L'azur des dragons, Chapitre I : La fuite

Huitième jour de la Flétrissure dans l'Année de la Magie Sauvage (8 Eleinte 1372)


Lieu : A quelques lieues de Port Ponant
Temps : Couvert
Moment : Nuit


***

Débouchant sur la mer, le groupe dû nager jusqu'aux rivages ce qui était un moindre mal compte tenu de leur situation. Poussant plus avant le long d'une plage qui s’étendait à perte de vue, il prit la décision, après s’être suffisamment éloigné de la cité, de bivouaquer pour la nuit. C'est ce moment que Kasil choisi pour annoncer son retrait du groupe et bien qu'il prétexta un improbable rapport à sa Compagnie qui se trouvait à des mois de marche, personne n'était dupe quant à ses réelles motivations. La fierté et l'honneur est une chose chez les nains qu'aucun humain ou gnome ne pourra jamais vraiment comprendre, seulement l'accepter et c'est à regret qu'ils regardaient Kasil disparaître dans l'ombre de la nuit.


Nichés au creux des dunes, à quelques lieues de Port Ponant, Lorelette, N'jini et Tharivor dressèrent un camp de fortune avec le peu de ressources dont ils disposaient. Le vent est un peu froid mais rien que des aventuriers aguerris ne puissent supporter. Bercés par le bruit des petites vagues qui viennent s’échouer sur le rivage et par le souffle du vent jouant quelques notes avec les oyats, l’emplacement choisi par Tharivor ne manquait pas d’intérêt, d’abord parce que, surélevé, il permettait de voir arriver de loin tout être approchant et ensuite parce que, dans un creux, il offrait une assez bonne cachette dans une nuit où l’éclairage qu’offrait la lune était assez faible ; d’autant estompé par la présence de nombreux nuages.

Silencieusement, les aventuriers installaient délestant armes et bagages, afin de récupérer d’une journée riche en émotion. Bien que tout le monde demeurait silencieux en ce milieu de nuit, la question du sort des compagnons perdus était présentes dans l’esprit de tous, tout comme celle à laquelle il fallait bientôt répondre : « Où aller alors que les portes de Port Ponant s’étaient définitivement refermées ? »

Aussi loin que puisse le permettre le regard, on ne distinguait à l'ouest qu’un paysage semblable à celui qui vous entoure actuellement. Au sud, après une série de dunes, il semblerait que le sable cède peu à peu du terrain à une végétation plus familière. Enfin la mer allant et venant à son gré paraîssait s’étendre à l’infini.
Fourbu sans être totalement épuisé tous s’asseyèrent en cercle comme si chacun avait pressenti sans le formuler, la nessécité d’un débat.


***

N'Jini assise par terre ramenait ses genoux entourant ses jambes avec ses bras. Elle était trempée et avait froid, malgré la douceur relative de la nuit. La faible lueur lunaire éclairait la mer ; des étincelles de lumières dansant sur les vagues. Le doux murmure ne rassurait pas son cœur encore fébrile de leur course dans les égouts. Elle détestait s'y enfoncer, mais la nécessité avait fait loi.

Elle évitait le regard des autres. Elle se sentait coupable. Encore aujourd'hui elle n'avait porté que la poisse pour ce groupe de compagnons qu'elle commençait à peine à apprécier et qui semblait s'être perdu par une tournure étrange du destin. Là ils étaient plus que trois. Même Kasil était parti sur de mystérieux chemins à la recherche de cette créature. Il ne restait que Lorelette et son chien et l'image surgit de son passé, Tharivor qui lui avait fait comprendre qu'il s'attacherait à ses pas. Elle pensa à la douce Aurelia et les deux autres compagnons qui avaient décidé courageusement de plaider leur cause. N'Jini était dubitative quant à la réussite de leur entreprise et espérait que la prison leur serait épargnée.

Elle n'avait aucune foi concernant la justice humaine ou autre d'ailleurs. Seule la déesse Selune avait été son amie, déesse qu'elle avait appris à adorer lors de son séjour en forêt, là où de nombreux témoignages de sa bonté l'avait guidée pour sa survie et l'adoucissement de sa blessure. Elle l'avait sûrement sauvée de la mort plusieurs fois car N'Jini se considérait maudite des Dieux.

N'Jini se renfermait en elle, en proie à des remords bien au-delà de toute compréhension. La présence de Tharivor le lui rappelait. Elle n'y échapperait pas, responsable de la mort de sa mère, elle le payerais durement. Soupirant, elle essayait d'échapper aux frissons qui la parcourait. Elle se remémora d'avoir une cape en laine. Plongeant dans son équipement, elle a sortit et s'en enveloppa les épaules.

Elle leva enfin les yeux et regarda ses compagnons, confusément consciente qu'elle aurait peut-être encore un rôle à jouer, même si celui-ci serait de les mener à leur perte !

Tharivor semblait perdu mais toujours confiant. Le fier guerrier n’avait il pas du fuir à travers les égouts pour éviter toute rencontre pouvant causer du tord à la douce Njini ? Pour éviter tout risque de blessure à cette demoiselle, il avait, sans broncher, accepté la solution des égouts. Pourtant, sa fierté ne semblait nullement atteinte bien que visiblement il ne comprenait pas la réaction de Njini. Elle semblait triste et même Lorelette et son drôle de chien semblaient légèrement secoué car il y eut un moment de silence assez long quand on connaissait un tant soit peu la jeune gnome. Aussi Tharivor prit la décision de laisser l’ensorceleuse réagir, le tout à son rythme, et il intima aussi le silence à la gnome pour que Njini puisse réfléchir dans un silence presque religieux. Lorelette ne parvint pas à garder le silence et elle conversa en chuchotant avec son chien, ce qui n’était déjà pas si mal. Lorsque Njini releva la tête, Tharivor demanda :

« Ca va ? Que faisons nous maintenant ? »

N'Jini sursauta à voix de Tharivor. Elle secoua ses pensées moroses et plongea son regard clair dans les yeux du jeune homme. Un regain d'énergie l'anima. Elle regarda autour d'elle, scrutant l'horizon, puis glissa son regard dans la mer :

- Tout dépend du chemin que l'on décide prendre : soit on laisse nos compagnons à leur sort à se dépatouiller à Port Ponant soit on veut continuer à les aider du mieux possible de notre côté, quoiqu'il est clair que nous pourrons plus mettre un pied dans la ville. Une enquête dans la ville la plus proche est possible, sachant qu'il y a des contacts entre eux bien sûr ou par l'envoi d'un espion qui pourrait nous renseigner.

Tout en parlant, Jua se rendit compte que la chose ne serait pas aisée et coûteuse, et bien qu'elle ne crut pas que ce fusse possible, elle tenait à exposer clairement les différents chemins

- Dans le premier cas continua-t-elle il nous faut décider si l'on veut faire un bout de chemin ensemble afin de s'éloigner au plus vite de cette situation qui pourrait devenir périlleuse si d'aventure les autorités ont décidé de lancer une patrouille de soldats à notre recherche. Il est clair qu'il ne faut pas rester là. Je proposerais donc de nous diriger vers Teziir en longeant la route marchande ou longeant la mer vers l'ouest...

N'Jini se tut soudain comme elle en avait déjà trop dit et attendit leur réaction.

"Que d’aventures !"

La petite gnome avait encore le cœur tout palpitant des derniers événements. Cela avait été si amusant de courir ainsi, avec les forces de l’ordre derrière eux.

Les rattraperaient-ils ? Est-ce que les geôles de la ville valaient le détour ?

Sans doute ne le saurait-elle jamais… Elle aurait juste aimé prendre plus de temps pour visiter les égouts, ils avaient l’air fort intéressant, sombres et secrets comme elle les aimait.

Le plus doucement possible, elle chuchota à l'oreille de Ki :

"Dis, pourquoi dame N’jini fait-elle cette tête d’enterrement ?..."

Les humains ne voyaient jamais le côté amusant des aventures ! Port-Ponant n’avait rien d’exceptionnel ! Lorelette avait sans doute déjà visité les recoins les plus intéressants et ça ne valait vraiment pas la peine de se morfondre. Pas de regrets donc ! Il restait tant à faire !

Un frisson la parcourut, lui rappelant que ses vêtements étaient trempés. Ki se lova contre elle, lui apportant chaleur et réconfort.

"C'est vers où Teziir ? Moi, ça me parait pas mal vers là bas, dit-elle en indiquant vers la gauche, là où les dunes cédaient la place à la végétation, ce sera plus pratique pour marcher !"

Ki acquiesça d’un jappement résigné. Fini les bonnes petites planques au chaud dans un carton, fini les longues siestes au soleil… ils étaient repartis sur les routes et il allait falloir se fatiguer les pattes sur les chemins poussiéreux.

"Pour ma part, quoi qu'il advienne, je souhaite rester à tes côtes Njini. Sans vouloir t'offenser Lorelette, Njini compte beaucoup pour moi tandis que toi et moi nous connaissons à peine. Quand à notre destination, elle m'importe peu... du moment que je reste avec Njini."

Tout en parlant, Tharivor repensait à l'enfance malheureuse qu'avait vécu Njini et il espérait grandement ne pas être ne pas être considéré comme faisant partie du passé et devant y rester. Au souvenir de Tharivor, Njini ne s'était jamais rendue compte de sa présence, il avait inventé quelques trucs pour puvoir l'observer malgré l'interdiction de son oncle, elle était belle et avait encore embelli depuis lors.

"Par contre, je ne suis pas pour retourner dans Port Pronant pour sauver nos compagnons, ils sont partit en connaisance des choses et cela ne nous ferait que risquer notre liberté voire notre vie."

Tharivor parlait avec toute la perstance dont il pouvait fair preuve pour diverses raisons dont le fait d'impressionner Njini, mais aussi pour faire peser son avis dans la balance...

N'Jini sourit faiblement aux remarques de ses compagnons. Elle jeta un regard sur Lorelette qui semblait trouver l'aventure amusante. Elle décida que celle-ci avait raison, au diable la mission ratée... Teziir est un aussi bonne ville que n'importe quelle autre, de toute façon il fallait bien aller quelque part.
Tharivor lui semblait décidé de rester à ses côtés. N'Jini ne pouvait que le laisser faire, peut-être se lasserait-il un jour...

- Je suis d'accord avec vous, finit-elle par dire après un moment, Nous pourrions en effet nous enfoncer dans la végétation, c'est un abri plus sûr et plus couvert. Nous verrons bien où tout cela nous mène... Avec Lorelette et son compagnons nous ne risquerons pas trop de nous perdre et de tourner en rond.

N'Jini regarda le ciel et se demanda s'il ne serait pas plus prudent de marcher en plein jour, plutôt que de s'y enfoncer la nuit.

- Pensez-vous qu'il nous faut attendre tranquillement l'aube avant de repartir ?

Copiant dame N’Jini, Lorelette leva le nez vers le ciel. La nuit était couverte et les étoiles se cachaient derrière les gros nuages, trop timides pour oser se montrer. D’une façon étonnement sérieuse, Lorelette répondit alors à la jeune humaine :

- Il fait bien sombre pour voyager de nuit en cette contrée inconnue… sans la lune pour éclairer nos pas, nous risquons de perdre plus de temps qu’autre chose.

Observant avec attention la droite puis la gauche de leur position en cette nuit sombre, elle ajouta :

- L’avantage c’est qu’il y a peu de chance que les gardes de Port-Ponant ne nous trouvent. Si nous coupons à travers champ aux premières lueurs de l’aube, nous devrions être rapidement trop loin pour ces flemmards de gardes.

Un gros soupir cassa alors son air sérieux et elle enchaîna :

- Enfin… C’est siiii dommage qu’il ne fasse pas plus beau ! Loin des lumières de ville, nous aurions eu un ciel magnifique !

Il semblait clair que leur petit groupe aller rester sur cette plage pour finir la nuit. Lorelette se releva, s’étendit en un bâillement démonstratif puis commença à arranger son bout de sable pour ôter bosses et cailloux malvenus pour une nuit paisible.

- Oh, regardez le beau coquillage ! enfin, je n’aurais pas aimé le retrouver dans mon dos cette nuit !

Lorelette resta un bref moment - qui lui paru une éternité - son coquillage à la main, espérant que quelqu'un partage son enthousiasme.

Mais apparemment, ses compagnons étaient trop troublés par les récents événements pour s'émerveiller d'une chose aussi simple offerte par la nature.

**Lui au moins, il me réponds ! **, pensa-t-elle, boudeuse, tout en se rasseyant... s'ennuyant à mourir pendant au moins 10 secondes en se demandant ce qu'elle pouvait bien faire, elle entama finalement une discussion avec Ki :

- Regarde Ki, celui là, on le trouve sur pratiquement toutes les plages, je le trouve joli car il brille à la lumière... bon, d'accord, ce n'est pas flagrant dans cette pénombre mais je t'assure, je te montrerais demain ! Sur ce genre de plage, il doit y en avoir aussi des petits rouges, je m'en étais fait un collier autrefois mais je ne sais plus où il est... j'aimerais bien m'en refaire un tiens. Ca te dirait qu'on essaie d'en trouver demain dès qu'il y aura plus de lumière ?

- Wouf !

- Oui, je t'en ferais un aussi, promis !

- Wouf wouf !

Oubliant qu'elle boudait, elle se retourna alors vers ses compagnons, toute réjouit à l'idée de leur faire un cadeau qui ferait fuir bien loin leur humeur maussade :

- Ca vous dirait aussi un collier de petits coquillages rouges ?

La voix fluette de Lorelette et les réponses heureuses de son compagnon tirèrent peu à peu N'Jini de sa morosité. Elle se mit à sourire d'abord, un sourire qui illuminait ses yeux d'un éclat doré puis franchement à rire. Il est vrai que tant à y faire autant partager un moment agréable, bien qu'elle ne sut pas trop comment s'y prendre. Elle n'avait pas l'habitude de partager avec d'autres des instants de joie. Elle se pencha vers Lorelette ravie d'avoir trouvé un coquillage...

- Un collier de coquillage Lorelette, mais avec plaisir. Tu sais, je n'ai jamais eu de bijoux moi et je ne sais pas comment en fabriquer... Tu me montres ?

Une joie enfantine inonda son cœur. Un sentiment étrange qu'elle n'avait plus ressenti depuis longtemps. Elle eut tendance tout d'abord à la réprimer, comme tout sentiment dans ce genre qui puisse la laisser sans défense, mais N'Jini s'efforça à se laisser aller à cet instant. Sûrement, cette petite est un enchantement et une potion de guérison de l'âme à elle toute seule... Et la nuit, la nuit semblait un peu plus magique, une magie initiée par un enthousiasme d'enfant.

Lorelette était toute contente qu’au moins un de ses compagnons ait retrouvé la voix, c’est donc d’un air plein d’entrain qu’elle s’empressa de répondre à Dame N’Jini :

- Oh je ne sais pas réellement fabriquer les bijoux ! Mais trouver des jolis coquillages, faire un petit trou et passer une ficelle dedans pour en faire un collier, ça oui, je pourrais te montrer. Ça tient rarement longtemps mais ça fait plein de couleurs !

Comme pour appuyer les paroles du petit bout de femme, Ki aboya joyeusement.

- On ne trouvera pas grand-chose vu le peu de lumière mais doit y en avoir quelques uns autour de nous !

Joignant le geste à la parole, la gnome se mit à fureter, à quatre pattes, le nez dans le sable. Brandissant une découverte, elle la montra à N’Jini :

- Regarde en plus, certains coquillages ont déjà des trous, s’en est que plus simple !

Avisant alors le toujours morose Tharivor, elle lui demanda :

- Vous n’avez pas envie de chercher des coquillages avec nous ?