas une seconde les gestes du dévot de Talona, le monial scrutait par rapide coup d’œil la lame qu’arborait celui-ci. Pour avoir aidé, ses sombres frères et sœurs dans leurs missions, Zelkior les connaissait assez pour connaitre leur méthode d’élimination favorite : « l’empoisonnement ». Et il était certain, pour lui, que la lame devait avoir été trempée dans un poison de leur préparation.

Pour le moment il était affaibli, il sentait toujours ses mains trembler et son environnement lui semblait toujours flou voir opaque, sa concentration s’effritait également, il avait de plus en plus de mal à suivre ses cheminements intérieurs. Scrutant les alentours d’un rapide coup d’œil, il devait s’assurer qu’aucune oreille supplémentaire ne devait être présente. Une fois assuré de cela, la stature du monial changea sous les yeux du prêtre. C’était le dos courbé et boitant qu’il était rentré en ces lieux, et c’était maintenant un homme droit, fort sur ses appuies qui scrutait maintenant le prêtre. il était persuadé que les adeptes de Talona l’aideraient comme par le passé. Il espérait que les relations entre sa Dame et Talona elle-même suffirait à faire l’affaire. Baissant sa capuche en laine, laissant à son interlocuteur le soin de voir également ses yeux pâles, inclinant respectueusement la tête, comme à son accoutumé en guise de salutation, il éleva une voix calme :
-(commun) Un adepte de la sombre lune vous demande assistance. Portant la main au bandage qui lui recouvrait le coup, il tira d’un coup sec, laissant son cou à l’air. Lentement il souleva ses cheveux de sa nuque, avant de tourner celle-ci en direction du prêtre, afin qu’il puisse voir la marque qu’il arborait. Puis plongeant de nouveau ses yeux dans ceux de son interlocuteur il reprit. j’ai une mission à accomplir dans cette ville, et mon imprudence m’a amené à succomber à un certain poison qui m’est inconnu. J’ai besoin de votre savoir faire pour me purger de ce fléau. Votre aide précieuse servira les intérêts de ma sombre Dame qui, j’en suis sûr, servira la votre.

ans réponse de la part du nain, il s’occupa des corps qui gisaient. Il insista sur la valeur des pierres précieuses trouvées auprès de ses deux camarades, et qu’il fallait mieux lui faire confiance sur un prix à convenir lors de la vente. Il avait reconnu leur qualité et pensait bien que les autres ne s’y connaissaient pas tant en bijouterie ; plusieurs joailleries volées étaient passées par ses mains et le demi-elfe s’était accoutumé aux reflets et à la taille de certaines pierres, les marchands ne sauraient l’embobiner si facilement.

De retour à l’auberge, pendant que Moira racontait à Horthaïr les pérégrinations qui les avait amené jusqu’ici, Kilidryc s’était débarrassé de ses habits mouillés et les avaient réunis et étendus sur une chaise qu’il avait placé près du feu de bois. Les mains tendues vers les braises, la chaleur était agréable, il avait pris ses aises, simplement vêtu de ses chausses et d’une chemise, et s’était finalement affalé sur une chaise en un bâillement qui marquait une lourde fatigue, regardant avec de petits yeux les deux amis discutés, il se demandait comment ils tenaient encore debout après cette rude journée.

Au fond de lui, Kilidryc savait que les mercenaires employés par Gramloth se méfiaient de lui. Sa situation d’employé direct lui valait un bon nombre de soupçons, ceux qui à force le confortaient dans son statut d’intrus, quoi de mieux, il l’était impunément, c’est qu’il profitait de leur aide, mais n’était pas là pour mettre des bâtons dans leurs roues. Il fallait juste qu’ils le portent jusqu’à la fin de cette affaire...

Il sortit son jeu de talis de sa sacoche posée à terre et commença à mélanger les cartes consciencieusement. Il écoutait en même temps les plans qui se dessinaient pour le lendemain. La plus grande difficulté résidait dans l’observation des cuisines. Dans la salle, il suffisait d’être attentif, mais dans les cuisines, il fallait jouer le jeu sans être suspect aux yeux des autres travailleurs. L’idée d’Horthaïr ne manquait pas d’humour, un nain dans les cuisines, drôle d’idée, vu son tact, il finirait par provoquer une rixe avec les cuistots... Pouvait-on faire confiance au patron ? Kilidryc ne se prononça pas. Quand Moira lui adressa la parole à propos de son escapade solitaire, il avait complètement oublié ce qu’il avait monté comme explication auparavant et se contenta de raconter une version réduite et quelque peu décousue des faits.

- Rien de spécial... Une flaque de sang à terre à l’entrée. J’ai marché un peu dans les rues adjacentes, mais rien en vue. Puis d’un coup un grand fracas, puis plus rien, je suis retourné ici. Il toussota un peu avant de reprendre, une toux dont on ne saurait s’il s’agissait d’un raclement de gorge ou d’un petit chatouillement de la gorge, celui que les mots faux laissent au fond de la bouche qui les a laissé échapper, vous pensez que Mishtru fera l’affaire dans les cuisines ? Avec sa colère latente, il serait prêt à débusquer un pauvre innocent, juste pour faire comprendre à ses employés qu’il ne faut pas se jouer de lui... Je crois que notre ami a raison, quelqu’un doit tenir une place dans les cuisines, déguisé en commis ou caché dans le placard à balai.

Visiblement, l'agent yuan-ti avait fait une mauvaise rencontre lui aussi. De simples brigands ne se seraient pas fatigué à enlever le corps toutefois. Un enlèvement peut-être? Trop tôt pour le dire. Moira se leva et s'étira, sa haute carrure projetant une ombre inquiétante sur le mur. Certes, une initiative désastreuse de Mishtru n'était pas à exclure

-Si Mishtru veut faire un scandale, il en fera un, qu'on soit là ou non. C'est un casse-pied pleurnichard, comme tout bon commerçant qui se respecte, mais on ne peut pas vraiment se passer de son concours. A la rigueur, le seul qui aurait l'air crédible en commis de cuisine, c'est vous, Kilidryc. Pas moi la femme du nord en armure, pas Horthaïr le nain, pas Jon et sa tronche de démon... Je continue de penser que c'est un risque inutile, mais puisque vous insistez, on demandera à Mishtru demain d'arranger ça.

Il faudra juste que le cormyrien aimât éplucher des patates, car il n'aura probablement pas d'autres activités.

-Pas d'autres questions, maître Noblécrin?

La seule question que se posait Horthaïr à cette heure tardive était quand est-ce qu'il allait enfin pouvoir s'effondrer sur un matelas, fut-ce-t-il de paille, de plume ou même de pierre, qu'importe. La potion de Moira avait soulagé ses blessure, mais la douleur était encore vivace. Le nain voulu réagir face à la contestation  que lu avait opposé la Damarienne sur sa proposition, mais Kilidryc avait prit la parole, en sa faveur de surcroît. Agréablement surpris, Horhaïr se prononça.

-L'elfe a raison, on ne peut faire confiance à cet humain, il tira une bouffée de sa pipe, toisant le feu dans l'âtre avec nonchalance. "-On ne peut faire confiance qu'à peu de personnes d'ailleurs;  mais soit, faisons part de cette discrète investigation en cuisine au tenancier, en espérant que lui même ne soit pas de mèche avec le saboteur."

Le nain se leva puis tourna son regard vers kilidryc.

-J'espère que vous êtes aussi doué pour passer inaperçu que vous le paraissez pour lancer des fléchettes. Il éteignit sa pipe et la rangea après en avoir jeté les cendres dans le foyer de la cheminée.

Sur ce, Horthaïr se dirigea vers les chambres, sans un mot de plus.

Moira faillit rétorquer d'avoir confiance ou non n'était pas la question, seulement un problème de moyens. Ils ne pouvaient pas se permettre de trop s'exposer. Par ailleurs, le nain n'étant que depuis moins d'une heure, et n'avait même pas encore rencontré Mishtru. S'il y en avait un qui était trop confiant dans son appréciation de la situation, c'était bien lui. Bien sûr : Mishtru suicide son propre commerce, c'est tellement plus logique.

¤ Est-ce qu'il a au moins écouté un mot de ce que je lui ai dis? ¤

Elle se retint de penser trop de mal, quand bien même l'intégralité de cette journée avait été dédiée à essayer de lui taper sur les nerfs. Le besoin de s'isoler devint extrêmement pressant.

-A demain, marmonna t-elle négligemment au cormyrien avant de prendre l'escalier à son tour.

La chambre ressemblait à des milliers d'autres chambres dans des milliers d'autres auberges. Moira vérifia que porte et fenêtres fermaient bien, et qu'on pouvait les bloquer de l'intérieur. Le lieu n'était pas spécialement mal famé, mais c'était une vieille habitude. Elle défit son armure avec un soupir, et s'étira de nouveau. Les vêtements de lin grossier glissèrent, révélant la peau rugueuse et terne, marquée par une existence rude. Moira posa son épée contre le montant du lit et s'allongea, son visage ordinairement inexpressif laissant apparaître pour une fois de la lassitude.

¤ Pourquoi je m'échine à essayer de donner une direction aux opérations? Miriel ne me paye pas assez pour ça. Je suis soldate, pas enquêtrice ni diplomate, bon sang. On me montre l'ennemi, je le tue, point. Je devrais jouer les idiotes plus souvent, comme ça on en enverrait d'autres se taper les histoires à dormir debout et composer avec le petit caractère de chacun.¤

Peut-être qu'elle avait l'habitude de commander, autrefois? Si c'était le cas, elle devait déjà ne pas aimer ça. Elle souffla la chandelle.

¤ Edun na noc dara. Seigneur des Morts et Juge des Damnés, garde-moi jusqu'au jour nouveau.¤