Une chasse un peu spéciale, Broxigar, Rak, Gral et William

Broxigar, d’un ton qui sembla à Will’ faussement enjoué, annonça qu’il repartait. CranedOeuf en fut très heureux, étant fatigué de cette conversation peu plaisante. Il suivit donc le prêtre. Puis, peu après, ils arrivèrent en tête de colonne, celle-ci s’étant arrêtée pour discuter avec une caravane. Il semblait que le moine avait raté les salutations mais sans plus. Il ne saurait donc pas qui était cette caravane et ce demi-elfe. Toutefois, ce qu’il apprit du reste de la conversation était plutôt intéressant. CranedOeuf écouta avec attention celle-ci, gardant tout de même son air absent.

¤Voilà qui est assez troublant, un maître chasseur qui quitte la région à cause d’elfes. Ils ne sont jamais si persuasifs normalement. Certes, ils sont parfois violents mais pas autant. Il doit y avoir quelque chose qui les rends ainsi. Peut-être que les chasseurs sont allés trop loin cette année. Ça se pourrait bien, toujours aussi irrespectueux, ceux là. Ils prennent sans jamais donner. Ils croient que tout leur ai dut. Si c’est eux qui ont fait l’erreur, je ne me battrai sûrement pas sur ce côté du front. Mais attendons d’en savoir plus. Soyons plus vigilants par contre.¤

Malgré ce que dit l’un des deux mercenaires de la maison, le moine prit compte de l’avertissement du demi-elfe. Il y avait quelque chose dans le ton d’Ian qui le trahissait. Peut-être tâchait-il de leur caché le danger si peu payer qui s’offrait à eux. Peut-être était-ce pourquoi ils devaient escorter cette dame hors d’une zone si dangereuse. Ça aurait du sens. Puis vint le moment où Rak les aborda à voix basse, en route. Il se demandait se qu’ils en pensaient.

Évidemment, le prêtre de Kossuth s’empressa de répondre… pour ne pas dire grand-chose d’important au fond. Il ne savait probablement rien d’autre que ce qui concernait la destruction, pensa Will’. Le moine se contenta de dire, lorsque l’on réclama son avis :

-La Haute-Forêt n’est pas un endroit qu’il faut déranger. La paisibilité doit-y être préservée.

L’air absent, Will’ détourna le regard du petit groupe rassemblé et se laissa dépasser, il retournait à l’arrière garde. Il n’avait que faire de l’avis de l’orc ou bien du prêtre irréfléchi. Pour lui, la conversation était close.

Rak n'était pas beaucoup plus avancé. Il n'avait pas obtenu de réponses précises à ses interrogations. Au contraire, son esprit regorgeait maintenant de nouvelles questions.

¤ Me voilà bien avancé. Le monde d'en haut est si compliqué. ¤

Broxigar qui avait avoué ne pas connaître la région, avait parlé des elfes en des termes qui rejoignaient ce que le nain d'écu pensait d'eux, à savoir des êtres plutôt calmes et posés. Car leur intelligence si aiguisée les faisaient réfléchir avant d'en venir à la violence. Et Rak, bien qu'il sache que c'était faux, avait toujours du mal à voir dans les elfes, si minces, si fluets, un véritable danger. Il en avait pourtant la preuve contraire avec les sept morts de la maison Halar.

¤ Oublies tes préjugés idiots. Tout peut-être dangereux ici. ¤

La deuxième idée évoquée par le prêtre était que les elfes devenaient violents quand on s'attaquait à leur forêt. Crâne d'Oeuf abondait d'ailleurs dans ce sens en déclarant qu'il ne fallait pas déranger la paix de la forêt.

Le nain d'écu aurait voulu que le moine soit plus précis dans ses propos qui sous-entendaient qu'il en connaissait bien la Haute Forêt. Mais celui-ci avait rejoint la place qu'il affectionnait en queue de leur petite troupe, mettant un terme à la conversation.

¤ Il s'isole une fois encore. Je le questionnerai plus tard. ¤

Le dernier argument de Broxigar rejoignait cette fois une pensée de Rak, à savoir que les seigneurs exagéraient peut-être au cours de leurs chasses dans la forêt. Il décida donc de s'en ouvrir plus franchement avec lui, parlant à voix basse pour que même Nogusta n'entende pas, lui qui comme à son habitude n'avait pas décroché un mot.

¤ Qu'est-ce qu'il lui faut celui-là pour parler ? J'essayerai après de lui tirer les vers du nez. Il sait peut-être des choses intéressantes. ¤

- Franchement, je me demande si le seigneur Eirontalar ne veut pas affronter les elfes, et que ça lui plait. C'est peut-être plus excitant qu'une chasse contre des animaux qui fuient et se cachent à la moindre attaque. Et comme il sait que ça peu être dangereux, il veut faire partir sa fiancée et dit que c'est elle qui le souhaite pour ne pas attirer l'attention. Car c'est une guerre qu'il veut dans ce cas. Et nous, on risque de se retrouver au milieu. Qu'en penses-tu ?

Le nain d'écu épia les deux hommes d'armes pour être certains qu'ils ne se doutent de rien.

Broxigar écouta attentivement les paroles du moine. Bien qu’il ne lui faisait pas vraiment confiance, il lui donnait tout de même l’impression de quelqu’un d’instruit. Quand il eu fini sa phrase, le prêtre attendit une suite. Mais en voyant le moine se laisser distancer pour reprendre l’arrière du groupe, il compris que celui-ci n’en dirait pas plus.

¤ Ma foi, soit ce moine est spécial et il ne sait rien, soit il ne veut pas nous en dire plus. Et la seule information qu’il nous donne reprend ce que j’ai dis. Merci de nous donner ton avis Cranedoeuf. ¤

Il avait beau retourner la phrase dans tous les sens pour y trouver un sens caché, mais il ne découvrit aucune information supplémentaire.
Peut être que Rak pensait la même chose que lui sur ce coup car il ne s’adressa qu’à lui. Il l’écouta attentivement puis lui chuchota :

- Parler d’une guerre me semble un peu exagéré, j’ose l’espérer en tous cas car nous nous dirigeons en plein dessus. Mais cela me semblerait étonnant. Pour lancer une guerre contre les elfes, il faudrait être à la tête d’une véritable armée. Les habitants de la foret sont très nombreux et le terrain leur procure un avantage énorme. D’autant plus que cette attaque serait prévue depuis un petit moment, on ne rentre pas dans la Haute Foret comme dans un moulin. Je ne vois alors pas pour quelles raisons un seigneur aurait emmener sa chère et tendre avec lui. Elle n’aurait pas vraiment sa place au milieu de cette armée. Il se tu quelque instant puis ajouta d’un air grave : "je ne sais pas ce qu’il se passe là bas, mais j’ai bien peur qu’on ne nous ai pas dis toute la vérité, mais il va falloir rester sur nos gardes. On raconte que les elfes de cette région son de très bon tireur et qu’ils sont invisibles s’ils restent dans les arbres. Les récits que j’ai lu son peut être un petit peu exagérer mais il y a sûrement une part de vrai dans ce qui est écrit."

Rak écouta avec gravité les paroles de Broxigar, hochant plusieurs fois de la tête pour signifier son accord.

¤ Il ne connaît pas la région, mais il sait plein de choses sur les elfes. ¤

La dernière phrase sur l'habileté au tir des elfes poussa le nain d'écu à observer plus attentivement les alentours. Cette fois, il jugeait plausible une attaque contre leur petite troupe. Car s'il estimait peu probable auparavant un assaut donné par des brigands, les elfes eut disposait eux d'un motif valable, surtout s'il reconnaissait dans les deux hommes marchant en tête des membres de la maison Eirontalar.

- Quand je parlais de guerre, je ne voulais pas dire une guerre contre tous les elfes de la forêt, mais au moins une guerre locale pour contrôler Fort Noenar et ses alentours. Et je ne pense pas que le seigneur Eirontalar l'ait provoqué. Je pense juste qu'il profite de la situation pour mener sa petite guerre avant de rentrer bien tranquillement chez lui quand il en aura marre. Dans tous les cas, je pense qu'il vaudra mieux pour nous ne pas rester longtemps à Fort Noenar. Espérons que la fiancée sera prête à partir et que nous serons assez pour la protéger.

Rak jeta un coup d'oeil en arrière et vit le moine qui fermait la marche avec un air toujours aussi étrange, comme s'il n'était pas totalement parmi eux.

¤ Il n'a pas dit grand chose tout à l'heure, quand nous étions tous ensemble. Peut-être m'en dira-t-il plus à moi tout seul. ¤

- Je t'abandonne, dit-il brusquement à l'attention du prêtre.

A l'instar de celui-ci, Rak s'arrêta sur le bord de la route, enleva son sac à dos pour en retirer sa gourde. Puis il remit le sac et reprit sa progression au moment où Crâne d'Oeuf arrivait à sa hauteur. Il but deux longues rasades. Après s'être essuyé la moustache et la barbe d'un revers de la manche, il tendit la gourde ouverte au moine.

- Je t'en prie, bois un coup. Tu dois avoir soif toi aussi, proposa-t-il avec son éternel sourire.

Broxigar et Rak continuèrent de parler à voix basse après que Will’ ai quitté leur petit rassemblement. Il ne s’en souciait pas outre mesure. Il avait déjà fondé son avis sur la question et celui du prêtre de Kossuth ne l’intéressait pas. Alors qu’il balayait la région du regard pour la centième fois, le petit guerrier s’arrêta pour fouiller dans son sac. CranedOeuf le rattrapa assez vite. Il s’était arrêté pour boire un peu. Il en proposa même quelques gorgées au moine, revêtant son éternel sourire. Pour ne pas le vexer, il accepta avec un sourire la gourde tendue, même si la sienne était toujours pleine. Il but quelques gorgées, l’eau purifiant ses boyaux et le rafraîchissant. Il se sentait moins las de sa longue journée de marche à présent. Le moine adressa une prière silencieuse de remerciement à sa déesse. Puis, il redonna la gourde au nain et lui dit amicalement :

-Merci, mon ami. Ça fait du bien ! Alors, la route n’est pas trop difficile ? La région me semble dangereuse, j’ai redoublé de prudence. Il ne faudrait pas mourir sous une pluie de flèches. Si ces chasseurs se sont attirés le courroux des elfes de la forêt, comme cela c’est souvent vu, le tout se terminera par un bain de sang. Je le sens, la région n’est pas sûre. Faites attention, Rak de Delzoun.

Le moine avait repris son sérieux à l’évocation de ces tristes faits. Son ton restait toutefois celui d’un ami qui s’en faisait pour un autre. Il était venu à trouver un véritable compagnon en Rak. Et il en était heureux. Il aurait pu compter ses amis sur une main. Ils continuèrent donc de marcher, côte à côte et le moine attendit que le nain parle.

En offrant à Crâne d'Oeuf de boire à sa gourde, Rak le faisait avec plaisir. C'était un geste normal vis à vis d'un ami. Aussi fut-il content que le moine accepte et se désaltère. Il ignorait que ce dernier avait refusé la même offre venant de Broxigar, ne pouvant alors regarder constamment en arrière tout en marchant.

Le nain d'écu n'eut pas à questionner Crâne d'Oeuf sur la situation, car celui-ci, après avoir bu, parla de lui-même. Il écouta avec attentions les propos alarmistes.

- Tu crois que c'est si grave ? Je te remercie de tes mises en garde. Mais que pouvons nous faire ? Nous sommes trop peu pour résister à une attaque en masse.

¤ Tu voulais de l'aventure. Tu l'as, alors ne te plaint pas. ¤

- Pour tout te dire, j'évoquais ce sujet il y a quelques instants avec Broxigar, et lui aussi est plutôt pessimiste. Moi, je me demande si cela ne va pas au delà d'un simple conflit entre chasseurs et elfes des bois. Je me dis que le seigneur Eirontalar a envie de mener une petite guerre pour le contrôle des environs de Fort Noenar. C'est sûrement plus amusant que de chasser des bêtes.

¤ Et beaucoup plus dangereux pour nous. ¤

- On risque de se retrouver en plein milieu à Fort Noenar. Il faut espérer qu'on pourra vite repartir de là-bas à escorter cette dame. En attendant, vivement une pause. Je ne sais pas toi, mais mes jambes commencent à fatiguer. J'ai pas encore récupéré d'hier soir.

Rak refit une courte halte pour ranger la gourde dans son sac à dos, puis accéléra le pas afin de revenir à hauteur du moine, ce qu'il fit rapidement.

Je profite de l'ordinateur d'un ami pour poster.

L’unique peau-verte du groupe ne comprit point ce besoin de se rassembler en petit groupe pour parler qu’avaient les membres de son groupe, s’ils avaient quelque chose à dire, pourquoi ne le faisaient-ils pas à voix haute ? Les altercations furent d’ailleurs plutôt nombreuses depuis le début du parcours, le vieux mercenaire ne put s’empêcher de noter dans un coin de sa mémoire l’instabilité de ses camarades. Ce qui pouvait faire preuve d’une certaine nervosité. Etait-ce leur première mission ? Le peau-verte en doutait mais cela restait probable.
En ce moment, la discussion tournait autour de la présence hostile des elfes non loin de là. Une attaque récente était le témoignage concret de cette animosité. La compréhension lui passa encore une fois au-dessus de la tête lorsqu’il vit qu’un tel débat avait pris forme. Ian ne disait pas que cela posait problème, et donc, continuer la route sans se poser de questions était la bonne aptitude à adopter. Nogusta se demanda s’il était la seule personne du groupe à agir en professionnel. D’accord, il ne croyait pas l’humain quand ce dernier minimisait la gravité de la chose, mais ce détail ne l’empêchait aucunement de le suivre. Le nain, le prêtre, le moine et lui-même s’étaient engagés en sachant pertinemment bien que cela ne s’effectuerait pas sans risque. Remettre en cause ce contrat serait une insulte au métier de mercenaire, et indirectement, une insulte envers Nogusta, ce qui ne plaisait pas à celui-ci.

Les raisons qui poussaient les elfes à quitter la sécurité apaisante de leur forêt adorée pouvaient être multiples. Contrairement aux stéréotypes décrivant les oreilles-pointues comme une race tranquille du moment que l’on n’en se prenait pas à eux, les elfes ne sont pas vraiment prêteur. Donc, si le fameux maître d’Eirontalar fut pris d’une envie de fouler les terres elfiques, cela aurait été une raison suffisante pour instaurer une succession d’escarmouches. Ou pire encore, peut-être le maître avait-il posé les pieds dans un sanctuaire quelconque.
Ou peut-être les elfes étaient-ils en manque de vivres, bien que cela reste étonnant vu qu’ils ont tout ce qu’il leur faut au sein de leur luxuriante végétation.
Trahison, vol, mensonge, protection d’une cible des elfes, les motivations pouvaient être multiples et Nogusta n’en voyait presque pas le bout. La plus grande chance pour eux serait que ce soit une sommaire addiction, comme l’avait souligné Ian. Néanmoins, la priorité absolue n’était pas de savoir pourquoi les elfes attaquaient mais quand ils allaient attaqués. Nul besoin de savoir s’ils allaient réellement le faire ou nous, prévoir cette éventualité était une chance supplémentaire de survie, et non des moindres.

Un édifice de préparation sommaire trotta dans sa tête. La plus grande chance de subir un assaut serait loin de Fort Noenar, pour éviter quelques envois de renforts ou simplement de croiser une patrouille en ronde. Ensuite, au niveau de l’heure, cela se ferait sûrement dans la nuit. Car les elfes bénéficiaient d’un trait racial très utile dans les ténèbres, leurs yeux – même sous faibles lueurs – pouvaient encore voir dans le noir. Ce qui les arrangerait énormément. Parce que la troupe se composait quasi-uniquement d’humains, incapables d’aligner deux pas dans l’obscurité sans se prendre une taule. De ce fait, le nain Rak ainsi que lui-même pourraient être des cibles prioritaires, vu que eux, possédaient le talent naturel de discerner le monde normalement dans la pénombre.
Quoiqu’il existait des sorts attribués à cette disponibilité et peut-être ses compagnons de route se trouvaient en possession de ces fameux sortis. C’est à ce moment précis que Nogusta prit conscience qu’il ne connaissait absolument rien de ceux qui marchaient à ses côtés. Il exécuta une de ses seules marques d’intérêt envers quelqu’un de la journée en tournant la tête pour voir ce que faisait Rak, le Prêtre et le Moine. Le court-sur-pattes réalisait des aller-retours incessants envers les diverses protagonistes composant le groupe. Le peau-verte ne s’étonna donc pas lorsque le nain se plaint de sa fatigue aux jambes.
Il ne fit aucun commentaire, tout ce ) quoi il venait de penser, il ne jugeait pas utile de le dévoiler. Cela ne pourrait que rendre encore plus nerveux ses nouveaux collègues. Il se contenta d’emboîter le pas à Ian et Karl, tout en conservant une légère distance pour pas que ceux-ci ne se sentent collés.

Le moine écouta le nain exprimer son avis à son tour sur la question. Il semblait avoir conscience du danger mais un peu insouciant à la fois. Comme s’il appréciait le danger. L’appréciation du danger, une mentalité que Will’ avait fait sienne. Il avait besoin de sa dose d’adrénaline, de défi et d’aventure à chaque jour. Il ne pouvait pas vivre cloîtré dans un monastère comme ses compatriotes avaient décidés de le faire. La vie au grand air, voilà ce qui lui plaisait. Il était content de trouver un être qui lui aussi savait apprécier cela. Il poursuivit toutefois avec une petite mise en garde :

-Ce n’est peut-être pas si grave, mais je préfère toujours m’attendre au pire. On est moins surpris ensuite. Résister à une attaque rangée n’est pas dans nos options maître nain, et en cas d’une telle attaque, nous n’aurions pas beaucoup de portes de sortie. Il faut éviter à tout prix qu’un tel événement se produise. Pour ma part, je pense que les chasseurs sont dans le tort mais je ne me fixerai pas avant de connaître les deux côtés de la médaille. Après tout, qui somme nous pour juger ?

La nain s’arrêta pour remettre ses choses en places, et rattrapa CranedOeuf.

-Un peu de nerf mon ami, selon Ian, nous allons bientôt nous arrêter. Et les nains sont de bons marcheurs à ce que j’ai entendu, montrez-vous en digne mon ami !

Will’ sourit, mais sans plus. Il ne riait jamais, simplement quelques rares sourires aux rares personnes en qui il avait confiance. Ils poursuivirent donc leur chemin, suivant la progression.

Rak remarqua le regard que Nogusta jeta sur ses deux compagnons et lui. C’était bien la première marque d’intérêt envers eux de toute la journée si l’on exceptait les deux mots reçus en retour de ses questions. Le peau-verte s’intéressait-il à la situation ou se contentait-il de marcher sans se poser de question ? Difficile à dire.

Rak apprécia l’état d’esprit de Crâne d’œuf : s’attendre au pire pour ne pas être désagréablement surpris. Voilà une conduite sage. Si l’on exceptait son attitude parfois distante parce qu’il semblait dans un autre monde, peut-être celui des prières, le moine plaisait beaucoup au nain d’écu.

- Je crois que je devrais copier ta prudence. Moi, mon côté optimiste pourrait me faire ignorer un danger, révéla-t-il conscient de ses lacunes.

¤ En tous cas, il pense comme moi que les chasseurs sont responsables de la situation. ¤

Mais s’il trouva raisonnable l’idée de ne pas juger la situation sans en connaître toutes les facettes, comment pourraient-ils se faire un jugement objectif en n’ayant que des contacts avec les chasseurs, et aucun avec les elfes ? Difficile d’aller questionner ceux-ci si leur seul argument se révélait être des flèches.

- Je suis d’accord avec toi pour ne pas se faire une idée trop rapidement. Mais je doute qu’on sache jamais ce qui s’est vraiment passé. Ian semble nous avoir déjà menti, et on saura jamais la version des elfes. De toutes façons, on ne changera pas Faerûn et ses luttes continuelles. Il faut qu’on se concentre sur notre mission. Ce sera déjà suffisamment risqué.

Les encouragements du moine par rapport à l'imminence d'une pause et les aptitudes des nains ne produirent pas l’effet escompté.

¤ Hé ! Est-ce qu’il me prend pour une mauviette ? J’ai juste dit que j’avais mal aux jambes, pas que j’allais m’écrouler. ¤

- Ne crois pas que je me plaignais pour mes jambes. Je disais juste qu’elles étaient fatiguées. Comme tu l'as dis, il en faudrait plus pour empêcher un nain d'avancer. Je suis endurant et surtout têtu. Après une bonne nuit, tout ira bien. Mais j’arrête de parler de ça. Il y a des choses plus importantes. Connais-tu un moyen de se protéger d’une volée de flèches ? Il faut dire que mon entraînement a surtout porté sur le combat au corps à corps. A la rigueur, j’ai appris comment éviter ou contrer un tir à distance, mais venant que d’un attaquant.

Crâne d’Oeuf possédait-il une expérience de ce genre ? Il avait dis savoir se battre. Mais là, face à une horde d’elfes des bois en colère, la situation était spéciale. Rak attendit une réponse qui l’éclairerait sur ce point.

Son ami nain sembla apprécier son attitude prudente et décida de suive ses sages conseils. Will’ l’appréciait encore un peu plus, il avait de la jugeote. Pour ce qui était de ce qu’avait dit Ian, il était clair aux yeux du moine qu’il lui avait menti. Il ne s’en préoccupait pas, s’il devait mentir à ses troupes pour qu’elles le suivre, c’est qu’il était un bien piètre chef. De toute façon, si le moindre ordre ne faisait pas son affaire, il ferait se que LUI jugeait bon. Il n’était pas de ceux qui obéissaient tête baissé. Comme il l’avait montré lors de sa dernière aventure en s’opposant à l’attitude de son groupe. Il avait choisi de partir, trop faible pour vaincre ceux qui avaient perpétré ce massacre, se jurant de le venger. Puis, le moine parla à nouveau :

-Il est vrai que nous ne changerons certes pas Faerun, mais nous pouvons au moins changer notre alentour et enjoindre notre entourage à faire de même. C’est peut-être utopique, mais je crois en l’humanité. Il faut simplement faire sa part.

Après sa petite plaisanterie, Rak sembla se vexer. Il n’avait pas bien pris la blague, en nain orgueilleux qu’il était. Le moine sourit et lui dit :

-Je ne doute pas de vos aptitudes, maître nain, ni de votre volonté. C’est au monde entier que vous devez maintenant prouver votre valeur.

À la mention de se protéger d’une volée de flèche, William sourit vaguement. Il connaissait en effet une technique lui permettant de dévier un projectile. Mais un seul à la fois, et il devait le voir arriver sur lui. Il décida tout de même de rester un peu mystérieux sur ce fait en disant au nain :

-Mes maîtres m’ont en effet appris une technique me permettant de dévier une flèche au vol. Par contre, si une volée arrive et que je ne m’y attends pas, je ne pourrai rien faire de plus que de me fier à mon agilité. L’esquive est un art, mais les elfes sont des tireurs qui font très souvent mouche. Faîtes attention, mon ami.

Comme si le guerrier venait d’éveiller en lui une méfiance face à une volée invisible, le moine scruta les alentours en attendant la réponse de celui-ci.

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