Le camp gobelin, La libération d'Arus

MJ

Sortant de l'auberge, tous furent surpris de voir que le soleil était maintenant bien levé, leur discussion pour se choisir un chef avait manifestement duré plus longtemps que prévu. Le village était depuis longtemps revenu à la vie et le déplacement du petit groupe attirait les regards des paysans, regards admiratifs pour leurs exploits de la veille, et également regard emplis d'espoir comme si ces gens simples sentaient que leurs tourments cesseraient prochainement.
Marchant d'un pas décidé vers la demeure du bourgmestre, les compagnons remarquaient mille détails du hameau, détails qui leur avaient échappé lors de leur arrivée en raison de leur fatigue et de leur hâte à gagner l'auberge. Le temple de Chauntéa dominait les autres habitations par la taille bien que l'aspect extérieur de l'édifice laissât supposé un entretien difficile.
Les bruits caractéristiques d'une forge prouvaient que d'autres habitants en dehors des fermiers avaient également élu domicile à Miryal.
Lors de leur marche à travers les ruelles étroites, aucun danger ne se manifesta, nulles traces des individus aux airs louches qui les espionnaient depuis leur arrivée.

Comme supposé, Frère Jörzic était bien chez le chef du village à les attendre. L'accueil de Gratien Boilivier fut tout ce qu'il y a de courtois, ne laissant pas paraître l'impatience de l'homme qui espérait une visite plus rapide. Le bourgmestre les fit rapidement entrer chez lui, surpris de voir qu'Arzoth et Nialëanne préférer rester à l'extérieur, et les conduisit dans le même salon où il les avait déjà accueillis.
Sans perdre plus de temps, il se confondit en remerciements et en excuses :

- Asseyez-vous mes amis. Je peux vous appeler comme ça n'est-ce pas ? Après tout, c'est grâce à votre intervention énergique que Berhard est encore en vie et Kalhia parmi nous. Frère Jörzic m'a rapporté l'odieux attentat dont a été victime votre compagnon. Ses jours ne sont plus en danger mais son état nécessite encore des soins attentifs. Recevez mes excuses les plus sincères et croyez que je mettrai tout en oeuvre pour en trouver les auteurs. Le visage du bourgmestre sembla soudain soucieux. "J'espère que la petite milice dont je dispose sera suffisante. J'ai beau implorer notre seigneur. Il se refuse absolument à renforcer la garnison, prétextant la guerre. Il est vrai que six hommes d'arme pour un petit village comme le nôtre devraient suffire mais les pauvres sont débordés et n'arrivent pas à faire face aux événements. A si je pouvais disposer d'une petite troupe décidée pour traquer ces maudits gobelins..."

Gratien tournait autour du pot. Il sentait que les compagnons représentaient son dernier espoir mais il hésitait encore à demander trop ouvertement leur aide, conscient que les moyens du village ne lui permettaient pas d'engager des mercenaires.

Postés à l'extérieure de la demeure, Arzoth et Nialëanne restaient attentifs, scrutant avec vigilance chaque angle de rue, chaque ouverture de mur. Tout leur paraissait normal.

La décision sur l’identité du chef prise, Arzoth se sentit rassuré. Il commençait à en avoir marre que les choses n’avancent pas. Le débat qui avait résulté de ce choix avait étonné le halfelin car il pensait que cela se ferait beaucoup plus rapidement.

Sortir de l’auberge redonna du baume au cœur au roublard. L’œil attentif à tout ce qui l’entourait, il se sentait le cœur léger à l’idée qu’ils allaient reprendre la route. Aussi, il marchait aux côtés de ses compagnons en sifflotant.

Arrivé à destination, il resta dehors à scruter les environs et à épier le moindre bruit suspect comme l’avait préconisé Kyron. Arzoth ne pu contenir un petit rire quand il s’aperçut que Nialëanne et lui pouvaient sembler, aux yeux étrangers, être des gardes du corps de part leur comportement. *Quelle personne pouvait être aussi importante pour être protégée par un halfelin joufflu et une elfe chétive *. Mais le roublard reprit son sérieux pour pouvoir épier le moindre bruit suspect. Il s’approcha de Nialëanne et lui dit d’une voix douce "Vivement que nous reprenions la route… Je sais que vous n’appréciez pas vraiment l’idée d’avoir un chef mais prenez les propos de Kyron comme les conseils d’un ami. En ce qui me concerne je respecterais toujours votre besoin d’indépendance et sachez que si le besoin de vous confier vous venait à l’esprit, je serais toujours là"puis la regardant avec un léger sourire "même si mon oreille est petite, elle sait écouter et la matière grise qu’elles entourent n’est pas si petite que ça "

Arrivé devant la maison du bourgmester, Glaive s'arrêta.

-Je ne voudrai pas trop insister... Mais chaque seconde compte, vous le savez! Le bavardage est affaire de notable, pas de combattant! Cet homme n'a rien à vous apprendre, sinon vous demander de faire ce que vous avez déja l'intention de faire: Aider ces gens! Il s'adresse plus particulièrement à Kyron:

-Allez le voir, mais vite! Ne perdons pas plus de temps...

Le Nain resta dehors, en compagnie de l'Halfelin et de l'Elfe. Avec un sourire amicale à leur intention il s'appuya sur le mur et sortit une longue pipe de bois, d'une trentaine de centimètre, portant le sceau d'Arragrath. Il l'alluma et commença à tirer quelques bouffées, essayant de garder son mal en patience.

Grayback écouta le discours gêné de Gratien, quelque peu agacé de sa façon de tourner autour du pot alors qu'il finirait bien par leur demander de leur rendre ce service. Le frère Jörzic lui, restait impassible, et c'est de lui que Grayback s'approcha, laissant ses compagnons faire comprendre au bourgmestre qu'ils s'occuperaient de l'affaire. Prenant le frère à part, un peu à l'écart des autres, il lui parla doucement afin de rester discret :"Je n'ai pas eu l'occasion de vous remercier pour les soins que vous m'avez apporté, et je tiens à le faire. Cependant, je ne pense pas pouvoir passer au temple de Chauntea avant la fin de cette sinistre affaire : le temps nous est compté. Nous allons essayer de savoir ce qui se trame et de sauver les enfants de votre village, même si Gratien a l'impression que nous ne le ferons pas sans rétribution."

Il se retourna un instant vers les autres présents dans le salon du notable, absorbés par leur propre discussion, puis continua, toujours doucement : "Pour moi, il va de soi que nous mènerons cette enquête : il serait lâche de vous abandonner à votre sort. Cependant, certains habitants du village ne semblent pas voir notre intervention d'un si bon oeil. Je ne sais pas ce que Gratien nous cache, ou ce qu'il ignore, mais vous êtes connu et respecté dans ce village, et je suis sûr que vous voyez des choses qu'il ne voit pas. Alors si vous savez quelque chose sur les individus qui, depuis notre arrivée, nous espionnent et tentent de nous faire peur, je vous conjure de m'en faire part. Il en va de la vie de mes compagnons, et donc des enfants qu'ils veulent sauver..."

Kyron était entré chez le bourgmestre en compagnie de la jeune guerrière et du magicien. Glaive avait préféré rester en compagnie de Nialëane et d'Arzoth à l'extérieur. L'ensorceleur vit Grayback s'avancer de suite en direction de frère Jörzic qu'il enmena à l'écart afin de le questionner.

Il resta donc face à Gratien, Hrthrod se tenant à ses côtés. Il voyait bien que le notable tournait autour du pot et tarder à leur demander de l'aide. Il ne le laissa pas plus longtemps avec son mal-être et prit la parole.

- Soyez assuré de notre aide dans cette histoire Sieur Boilivier. Mais il nous faut agir rapidement, aussi je vous serez gré de nous raconter tout ce que vous savez de ces disparitions, sans rien omettre. De même, si vous avez vu des choses anormales dans le village, faîtes nous en part.

Kyron prit quelques secondes de réflexion et questionna à nouveau le notable.

- Dites-nous également si combien d'enfants ont disparu, les lieux des disparitions et depuis quand ces crimes ont-ils lieu. Nous partirons ensuite à leur recherche et tenterons d'élucider ce mystère.

Kyron perdait patience et espérait toute la coopération du bourgmestre. Il lança un rapide coup d'oeil à la guerrière comme pour lui demandait si il n'oubliait rien.

Les choses évoluaient, le groupe avait finalement pris le parti d'accepter rapidement Kyron comme leur meneur. C'était un bien du moment que cela rompait les bavardages stériles.
N'ayant soufflé mot jusqu'à leur arrivée chez le notable, Hrthrod ne put s'empêcher de glisser une remarque à l'attention des réflexions du nain.
- Cessez donc de geindre à tout bout de champ, ceci ne sied guère à un guerrier. Remerciez plutôt les autres d'être si prompts à vous porter assistance au lieu de maugréer dans votre barbe.
Elle avait dit cela sans méchanceté mais d'un ton ferme et d'une force de caractère flamboyante.
N'ayant pas attendu de réponse elle s'était retournée, entrant dans la bâtisse.

Elle écoutait à présent Gratien expliquer la situation; bien que faire des ronds de jambes aurait été un terme plus approprié.
La jeune et fougueuse guerrière se leva et exhorta le bourgmestre d'une voix forte en ces termes:
- Il suffit avec vos palabres ! Nous sommes tous pendus à vos lèvres et vous ne savez que minauder ! Dites donc ce qu'il en est et ce que vous attendez exactement de nous au lieu de vous cacher derrière je ne sais quoi...
Embrassant d'un geste large du bras ses compagnons:
- Aucun de nous n'est mercenaire ! Notre chef vous expliquera mieux la chose que moi mais sachez que nous sommes tous ici parce que vous avez besoin d'aide et que nous désirons vous en apporter.

MJ

Alors qu'Arzoth et Nialëanne, auxquels s'était joint Glaive, assuraient une surveillance efficace de l'extérieur, les conversations allaient bon train chez le bourgmestre. Ayant entraîné le prêtre un peu à l'écart, Grayback essayait d'obtenir de nouveaux détails, d'une source différente.

Appuyé contre le manteau de la cheminée maintenant éteinte, Frère Jörzic sourit avec indulgence avant de répondre :
- Ne soyez pas trop dur envers messire Boilivier. Mener un village, même un hameau aussi insignifiant que Miryal, n'est pas de tout repos. Je peux vous assurer que notre bourgmestre ne vous cache rien, mais sa fierté, mal placée je vous l'accorde, le fait hésiter à demander une aide dont il aurait pourtant le plus grand besoin. Depuis les premières disparitions, il ne ménage pas sa peine pour trouver des indices, mais ce n'est pas avec six malheureux miliciens que nous pouvons faire régner l'ordre dans la région. Ne vous méprenez pas, nos miliciens sont de braves gens, ce n'est pas ce que j'ai voulu dire, mais ce ne sont pas de vrais combattants et ils ont déjà fort à faire pour contrôler le village. Messire Boilivier multiplie les courriers vers Mathias Sonnecorbeau, notre seigneur, à Haute-Garde, mais il semblerait que ce dernier soit plus au nord en train de guerroyer contre son cousin. Les nombreuses requêtes sont systématiquement éconduites par messire Fodel Dotsk, son intendant, qui sous-estime la menace. Le prêtre plissa les yeux et hésita un instant. Puis, lentement, il poursuivit. "Maintenant que vous m'en parlez, il est vrai que depuis quelques temps, oui, ça doit coïncider avec les premières disparitions, on m'a fait part d'étranges individus qui traîneraient dans nos murs. Je n'y attachais pas beaucoup d'importance, ne les ayant jamais vu moi-même, mais l'attentat dont votre ami a été victime semble me donner tord."

Confortablement installé dans un fauteuil, Gratien faisait face à Kyron et Hrthrod. Lorsque l'ensorceleur commença son discours en l'assurant de son aide, le soulagement fut clairement visible sur le visage marqué de l'homme. Rassuré, il soupira de soulagement :

- Merci, merci mes amis. Chauntéa a entendu mes prières en vous envoyant à Miryal... Vous avez raison, ne perdons pas plus de temps. Les disparitions ont commencé voilà environ quatre mois et touchent également les deux autres hameaux qui sont à la lisière de la forêt. Je ne sais pas combien d'enfants au total ont été victimes de ces rapts. Pour notre seul village, nous déplorons la disparition de neuf enfants âgés de sept à dix ans, garçons et filles. Le dernier en date est le petit Arus, le protéger de notre prêtre qui a été enlevé, du moins nous le supposons, hier matin alors qu'il était parti pécher près du ruisseau qui ne coule pourtant qu'à une centaine de mètres de la palissade. Jusqu'à présent, ces enlèvements avaient lieu alors que les enfants étaient seuls. Nous n'avons pas l'habitude d'enchaîner notre jeunesse et ils avaient l'habitude de jouer dans la forêt alentour, aucune menace sérieuse n'ayant été détectée jusqu'à là. Il n'y a pas de schéma établi pour ces kidnappings. On dirait, à chaque fois, que l'occasion fait le larron, ce qui laisserait entendre que notre village est sous surveillance constante. On m'a également rapporté la présence de personnes à l'attitude louche, qui sembleraient rôder dans nos murs et espionner ce qu'il s'y passe, mais je n'ai jamais pu confirmer cette information, ma pauvre milice n'étant pas suffisante pour protéger à la fois l'intérieur et les abords de Miryal. Le bourgmestre semblait retrouver peu à peu son assurance. La certitude de recevoir une aide pour résoudre ses problèmes y était pour beaucoup. "Soyez assurés que je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour vous aider. Nous sommes pauvres, mais demandez ce que vous voulez et nous essaierons de vous le procurer. La vie de nos enfants n'a pas de prix."

A ce moment, venant de l'étage, un léger craquement se fit entendre, comme si quelqu'un bougeait dans la pièce au-dessus.

Kyron était en train d'écouter le récit deu sir Boilivier avec une attention soutenue, ne voulant rien laisser échapper d'un éventuel indice. Le chef du village semblait maintenant détendu et parlait plus ouvertement des derniers évènements Ainsi plusieurs hameaux subissaient les méfaits de ces gobelins, il devenaiturgent d'intervenir.

Quand le plancher de l'étage craqua, comme sous le poids d'un homme, le jeune ensorceleur tourna d'instinct le visage en direction de Hrthrod, écarquillant ses grands yeux verts. Il fit alors un signe agitant son index de haut en bas tout en posant l'autre sur ses lèvres afin de lui faire comprendre qu'il fallait monter voir ce qu'il y avait là haut sans bruit. Il se tourna alors vers Grayback et lui murmura en éxagérant l'articulation de ses mots afin qu'il comprenne le mieux possible.

- Je monte voir avec Hrthrod, sort prévenir les autres de se tenir sur leurs gardes au cas où quelqu'un s'échapperait par le toit.

Kyron se leva alors de son siège, faisant un geste à la jeune guerrière afin qu'elle passe en avant, conscient qu'elle serait plus efficace que lui en cas de corps à corps. Son coeur battait la chamade en suivant la guerrière, ne sachant ce qu'ils allait découvrir à l'étage. Il tenait fermement son bâton et était prêt à incanter pour soutenir son ami si nécesaire.

La présence d'un danger potentiel ramena immédiatement Hrthrod à sa réalité de combattante.
Elle interrogea d'un signe de tête le bourgmestre afin qu'il lui désigna l'emplacement de l'escalier conduisant à l'étage.
Incitant d'un signe Gratien à continuer de parler, elle se dirigea dans la direction qu'il lui avait indiqué le plus silencieusement possible.
Prenant fermement de ses deux mains sa hache, la guerrière avança, les machoîres serrées, emboîté sur ses pas par Kyron.
Elle veillait à bien protéger son compagnon, quitte à faire écran de son corps. Il n'y aurait certainement guère plus d'un homme et celui-ci ne serait sûrement pas lourdement armé, ni armuré au vu du peu de tapage qu'il avait engendré.
Spéculant sur ce qu'ils allaient trouver, son esprit s'affûtait, ses sens s'aiguisaient.

La rodeuse rendit son sourire à Arzoth, amusée par l'attention que lui portait le petit personnage, elle lui adressait maintenant quelques remerciements, à mi-voix et l'oeil vigilant, mais même si elle ne le regardait pas elle paraissait bien plus amicale qu'à l'accoutumée:



Son sourire s'affina tandis qu'elle laissait errer son regard vers le nain dans un malencontreux hasard... Un discret clin d'oeil à l'intention du halfelin vint confirmer qu'elle plaisantait, retournant par la suite à son observation des alentours, toujours l'arc en main; ordre donné par un humain ou pas, elle semblait se plaire dans ce rôle de sentinelle.

Ignorant ouvertement la présence du nain, elle respirait à plein poumon la journée ensoleillée, plus apaisée qu'auparavant malgrès la vie humaine qui suivait inlassablement son cours dans les ruelles du village.