La Graine, Blingabel, Christal

Les yeux de la prêtresse de Sharess s'écarquillèrent quand elle comprit d'où la vieille inconnue tenait ses informations.

-Des visions...souffla-t-elle.

Elle se demanda silencieusement quel dieu ou quel esprit lui accordait ce pouvoir. C'était une question qu'elle garderait pour plus tard. Christal fut très intéressée par la description que la vieille fit du bois de Padhiver. Elle avait entendu dire, sur la route qui la mena jusqu'à Eauprofonde notamment, que le bois en question était enchanté, plein de monstres et de créatures merveilleuses, mais ce qu'elle avait surtout retenu, c'était tout ce qui concernait les sources chaudes! Elle s'était imaginée se baigner nue dans l'eau fumante du fleuve, batifollant avec des fées adorables, de beaux elfes des bois...

Aujourd'hui, ce qui retint son attention fut la possibilité d'aider son ami Raffard. Et bien d'autres! Le Pouvoir...

Si les deux compères se faisaient passer pour mère et fille accompagnant grand-mère faire les emplettes, elles pourraient se rapprocher de la demeure Renaudin discrêtement. Peut-être que la vieille verrait quelque chose...

Très bien je marche. Dit-elle d'un ton décidé. Elle planta son regard d'acier dans celui de la gnomette :

- Accompagnons mamie... Mamie qui d'ailleurs? ... Accompagnons là jusqu'au lieu en question. Nous verrons bien ce qu'elle peut nous apprendre! Et en chemin, vous pourriez cher madame nous en dire plus sur ce fameux lieu, ce pouvoir?

Si la gnomette était partante, la prêtresse hèllerait Koraline afin qu'elle leur fournisse quelques accoutrements de citadin sédentaire. La robe qu'elle portait faisait déjà l'affaire, ne manquait plus qu'infantiliser d'avantage Blingabelle, dissimuler leurs armes et elles seraient fin prêtes.

Blingabel ne saisit pas du tout le double sens contenu dans la remarque de la bonne femme au sujet des hommes en robe. Au contraire, elle était toute heureuse d'avoir trouvé une interlocutrice qui semblait admirer à sa juste valeur l'humour gnome. Sa joie monta encore d'un cran à l'évocation du Rouge qu'elle recherchait sans relâche depuis de longs mois. L'illusionniste avait presque perdu tout espoir de lui remettre la main dessus avant, au bas mot, plusieurs nouveaux mois d'enquêtes et de poursuites dans d'innombrables contrées. Sans qu'elle puisse l'expliquer, les propos énigmatiques qu'elle venait d'entendre lui rendaient un peu d'espoir.

La jeune gnome regarda la vieille avec une un mélange de fascination et d'étonnement non feinte lorsqu'elle s'aperçut que son interlocutrice semblait avoir un certain don pour lire dans les pensées. Ce qui ne pouvait pas manquer d'émerveiller l'insatiable petite curieuse qu'elle était.

- Ouah, vous pouvez lire dans mes pensées ? Hey, vous ne voulez pas m'apprendre comment on fait, mamie ? J'ai toujours rêvé de pouvoir faire ça !

La bonne femme semblait attacher une grande importance au bois de Padhiver. Blingabel fit donc mentalement l'inventaire de ses connaissances sur le sujet. Elle avait sans doute compulsé par le passé un livre ou deux qui évoquaient cet endroit dans la bibliothèque familiale. A moins que ce ne soit son grand-père qui lui en ait parlé durant l'une de ses leçons. Quoi qu'il en soit, la jeune gnome se souvenait à présent de quelques informations intéressantes sur le sujet. Le moins que l'on puisse dire, c'est que ce bois était entouré d'une aura de mystère et qu'il semblait receler quelques étranges secrets. Blingabel fit donc un bref signe du regard à Christal pour indiquer qu'elle voyait à quel endroit la vieille faisait référence. Dès qu'elles seraient seules, la magicienne en profiterait pour lui faire part de ses connaissances.

- Si on peut trouver quelque chose qui nous permette de retrouver Raffard, et par la même occasion de m'aider pour mon Rouge...

Tout cela semblait un peu trop beau pour être vrai. La vieille ne leur disait sans doute pas tout. Quel intérêt pouvait-elle avoir dans cette histoire ? Si la jeune gnome appréciait l'étrange vieille femme qui ne cessait de l'étonner, elle était loin de lui faire une confiance absolue. Quoi qu'il en soit, Blingabel n'avait aucune autre piste pour retrouver son thayen, et la situation de Raffard était une énigme qu'elle souhaitait beaucoup pouvoir résoudre. Et une petite mise au vert ne pouvait pas lui faire de mal, surtout dans un endroit aussi "spécial".

- ...j'en suis volontiers !

- Comment je fais ? Si je pouvais m’en souvenir ! Ca fait tellement longtemps que je n’ai aucune idée de quand ça a commencé ou pourquoi. Tu ne devrais pas rêver de ce genre de chose, c’est autant un don qu’une malédiction ! Si tu savais à quoi les gens pensent parfois [pufff puff]

La vieille prit une inspiration comme si sa dernière tirade lui avait ôté tout son souffle. Quelque chose d’étrange traversa son regard, comme un souvenir douloureux, mais ses yeux étaient trop enfoncés dans les plis de son visage que pour être assez explicites.

- Mamie m’ira très bien ma belle.

Quand la vieille eut terminé son verre et Koraline apporté à Christal un chaud manteau qui la protègerait des intempéries qu’ils ne pourraient éviter toujours et à Blingabel des vêtements moins excentriques que ceux dont elle appréciait se vêtir, les trois dames se remirent en route vers le manoir Renaudin. Ou ce qu’il en restait.



- Ce lieu ma belle? Il n’est ni ici ni maintenant, non c’est plus tard et ailleurs mais ça n’a pas d’importance [hihi hi] tu me prends pour une vieille folle hein? Tu n’as pas tout à fait tort. C’est un gouffre, une porte. Et au milieu, il y a une graine, on pourrait parler d’une cosse je suppose mais on ne peut pas la voir en se promenant comme ça, il faut trouver un guide et réussir à le convaincre.

Sorties de chez Gunnar, les corbeaux se couchèrent, dociles, sur les épaules de Mamie au point qu’on put douter qu’ils soient vivants. Malgré son âge inimaginable, elle avançait sans peine à l’allure de la gnome et elles arrivèrent rapidement devant le pont de cordes. Les oiseaux marins et le ressac se répondaient, se jouant du vent qui soufflait fort contre la falaise. Quelques curieux semblaient scruter l’éperon rocheux sur lequel se tenait la masure et dont il ne restait qu’un chaos de roche et de bois. Il ne faisait plus que la moitié de sa hauteur.

Aux alentours, on pouvait voir quelques barques de courageux ou d’intrépides qui espéraient sans doute trouver quelques richesses dans les décombres.

- Oh. Elle était belle elle aussi … mais tellement triste, et noire ! Plus sombre que vous mes beaux –dit la vieille en flattant ses oiseaux en inclinant la tête- Combien de haine dans son cœur ! Sa noircit tout le reste ! Et l’autre Rouge … vaniteux … avec tous ses Gobelins … et …

La vieille tomba au sol, comme un château de cartes s’effondrant sur lui-même. Les corbeaux croassèrent en battant largement des ailes pour ne pas chuter avec elle. Elle fut prise de spasmes et de râles puis, aussi vite que la crise était arrivée, elle se calma.

- [gnnee … gneéé …] Ne vous inquiétez pas, ça m’arrive parfois … Vous n’avez pas vu les sous-sols n’est-ce pas ? Ou je n’aurais pas vos jolis trognes. –se relevant dans son tas de vêtements sombres, elle toussa, geint, toussa encore et s’épousseta. – ça m’apprendra à vouloir aider les jolies demoiselles amoureuses … [gnii pfff] votre corbeau était triste à en mourir et il a disparu… mais sa flamme ne s’est pas éteinte ma grande même si je me demande comment s’est possible…

Dans les ruelles, le trio générationnel sembla passer inaperçu. Christal écouta avec attention la description floue que fit la vieille du fameux lieu de Pouvoir dont elle vantait les mérrites à la taverne. Ce langage évasif, cette façon de ne rien dire, c'était pire que chez certains instructeurs et haut prêtres du temple de Sharess ayant abusé d'épices. La prêtresse sentit que cela l'agaçait mais elle étouffa cette sensation, d'une part, de peur d'être lue, de l'autre, par sagesse...seul la patience porterait ses fruits. Mais ah... Que c'était dur... Pourquoi les anciens ne pouvaient-ils pas être plus clairs, plus directe?

Elle arrivèrent à l'éperon rocheux. Mamie déballa quelques infos, puis s'éffondra. Question discrétion, c'était le pompon. Plus concernée par sa santé, à cet instant, la prêtresse se précipita pour l'aider et la redresser, quand la vieille reprit ses esprits.

-"Par tout les dieux, Mamie, vos crises sont impressionnantes. On dirait que vous mourrez... "

"Non nous n'avons pas eu le temps de tout...visiter...disons."

"Raffard est donc encore vivant? Encore lui même, quelque part? Où est-il? Vous avez vu? Venez, venez...allons nous assoire, nous avons à parler."

Christal chercha un lieu proche, des tonneaux retournés, une petite taverne, quelque part où discuter très sérieusement avec mamie.

Maintenant que nous savons qu'il y à de l'espoir, allez-y, dites nous tout, je vous en conjure. Dites nous pourquoi êtes vous entrée chez Gunar, je suis sûre que ce n'est pas par hasard! Qui sont ces corbeaux sur vos épaules, pour sûr! Voilà encore un coup du destin! Où trouver ce guide à convaincre? Comment? Le temps presse mamie! S'il vous plaît! Dites nous tout ce que vous savez! Que voulez vous en échange? Qui êtes vous?"

La jeune indulgente s'emballa un peu dans ses questions, son sang bouillonnait dans ses veines, elle sentait que le temps serait un facteur important dans cette quête. Car si vraiment cette Cosse magique existait, et que la mamie se balladait en colportant l'information à qui pensait trop fort, les deux compères ne seraient pas les seules à la chercher. Et si ce n'était que chimère...il faudrait vite passer à autre chose...

Quand Christal souhaitait hardamment quelque chose elle y mettait toute son âme. Sans forcément en être complètement consciente, elle se laissait inspirer par la Dame des plaisirs, sa posture, son ton, l'intensité de son regard, tout s'adaptait à son interlocuteur, afin de l'adoucir, d'éveiller en lui l'envie... L'envie d'aider, l'envie de faire plaisir... La séductrice voyait en ces instants son charisme décuplé, et de ce fait, sa capacité à se faire apprécier également.

Christal active le don de domaine " charme" et test de diplomatie sur la vieille pour influencer son attitude plus positivement encore si possible.

La déception de la jeune gnome de ne pas se voir enseigner la fabuleuse faculté de lire dans les pensées des autres ne dura pas bien longtemps. En effet, la description du non moins fabuleux bois occupait déjà toute la place disponible dans son esprit. Blingabel s'imaginait déjà raconter devant une assemblée de gnomes suspendue a ses lèvres, comment elle avait rencontré de merveilleuses créatures sylvestres et mis la main sur quelques trésors extraordinaires. Il suffisait d'ailleurs que Mamie lui déconseille d'aller voir la Banshee pour que la petite curieuse n'ait plus envie que d'une seule chose : rencontrer cette créature.

Blingabel garda toutefois ce désir pour elle, dans la mesure où elle n'était pas totalement sûre que Mamie et Christal approuveraient ce projet. Sur la route, la magicienne se désintéressa un peu des obscures élucubrations de Mamie, pour câliner son familier. Celui-ci lorgnait les corbeaux d'un drôle d'air, et quelque chose lui disait qu'il avait bien l'intention d'aller les taquiner. Ceci dit, les coups de bec des volatiles pouvaient être bien dangereux pour la petite créature. C'est pourquoi la jeune gnome entreprit donc de lui faire morale et de le garder à l'oeil. Après tout, un seul corbeau était aussi grand, si ce n'est plus, que Farceur.

La jeune gnome s'interrompit aussitôt lorsqu'elle entendit le mot « Rouge » sortir des lèvres fripées de la vieille. Elle n'eut toutefois guère l'occasion de dire quoi que ce soit que Mamie s’effondrait. La jeune gnome e précipita à l'unisson de Christal pour l'aider à se relever.

La magicienne restait à présent perplexe devant la situation. Cette vieille femme était vraiment une énigme à part entière. La jeune gnome n'ajouta rien de plus pour le moment, attendant de voir si elle allait répondre aux questions de Christal.

- Que je meure … oui … c’est peut-être le cas …[peff pfff] Une chose à la fois ma belle, une chose à la fois…

La vieille agitait les mains comme un pantin, trop de questions, trop vite, alors qu’elle venait de proprement défaillir. Elle se traina à quelques mètres et s’assit sur un banc de pierre, invitant l’indulgente à prendre place à ses côtés.

- Parfois les visions comme tu dis sont trop fortes et je sens le fil de ma vie s’étendre jusqu’au point de rupture … mais jusque-là je me suis toujours réveillée. Ce n’est pas ton Raffard qui m’a mis dans cet état-là, il y avait quelque chose de beaucoup plus ancien ici. Je ne sais pas où il est ou s’il est encore lui-même, non, je ne sais pas. Je sais juste que son fil est toujours là. A un moment au moins il a été corbeau, vous ne vous étiez pas trompé, puis il y a eu cette lumière sombre et … je ne sais.

La vieille se voulait aidante, sincèrement touchée par les requêtes de la prêtresse ou sous l’effet de son charme, c’était difficile à dire mais elle se fit plus prolixe encore qu’elle ne l’avait souhaité.

- Voilà bien longtemps que je vais voir ce bon Gunnar et que Koraline m’offre à boire. C’est pour elle que je venais. Vous saviez qu’elle attend un enfant ? Mais quand je suis arrivée vos visions ne m’ont pas laissé le choix, ça marche un peu comme ça tu vois. Si il y a bien une chose que je sais c’est que quand c’est comme ça, c’est important et c’est mon rôle de transmettre ce que je sais.

Le corbeau de droite ouvrit grand les ailes, comme s’il était contrarié qu’on n’ait pas encore de lui... et quelque chose dit à Blingabel que c’était probablement le cas. De tous les oiseaux, les corbeaux étaient les plus intelligents, elle le savait.

- Oui mon beau, oui … Je vais leur dire d’où vous venez. Je vivais à Padhiver voyez-vous ? Il y a très longtemps ! Nous étions sur les routes, mon mari et moi, la route de commerce vers Luskan et le Nord. Pendant des lieues la route longe le Bois de Padhiver. Nous avions fait cette route souvent… Un jour, nous avons été attaqués. Par hasard je crois. Pas par des orcs ou des brigands, non non, par des Elfes d’Eldreth Veluuthra, je n’oublierai jamais ce nom … Je me suis enfuie, dans les sous-bois, suivant une curieuse petite créature toute verte qui riait … Je suis tombée et j’ai perdu connaissance. Quand je me suis réveillée, ces deux corbeaux étaient là, près de moi. Ils m’ont ramené à la route ou une caravane de saltimbanques m’ont trouvé. Ils m’ont raconté que mon mari n’avait pas eu ma chance, ils avaient enterré mon mari à l’endroit de l’attaque. Son charriot avait été pillé, il n’en restait rien. J’ai découvert mon ‘don’ et les ait accompagné un temps, jouant les diseuses de bonne aventure [haha] la bonne blague … Je les ai suivi jusqu’ici, Eauprofonde, pour retrouver une sœur morte depuis longtemps, la grand-mère de Gunnar, mais ne lui dites rien, il ne le sait pas.

Les yeux de la vieille s’étaient remplis de larme d’évoquer le passé de la sorte.

- Tu vois, le temps, on finit par ne plus lui courir après. C’est l’age qui fait ça. Pour le guide, il vous trouvera, c’est un Grig qui m’a sauvé des Elfes, avec de la chance vous en convaincrez un de vous aider. Il n’y a pas de hasard mes belles.

Blingabel commençait à se demander si la vieille bonne femme n'avait pas une araignée au plafond, tant ses propos étaient parfois décousus. Toutefois, Mamie s'était révélée très attachante, et semblait jusqu'à présent tout à fait sincère. La jeune gnome avait envie de croire qu'elle agissait pour leur bien, sans arrières pensées. Au milieu de ses élucubrations, il semblait d'ailleurs possible de discerner des informations utiles. En l'écoutant, Blingabel commençait à comprendre un peu mieux la nature de son fameux don. Celui-ci se révélait bien différent de ce que la magicienne s'était initialement imaginée.

- Ce don n'a pas l'air si marrant que ça. Je ne suis plus certaine de vouloir l'avoir, finalement...

En effet, être assaillie de visions d'un moment à l'autre n'avait rien de très drôle. Blingabel compatissait sincèrement devant la vieille femme qui semblait crouler sous le poids d'un don qui la dépassait. Mamie ne semblait d'ailleurs pas avoir eu une vie toujours rose, et la gnome se sentait d'un seul coup très triste pour elle. Elle aussi avait subi une attaque. Elle aussi avait perdu un être cher. Elle comprenait ce que c'était que de voir sa vie basculer du jour au lendemain. Dans les larmes qui remplissaient les yeux de la vieille femme, Blingabel retrouvait ses propres larmes qu'elle avait tant versé.

La magicienne secoua la tête pour tenter de chasser les souvenirs qui la torturaient encore si souvent. Elle avait pris la route en grande partie pour oublier. Pour ne plus revoir chaque jour la maison familiale, pour ne plus reprendre la route qu'elle prenait quotidiennement avec son père... Tout cela lui revenait en pleine face lorsque Mamie parlait de ses propres malheurs. Blingabel tenta de se ressaisir en interrogeant Mamie. Elle se posait de nombreuses questions sur ces fameux elfes.

- Mamie... Pourquoi les elfes en avaient-ils après-vous ? Et qu'est ce donc qu'Eldreth Veluuthra ? Risque-t-on de les rencontrer ?

Christal accompagna mamie sur le banc en entraînant la jolie Blingabelle avec elles. Elle s'installèrent autour de la vieille bonne femme tout en l'enlassant pour l'aider à se maintenir assise.

*une lumière sombre... Qu'est- ce que cela pourrait être? *

Christal hocha la tête, compréhensive, en écoutant les récits de mamie. Elle était donc de la famille du bon Gunar, mais il ne le savait pas? Pourquoi donc? Pourquoi ce secret ? La prêtresse était très curieuse de nature et surtout, de par sa formation d'Indulgente, un peu sexolgue, psychologue conjugale ou familiale, au temple, on remplissait toute sorte de devoirs pour les fidèles... Elle se demandait bien pourquoi Mamie n'offrait pas à Koraline le plaisir de savoir qu'elle avait une grand tante vivante, qui pourrait leur conter des histoires sur leurs aiyeux qu'elle avait connu de leur vivant. Elle aurait abordé ce sujet si d'autres questions ne suplentaient pas ces préoccupations. Blingabelle faisait bien de se renseigner sur ces elfes! Christal imaginait les elfes comme des êtres sexys, efféminés, raffinés, exotiques, cultivés! Même les elfes noirs semblaient atreyant dans ses fantasmes! Pourtant ceux là étaient des bandits, des assassins! Pourquoi donc? Étaient-ils drows?

-"Oui et le Grig, Mamie? Il parle le comun? Il est amicale? Qu'est ce qu'il aime? Où vivent-ils? C'est le Grig qui vous a parlé du pouvoir de la graine?"

Tout n'était toujours pas claire...

- Eldreth Veluuthra… -la vieille cracha par terre, tremblotante- Ce sont des Elfes, oui oui, aussi beaux et pleins de grâce qu’on puisse les imaginer. J’en avais déjà vu, même s’ils sont moins nombreux que les humains, certains se sont installés dans les grandes cités, mais ceux-là n’avaient rien à voir avec ceux que vous croiseriez ici … Non, eux ce sont des sauvages … et ils en sont fiers ... Je vous ai dit que ce sont les saltimbanques qui m’ont dit qui ils étaient ? Ils nous haïssent. Pour eux, nous détruisons leur monde, balafrant leur terre en y traçant des routes pour faire passer des chariots pour lesquels nous avons coupé leurs arbres, sans vergogne. Ils nous voient pire que des Gobelins, à nous multiplier encore et encore, comme une maladie qui ronge tout. Les plus fanatiques d’entre eux s’en prennent même aux Druides qu’ils accusent d’avoir volé leurs secrets pour en tirer profit. Oui … tous ceux qui longent la forêt risquent de les rencontrer. Leur folie ne les rend pas téméraires pour autant, ils ne s’attaquent pas aux grosses caravanes … par contre … les couples d’humains insouciants …

Elle cligna des yeux, remplaçant un souvenir par un autre.

- Sais-tu ce qu’un Grig ma belle ? C’est une toute petite créature, une sorte de fée, grande comme ça –écartant les bras, elle montra un peu moins d’un demi-mètre-- Celle qui m’a aidé avait une grosse touffe de cheveux verts et tenait dans ses mains le plus petit violon que j’ai jamais vu. Elle était nue sur des pattes de grillons, bondissant en s’aidant de ses ailes, comme elle était belle ! [PUFF PUFF] Elle était triste de nous voir attaqués et pendant qu’elle chantait, la végétation bougeait autour de nous pour nous laisser courir puis se refermait pour empêcher les autres de nous suivre.

Elle se fait alors plus sérieuse et chassa le demi-sourire qui se dessinait sur ses lèvres ridées

- J’ai eu ma première vision juste avant de me réveiller… de la cosse et tout ça, d’un gouffre, profond, sombre et froid et le savoir que cette Graine était une source de puissance énorme. Je ne savais pas que mon mari était mort, je voulais juste le retrouver et les oiseaux m’ont ramené sur la route. Je vous l’avais dit non ? Je suppose que le Grig parlait le commun, oui, il me semble, nous n’avons pas pris le temps de prendre le thé et de parler de nos goûts mais je suis sûr qu’elle aimait la musique. Mais comment le trouver ? C’est une bonne question ! [humpf] Oui, vraiment une bonne question … vous savez jouer de la musique ?

Cette fois, mamie eut le mérite d'être claire et presque concise. La jeune pretresse pour qui la patience n'était pas une qualité notoire fut repue d'informations, pour quelques minutes au moins. Elle lança plusieurs fois des regards apuyés à sa comparse Blingabelle. Des elfes qui, d'après les gestes de la vieille et vénérable conteuse désignant un "nous" composé d'elle même et christal, détestaient les humains au point de les massacrer, sans parler du froid dans cette région, et du fait que la suivante de Sharess n'avait aucune idée de comment se procurer eau et nourriture dans ce bois maudit ou enchenter du moins, que toutes les deux avaient plutôt la dégaine de nourriture pour les habitants de ce bois... Le jeux en valait-il la chandelle?

La curiosité de la prêtresse était toutefois piquée au vif! Le Grig avait l'air si merveilleux! Et la Graine si puissante!

-"Hmmm...non, "répondit-elle songeuse," je ne joue pas d'instrument.... Mais j'ai inspiré quelque barde à PortCalim, je dois avouer... Ma spécialité étant plutôt.. Hmm... Ma souplesse disons... Et ma douceur vous voyez, je sais être agréable... Enfin bon...(construction)
Et toi Bling tu joues de quelque chose?"

Et malgré ses vantardises, une sorte de simplicité faisait qu'on pouvait bien la croire.

Christal cogitait, tout en frotant doucement le bras de mamie comme pour la rechauffer, en prenant soin de ne pas déranger les oiseaux assez territoriaux. Elle avait peur des elfes, c'était certain.

* Trouver cette graine serait fantastique, mais serai-je de taille à affronter les danger de cette forêt, seule avec la gnomette. Elle a beau être magicienne... Elle parait si fragile! Et comment nous y prendre pour trouver le Grig et le convaincre de nous guider? On pourrait lui ramener un tout petit instrument, ou encore... Si je lui faisait un massage ou que je lui enseignait... Non... Il nous faudra bien nous équiper et puis... Nous armer de courage et prier les dieux. Raffard... Pourrais-je t'aider? As-tu seulement l'envie d'être aidé?*

Finalement, là était tout le problème. Si la gnomette nourrissait une haine assez profonde pour lui permettre d'affronter tout les dangers, Christal elle, était en proie au doute. Le sentiment d'abandon généré par la disparition soudaine de son amie Doreah ainsi que par celle de son nouvel ami Raffard avait grièvement entamé l'assurance légendaire et le grain de folie de la disciple de la Reine des Plaisirs. Car ces amis l'avaient peut-être abandonné volontairement. Doréah avait décidé de partir sans elle, pour plus de sécurité sois-disant. Et Raffard! Raffard avait choisi l'amour d'antan, la chef du Mal, la morte! Ce qui l'avait mené à disparaître sous les décombres! L'un comme l'autre avaient-ils été contraints? Christal en doutait. Ce simple doute lui faisait tout aussi mal sinon plus, que la perte elle même. Elle qui ne supportait pas déplaire ni être repoussée.

Quoi qu'il en soit, la prêtresse se resaisirait, car il n'était pas dans son tempérament de plier, ni d'échouer, ni d'abandonner. Mais pour l'heure, elle avait pensé bien fort et éspèrait ne pas avoir disturber mamie à nouveau, elle semblait déjà si fatiguée.

L'Indulgente lui proposerait de la raccompagner afin qu'elle puisse se reposer, puis aurait une sérieuse conversation avec sa compère.