Contrat à délai... déterminé.

Côte à côte, les deux gaillards cheminaient sans un mot. A les voir, on eût pu penser être en présence de deux preux aventuriers, mais la réalité était toute autre...
Les lieux où le pauvre Hurletripes avait connu la malchance et l' infortune, ça, il y en avait vraiment beaucoup.
Celui vers lequel le duo arriva -ce au bout d' une vingtaine de minutes- se présentait sous la forme d' une grande bâtisse crasseuse, basse de plafond et franchement peu engageante. Le paria dit à l' autre :

- Bon, on y est. Moi, j'gardais la porte de derrière...et bien sûr j' me suis pas privé d' garder une clef en partant. En même temps, y' a des chances qu' on s' mette en danger en fouinant...surtout s' ils ont trouvé un remplaçant aussi efficace que moi.

Tranquillement, une clef graisseuse comme un fromage de tête apparut entre les mains sales du barbare, trophée de la fouille d' un tiroir à peine fermé, des mois plus tôt.
Passant à l' arrière avec la discrétion consommée d' une tarasque, il enfila la clef dans la serrure rouillée. Avec un bruit sinistre, le pêne coulissa.

Orlpar décida de prendre la tête. Aussitôt, un relent nauséabond aggressa son odorat, ce qui lui arracha une moue dégoutée. Le soldat avança à petits pas, une main sur son organe olfactif, de manière à atténuer l'immonde putricité. Au bout de quelques minutes à errer dans l'endroit qui avait pour seul éclairage une demi-douzaine de lucarnes vitrées dont on aurait pu penser qu' elles étaient là bien avant le bâtiment -Une chance qu'il fît jour au-dehors-, il trébucha sur une masse assez imposante et manqua de tomber la tête la première. Un bruit flasque se fit entendre au contact.
Lorsque le guerrier récupéra son équilibre, il vit un corps humain squelettique et putréfié par le temps. Ce spéctacle le fit reculer de quelques pas pour ensuite laisser place à ses émotions:

- Putain d'merde...

Après avoir scruté la salle plus attentivement, Orlpar compris qu'il avait pénétré dans une geôle laissée ouverte, dont l'absence de geôliers avait été fatale aux occupants. Il regarda aux alentours pour enfin aperçevoir Glër, livré au même spectacle, et dont la présence le rassurait quelque peu.

Aeryth avançait dans la ville sans réel but, un bruit sourd attira son attention. Elle vit une grande silouhette tomber à l'entrée d'une maison, cette silouhette s'avera être un grand guerrier...il lui rappelait vaguement quelqu'un mais, quand elle voulut l'accoster, il était à nouveau rentré dans le bâtiment. Elle se décida à le suivre. Ce qu'elle vit, la fit tressaillir : un mort en état avancé de décomposition. Elle prit son bâton à deux mains, ainsi que son courage (car il en fallait dans cette situation) et se risqua à avancer plus loin dans cette tombe.

Glër n' avait pas entendu entrer Aeryth. Il progressait dans ce lieu, siège de l' infâmie humaine. Etrangement, il ne s' y retrouvait plus. L' odeur abjecte l' offusquait moins qu' on pouvait penser ; cependant, il gémit d' un ton étouffé :

- Par les yeux tristes des putains de Shlika...ça pue tellement qu' on pourrait en couper une tranche et fertiliser son jardin avec.

Il progressa entre les restes mortels jusqu' à un mur où il savait pouvoir trouver quelques torches. Une par une, il les enflamma, révélant coin par coin l' horreur de la situation....ainsi qu' Aeryth.
De nombreux cadavres étaient pendus par les mains au plafond, d' autres enchaînés au mur, la plupart très incomplets -au point que même la vermine avait renoncé à trouver à manger sur les os blanchis.
Le nain contempla un instant l' ensemble, puis ses yeux chassieux se reportèrent sur la nouvelle arrivante :

- Dis donc, toi ? Qu' est-ce que tu fous ici ?

Evidemment, Glër espérait son ton indimidant et légèrement froid. Sans doute ne se rendait-il pas compte que sa voix, atténuée par l'angoisse, n' était rien de plus qu' un filet horrifé et bilieux.

A ces mots, Orlpar se retourna ayant déjà sa lame à la main pour se jeter sur un quelconque ennemi sorti de nulle part. Lorsqu'il aperçu Aeryth à la place de la vision qu'il avait de cette situation, sa surprise avait atteint son paroxisme. Il rengaina tout en lui demandant, jettant quelques regards non rassurés aux alentours:

- Eh mais j'vous connais vous ! Z'êtes la demoiselle du chateau, j'me trompe ? Qu'est-ce que vous foutez là ? On a d'jà pas assez la frousse comme ça... faut qu'vous en rajoutiez une couche...

Aeryth eut un mouvement de recul, d'une part à cause du "spectacle" qui s'étendait devant ses yeux, d'autre part, à cause la réaction du guerrier.
Elle arriva à ballbutier quelques mots...

"Euh....Oui..., j'étais au château et,...que s'est-il passé ici ? C'est horrible !!!"
Et, qui est cette autre "personne" ? demanda-t-elle, après s'être calmée, en désignant le nain à l'autre bout de la pièce Et que faites vous ici ? s'adressant de nouveau à Orlpar Ne deviez-vous pas être avec le groupe du château ? Où sont-ils ? Et...cette odeur est insoutenable !!!

Elle se rendit compte que la surprise la faisait parler seule, et que les deux hommes la regardaient d'un aire bizarre.

"N' ayez crainte, d'moiselle...je suis Glër Hurletripes, survivant professionnel de mon état", dit le nain avec une voix redevenue normale.
Puis, sans donner d' autres explications, il se mit à écarter les corps et les bribes un peu partout dans la pièce, fouillant les recoins les plus obscurs, allant jusqu' à sonder les interstices des façades.
Manifestement, il cherchait de l'or, mais ses fouilles n' allaient lui rapporter que du cuivre.

Le guerrier ne répondit pas à Aeryth. Pourquoi ? Personne n'était capable d'y imposer une hypothèse... En de rares occasions, Orlpar oubliait, ou faisait exprès d'oublier, c'était sa manière à lui de ne pas se poser trop de questions et par la même occasion, de ne pas y répondre.
Le soldat fouilla à son tour la pièce, fondant sur un bureau dont les tiroirs étaient clos; ce qui, à priori ne posa pas tellement de problème. D'un air anodin, il fracassa son énigme et força moins sauvagement la deuxième.
Après avoir mit sans dessus-dessous ses deux mètres d'espace vital, il appela le nain d'un air pour le moins interrogateur:

- Tiens, viens voir. Y'avait ça dans l'bureau...

Orlpar venait de trouver un bon de commande qui indiquait la date et le lieu de la prochaine transaction du Macchiavel. Seul ennui... elle avait expirée... Effectivement, à en juger par la décoration, le lieu avait été laissé à l'abandon par les loufiats depuis pas mal de temps... sans doute à cause de quelques miliciens du Ponant qui avaient ouï dire sur cette organisation. Ce n'était bien évidemment pas la peine de prendre en compte le lieu de la vente, puisque ces gens là, -et c'est bien connu- avaient la facheuse tendance de changer systèmatiquement d'endroit pour effectuer leurs commerces illégaux, sans doute dans le but d'embrouiller les autorités qu'ils pensent inférieures.

Se retournant vers le nain une seconde fois, mais ce coup-ci légèrement confus, le novice lui dit:

- Heu... héhé... t'as trouvé quelque chose de ton côté ?

Hurletripes, tout en plongeant sans vergogne son maigre butin dans l' horrible moiteur de sa besace, s' était approché du soldat.
Il lut la missive, et lorsqu' il en eut pris connaissance, il s' en détourna et fit mine de partir. Puis d' un ton anodin mais bouillant d' orgueil contenu, ce ton du génie modeste qui annonce à ses disciples la solution, il ajouta :

- Eh, au fait...d' accord, elle est bel et bien passée ta commande...enfin c' est pas la tienne, mais...bref : si on se rendait à l' endroit marqué d'ssus, on pourrait peut-être en trouver d' autres.
Au fur et à mesure, on les suit, on prévient à chaque fois les autorités, et à nous l' oseille et les médailles de la bravoure. Jusqu' au moment où on les retrouve, et là on les tue tous.
Qu' est-ce t' en dis, mon gars ? On en a besoin, de tes héros d' amis ? Meuuu non...j' suis là...

Les deux pauvres âmes qui avaient eu le malheur d' entendre ces assertions pensaient sans doute qu' on ne pouvait pas faire pire, dans le domaine de la vantardise superflue.
Mais lorsque ce cuistre de nain envoya à Aeryth une sorte de clin d' oeil égrillard et dépourvu de sensibilité, alors le dégoût de cette dernière arriva à un sommet plutôt impressionant.

st-ce que je peux faire quelque chose, ou même vous accompagner ? Même s'il y a un nain...
Tu as de la chance que je sois Demie Elfe dit-elle à Glër car ma moitié humaine commence à t'apprecier, voire même à te trouver attachant, par contre, mon coté Elfe.... Mais bon, on fera avec.