۝ La chute du Phénix ۝, Eleufogo

Le Phénix était perdu pour de bon, honteusement abandonné par son Capitaine qui n’en méritait plus le titre, un traitre au cœur du Cercle de l’Ouroboros qui avait pourtant eu le pouvoir de renverser la situation et, de ses nombreux bras, de trancher dans le vif les forbans qui les avaient pris pour cible… Bouillon l’avait vu à l’œuvre, il était aussi terrifiant qu’un guerrier à six bras put l’être …

Tous, principalement dans l’archipel des Iles Pirates, n’étaient encore inféodés à l’Amiral Maulkin-né-des-Cendres … et si nul n’aurait osé s’en prendre directement à son équipage monstrueux, les autres navires du Cercle ne profitaient guère de son aura en dehors de la Mer des Epées. Avec l’aide d’un traitre, ils avaient dû savoir que leurs forces étaient divisées, réparties dans toutes les mers de Toril et que celui qui partait à la recherche du Traité de Feu était le moins lourdement défendu et, surtout, que sans son Capitaine il ne serait plus guère protégé contre le feu…

Au milieu du désastre, Bouillon dut se rendre à l’évidence qu’il n’avait aucune chance d’éteindre les flammes et qu’il devrait se résoudre, à son corps défendant, à quitter le navire et à l’abandonner dans l’espoir déraisonnable d’y survivre. Alors qu’il s’apprêtait à plonger, il entendit un cri, provenant de la réserve du navire. Une voix qu’il reconnut sans peine, presque couverte par le crépitement des flammes et par les craquements de la coque comme des vestiges des mâtures tant elle était faible.

Pito. Probablement caché dans la même pièce noire. Qui aurait dû étouffer depuis longtemps dans la fumée épaisse qui se développait de toutes parts. Sans s’en rendre compte, contre toute logique, il plongea dans les entrailles du navire à sa recherche et dans un mouvement de réflexe, tandis qu’il le serrait dans ses bras pour le protéger d’une poutre cédant soudain, sentit le Phénix se tordre pour commencer à sombrer dans les eaux froides et sombres qui se refermèrent sur eux.

Ils étaient prisonniers, voués à une mort certaine. Etrangement, Bouillon eut l’impression d’être une souris dans les pattes d’un chat qui prenait plaisir à jouer avec eux, la pièce se remplissant lentement, leur laissant le temps de réfléchir à leur situation et de saluer la mort.

Puis tout s’accéléra et, dans une poignée de secondes leur brisant presque les tympans, ils plongèrent à toute vitesse dans les profondeurs …

… de Serôs.

Il ouvrit un œil, sans pouvoir même imaginer que la Cité du Destin venait de changer le sien. Il lui fallut un moment, assourdi par la pression qu’il avait subi et totalement désorienté, pour se rendre compte qu’il était entouré d’eau … et qu’il la respirait ! A côté de lui se tenait toujours Pito, en position fœtale, inconscient mais vivant. Des poutres maitresse avaient lâché, il avait encore dans la bouche un goût de cendres et de fumée. Une faible luminescence perçait au travers des nombreuses voies d’eaux.

¤Qu'est-ce qui m'a pris de revenir dans le bateau pour sauver le gamin? Et qu'est-ce qui s'est passé exactement ensuite. Face de gnoll, comment est-il possible que tout aille de mal en pis aussi vite? Je jure que si je retrouve cet empaffé de Tarentule, six bras ou pas, j'en fais une fricassée!¤

Lentement, le cuistot du Phénix ouvrit les yeux, s'attendant presque à se trouver dans le Plan du Feu natal de cet ancêtre qui l'avait rendu si spécial. Sans trop y avoir réfléchi, il lui semblait que c'était l'endroit le plus logique pour le repos éternel de son âme et cela devait bien valoir la plupart des autres plans.

Le panorama qui se dressait sous ses yeux n'était pas exactement sa vision typique de l'origine de toutes flammes. Tout le contraire ou presque même. Il se trouvait visiblement sous l'eau et cela ne semblait pas lui poser de problème pour respirer. Il ne put s'empêcher de sourire devant l'étrangeté de sa situation. Cela le contraint à ouvrir sa bouche légèrement, l'assurant qu'il pouvait toujours parler sans se retrouver la bouche pleine d'eau salée.

-Par Valkur, il faut croire que grand-papi la salamandre a fauté avec une grenouille! Vu comme les choses tournent, je devrais avoir des ailes dans dix minutes et, demain dès l'aube, un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur va pousser sur mes bras. Enfin, si l'aube advient, je parie que maintenant le jour sera pour moi comme la nuit.

Il cracha alors, pour essayer de se débarrasser du goût de fumée et de cendre dans sa bouche, chose qui est presque aussi impressionnante que de souffler dans l'air. Cela ne fut pas non plus très efficace mais cela le conduisit à jetter un regard autour de lui et à poser les yeux sur Pito ainsi qu'à voir dans le lointain ce qui ressemblait à une lumière. Il commença par se saisir de l'adolescent qui ne semblait pas dans la meilleure des formes.

-C'est à cause de toi que je me retrouve dans cet enfer sous-marin, tu ne vas pas me crever sur les bras. Tu as intérêt à avoir une vie digne de Sharess pour rendre hommage à mon stupide sacrifice.

Les pirates disent toujours que quand tu meurs, tu ne dois pas te diriger vers la lumière. Ben, tu sais quoi, je laisse les pirates à la Reine Garce. Parce qu'à part aller vers la lumière, je vois pas trop ce qu'on peut faire. On va aller voir cette lumière tous les trois Il savait d'instinct que Sinaj était encore vivant et aussi bien portant que peu l'être une chauve-souris qui se retrouve soudainement en train de nager avec les poissons. ... et on va trouver un moyen de remonter à la surface. On va récupérer ce fichu bouquin qu'on nous a envoyé cherché et on va le rammener à l'Amiral. En avant!

Trainant tant bien que mal le corps inanimé de son compagnon de naufrage, Bouillon commença à nager vers la lueur. Cela n'avait rien de simple mais il n'avait pas prévu de se laisser faire ou d'abbandonner. Pour rester dans son idée d'héritage grenouillesque, il serra ses deux compagnons contre son sein et commença à se propulser à l'aide de ses jambes en les bougeant à la semblances des pattes d'une grenouille faisant des bonds.

Tandis que Bouillon découvrait son nouvel environnement et qu'il tentait de s'en extraire au plus vite, il fut rattrapé par un état général qui n'avait rien de reluisant. Il pouvait parler, certes, sans se noyer dans cet enfer liquide, il pouvait bouger et ne semblait avoir subit aucune blessure sérieuse mais tout son corps était meurtri et se déplacer se révéla plus compliqué qu'il ne l'espérait. D'autant qu'il portait Pito et ne pouvait s'aider de ses bras.

Le teint de l'enfant était inquiétant, légèrement bleuté, mais son visage respirait une sérénité en total décalage avec leur situation, ainsi trainé et secoué qu'il fut. De sauts de grenouilles volontaires, de glissades, de chutes et de mouvements maladroits, il parvint néanmoins à s'approcher assez de la voie d'eau que pour voir en dehors de la cale.

Entre les planches déchirées comme la mâchoire ouverte d'un monstre improbable, le Génasi eut une vision du même acabit.

Au fond de la mer, aussi loin que portait son regard, gisaient un nombre incalculable d'épaves de toutes tailles et de toutes sortes. Le Phénix n'était qu'un parmi la multitude , vision de cauchemar à satisfaire la Reine Garce elle-même...

Ils devaient être terriblement profonds, le "ciel" était aussi sombre que la nuit, une belle luminescence provenant par contre de quelque part derrière d'autres enchevêtrements de planches, de coques brisées et de mats couchés.

Attendre là et voir ce qui pourrait leur arriver ou quitter cet endroit au plus vite?

tu n'as aucun rang en natation, tu y vas à l'instinct mais te déplacer au fond de la mer ne t'est vraiment pas aisé

ela n'avait rien de surprenant en soi mais Eleufogo n'était pas à son aise 666 pieds sous mer. Il se souvenait avec rage des quelques instants qui avaient précédés sa fuite, et le meurtre de Seir, quelques instants où il s'était sincèrement demandé s'il voulait joindre son destin à celui de la bande de pirates qui avaient pris d'assaut leur navire marchand. Pas parce qu'il avait peur que la vie ne lui plaise pas, ou qu'il estimait que les risques étaient plus importants que les gains. Non, il aurait accepté d'être définitivement transformé en escargot si cela lui avait permis de ne plus être esclave. Mais il n'aimait pas l'eau, sans doute un autre héritage de ce lointain ancêtre qui le rendait si précieux. Eleufogo jeta un rapide coup d'oeil sur Pito avant de prendre sa décision.

¤Gamin, je n'ai rien contre toi mais si je dois choisir entre crever ici avec toi ou m'en sortir, crois-moi, je ne vais pas hésiter. Je te jure que si je croise un homme-méduse ou une sirène, je lui dis de venir t'aider. Bonne chance!¤

Il se trouvait maintenant face à un choix autrement plus difficile que celui de mourir avec un inconnu ou de continuer. La surface semblait se trouver incroyablement loin et il avait la certitude que se retrouver au milieu d'un océan, mort de fatigue, courbaturé, sans rien à manger ou à boire et sans moyen de se reposer reviendrait à accepter de mourir ou à prier que le hasard lui sauve la mise. Dans le même temps, la lumière n'avait pas vraiment plus de promesse à offrir. Si ce n'était le fait qu'une lumière sous l'eau lui semblait être un mystèfre digne de son attention. S'il devait mourir au milieu des épaves de navires, autant qu'il le fasse avec sa curiosité satisfaite. Et, avec un peu de chance, il trouverait prêt de la lumière une idée géniale, ou de quoi manger, ... ou autre chose.

Le principal problème était que nager n'était pas en général ce qu'il faisait le mieux et fatigué comme il l'était, il allait lui falloir un moment pour atteindre son objectif. Et il n'était pas patient pour un sou. Au moins, maintenant qu'il avait décidé d'abandonner le boulet, il allait pouvoir se mouvoir un plus facilement. Il se mit donc en route en crapahutant et en luttant plus contre l'eau qu'en nageant mais cette méthode de propulsion hétérogène avait au moins l'avantage de le etenir occupé.

Eleufogo n’eut pas longtemps à attendre pour mettre la fausse promesse faite à Pitto à exécution.
Il approchait seulement de la deuxième épave d’un mouvement malhabile de plus qu’il vit, face à lui, à la frontière de cette vision sous-marine à laquelle il devait encore s’habituer, les silhouettes d’humanoïdes venant visiblement droit sur lui.

A l’instar de chaque marin, il avait eu son quota d’histoires farfelues, inquiétantes, ou les deux à la fois … et du premier coup d’œil il crut avoir à faire à des lacédons, ces morts-vivants aquatiques qui a cette différence d’environnement près avaient tout de la ghoule, probablement attirés par la chute du Phénix en charognards avides. Les âmes damnées d’Umberlee. La Reine Garce méritait bien son nom … survivre à une mort sure pour se retrouver dans une Non-mort immonde …

Puis il se rendit compte de leur très grande vitesse d’approche et d’une manœuvre d’approche réfléchie plutôt que brutale. Ils étaient quatre au moins, s’écartant l’un de l’autre pour empêcher toute fuite.

Ils portaient des armures d’écailles, des tridents aussi grands qu’eux. En tous points, dès qu’ils se furent approchés assez que pour qu’il puisse les voir, il put se rendre compte qu’il s’agissait d’Elfe des Mers.

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Jet de Perception Eleufogo

Sur leur gauche, trois autres individus s’approchaient de même, beaucoup plus lentement. On aurait dit deux enfants accompagnant un adulte habillé de manière sombre et sobre. Quelque chose effleura son esprit, comme un lien qui cherchait à s’établir entre lui et le singulier trio au loin.

uite : ۝ Sous les flots ۝

Regroupons, regroupons