۝ A la poursuite d'une Ombre ۝, Tass, Korja, Zara, Will, Nish & Néféris

ourment fit mine de s’éloigner vers le pont supérieur. Il avança d’un pas lent et silencieux malgré sa carrure et resta dos tourné vers Gwinal. Le pirate essaya tant bien que mal d’écouter les paroles serviables de l’homme de bord et ne pu réprimer une grimace de dégoût. Quelle sorte d’homme parlerait ainsi la queue entre les jambes à des invités certes, mais inconnus ? S’ils avaient été sur la Sirène Noire, aucun doute que le bosco auraient mis au pas les nouveaux venus sur les lois de savoir vivre à bord, au lieu de leur cirer les bottes tout en baissant le dos. Cette affaire sentait le pourri, d’autant plus que leurs affaires n’avaient même pas été contrôlées avant de monter à bord, soit car ils s’en fichaient, soit car ils savaient déjà de quoi ils étaient capables.

¤ Cette affaire pue la Méduse de Khalkar, ce Gwinal cache quelque chose.. ¤

Ulysse effectua un demi tour rapide et sans un bruit, mis à part le frottement de son talon sur le bois, et se trouva en vue du reste de ses compagnons. Il observa la grille d’un air plus attentif, comme pour déterminer si celle-ci pouvait facilement être sortie de ses gonds à l’aide d’un levier. Son attention se porta ensuite sur les autres points d’évacuation de la cale, toutes les entrées possibles, jusqu’aux trous de souris. Tandis qu’une idée germait déjà dans sa tête, un sourire malsain se dessina sur ses lèvres émaciées. L’homme leva sa main droite à hauteur de tête et observa le petit visage ridé niché au creux de sa paume. Cette même main plongea dans l’une de ses poches et sortit une pipe sculptée ainsi qu’une blague à tabac. Devant lui, la Puce s’excitait comme deux et lui demandait d’un regard suppliant d’entamer une action sûrement suicidaire. Le pirate lui fit signe de le suivre, tandis qu’il se tournait avec célérité vers la sortie, et donc vers la lumière qu’il détestait tant.
Le vent estival surchargé d’iode abondante l’apaisait néanmoins et lui faisait oublier les lances de lumière qui pesaient au dessus de lui. Tandis qu’il bourrait sa pipe de tabac de feu du Calimshan, le pirate au trident repéra vite du regard le pâle être à la capuche surdimensionnée positionnée près de la barre et du capitaine. Il semblait afficher un sourire radieux, plus troublant encore que celui des mineurs ayant trouvé l’or des fous.
Des petits pas arrivèrent à hauteur de Tourment qui déjà, tirait sur sa pipe pour tirer de grandes bouffées de fumée épicées. Ses manières étaient assez contradictoires avec sa nature même, froide et insensible, car sa façon de marcher et de s’exprimer par moments faisaient souvent penser à un nobliaux. Il pencha sa tête vers sa petite compagne pour lui parler, tel un murmure mêlé au vent du Sud.

- Chérie, j’espère que tu as apporté avec toi de quoi fabriquer quelques pièges intéressants, au moins du fil et des clochettes afin d’assurer ton derrière lorsque tu dormiras, car étant un enfant de la nuit, je ne dors pas plus que ça vois-tu, mais j’ai déjà pensé à quelques petites choses.. Mais dis moi, quelle impression te donne notre hôte, et surtout, notre lieu de couchage. Trop propre n’est-ce pas ?

Tourment afficha un sourire entendu à ses derniers mots, puis retira une bouffée de son bon tabac tout en savourant les prochaines effusions de sang auxquelles il allait être témoin dans peu de temps, si tout se déroulait comme prévu.

Tass, Ulysse

Ni l’analyse de la clé dans les mains de la Puce, ni celle de la grille par Tourment ne leur apporta d’élément leur permettant leur permettant de conforter leur idée de piège. La grille, et il devait en être de même pour sa jumelle, s’ouvrait d’un battant unique, vers le haut, sur d’épaisses charnières. Sans une poulie, un homme seul n’aurait jamais pu même la faire bouger ; à deux ou trois peut-être juste assez pour permettre à un autre de s’y faufiler.
A part la porte dont la jeune roublarde venait de recevoir la clé, il n’y avait aucune autre issue visible.

Gwinal était resté entre le pont et la cale, attendant le retour de l’un ou de l’autre, et laissa passé le curieux couple vers la sortie non sans un salut de tête toujours aussi cordiale. Au lieu de les rejoindre, il entra dans une des pièces à l’avant du navire. Auprès d’eux, avant qu’ils n’aient rejoint l’Aède et le capitaine, les marins enturbannés vaquaient à leurs occupations comme les pièces d’une invention de Gond bien huilée. La Houle Brisée filait à bonne allure sous ses voiles tendues. Les oiseaux marins se faisaient plus rares, la mer d’un bleu plus profond et le vent plus frais sous un soleil toujours aussi reluisant. La forêt de mats du port de Luskan s’éloignait à l’horizon.

Zarathoustra

A la question de l’Aède, le capitaine lâcha un rire profond et visiblement sincère, comme s’il venait d’assister à quelque divertissement théâtral. Se reprenant, l’œil pétillant et un curieux sourire en coin, il laissa une seconde le gouvernail tourner pour laisser glisser son navire, voile gonflée, vers le sud.

- Le danger est partout mon brave et il n’y a pas plus de risque avec une poignée de personnes à bord qu’à quai, à Luskan ou ailleurs. Je ne te connais pas mais si Gwinal te juge digne d’être à bord, c’est que tu l’es. La Houle Brisée est un fier navire et son équipage est plus loyal qu’un paladin. Les ‘incidents’ n’ont jamais le temps de prendre de trop grandes proportions.

Zarathoustra avait-il bien vu le regard azure changer en parlant de la confiance qu’il portait au jugement de Gwinal ou était-ce la surprise de voir d’autres de ses passagers les rejoindre sur le pont ? L’arcaniste était bien incapable de le dire, d’autant que ce mouvement à peine perceptible eut tout aussi bien être le fait d’une observation du capitaine sur un geste malheureux d’un des marins, un changement de vent ou la formation des quelques gros cumulus droit devant eux. Suivant son regard, il vit Tourment et la Puce remonter des cales.

- Revoilà deux de tes compagnons. Vous pouvez vous promener à votre guise tant que vous ne gênez pas mon équipage et que vous n’entrez dans aucune pièce fermée.

William

Le moine incapable de considérer que sa vision des choses était très loin des considérations du Cercle tambourinait en vain sur la lourde porte de la masure. La voix filtrée qu’il reconnaissait sans peine pour être celle de Sans-Nom lui parvint derrière lui, le faisant sursauter tant elle était proche et qu’il n’avait eu conscience de sa présence : - "Les hommes à la bouche pleine d’insultes ne sont pas les bienvenus chez moi. Je te refuse l’entrée que tu demandes et t’invite à revoir tes propos diffamants. Tu as raté le test jeune moine, jetant au feu les préceptes qui devraient pourtant être les tiens si tu es ce que tu prétends être, nul besoin de reporter la faute sur d’autres."

Si les mots étaient explicites, une fois encore il était impossible de connaître la pensée de l’homme masqué. Y avait-il de la colère dans sa voix ? De la lassitude ou autre chose ?
Tandis que William se tournait pour faire face à son interlocuteur, celui-ci reprit, sur ce même ton anormalement neutre : - "La ‘bande de gredins meurtriers’ dont tu parles t’a sauvé d’une vie d’esclavage alors que tu n’as rien tenté pour l’éviter à d’autres. Elle t’offrait une liberté que tu n’as jamais connue et la chance d’appartenir à un groupe qui t’aurait défendu contre les autres et toi-même au mépris de tout. Est-il meurtrier celui qui sauve une vie par son bras ? L’est-il plus que celui qui déverse sa rage sur quelque créature sans autre perspective qu’une vie recluse dans des égouts malodorants ? Adieu William. Je m’étais trompé sur ton compte. Nous n’avons rien à faire d’un aussi piètre homme que toi."

En quelques pas silencieux, Sans-Nom rejoint sa porte en contournant l’inopportun. Et la lui claqua au visage.

e pirate laissa sa question en suspend, sachant déjà d’un regard avec la petite ce qu’elle pensait au fond, de cette situation. La Chasseur Noir releva alors la tête un instant et croisa les prunelles azur du Capitaine. Ulysse ne cligna pas des yeux une seule fois et laissa aller son regard dans celui du maître de bord, longuement. Il ne tourna la tête que lorsque que celui-ci tourna la sienne, avant lui bien entendu. Avec un demi-sourire coutumier, Ulysse croisa les bras en avant et renifla l’air iodé tout en plissant les yeux. Il fit quelques pas sur le pont et observa la manière de travailler des matelots. Au loin déjà, le port de Luskan disparaissait, laissant un sillage d’écume épaisse dans leur sillage. Le navire avançait à une bonne allure selon lui et il n’était pas mécontent de quitter cette cité sordide qui devenait de moins en moins accueillante. Il en vint même à se demander ce que faisait la Houle Brisée là bas, car aucun capitaine propre sur lui n’oserait s’aventurer dans pareil taudis. Et aucun capitaine inconnu ne pourrait franchir les limites territoriales de Luskan sans être intercepté..

¤ Voilà qui rajoute encore des questions.. Tout cela va me donner mal au crâne, je laisserais ce soin aux autres, il me faut plutôt me concentrer sur mon objectif. Ce soir, nous irons faire une petite expédition nocturne..¤

- N’est-ce pas Oni ? souffla l’humain
Dans la paume de sa main droite, le petit visage ridé s’esclaffa puis fit une grimace de dégoût, à l’idée d’aider son hôte. Voulant couper court à la discussion, à tel point de ne pas vouloir parler, le visage fantomatique traversa le poignet d’Ulysse pour traverser sa peau et se loger à un endroit où il ne serait pas vu, dans le cou. D’un côté, avoir des yeux derrière la tête était fort utile, et malgré lui, Oni servait tant bien que mal à Tourment..

¤ Si cela continue.. je vais devoir prendre les choses en main, le plus vite possible. Me voilà à materner une équipe de bras cassés illuminés. Je me demande en quoi ils serviront l’Odyssée du Cercle et en quoi ils méritent que leur nom soit chanté pendant des millénaires, ils sont soit fous, soit enfermés dans un mutisme agaçant.. Et en plus de ça ils se font voler. ¤

Ulysse passa une main distraite dans sa barbe et cessa d’observer les marins à leur tâche. Il continua néanmoins de marcher à l’air libre et étouffa un bâillement. L’air de rien, passant silencieusement et agilement entre l’équipage, Tourment se rapprochait de la barre, tout en observant les lieux importants visibles sur le navire. L’homme était réellement fatigué et ne tarderait pas à aller inaugurer un des lits pour se reposer de sa précédente expédition, ainsi que pour être en forme une fois la nuit tombée. Ses pas le menèrent vers l’Aède qui affichait toujours le même air euphorique derrière sa capuche démesurée, puis, relevant la tête près du capitaine, s’adressa à lui.

- Dites moi, capitaine, votre Gwinal là, il ne se serait pas trompé de bord ? Je veux dire, dans ses culottes. Non pas que ça me gêne, mais je préfèrerais qu’il lustre tout de suite mes cuissardes plutôt que de passer ailleurs auparavant, vous comprenez ?

N’affichant aucune expression, ne sachant pas s’il était sérieux ou s’il plaisantait, Ulysse attendit la réaction de son interlocuteur vis-à-vis de son subordonné. Il voulait comprendre pourquoi un tel contraste était visible entre eux deux, et savoir si Gwinal était naturellement idiot, où s’il jouait un rôle. Au fond, le pirate espérait que le Capitaine fasse une grimace en entendant Ulysse dénigrer ainsi un membre de son équipage, cela serait trop beau..

arathoustra comprit, en entendant la réponse du capitaine, qu'il n'en apprendrait pas davantage de cet homme sur l'autre passager. Comme il se maudissait de ne point avoir arracher des mains la baguette qu'utilisait l'elfe : elle lui aurait épargné une recherche fastidieuse. Enfin, l'aquafondien ferait confiance à Tymora durant l'exploration.

Mais alors qu'il distribuait un dernier sourire au capitaine avant de s'atteler à sa nouvelle tâche, le jeune homme aperçut Tass et Tourment qui le rejoignaient. A peine eut-il amorcé le pas qui le mènerait vers les quartiers habités que l'autre timbré au teint de macabé apostropha son interlocuteur, et selon toute vraisemblance il cherchait à le provoquer. Enfin, peut-être avait-il vraiment eu des ennuis avec le dénommé Gwinal. Et vu la précédente réponse du capitaine, l'Aède avait supposé que ce dernier ne bénéficiait pas de la totale confiance de celui qui tenait la barre de la Houle Brisée, aussi décida-t-il de ne point intervenir et d'entendre la réponse du capitaine.

Zarathoustra se rapprocha de Tass et la regarda se mouvoir tout en partageant ses pensées avec Zedriniset. Si l'avenir proche n'était pas concluant, ils essaieraient peut-être de passer à l'action de concert.

Soucieux de paraître ailleurs et curieux d'en apprendre davantage sur la hin, l'ensorceleur lui parla sur un ton léger :

- Mais finalement ma chère, je ne vous ai même pas demandé si les promenades en bateau et l'air marin étaient de vos passions, alors aimez-vous naviguer aux milieux de tous ces mâles ? finit-il par dire sur le ton de la badinerie.

Sur le pont à l’air libre, les suspicions s’envolèrent.
Tass n’était pas mécontente de s’être trompée au sujet des marins. De plus elle en avait marre des endroits exigus et des grilles à barreaux. La collection de geôles et de prisons qu’elle avait à son palmarès lui suffisait même si le fait de se faire enfermer à fond de cale était une nouveauté.

Elle arpentait les différents ponts de la houle brisée les mains dans le dos, lui donnant un air sérieux et solennel qui ne lui sied pas du tout. La puce passait de marins en marins leur posant toujours les même questions futiles du genre…Et à quoi ça sert ce troue là ! Et ces bouts de cordes qui pendent, c’est pour quoi ? Etc. etc. mais derrière ces questions assommantes et banales pour des initiés, elle plaçait quelques questions sur le mystérieux passager et espérait pouvoir ainsi glaner quelques informations qui échapperaient aux hommes par inadvertance.

Zara arrivait vers elle et semblait un peu soucieux. Il s’adressa à la Puce .

- Bah, passion j’sais pas vue qu c’est la première fois que j’grimpe sur un bateau, mais c’est… Beurk ! Oups désolé, c’est chouette mais j’ai un peu mal au cœur. Ouais c’est sympa tous ces hommes, mais sérieusement t’as vu leurs ganaches c’est des ploucs, y a que toi qu’est mignon sur ce bateau.
Hé! au faite, t’as vu ce que m’a donné Tourment ! Elle lui tendit la dague. Elle est belle hein ! T’as vu comme elle est fine et travaillée, tu peux vérifier si elle est magique ? Parce que une fois, j’en ai trouvée une qui devait appartenir à un elfe mago, et bin elle était magique ! Mais j l’ai pas gardée longtemps, ils me l’on reprise en disant que j l’avais volée et ils m’ont jetée en prison. Tu rend compte en plus j’te jure je l’ai trouvé sur une table.

Continuant son récit, l’agrémentant de nouvelles parties tirées de son imagination débordante, la petite Hin attendait que le beau ténébreux lui rende sa lame et la réponse.

'aquafondien regardait l'halfelin alors qu'il saisissait la dague qu'elle lui tendait, songeant qu'il ne devait pas être beaucoup d'êtres ayant la même capacité à occulter le danger. Cette fraîcheur, par elle seule, le rendait heureux. Souriant, il observa la lame, guidant la Puce avec son autre main vers les marches qui leur permettraient de redescendre sur le pont. Sans quitter l'arme des yeux, le jeune homme entama son récit :

- Lors d'une de mes expéditions dans Montprofond... j'étais accompagné d'un homme dont je tairais le nom et dont la principale qualité était la couardise. Il trouva par hasard une épée sur un des nombreux cadavres jonchant les couloirs des souterrains. L'arme était finement ouvragée, une améthyste de la taille d'un poing ornait le pommeau et des lignes d'or et de platine couraient le long de cette lame effilée. Ravi de sa trouvaille il vint à moi pour savoir si ladite arme était magique. A proprement parler, malgré sa beauté elle ne l'était pas, mais je n'eus pas le coeur de le lui dire. Croyant que son arme était enchantée, il se battit comme jamais, pourfendant les dangers comme on plonge dans l'eau... La magie n'est pas toujours où l'on croit.

Poursuivant son chemin, l'Aède décrivit quelques arabesques et psalmodia quelques mots :

- ëppërëussosz fuls dos lë Taulos !

Zarathoustra lance détection de la magie si c'est une dague de maître, sinon il fait semblant

Sous les longs doigts de l’aquafondien, les fils de la Toile se tordaient en tous sens, cherchant un écho dans la dague finement ouvragée sans jamais s’y accrocher. En dépit des apparence, la dague n’était pas magique. Nul doute qu’il s’agissait bien d’une dague particulière, les éclats bleu-blanc dont la lame était recouverte ne laissait aucun doute là-dessus, tout comme son poids qui aurait du être plus élevé, même pour une arme de cette taille mais les motifs en spirale, les conques et vagues l’ornant, n’étaient rien plus que décoratifs.

La Puce aurait-elle la déception d’apprendre que l’arme ne répondait pas à ses rêves de magie ou l’Aède la déguiserait-il ? L’arcaniste n’aurait à y répondre trop vite par l’intervention du Chasseur Noir et de la réponse, aussi surprenante, du Capitaine qui après un éclat de rire profond comme un tremblement de terre, lança sans se démonter : -"En voilà une bien bonne ! Gwinal est un homme précieux, du genre de ceux à ouvrir des portes où on ne voit qu’un mur lisse. Et il fait de même avec les dames parait-il ! Tu n’auras pas à surveiller tes arrières avec ce gars là, sois-en sur !"

Déjà le capitaine ne le regardait plus, les yeux fixés sur un point à l’horizon vers lequel ils glissaient sous le claquement des voiles et des vagues sur la coque, un sourire en coin aux lèvres. Au loin, au sud, quelques nuages semblaient vouloir s’accumuler mais il aurait fallu être bien piètre devin pour y voir plus que l’annonce d’une petite averse dans les jours à venir.

Nish et Néféris apparurent à leur tour sur leur pont, le Génasi précédent l’autre arborant un curieux teint verdâtre que les autres ne lui connaissaient pas encore, et ornant un sourire amusé comparable à celui du Capitaine tout à son oeuvre.
Il semblait qu’à l’instar de la Puce, l’autre Hin supportait moyennement le trajet en mer. Narval, quant à lui, fermait les yeux, aspirant goulûment l’air iodé semblant s’y ressourcer. : - "Le Baron a semble-t-il besoin d’un peu de temps pour s’habituer au tangage et notre ‘ami’ s’est endormi. Il semble se remettre même s’il n’a toujours pas dit un mot."
Court et précis, le guerrier n’avait pas cœur à s’étendre inutilement. Il profitait de l’instant, goûtant au voyage comme à un dessert délicieux sur le pont du navire, plus joyeux qu’il ne l’avait été depuis longtemps.

e Chasseur Noir observa un long moment son interlocuteur, sans sourciller ni bouger le moindre muscle. Seul le vent salvateur faisait voler ses cheveux d’ébène dans tous les sens, tandis qu’un fon observateur aurait pu voir la tension énorme qui animait le pirate à ce moment précis. Oni se baladait le long de sa peau comme une vague ondulante sur l’eau calme de son propre corps. Le visage fantomatique semblait se réjouir de la réponse du Capitaine, mais arborait une étrange façon de se mouvoir. Ulysse relâcha d’un coup la pression, ce qui stoppa net le petit intrus.

- Nhmaaa.. Si vous le dites, c’est vous le patron ici répondit Ulysse sur un ton neutre.

Mais il n’en pensait pas moins, et même bien le contraire. Pour lui, le Capitaine se dérobait d’une vraie réponse en s’enfermant dans sa propre boîte de pandore, à moins que lui-même ne se soit égaré du mauvais bord. L’idée ne fit que sourire à moitié le pirate. L’homme soupira puis détourna les yeux vers le grand mât. Nish et Néféris venaient d’y monter, laissant seul l’homme qu’ils avaient abattu, puis secourus, étrangement. Prenant soin de rejoindre la Puce en passant derrière le pilote pour ne pas le gêner, Ulysse observa la dague avec le même sourire qu’il arborait depuis sa dernière pensée. Sourire qui disparut rapidement au profit d’une autre pensée, plus sombre, plus, personnelle. La petite semblait émerveillée par sa nouvelle acquisition et par imprudence selon lui, l’avait montrée à l’Aède pour un examen plus approfondit. Sans animosité, Ulysse regarda la hin. Mais dans ce regard à l’iris cuivré dansait une étrange lueur, semblable à une tempête menaçante, sur le point de faire éclater sa sombre fureur autour d’elle. En clignant des yeux, Tass perdit le regard du pirate qui déjà, avait détourné la tête. L’acier perle qui composait la dague était familière à Tourment et lui-même n’en aurait jamais l’utilité, du moins l’espérait-il en fait.
Après un court instant, le pirate passa une main subrepticement dans sa longue barbe noire impeccablement entretenue. Il s’assura par de petits coups d’œil que peu de gens ne les regardaient, puis reporta son attention sur l’humain, après que celui-ci ait fini toutes ses petites affaires. De sa voix la plus atone, Ulysse lui gratifia de quelques mots étranges.

- Il est temps, suis moi, si tu veux en savoir plus..

L’homme tourna finalement les talons et se dirigea lentement sur le pont principal, laissant les hommes du navire travailler à leurs aises. Bien que le souhait formulé par Tourment s’adressa explicitement à l’Aède, il savait pourtant pertinemment que Tass ne supporterai pas d’être laissée de côté et s’empresserait de les suivre. Alors pourquoi gaspiller de la salive contre quelque chose d’inéluctable ? Ulysse le savait bien, il « connaissait » la Puce assez bien à présent, et « savait » aussi qu’elle pouvait représenter une plaie pour un groupe par moments..
Avançant au gré de ses pensées, Ulysse entra silencieusement dans le ventre du navire, non sans avoir salué rapidement ses deux autres compagnons de bord, mais sans leur lâcher un seul mot, jusqu'à leurs quartiers personnels. Il y entra sans s’annoncer et déposa soigneusement ses armes contre la coque du bâtiment. Le rat était là, allongé, semblant à demi conscient entre un monde de tourments et un autre de ténèbres réelles. Ulysse le souleva comme un poids mort, avec sa paillasse, et le déposa sur le sol de la soute, assez loin de leurs appartements pour qu’il ne puisse rien y entendre. L’opération fut rapide, sans à-coups, et d’une remarquable douceur.. toute relative. Une fois revenu, l’homme commença à défaire son bandeau puis recoiffa ses cheveux aussi noirs que l’ombre de la mort. Lentement, il commença à retirer ses cuissardes, puis ses chausses, sa chainse et tout le reste, jusqu’à n’être plus habillé que d’un étrange pagne plus long et stylisé qu’à l’accoutumée. Son corps était aussi puissant et élancé qu’un taureau, et se balançait entre étranges tatouages et profondes cicatrices. Sa peau n’avait pas la teinte d’un homme normal, mais celle de la souffrance et de la Fin. Le pirate s’assit sur un hamac ou quelque chose d’équivalent, sans oublier de prendre sa pipe et de la bourrer pour en tirer quelques bouffées. Rapidement, il s’allongea aux trois quarts et regarda le plafond, comme hypnotisé.
Soudain, sa voix perça le silence lorsque Zarathoustra fut prêt à l’écouter.

- Tu veux donc en savoir plus, mais, je veux moi aussi en savoir davantage, sur ta personne. Alors l’Aède, d’où te viens ce nom ? Tu es un conteur ? Quels sont tes talents, tes attributions ? Tout, n’hésite pas.. J’aimerai simplement en savoir plus sur toi, surtout avant de te révéler quelques petites choses. Tu auras tout loisir de poser toi aussi des questions.. Je t’écoute ?

omment ne pas satisfaire l’envie de merveille de la Puce ? Zarathoustra n’etait pas de ceux qui servait la verite nue car c’etait pour lui denaturer la vie. La vie n’etait qu’un songe, qu’une quete eperdue vers une chimere changeante alors pourquoi ne pas lui donner les couleurs qu’on y voulait voir ? Maquiller la realite, la vetir de ses plus beaux atours, voila ce qui etait dans les cordes de l’aquafondien, si bien qu’il parvenait a se convaincre lui-meme du lyrisme de sa vie. C’etait pour toutes ces raisons qu’il allait donner une verite parmi tant d’autres a Tass. Entendons nous bien, le jeune homme aimait bien egalement l’exercice, et avoir des auditeurs le ravissait, mais les raisons premieres de tout cela etaient bien les premieres enoncees. C’est alors que, tout en suivant d’un pas lent Tourment, l’Aede repondit a la hin :

- Interessant, dit-il en fermant legerement l’œil gauche alors que se dessinait un fin sourire sur ses traits, tu vois ces dessins la ? Eh bien je les ai deja vus… et je peux t’en dire sur la fabrication de cette arme. Le metal la constituant n’a pu se créer que dans les fosses les plus profondes des oceans, la ou la pression est telle qu’aucune creature n’y peut vivre. Pour autant, et ne me demande pas d’explication, rajouta le jeune homme en graciant son interlocutrice d’un large sourire, des forgerons-mages elfes aquatiques parviennent a acquerir ce materiau pour ensuite en faire de telles armes. Il parait que les ornements de ces armes apparaissent d’eux-memes pres des eaux, reveillant une antique magie lorsqu’elle est immergee a la profondeur adequate… Donc, bien que depourvue de facultes magiques evidentes et permanentes, je pense qu’un pouvoir latent se cache dans cette arme. Je ne serais d'ailleurs pas surpris si elle avait appartenu a une princesse elfe avant de faire surface.

Zarathoustra, qui maintenant se rapprochait de la cabine, rendit sa dague a Tass en lui adressant un sourire irradiant de bonte, de naivete et de confiance. Il etait rare de voir pareil assortiment de sentiment dans un sourire, mais c’etait la une autre faculte de l’homme aux traits fins que la posterite connaitrait sous le nom de Zarathoustra le Magnifique.

Le jeune homme avait suivi Tourment, sans faire attention a ses paroles, entendu qu’il etait de toute facon interesse par toutes les decouvertes et par toutes les connaissances que l’on serait a meme de lui faire partager. Lorsqu’il decouvrit la mise en scene du pirate, il le regarda d’un air amuse, presque emerveille meme. Un autre aimait mettre les formes dans ses elocutions, et cela le rejouissait. Les mots de l’homme lui plaiserent deja moins, non qu’il ne soit pas enclin a se devoiler legerement, mais certainement pas entierement comme on le lui demandait. Il commenca donc, non sans avoir jete un regard demandant son assentiment a la Puce, d’une voix sure et d’un ton calme :

- Les conteurs sont bien souvent trouves pauvres de verve lorsqu’il s’agit de parler d’eux-memes, mais oui, nous pouvons dire que j’aime le beau mot, j’adore faire naitre le reve et eclore le desir. J’ai plaisir a faire plaisir et a sortir le pauvre bougre de sa misere. Le mystere m’enchante, la magie n'enivre et les legendes me bouleversent. Je n’execre rien si ce ne sont les chaines que des creatures infligent a d’autres. Je prone un libre arbitre guide par Tymora et je jouis de chaque instant et de chaque beaute de cette vie car…

Sans finir sa phrase, l’Aede reprit :

- J’ai l’œil qui regarde bien et la voix qui vibre puisque tu veux savoir Tourment. Et si l’on me nomme l’Aede desormais, c’est tout simplement parce que c’est sous ce nom que je me suis presente a la Puce… je l’avais decouverte et nous commencions a ecrire une histoire. J’ai aime l’allegorie, il ne m’en fallut pas davantage.

Marquant une pause, Zarathoustra finit par demander :

- Et toi, quelle est ton histoire fils des oceans ?

La petite hin buvait les paroles de Zarathoustra et le suivait comme son ombre afin qu’aucun mots n’échappe sur la provenance de la dague.
La bouche légèrement ouverte, les yeux écarquillés, elle hochait la tête doucement comme pour confirmer les dires du conteur. Il n’en fallait pas plus à l’halfeline pour laisser son imagination débordante et partir à l’aventure à dos de dauphin, bravant les dangereuses pieuvre géante et le requins féroces aux dents aiguisées comme des lames de cimeterres et ramener à une princesse des fonds des mers cette arme magique tel un trophée et être récompensée comme une sauveuse de la cité englouti.

Elle revint à la réalité quand Zara lui rendit la dague qu’elle prit avec tendresse et délicatesse, jetant un regard nouveau et plein de respect. Elle était tellement absorbée par le récit de l’Aède, qu’elle ne s’était pas aperçu qu’elle était redescendu dans la cale du bateau, aménagée pour eux. Se retournant vers Ulysse, elle lui lança un grand sourire.

- Tu rend compte Tourment ! Elle est magique et elle a appartenu à une princesse elfe des mers ! C’est fou cette histoire, j’me demande bien comment elle a put atterir dans les mains de ce brigand ? Mais je suppose que sachant ça, tu vas vouloir la reprendre et j’le comprendrais très bien.

Elle tendit la dague au marin avec sincérité, mais au fond d’elle, elle espérait vraiment la garder. A ses yeux et depuis le temps qu’elle ramassait et accumulait toutes sortes de choses, c’était de loin le plus beau de tous ses trésors.
Jouant de sa tête de chien battu et regardant Ulysse de ses yeux suppliants, elle espérait que sa triste mine lui permette d’obtenir une fois de plus ce qu’elle voulais.

Lorsque Zara enchaîna sur les réponses aux questions posées par le marin, Tasshill vit le moment ou jamais pour se faire oublier du duo.
Elle s’effaça discrètement et se hissa sur un hamac. De là elle n’était plus vraiment visible et pouvait entendre les deux humains.

¤ Bah, en attendant, j’vais la garder avec moi pour plus de sûreté, nan parce que Tourment il risque de la perdre en combattant, il bouge tellement ¤!