A la recherche des âmes perdues, suite d'un convoi spécial

Le dialogue avec le jeune moine était riche d’enseignement. Le Gardien des mystères aimait naturellement à percer les secrets. Et Arkaius était une grande énigme à lui seul. Du reste, Télim sous ces airs avenants restait lui aussi un mystère pour l’elfe de la lune. Mais chaque chose en son temps. Et pour l’heure c’était avec Arkaius, qu’il parlait.

Ainsi donc, cet humain était un érudit. Il avait apprit l’Espuar et le parlait effectivement avec aisance. Bien qu’il fût incapable de se servir de toute la profondeur de cette langue, son ouïe humaine ne le lui permettant pas de pouvoir percevoir toutes les finesses de l’elfique. Il y avait pourtant un léger accent dans son parler. La première idée de Dinenda fut de mettre ça sur le compte de l’origine d’Arkaius. Chaque contré à ces propres nuances de langage, les accents n’étant pas des moindres.

¤ L’espuar est parlé depuis des millénaires, ce peut-il que ces concepts s’appliquent également à la langue des elfes ? ¤

Encore plus surprenant, l’homme se targuait de parler le Draconien. Dinenda n’avait eut à apprendre cette langue et ne la connaissait pas, du moins le croyait-il. La magie coulait naturellement dans ses veines, comme l’eau dans le lit d’un ruisseau. Il n’avait jamais eut besoin d’apprendre l’art profane à partir de texte. Mais la question n’était pas là, non ce qui était intéressant était de savoir qu’il semblait appartenir à une élite. Pour autant, la simple notion de Draconien éveilla un l’intérêt de l’Innatoh, bien malgré lui.

Ainsi donc Arkaius faisait partit d’une élite intellectuelle. C’était un renseignement à ne pas prendre à la légère. Il y avait pourtant des points étranges qui ne correspondaient pas vraiment avec les connaissances et à priori du gardien sylvestre. Les elfes étaient connus pour leur soif de liberté et de libre arbitre. Ils exécraient l’esclavagisme, tout du moins Dinenda n’avait jamais entendu parler d’elfes qui le pratiquaient. Alors qu’est-ce qu’une elfe pouvait bien avoir à faire l’élite thayéenne ? Suivant les rumeurs, il était de notoriété publique que les élites de Thay avaient presque systématiquement recours à des esclaves. Un concept qui soulevait le cœur du jeune Mythrandir, rien que d’y penser. Prenant sur lui l’ensorceleur tâcha de faire abstraction, peut-être que Arkaius était différent.

Une autre question trottait dans l’esprit du Teu’Tel’Quess. Qui était donc la cible du moine ? Les Gardiens Sylvestres avaient de nombreuses relations dans la Haute-Forêt. Certaines étaient des alliées d’autres étaient neutres et fatalement la Confrérie avaient également des ennemis. Dans quelle classe se trouvait la personne que recherchait Arkaius ? Et encore plus intriguant, le fait de partir en mission pour une guilde quelle qu’elle soit sans connaître les tenants et aboutissants. Devait-il inviter cette personne à le suivre ? La tuer peut-être ou bien encore la capturer ? Dinenda en était persuadé, même si le moine ne connaissait pas les raisons profonde de sa mission, il savait qui il devait retrouver et par-dessus tout il savait ce qu’il devait en faire une fois trouvée. Là était le grand mystère qu’il fallait découvrir avant d’accepter de l’aider ou pas.

Autant de questions que l’ensorceleur souhaitait poser à l’humain. Mais il n’était pas dupe. Il savait pertinemment que sans donner un peu de renseignement, il n’en obtiendrait pas plus de la part du moine.

L’elfe lunaire sourit donc à la question du moine. Il posa son sac, s’assit et sortit son outre d’eau afin de se désaltérer.

- Oui, nous faisons route vers la Haute-Forêt. Et vous avez raisons, c’est à la fois un retour chez nous, mais nous avons quelques petites choses à faire en cours de route. Nous sommes les protecteurs de cette forêt, et si vous n’avez aucune mauvaise intention envers la nature, alors nous n’avons pas de raison de nous considérer comme ennemi. Vous m’avez dit que vous avez étudiez avec une elfe en Thay. C’est étrange vous parlez avec une aisance remarquable, mais vous avez un léger accent qui m’est inconnu et que l’on ne retrouve pas lorsque vous vous exprimez en commun. Je suis un curieux impénitent, mais puis-je vous demander qu’elle est la nature de vos études ?

Dinenda n’était pas un sot, et demander à brule pour point qui était donc recherché et qu’est-ce qu’il allait advenir de lui était voué à l’échec. Il faudrait plus de temps pour ça. Mais sans réponse à ces questions, il n’y aurait pas d’entre aide possible.

Ce froid ambiant était un calvaire pour Télim qui était plus habitué aux températures plus clémentes du Sud des Royaumes, un marchand qu'il avait croisé quelques jours plus tôt n'avait pas manqué de lui dire qu'il y avait pas mieux que du froid sec pour tuer toutes les salopries qui étaient dans l'air. Télim n'avait pas répondu, que pouvait-il dire, il ne connaissait pas la région. Par contre l'homme, un halfelin costaud, avait eu la présence d'esprit de lui confier quelques astuces pour l'aider à surmonter les rigueurs de ce climat hivernal, comme de la paille dans ses bottes. Certes cela n'était pas dès plus élégant mais le résultat était bien là. Pourtant au fur et à mesure qu'ils marchaient, le naufragé commençait à regretter son calimsham natal, enfin surtout le soleil et peut-être quelques Maisons des Plaisirs où il avait quelques-unes des ses habitudes. Pour le reste, il s'en accomoderait. Enfin presque....

Quand ses compagnons décrétèrent une nouvelle pause, Télim souffla de dépit. Il aurait préféré mille fois continué à marcher que de s'arrêter et rejoignit l'elfe de la lune et le moine qui faisaient un brin de causette, dans une ambiance nettement plus sereine semblait-il. Sans se soucier de déranger, il prit la parole.

- Mais dites moi messire Dinenda, il semble que le chemin que nous empruntons ne soit pas dès plus fréquenté. Rassurez-moi?Nous nous dirigeons bien vers une cité car pour tout vous dire je ne serais pas mécontent de me trouver une belle auberge pour passer une nuit au chaud...Pas vous?

Le Thayen s'apprêta à répondre à Dinenda, quand soudain le Calishite vint les interrompre. Arkaius trouva cela fort déplacé, mais il ne fit aucune remarque. En fait, cette interruption venait à point nommer. Il allait ainsi éluder la question de l'elfe en laissant la parole au voleur. Après tout, il n'était pas dans son intérêt de parler de son initiation pour rentrer dans l'Ordre de la Mort Longue. Cela ne ferait qu'éveiller la méfiance de l'ensorceleur. Toutefois, il devrait l'avouer un jour.

"Nous deviserons de ce sujet une autre fois. Je suis tout à fait d'accord avec l'importun qui vient de me couper la parole. Un repos dans un gite confortable est un luxe agréable. A vrai dire cela fait des lustres que je n'ai pas dormi dans un lit moelleux. Le confort du Monastère des Neufs Portes n'ait pas ce qui se fait de mieux en matière d'habitat. A Thay, les choses étaient fort différentes. Je jouissais de certains privilèges, ce qui n'était pas pour me déplaire. Nous avons tous, ce que nous appelons un chez soi, dans lequel nous préférerions vivre. Mais à la guerre comme à la guerre. Il faut parfois ne pas faire trop la fine bouche."

L’intervention du Calishite tombait vraiment mal. Dinenda attendait la réponse du moine, et l’occasion pour ce dernier de se défausser avait été trop belle pour ne pas être utilisée. Et il le fit avec brio. Les efforts de l’Innatho pour en apprendre d’avantage avaient été réduits à néant.

Pour autant, il y avait tout de même une leçon à en tirer. Arkaius aurait pu répondre, s’il l’avait réellement désiré. Ce n’était pas le cas. La question était donc la suivante : pourquoi ? Une réponse viendrait peut-être solutionner cette interrogation. Mais ce ne serait pas pour tout de suite. Le petit jeu du chat et de la sourie allait donc se poursuivre encore un moment. Mais il fallait maintenant le laisser souffler un peu. Télim serait peut-être plus bavard.

Le Gardien des mystères tenta le mieux possible de cacher sa frustration, et s’apprêta à répondre aux attentes des nouveaux venus qui pour l’instant partageaient leur route.

- Vous l’avez bien remarqué Télim, effectivement nous ne suivons pas l’axe principal, pour des raisons de sécurité. Par contre, ce qui va suivre risque de ne pas vous plaire. Oui, nous dirigeons vers une cité. Plus loin se trouve Archepierre. Mais non, nous n’entrerons pas dans cette ville. Vous êtes entièrement libre quant à vous de vous y rendre, et je pense que notre amie Neffalasièl sera en mesure de vous en indiquer le chemin. Si vous souhaitez. Mais si nous devons poursuivre ensemble, alors oubliez tout de suite le confort d’une auberge. Nous n’en fréquenterons plus d’ici un bon bout de temps. D’ailleurs, je me dois de vous prévenir, plus nous nous rapprocherons d’Archepierre, plus il sera dangereux de voyager en notre compagnie. Comme je vous l’ai dit, vous êtes libre.

Dinenda se plaça de telle manière à pouvoir observer les deux humains et d’appréhender leur réaction.

Tomber comme un cheveu sur la soupe, c’était exactement le dicton que le calashite aurait pu citer en voyant l’expression de l’elfe lunaire et du moinillon. Pour ce dernier, il n’avait que mépris et il ne doutait pas un seul instant que lui aussi avait de forte chances de ressentir la même chose à son égard. Cela lui passerait, ou pas, après tout avec ses airs hautains, il ne méritait aucune considération du roublard enfin presque aucune. Affichant son plus beau sourire, il s’inclina dès plus respectueusement en direction du chauve avant de détourne le regard vers Dinenda qui avait prit soin de lui répondre posément.

- Tiens donc ? Dangereux dites-vous ?

Il était toujours difficile de savoir ce qu’un elfe qualifiait de dangereux. Ils avaient une tendance malsaine à toujours s’adresser à eux sur un ton condescendant, comme un père qui grondait ou mettait en garde ses enfants. C’était…horripilant. Enfin, il allait lui faire plaisir.

- Je n’ai rien contre l’idée de vivre quelques péripéties, cela me dégourdira les jambes même si je vous avoue que les températures sous cette latitude ne sont guère dès plus agréable pour moi, mais je m’y ferais…comme d’ordinaire.

Il renchérit.

- Mais au fait…..s’il est dangereux de vous accompagner, puis-je en connaître les raisons, au cas où je dois verser mon sang pour vous?

Répondre à Télim ne posait pas de problème car cela n’avait, à priori, rien à voir avec la mission première qui avait été fixée aux Gardiens Sylvestes. De plus, visiblement le roublard avait l’intention de suivre le groupe encore un bout de chemin. Ce n’était pas pour déplaire à l’elfe lunaire. Cet humain faisait preuve d’une vivacité d’esprit qui était des plus agréables aux yeux de l’ensorceleur. Par contre, Dinenda avait toujours un doute vis-à-vis d’Arkaius. Le gardien des mystères avait prit le parti de ne plus en faire état auprès du moine. Mais ce dernier n’avait pas encore complètement convaincu de sa non-appartenance aux forces de Thay.
Toutefois, il aurait été difficile de mentir. C’était une chose que l’elfe n’appréciait pas. Par contre, travestir la vérité en l’orientant pour servir les dessins de sa mission, ne lui posait pas de problème de conscience.

- Et bien sur la route qui nous menait à Rougemélèze, nous avons eut l’occasion de faire la rencontre avec des mages rouge de Thay. Il est bien certain que la conversation avec eux n’a pas été des plus … constructives. Tout cela pour vous dire, que lorsqu’ils nous ont agressés, nous avons répliqué. Vous dire que nous avons vaincu serait mentir, car ses derniers ont fait preuve d’une certaine puissance, et si le combat avait dû durer, l’issue aurait été des plus incertaines. Vous l’aurez comprit, les Thayens ont prit la fuite. Mais l’un des leurs est resté avec nous. Autant vous dire tout de suite qu’un interrogatoire ne fut en aucun cas envisageable car le bougre ne pouvait plus être loquasse.

Le gardien des mystères avait volontairement omis de parler de leur point de départ. Oui, ils avaient bien été à Rougemélèze, mais nul n’avait directement besoin de savoir qu’ils étaient partis d’Eauprofonde. Si on les cherchait, ça laissait planer le doute. Dans le même ordre d’esprit, l’ensorceleur se garda bien d’évoquer la présence d’Aglaïa et d’Iris. Si Arkaius était finalement à la solde des Thayens, il aurait fatalement besoin d’informations complémentaires car la constitution du groupe actuelle, ne correspondait plus à celle que les fuyards auraient pu signaliser. Pour autant, il ne cachait rien du la nature du danger, auquel allait peut-être volontairement se soumettre Télim Osonsaar et Arkaius. Car, s’il était bien ce qu’il disait être, il avait le droit de savoir dans quoi il s’engageait.

- Nous avons eut quelques informations qui tendent à prouver que les mages rouges aient leur quartier général à Archepierre. Et c’est la raison pour laquelle nous prenons quelques précautions. Leur présence a été signalée, et aujourd’hui les Marches d’Argent et leurs alliés doivent certainement être informés de cet état de fait. Voila pourquoi, nous ne nous approcherons pas d’Archepierre, mais continuerons notre route directement vers la Haute-Forêt.

Dinenda regarda tour à tour ses interlocuteurs, il ne leur avait pas mentit. Mais il n’avait à priori rien dévoilé de ce qui n’était pas nécessaire … pour le moment.

- Voila messieurs, maintenant vous savez de quoi il en retourne. Et il est vrai que c’est bien la moindre des choses.

Comme à son habitude, son frère gardien avait su choisir ces mots afin d'essayer de contenter la curiosité de leurs nouveaux compagnons, sans pour autant dévoiler leur véritable mission.

Quant au rôdeur, préférant se taire, il cheminait suivant leur guide ailé sur ce chemin bien dur. Le froid envahissait peu à peu ses membres et seule une marche soutenue l'empêcherait de geler sur place. Il n'avait à ce jour, connu de pareil climat. Les piaillements des oiseaux avaient complètement disparus ainsi que le bourdonnement des insectes volants, laissant place à un silence de mort entrecoupé par les quelques paroles de ces compagnons de route. Parfois, une branche d'un gros chêne plusieurs fois centenaire ou d'un hêtre aux ramures des plus belles, craquait, comme une plainte à ce rude climat.

Pourtant Nirannor se méfiait, se remémorant les paroles de certains anciens à l'encontre de ces lieux inhospitaliers. Plus d'une fois, il avait entendu dire que le silence pouvait cacher de très grands dangers...
Sa main machinalement se portait sur le pommeau de son épée, comme pour se tranquilliser.

La Haute forêt approchait inexorablement et Nirannor, comme un jeune enfant, semblait excité de la découvrir. Tant de légendes et de de mythes circulaient à son sujet. Pour que le chemin ne paraisse moins long ou peut-être plus pour se rassurer, le rôdeur questionna l'elfe ailé.

- Neffalasièl, on m'a rapporté dans ma prime jeunesse que dans cette haute forêt, des korreds vivants dans de gigantesques cavernes souterraines tenaient un trésor des plus recherché. Avez-vous entendu parlé de cette histoire ? De même qu'un Sylvanien dont l'âge ne pouvait être compté, aurait en sa mémoire, le secret de la naissance de notre monde et de ces multiples races ?
J'ai du mal à y croire mais tant de choses me reste encore inconnu...

Le rôdeur baissa la tête dans un léger soupir.

Narration

Les conversations allaient bon train et Neffalasièl donna le signal de la remise en marche. La courte pause était terminée et il était temps de se remettre en route. L'avariel prit la peine de répondre à Nirannor juste avant d'aller faire sa reconnaissance aérienne.

-Pour tout vous dire, je connais mieux les airs de la haute forêt que ses sous-sol. S'il existe des trésors en dessous je n'ai pas la moindre idée de ce qu'il s'agit. Quant au sylvanien dont vous parlez,je pense que vous faites référence au Grand père arbre. Il est en effet, du moins le dit on, aussi vieux que le monde. Je ne saurais vous en dire plus car je n'ai jamais eu le plaisir de le rencontrer. Je connais davantage la région des monts étoilés, pour des raisons qui semblent évidentes. Je reviens dans un moment.

Elle déploya ses ailes et partie faire son tour de patrouille horaire. Elle revint après une brève période de temps faire son rapport à tout le monde.

-Rien comme d'habitude. C'est l'hiver après tout, c'est la saison calme pour tout le monde. Mais je crains que mes patrouilles aériennes ne soient plus aussi efficace que précédemment. Le paysage forme un fond blanc uni de plus en plus qu'il met très difficile de distinguer d'aussi loin. Même Archepierre me reste cachée de cette distance.

Comme pour lui donner raison, les environs lointains formaient une sorte de muraille blanche, lisse et sans contraste. Comme une sorte de brouillard qui ne cessait de reculer sans cesse. Cela avait un côté déprimant car ils ne voyaient que par à coup leur progression. Leur moral n'était pas atteint, mais trop de temps passé ici pourrait être une dure épreuve pour tous.
Le temps passa tout de même assez vite et quand le soleil arriva à son zénith, ils s'arrêtèrent de nouveaux pour se restaurer. Chacun s'installa alors qu'un bon feu leur permettait de ne pas se refroidir et de cuire leurs aliments et les derniers morceaux de leur chasse.
Alors qu'ils mangeaient tranquillement, des hurlements de loups se firent entendre loin très loin dans la plaine. Ils n'avaient pas vraiment à s'inquiéter pour le moment, mais ces hurlements étaient les premiers signent de vie qu'ils entendaient depuis plusieurs heures. Neffalasièl rassura tout le monde.

-Ce n'est pas nous qui sommes la cible de leurs hurlements. Ils sont très éloignés en fait, mais le froid et le paysage relativement plat de cette région font que les sons portent très loin. Si les loups avaient voulu nous attaquer on aurait rien vu venir. Ils sont beaucoup plus malins qu'on ne le croit. En fait c'est même plutôt bon signe, cela signifie qu'il y a du gibier par ici et nous ne manquerons pas d'eau non plus.

Elle prit une poignée de neige immaculée du sol pour appuyer ses paroles. Tous n'avaient pas encore terminé leur repas et ils en profitaient pour vaquer à leurs petites affaires.

Soit les deux humains rencontrés à Rougemélèze avaient du courage. Soit ils étaient inconscients à moins qu’ils n’aient une vrai bonne raison de s’exposer de la sorte. Quoi qu’il en soit, Dinenda avait l’esprit plus léger. Car maintenant et jusqu’à la Haute-Forêt, Arkaius et Télim agissaient en connaissance de cause.

L’ensorceleur était partagé. D’une part, il était content que chacun des pas qu’il faisait le rapproche de la Haute-Forêt et de sa mission. Mais d’autre part, chacun de ces mêmes pas diminuait le temps dont l’Innatoh disposait pour percer une part du mystère qui entourait chacun des deux hommes. Un mystère qui pourrait avoir une importance capitale au moment venu. Un mystère qui pourrait faire la différence entre le succès et l’échec, la vie et la mort.

Le Gardien des Mystères n’avait pas parlé beaucoup, jusqu’à ce que les hurlements de loups ne se fassent entendre. Il avait tenté de faire un bilan de tout ce qui s’était passé depuis leurs rencontres. Mais force était de constater, que pour le moment, il n’avait pas assez de données pour en tirer la moindre conclusion. L’ensorceleur ne pouvait se baser que sur son ressentiment, c’était donc forcement subjectif et par conséquent non fiable.

L’immensité de la plaine quasi déserte était propice à la réflexion. Le calme et la nature recouverte de neige immaculée avait une beauté indéniable. Cette nature là, devait receler bien des secrets que le Teu’Tel’Quess ne pouvait même pas imaginer.
Une quiétude troublée par les hurlements de loups. Un animal qui, à Thüldae, avait une connotation bien moins négative qu’en général. Il était un symbole par extension. La légende des Lytharis du Saule Argenté s’était peu à peu étendue au loup. La fidélité, l’esprit d’appartenance et la notion de défenseur de la meute s’appliquait admirablement bien à la Confrérie. Machinalement, les doigts de la main droite de Dinenda effleurèrent la broche accrochée sur son cœur.

- Hum, oui vous avez raison. C’est quand nous ne les entendrons plus, qu’il faudra se méfier. Quand au gibier, je sais que l’on peut compter sur Nirannor et la Flèche. S’il y en a, ils le trouveront. En espérant, que cette fois ils ne trouvent rien d’autre.

Dinenda lança un clin d’œil complice à son frère. La rencontre avec les Chacalidés avait également commencé par une partie de chasse. Et finalement le gibier était devenu le chasseur. Mais alors que l’elfe argenté posait son regard sur sa sœur, il eut un pincement au cœur. Il en avait presque oublié que Cynwall avait été mordue, lors du combat avec les rats.

Elle était distante et ne s’était moment plainte à aucun de sa blessure qu’elle avait reçu. Dinenda s’en voulait. Il s’était tellement concentré sur les nouveaux venus, qu’il en avait oubliés de prendre soin des siens. Il s’approcha de la Gardienne Errante et posa sa main gauche sur l’épaule de sa sœur. La belle elfe sauvage ne parlait jamais beaucoup, et se plaignait encore moins.

’ ’ ’ ’

Dinenda utilise premier soin sur cynwäll si besoin est. Si la blessure risque de s’infecter, Dinenda utilise trousse de secours.

La réponse de l'elfe ailée l'avait à moitié satisfait mais malgré cela, le rôdeur lui décrocha un léger sourire pour la remercier. Marchant d'un bon pas, Nirannor se surprenait à rester plus que silencieux, respirant profondément l'air de cette nature si généreuse pour les humains, observant de ci de là, les moindres mouvements des arbres et autres arbustes, écoutant religieusement les bruits qui naissaient à chaque instant de leur marche.

Le hurlement des loups eut pour première conséquence pour le rôdeur de fermer davantage sa veste, comme pour se prémunir d’un froid plus vif, puis, machinalement, sa main se rapprocha de son pommeau, instinct de survie qui le sauva plus d’une fois de dangers imminents. Les quelques paroles de leur guide le rassurèrent quelque peu même si il eut, en sa jeunesse, quelques difficultés à se défaire de ses bêtes sauvages.

Alors que son ami, profita d’une pause pour soigner la flèche ou plutôt, atténuer son mal, Nirannor songeait à ses êtres aux oreilles pointues. Le temps paraissait n’avoir que peu d’emprise sur leur vie et physique. Traverser les siècles était monnaie courante chez les elfes et l’humain se sentait bien éphémère à leurs yeux. Son amour devait le quitter pour toujours, cela il le comprenait mais quand ? Ils en avaient parlé à Rougemélèze. Tout était scellé, un dernier mot, un dernier regard et puis, la belle restait. Etait-ce là une torture morale que lui infligeait Lathandre ou simplement, l’habitude des elfes à se complaire dans ce temps sans limite qui leur était donné ?

Ses pensées s’effilochèrent quand le froid le saisissait de nouveau. Machinalement il se rapprocha du feu crépitant et ajouta un morceau de bois. Leurs nouveaux compagnons semblaient eux aussi, pensifs. Lorsqu’il sentit son corps reprendre un peu de chaleur, le rôdeur se rapprocha des deux elfes.

-Comment te sens-tu ma belle ?

Cette courte question en demandait beaucoup car Nirannor sentait son amour plus distant, plus éloigné, était-ce sa blessure physique ou tout bonnement le fait de leur séparation ? il n’attendit pas sa réponse comme par respect de l’intimité de sa mie et enchaîna discrètement auprès de son ami gardien, évitant que les autres ne puissent entendre sa conversation.

-Dinenda, cela fait déjà quelques jours (1) que nous sommes partis, la haute-forêt se rapproche et nous n’avons encore trouvé trace de ce que nous cherchons ? Ne serait-ce par chercher une aiguille dans une botte de foin, comme disaient mes aînés ? Peut-être arrivons-nous trop tard…


(1) en fait Nirannor n’en a aucune idée. Peut-être que notre MJ pourrait apporter une réponse précise ? Nous sommes le 2 nuiteuse 1372 mais à quelle date sommes-nous partis ?