L'étrange tour, mission Mjöllnir, Gweadal

Mjöllnir s'approcha prudemment de la source de la fumée, passant au travers, des rochers essayant de profiter de la moindre cache qu'ils pouvaient lui donner. Il finit par déboucher sur un sorte de cabane aux dimensions modestes.
Elle était complètement cachée par l'ensemble de la rocaille et des larges pans de mur de pierre naturels que formait la montagne. La neige qui s'était rajoutée par dessus renforçait encore plus son invisibilité extérieure. La fumée provenait non pas comme il aurait pu le croire d'une cheminée, mais plutôt d'un feu qui se consumait devant la cabane. Un forte odeur désagréable lui parvint aux narines. Une odeur de chair brûlée, ce que ses yeux lui confirmèrent en voyant ce qui était en train d'être dévoré par les flammes.
Trois corps de forme humaine, maintenant noirs et méconnaissables finissaient d'être dévorés par les flammes. Deux d'entre eux avaient du être plutôt grand, quand au troisième il ne dépassait guère la moitié de la taille de Mjöllnir. Des traces étaient visibles tout autour du feu et devant la porte d'entrée qui était ouverte. Il put entendre que quelqu'un ou quelque chose se trouvait à l'intérieur sans parvenir à le voir. En s'approchant un peu plus près tout en restant bien à l'abri, Mjöllnir remarqua qu'il n'y avait pas un mais deux feux allumés, le premier cachant le second. Dans ce deuxième feu d'autres corps étaient la proie des flammes également, mais sans qu'il parvienne à voir plus en détail de ce qu'il s'agissait.

Cette ‘rencontre’ valait bien la précédente. A des lieues de toute autre habitation, il devait s’agir de la demeure d’un ermite ou d’un druide peut-être, profitant d’un de ses endroits purs de toute dégradation humaine ou autre, un de ses endroits ou Mjöllnir se voyait bien finir ses jours, gardant un col ou quelque voie suffisamment stratégique que pour y être utile mais suffisamment peu utilisée que pour gouter à la tranquillité que recherche le sage.

Tranquillité qui semblait avoir été sévèrement compromise.

Le Moine s’imaginait la scène, un groupe d’aventuriers aux mauvaises intentions cherchant à s’inviter de force chez un homme riche de quelques ressources, se défendant à grand renfort de magie. Un homme puissant au vu de l’état des corps dehors et dedans. Passer à côté de cet endroit sans y prendre garde serait au moins aussi dangereux que de ne pas s’inquiéter des créatures qui s’étaient fait attaquer par les oiseaux géants. Un risque à ne pas prendre. Bien sur il aurait pu prendre le pli de considérer le risque trop grand par rapport à ses capacités mais le vigoureux ne pouvait se séparer de son optimisme et de sa vision, certes adaptée par les nombreuses mésaventures qu’il avait vécu, mais emprunte d’une confiance crédule dans l’Ordre qui ne pouvait avoir déserté tout Faerun.

De sa cachette il lança d’une voix qui se voulait franche et tout sauf agressive : - "Ola l’ami ! Un voyageur passe par hasard non loin d’votre demeure et vous souhaite la bonne rencontre. Tout va bien à l’intérieur ?"
Par soucis de précaution, il s’était malgré tout muni de son arbalète et l’avait déjà chargée, au cas ou. Il se garderait bien de la montrer mais serait près à répondre rapidement à ce qui lui répondrait en retour. Confiance n’est pas Folie.

¤ Ce voyage est finalement bien plus intéressant que je ne le craignais ! ¤

Narration

Attendant avec prudence la réponse et la réaction de ce qui pouvait bien se trouver à l'intérieur, Mjöllnir visait la porte d'entrée de la cabane de bois. La toute première réaction fut une absence de bruit. Il avait été entendu c'était sûr. Mais alors qu'il attendait une réponse à sa question ou du moins une apparition de quelqu'un, il n'en fut rien. Après quelques minutes, qui parurent une éternité au moine, une voie féminine se fit entendre.

-Qui vient là ? Quelles sont vos intentions ?

Rien n'avait bougé dans la maison ou du moins il n'avait rien entendu. Seul le crépitement des feux était audible et venait casser le silence mortel qui s'était installé. Il examina soigneusement chaque morceau de la maison, sans rien voir de particulier. S'il y avait quelqu'un dedans il était sacrément bien caché. Fort heureusement il l'était lui aussi, mais il n'était pas sûr que cela pouvait lui donner un avantage. Il ignorait combien de personnes se trouvaient à l'intérieur ce qui était aussi vrai dans l'autre sens également. Cependant ni lui ni celle qui lui répondait ne voulait quitter sa position privilégiée.

¤ Ha non, c’est une p’tite dame plutôt qu’un vieil ermite. Ne te laisse pas abuser mon grand, ça n’rend pas ces feux moins chauds … ¤

Amra la rodeuse de Quaervar et Ylinya, sa regretté « bleuté », étaient des exemples s’il lui en avait fallu, de femme au courage dépassant de loin celui de nombre d’hommes qu’il avait rencontré au cours de ses pérégrinations. S’il lui en avait fallut parce qu’il n’était pas bon rire des femmes de son clan sous peine de gouter de leur main aussi lourde que le marteau de forge de leur mari… dont il n’était pas bon rire non plus d’ailleurs.

¤ Les nôtres sont beaucoup trop sérieux … en dehors des fêtes …¤

- On n’fait qu’passer m’dame et votre feu au milieu de toute c’te neige m’a attiré comme un papillon. On peut vous aider à quelque chose ? Le danger est écarté ? Non qu’je doute que vous puissiez vous en sortir seule mais on passait dans l’coin alors … si on peut vous être agréable, n’hésitez pas !

Y avait-il quelque chose dans la voix de la dame qui ait pu ressembler à de la peur ? De l’agressivité ? De la colère peut-être ? Mjöllnir se concentrerait sur la prochaine réponse. Sur qu’il aimerait sortir de sa cachette mais tout autant qu’il n’avait pas envie de voir sa barbe hirsute s’enflammer. Son utilisation du ‘on’ était bien entendu volontaire, caché comme il l’était, l’inconnue ne pouvait savoir s’il s’agissait ou non d’une personne seule et vu le temps qu’elle avait mis à répondre, elle devait être prudente, et gérer cette méconnaissance avec circonspection.

- Vous avez l’avantage. Nous laisserez-vous passer ou doit-on vous contourner pour vous rassurer ?

désolé pour le délai, je n’avais pas vu ta réponse ...

Narration

Il n'eut pas de réponse immédiatement. Un certain silence s'installait entre les deux protagonistes dont pas un ne voulaient se dévoiler à l'autre. Mjöllnir observait encore et toujours la maison, quand finalement une jeune femme sortie par la porte un petit arc entre les mains. Elle avait encochée une flèche mais l'arc n'était pas bandé. Regardant vaguement dans la direction du nain elle poursuivit la conversation.

-Je suis là. A vous de vous montrer.

Par prudence elle restait dans l'encadrement de la porte. Semblant chercher du regard Mjöllnir. A première vu elle ne l'avait pas repéré, mais elle cherchait du bon côté déjà. Au moindre mouvement du nain il serait sans doute repérer, s'il se rapprochait d'elle du moins. L'odeur âcre, des fumées commençaient à remplir ses narines pourtant très endurcies. Les corps qui brûlaient le plus près de lui était pratiquement entièrement consumés. Il ne pouvait toujours pas dire pour l'autre feu, car il aurait fallu se décaler de sa position actuelle voire même s'approcher. Pour ce qu'il pouvait en voir, la jeune femme avait l'air d'être seule, mais il ne pouvait en être certain.

Mjöllnir sourit.

Il avait pour lui de croire que le mauvais avait plus de prudence et souvent plus d’intelligence que le bon … et que de s’exposer de la sorte, devait être une preuve de bonté. S’il avait été attablé dans quelque taverne, il aurait pu se lancer dans une réflexion philosophique sur sa position à cet instant, lui qui restait caché, mais il en était bien loin et n’avait malheureusement aucun compagnon d’aventure à qui partager sa vision toute relative du bien et du mal.

¤ Allons … ¤

- J’vais sortir mais soyez gentille de n’pas m’cribler de vos flèches avant qu’on ait fait plus ample connaissance. J’suis armé, pour la même raison de prudence qu’vous, rien de plus.

Après avoir placé un carreau dans l’arbalète ouvragée et l’avoir armé –au cas ou-, Mjöllnir sortit de sa cachette, la pointant dans la direction de la dame. Au moindre d’agressivité, il le lâcherait sur l’inconnue, certain qu’il aurait l’avantage sur un arc à tendre, et se préparerait à intercepter le projectile si elle se montrait plus téméraire que réfléchie.

- Et si nous évacuions d’abord ces charniers avant de prendre le temps de s’en dire plus ? L’air commence à s’charger … A moins d’être une nouvelle suivante de Trouveur, je doute qu’vous appréciez plus que moi c’t’odeur.

Narration

Alors qu'il sortit pour se dévoiler aux yeux de la jeune femme, il descendit la légère pente sans quitter des yeux celle qui tenait toujours son arc entre ses mains. Elle ne fit aucun geste brusque et voyant que Mjöllnir n'avait aucune intention belliqueuse elle rangea sa flèche dans son carquois.

-Les charniers comme vous dites sont une nécessité. Celui que vous voyez devant sont feu ma famille. Quant à l'autre il s'agit des meurtriers ou plutôt ceux qui n'ont pas pu me tuer. Des orques si vous ne les aviez pas reconnus. Ces bâtards ont profité de mon absence pour tuer mon homme et mon enfant. Je vais les retrouver un par un et les tuer tous heureusement que vous n'êtes pas un de cela. Ces maudits orques et leur chef Telkoun, maudit soit-il lui aussi.

Une surprenante transformation s'était opérée sur la jeune femme. Le ton de sa voix était devenu dur et même haineux. Le nain sentait un sentiment de colère et même de vengeance. On avait détruit ce à quoi elle tenait le plus et elle réclamait la mort des meurtriers.

- Hoï...

Malgré le ton devenu sévère de la femme en face de lui, le Moine de Clangeddin baissa son arbalète. Ses suppositions étaient tout à fait fausses et un nuage de tristesse partagée passa devant ses yeux. Le couple et leur enfant avaient du chercher dans ces terres froides et hostiles le calme et la sécurité que le chaos des grandes cités leur refusait partout. Ils avaient sacrifié toute notion de confort pour que leur enfant jouisse d'une sérénité … qu'il ne gouterait que mort. Auraient-ils poursuivi leur route qu'ils seraient tombés, par hasard, sur le Monastère des 9 Portes et la protection qu'ils y auraient trouvé.

- Pardonne ma légèreté, j'étais à des lieues du funeste destin des tiens... Que les dieux leur soient cléments ...

Mjöllnir baissa la tête une seconde en signe de recueillement puis releva la tête pour fixer de ses yeux de pierre, pleins d'une volonté de soutenir l'inconnue face à son drame : - "Je n'crois pas qu'une fille de Tyche soit seule responsable de notre rencontre, mais si je n'connais rien de plus de ce Telkoun, ma quête me mène au pied d'sa tour et j'vous accompagnerais avec joie si l'occasion d'casser d'la peau verte fait partie du voyage!"

Rangeant son arbalète pour de bon, il s'approcha de la veuve d'un pas sur, puis et poings serré sur le coeur, lui lança d'une voix franche et claire : - "J'suis Mjölnir Poings-de-cendres, avec vous au moins jusque là si l'coeur vous en dit"

Narration

La femme regarda droit dans les yeux Mjöllnir. Elle parut convaincu de la sincérité du nain. Elle baissa son arc et rangea la flèche dans son carquois situé dans son dos. D'un ton empli de dureté elle ajouta.

-Ta gratitude me touche mais je pleurerai plus tard. Le sang appelle le sang et ils payeront tous jusqu'au dernier. Si vous êtes du voyage, mettons nous en route sans tarder. Il vaut mieux voyager de jour ici.

Elle rentra dans la maison, alla récupérer son sac et divers objets qu'elle plaça à sa taille. Elle rangea également une dague dans une de ses bottes et se saisi d'une bougie qu'elle avait allumé sûrement avant. Elle recula et se posta devant l'entrée puis laissant échapper une petite larme elle jeta en avant la bougie. Aussitôt un liquide, que le moine n'avait pas remarqué, s'enflamma et commença à mettre le feu au reste de la maison. Elle sortit tout en séchant ses larmes et les yeux un peu rouge ajouta.

-Je ne reviendrai plus jamais ici. J'ai tout perdu en ce jour et en ce lieu. C'est ici que ma vie s'achève, c'est ici que commence ma...

Elle s'arrêta nette et s'éloigna de la maison qu'elle regarda se consumer. Quand tout fut réduit en cendre, elle commença à s'éloigner et se retourna vers le nain.

-Mon nom est Silnya, nous pouvons partir, je n'ai plus rien qui me retient ici.

Cela n'avait pris qu'une petite heure en tout mais cela avait sans doute paru un temps fort différent pour chacun d'entre eux. Mjöllnir s'avança à ses côtés et tout deux ils avancèrent dans le froid et la neige qui s'étendaient devant eux. Elle avançait d'un pas leste et tout deux progressaient aussi rapidement qu'il était possible de progresser dans cette neige. Peut-être était-il temps de briser la glace. Ce fût elle qui débuta la conversation.

-Pourquoi voulez-vous voir Telkoun ? Ils n'aiment guère les visiteurs vous savez ?

Comment dire à cette femme en cet instant de souffrance sans pareille d'avoir perdu sa chaire même, plus que sa vie, qu'il vallait la peine de rester soit et de ne pas se perdre à n'être plus rien qu'un outil d'une vengeance?
Mjöllnir n'avait jamais eu l'occasion de s'attacher assez que pour avoir descendance -qu'il le sache du moins- et s'il ne connaissait pas la profondeur des sentiments d'une mère pour son enfant, la flamme dans les yeux de celle-ci lui donnait un aperçu de ce que pouvait être sa fureur de le perdre. Un simple hochement de tête conclut, ré-affirmant la sincérité des condoléances du Nain avant qu'ils ne reprennent la route.

La neige parrut plus collante au vigoureux, plus lourde, et le froid plus intense. Il se remettait difficilement du partage du funeste destin qui venait de sceller celui de la dame. Il avait beau fourailler dans son épaisse barbe, il n'y trouvait aucun moyen de dérider la situation et de ramener un sourire sur ce visage qui aurait pu être beau s'il n'était marqué à ce point.

- Loin d'moi l'idée de voir c'Telkoun si j'peux l'éviter. Je cherche à rejoindre les miens d'la Citadelle d'Adbar, dans les montagnes de glace, bien loin. Il y aurait un portail près d'la tour de ce vieu fou qui m'en approcherait, v'là la raison d'ma présence ici.

Qu'il était finalement simple d'expliquer son périple sans rien dévoiler des secrets l'entourrant! Le moine honissait les mensonges, mais ce trait de caractère lui permettait de n'en dire que jusque assez.

- C'la dit, je suis heureux d't'avoir rencontré parce que sans toi, je n'sais pas comment j'l'aurais trouvée c'te tour ... 'Entre le mont Teldroun et le mont Thorog' qu'ils disaient, belle précision n'est-ce pas? D'ailleurs, tu as une idée du temps qu'il nous reste avant de la rejoindre?

Les yeux plissés pour limiter l'éblouissement de l'immaculée blancheur de la neige, Mjöllnir cherchait des repères auquel il pourrait s'accrocher.